COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT EN MATIERE DISCIPLINAIRE
DU 12 DECEMBRE 2019
AV
N° 2019/ 11D
RG 19/08955 -
N° Portalis DBVB-V-B7D-BEL3G
[W] [W]
[H] [L]
C/
Thierry TROIN
Nathalie BEURGAUD
ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE NICE
MONSIEUR LE BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DE NICE
PROCUREUR GENERAL
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Jean-louis KEITA
Me [A] [C]
Me Michel FARAUD
Monsieur Thierry VILLARDO
Recours à l'encontre de l'élection du bâtonnier et du vice bâtonnier du barreau de NICE
DEMANDEURS AU RECOURS
Madame [W] [W]
née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1] (SUEDE) (14558), demeurant [Adresse 1]
comparante en personne, assistée de Me Jean-louis KEITA de l'ASSOCIATION KEITA J L KEITA S., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [H] [L]
né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 2] (HAUTE CORSE), demeurant [Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Jean-louis KEITA de l'ASSOCIATION KEITA J L KEITA S., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
DEFENDEURS AU RECOURS
Maître Thierry TROIN
demeurant [Adresse 3]
comparant en personne, assisté de Me [A] [C], avocat au barreau de NICE
Maître Nathalie BEURGAUD
demeurant [Adresse 3]
comparante en personne, assistée de Me [A] [C], avocat au barreau de NICE
ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE NICE, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Michel FARAUD de la SCP LEXARGOS, avocat au barreau de GRASSE
En présence de :
MONSIEUR LE BATONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS DE NICE, demeurant [Adresse 3]
pris en la personne de Me Thierry TROIN, comparant en personne,
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL D' AIX EN PROVENCE, Palais Monclar - Rue Peyresc - 13616 AIX EN PROVENCE CEDEX
représenté par Monsieur Thierry VILLARDO, avocat général
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue en audience publique le 26 Septembre 2019, en accord avec les parties, en audience solennelle tenue dans les conditions prévues par l'article R 312-9 du code de l'organisation judiciaire devant la Cour composée de :
M. Eric NEGRON, Premier Président de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Madame Anne VIDAL, Présidente de Chambre
Mme Véronique NOCLAIN, Présidente de Chambre
Mme Florence TESSIER, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Marcy FEDJAKH
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Décembre 2019.
Ministère Public : Monsieur Thierry VILLARDO, Avocat Général, présent uniquement lors des débats
ARRÊT
Contradictoire
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Décembre 2019.
Signé par M. Eric NEGRON, Premier Président de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence et Madame Agnès SOULIER Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme Anne VIDAL, Présidente, est entendue en son rapport.
Me Jean-Louis KEITA,est entendu en ses observations.
Me Michel FARAUD, est entendu en ses observations.
Me [A] [C], est entendu en ses observations.
Me Thierry TROIN, Bâtonnier en exercice, est entendu en ses observations.
Monsieur Thierry VILLARDO, avocat général, est entendu en ses réquisitions.
Maître TROIN et Maître BEURGAUD ont eu la parole en dernier.
Sur quoi, les débats sont déclarés clos et l'affaire mise en délibéré, les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe de la cour le 12 Décembre 2019.
Par requête déposée au greffe de la cour le 4 juin 2019 par Me KEITA, avocat, Mme [W] [W] et M. [H] [L] ont formé un recours en annulation de l'élection du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nice pour la période courant jusqu'au 31 décembre 2019 qui a eu lieu lors des assemblées générales du barreau des 21 mai 2019 (1er tour) et 28 mai 2019 (2ème tour), en application des dispositions de l'article 12 du décret du 27 novembre 1991.
Ils exposent qu'à la suite de l'arrêt du 11 avril 2019 rendu sur renvoi de la Cour de cassation par la cour d'appel de Lyon qui a annulé l'élection de Maître [H] [L] en qualité de bâtonnier et de Maître [W] [W] en qualité de vice-bâtonnier, Me [Q] [K] qui a été désignée, par ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Nice du 24 avril 2019, comme bâtonnier suppléant, a organisé l'élection du bâtonnier remplaçant jusqu'au 31 décembre 2019.
Ils soutiennent que l'annulation de cette élection est encourue en raison :
- de la campagne de dénigrement qui a été menée contre eux, notamment par la distribution d'une lettre anonyme sous l'en-tête du CANDELABRE (Collectif d'Avocats Niçois pour la Défense Energique, Libre et Acharnée du Bien de notre Robe) qui a suscité un grand émoi au barreau de Nice et par l'intermédiaire des réseaux sociaux,
- des irrégularités dans les opérations de vote du fait d'anomalies dans les procurations lors du second tour,
- de la qualification donnée par le bâtonnier suppléant à l'élection d'un bâtonnier 'remplaçant', cette dénomination démontrant sa partialité.
Mme [W] [W] et M. [H] [L] ont déposé, le 24 septembre 2019, des conclusions, portées à la connaissance des autres parties en la cause et du ministère public et reconnues par les parties comme l'ayant été dans des conditions leur permettant d'y répondre, aux termes desquelles ils sollicitent de :
A titre principal, au visa de l'article 378 du code de procédure civile,
- surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale ouverte sur plainte avec constitution de partie civile pour diffamation publique,
A titre subsidiaire,
- faire droit au recours présenté par eux et prononcer en conséquence l'annulation de l'élection de M. le Bâtonnier remplaçant et de Mme le Vice-Bâtonnier remplaçant et de leur mandat expirant le 31 décembre 2019,
En tout état de cause,
- débouter l'ordre des avocats au barreau de Nice de toute ses demandes, fins et conclusions.
Ils indiquent qu'ils ont déposé une plainte avec constitution de partie civile pour diffamation publique et que l'instruction permettra d'établir les circonstances dans lesquelles les agissements des membres du CANDELABRE ont contribué à porter gravement atteinte à la sincérité du scrutin, raison pour laquelle ils sollicitent au principal le sursis à statuer.
Ils réitèrent leurs explications sur la campagne de dénigrement dont ils ont fait l'objet au travers de la lettre du CANDELABRE distribuée le 16 mai 2019 dans les boîtes des avocats niçois, des échanges quotidiens de certains confrères sur les réseaux sociaux où ils sont présentés comme des fraudeurs et de la lettre ouverte de Me SAMAK du 14 mai 2019 mettant en cause personnellement M. le Bâtonnier [L] . Ils ajoutent que cette campagne a continué au-delà du second tour des élections sur le compte 'Facebook' de Me [R] [J] et a été relatée dans la presse locale.
Ils invoquent également l'irrégularité de plusieurs procurations et l'annulation contestable de trois autres et ajoutent que la qualification de bâtonnier et vice-bâtonnier 'remplaçant' donnée à l'élection démontre que l'hypothèse était admise qu'ils ne pouvaient être leurs propres remplaçants.
L'Ordre des avocats au barreau de Nice, par conclusions en date du 9 septembre 2019, portées à la connaissance des autres parties en la cause et du ministère public et reconnues par les parties comme l'ayant été dans des conditions leur permettant d'y répondre, demande à la cour de rejeter le recours et de condamner in solidum M. le Bâtonnier [H] [L] et Mme [W] [W] à lui payer une somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir les moyens et arguments suivants :
- en l'état de la distribution d'une lettre anonyme isolée dont la large diffusion alléguée n'est pas démontrée et qui a été immédiatement, fermement et spontanément condamnée par le bâtonnier [Q] [K], à laquelle le bâtonnier [H] [L] a répondu entre les deux tours, il ne peut être admis la preuve du dénigrement et de son effet sur le vote ;
- le message 'Facebook', unique, ne peut être lu que par les 'personnes amies', dont les critiques entrent dans le cadre des débats contradictoires d'une période électorale et qui a pu donner lieu à une réponse des requérants, ne peut non plus être retenu comme preuve d'une campagne de dénigrement ayant pu influer sur les résultats du vote ;
- à la suite de la note de Mme le bâtonnier [K] rappelant les règles de validité des procurations, il n'y a que 17 procurations sur les 231 établies pour ce scrutin qui sont contestées ; le très large écart de voix séparant les candidats (150 voix) ne permet pas de retenir que le résultat en a été altéré ;
- en tout état de cause, ce recours est sans intérêt car, quand bien même cette élection serait annulée, la fin du mandat serait exercée par le binôme élu pour le mandat suivant, à savoir Me Thierry TROIN et Me Nathalie BEURGAUD.
M. le Bâtonnier Thierry TROIN et Mme le Vice-Bâtonnier Nathalie BEURGAUD, par conclusions en date du 23 septembre 2019, portées à la connaissance des autres parties en la cause et du ministère public et reconnues par les parties comme l'ayant été dans des conditions leur permettant d'y répondre, demandent qu'il leur soit donné acte de ce qu'ils s'en rapportent à justice.
Le Procureur général, par conclusions en date du 2 août 2019, portées à la connaissance des parties en la cause et reconnues par les parties comme l'ayant été dans des conditions leur permettant d'y répondre, est d'avis qu'il plaise à la cour rejeter le recours.
Il indique que le tract anonyme qui a été distribué a suscité des réactions de dégoût de nombreux avocats niçois attachés aux valeurs de la profession et que le bâtonnier [K] a diffusé, dès le 17 mai, une note cinglante pour ridiculiser et condamner ce procédé et pour appeler les membres du barreau à plus de dignité ; que ce pamphlet isolé ne peut constituer une campagne de dénigrement et qu'il n'est pas établi qu'il ait pu avoir une influence suffisante pour modifier le résultat du vote.
Il ajoute que l'écart enregistré entre les candidats est très nettement supérieur aux 20 voix litigieuses émanant des 17 procurations contestées et des 3 procurations qui auraient été injustement écartées.
A l'audience du 26 septembre 2019 qui s'est tenue en audience publique à la demande des parties, ont été entendus :
- Me Jean-Louis KEITA, conseil de Mme [W] [W] et M. [H] [L], qui a repris oralement ses explications écrites,
- Me Michel FARAUD, avocat représentant l'Ordre des avocats au barreau de Nice, qui a déclaré s'opposer à la demande de sursis à statuer, la plainte n'étant pas versée aux débats, et qui a développé les moyens et arguments présentés dans ses conclusions écrites,
- Me [A] [C], avocat représentant M. le Bâtonnier Thierry TROIN et Mme le Vice- Bâtonnier Nathalie BEURGAUD, qui a expliqué s'en rapporter à la sagesse de la cour,
- M. le Bâtonnier Thierry TROIN, qui a déclaré ne pas avoir d'observations particulières à présenter,
- M. l'Avocat général, qui a confirmé qu'une plainte avec constitution de partie civile avait bien été déposée mais qui a considéré qu'il n'y avait pas matière à ordonner le sursis à statuer, l'issue de l'instruction étant sans incidence sur l'appréciation de la validité des élections, et qui a repris oralement la teneur de ses conclusions écrites.
Ont été entendus en dernier,
- Me [H] [L], qui a déclaré avoir subi des attaques depuis des années et avoir été touché dans sa dignité par les accusations portées dans le tract diffusé quelques jours avant le 1er tour, accusations qui le visaient, notamment à raison de ses fonctions de président de la CARPA, et qui sont d'autant plus insupportables que le tract est anonyme,
- Me [W] [W], qui a ajouté qu'ils avaient été victimes d'une véritable campagne de dénigrement, non seulement au travers de ce tract, mais également de la lettre de Me SAMAK et des échanges dont il est produit la capture d'écran,
- Me Thierry TROIN et Me Nathalie BEURGAUD, qui ont indiqué qu'ils souhaitaient que le climat soit apaisé.
MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu qu'en application de l'article 4 du code de procédure pénale, s'il doit être sursis à statuer sur l'action civile en réparation du dommage causé par une infraction pénale tant qu'il n'a pas été statué définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement, tel n'est pas le cas pour toutes les autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer directement ou indirectement une influence sur la solution du procès civil, le sursis à statuer étant alors facultatif ;
Qu'en l'espèce, si la plainte pénale avec constitution de partie civile n'est pas versée aux débats, il n'en demeure pas moins que son effectivité et l'ouverture d'une information judiciaire sont établies par la production du reçu de la consignation versée au greffe du tribunal de grande instance de Nice par Me [H] [L] le 4 juillet 2019 ;
Mais que l'issue de la procédure pénale pour diffamation ainsi ouverte et qui a vocation à permettre l'identification des auteurs de la lettre anonyme distribuée le 16 mai 2019 est sans effet sur l'appréciation par la cour de l'influence que cette lettre a pu avoir sur la sincérité du vote, de sorte que la demande de sursis à statuer doit être rejetée ;
Attendu que les requérants ont saisi la cour d'un recours en annulation de l'élection du bâtonnier et du vice-bâtonnier remplaçant ayant donné lieu, au second tour, à l'élection de Me Thierry TROIN et de Me Nathalie BEURGAUD en invoquant en premier lieu une campagne de dénigrement dont ils auraient été les victimes et dont ils soutiennent qu'elle aurait affecté la sincérité du vote et en second lieu l'irrégularité des opérations de vote entachant de nullité l'ensemble du scrutin ;
Attendu qu'il convient de rappeler, de manière liminaire, que les élections du bâtonnier et du vice-bâtonnier venant en remplacement de ceux élus le 6 avril 2017 et dont l'élection a été invalidée par un arrêt de la cour d'appel de Lyon du11 avril 2019, ont été organisées par Mme le Bâtonnier [Q] [K], bâtonnier suppléant, et que les opérations de vote ont eu lieu, pour le 1er tour, le 21 mai 2019, et pour le second tour, le 28 mai 2019 ;
Que les résultats du second tour sont les suivants :
nombre d'électeurs inscrits : 1267,
nombre de votants : 973,
suffrages exprimés : 946,
bulletins pour M. [H] [L] et Mme [W] [W] : 398,
bulletins pour M. Thierry TROIN et Mme Nathalie BEURGAUD : 548 voix,
soit un différentiel de 150 voix sur 946 suffrages exprimés ;
Attendu qu'il est constant que, quelques jours avant le 1er tour de scrutin, une feuille dénommée 'communiqué du CANDELABRE' (Collectif d'Avocats Niçois pour la Défense Energique, Libre et Acharnée du Bien de notre Robe) a été distribuée, énonçant notamment, sous le titre ' Barreau de Nice, Réveille-toi !', les phrases suivantes :
'La dignité, qui est notre essence même, doit nous permettre d'éviter une récidive dans l'erreur à l'occasion des élections prochaines.
Ne votons pas pour un Bâtonnier qui ne le serait que par procuration car il agirait au service d'un autre et d'un clan, qui perpétuerait et étoufferait les errements passés.
Faisons en sorte que notre prochain Bâtonnier ne soit pas un Confrère ayant objectivement bénéficié des fraudes dénoncées et sanctionnées par les juridictions car 'la femme de [N] ne doit pas être soupçonnée'.
(...) Nous avons besoin de sang neuf et d'une alternance, notamment pour passer au crible les comptes de l'Ordre et de la CARPA.
Rappelons- nous que le Barreau est la propriété de tous et non pas celle de quelques-uns, nonobstant l'usage a volo de la carte bleue de l'Ordre ou le paiement d'honoraires colossaux et somptuaires via l'Ordre pour assurer la défense personnelle de quelques-uns...qui n'ont rien déboursé. (...)
La transparence de l'élection future, entendez le scrutin de juin pour le mandat 2020/2021, exige en outre l'élection les 21 et 28 mai 2019 d'un Bâtonnier strictement insoupçonnable pour l'organiser.';
Que les allusions contenues dans cette lettre, même si elles ne sont pas directement et nominativement formulées contre M. [H] [L], bâtonnier sortant dont l'élection a été invalidée, visent cependant suffisamment précisément celui-ci et le 'clan' auquel il appartiendrait, dès lors qu'il est expressément demandé au lecteur de ne pas voter 'pour un bâtonnier qui aurait objectivement bénéficié des fraudes' et de choisir l'alternance pour vérifier les comptes de l'Ordre et de la Carpa (dont Me [L] est le président) et permettre, pour l'avenir, une élection transparente organisée par un bâtonnier insoupçonnable de fraude ;
Que la large diffusion de cette feuille dans les boîtes aux lettres de l'ensemble des avocats du barreau n'est pas sérieusement discutable au regard des messages d'indignation de plusieurs avocats faisant état d'une distribution dans leur case Palais et de la circulation de celle-ci entre leurs confrères et en raison même de sa vocation de tract à l'adresse du barreau de Nice ;
Que les allusions et accusations relativement à la probité et à l'honnêteté des candidats, au surplus sous couvert de l'anonymat, constituent des attaques graves qui dépassent les propos normaux admissibles lors d'une campagne électorale ;
Qu'il doit cependant être constaté que Mme le Bâtonnier [Q] [K] a, dès le 17 mai, soit le lendemain de la diffusion du tract anonyme, adressé à l'ensemble de ses confrères une mise au point très ferme fustigeant la démarche du collectif CANDELABRE et rappelant les avocats à la dignité et à l'indépendance dans les termes suivants :
'Notre robe incarne les valeurs de notre profession. Elle est, à l'égard des magistrats, de nos clients, de leurs adversaires, du public, la marque de notre dignité et de notre indépendance.
Elle nous protège en toutes circonstances et doit être respectée.
En revanche, elle n'a pas besoin d'un 'collectif', aussi énergique, libre et acharné soit-il, mais qui a manifestement laissé de côté non seulement le serment qu'il croit devoir rappeler et les valeurs qu'il prétend défendre, mais aussi le courage qui aurait dû convaincre ses membres de se dévoiler.
Nos principes professionnels ne sauraient aller à vau l'eau : 'le candélabre' doit s'éteindre immédiatement.
Ce très regrettable épisode me donne l'occasion de vous rappeler que la campagne électorale en cours et les communications, quels qu'en soient la forme et le support, qui l'accompagnent nécessairement, doivent impérativement respecter les principes de dignité, d'honneur, de délicatesse, de modération et de courtoisie qui guident notre comportement en toutes circonstances.
Je compte enfin sur vous toutes et tous pour que les scrutins des 21 et 28 mai 2019 se déroulent dans la sérénité que commandent également ces principes, et qui sera l'une des garanties de leur régularité.' ([G] et souligné dans le texte);
Qu'en l'état de ce rappel solennel fait par le bâtonnier des principes et valeurs de la profession et de sa condamnation cinglante de la démarche anonyme du CANDELABRE et au regard du sens de la dignité, de l'indépendance et de la modération dont tout avocat est porteur, du fait de son serment et de son exercice professionnel l'amenant à la plus grande prudence et à la plus grande circonspection face à des accusations anonymes et non étayées, il ne peut être considéré que ce tract ait pu avoir une influence sur le choix fait par les avocats du barreau de Nice, sur la sincérité du vote et sur les résultats du scrutin dont il a été rappelé plus haut qu'il a donné au binôme TROIN/BEURGAUD une avance de 150 voix, soit un écart très substantiel ;
Attendu en outre que, comme le rappelle à juste titre le ministère public, la notion de 'campagne de dénigrement' ne peut reposer sur un tract isolé et qu'il appartient donc aux requérants d'établir l'existence d'autres éléments constituant des attaques dépassant celles normalement admises au cours d'une campagne électorale ;
Que le message 'Facebook' émanant de Me [R] [J] (dont les requérants produisent une copie d'écran tronquée et qui ne comporte pas de date), ne peut être considéré comme un élément de la campagne électorale, s'agissant d'un message adressé à un public restreint et non à l'ensemble des avocats du barreau et sa lecture supposant une démarche volontaire de la part de ceux qui constituent le cercle des amis de cet avocat ; que les captures d'écran de messages échangés sur 'Facebook' entre Me [R] [J] et quelques confrères relativement aux élections annulées appellent les mêmes observations ;
Que la lettre ouverte de Me [D] SAMAK à M. le Bâtonnier [L] en date du 14 mai 2019 ne peut être analysée comme constituant un dénigrement excédant les propos acceptables dans le cadre d'une campagne électorale, d'autant que l'objectif affiché y est d'obtenir un débat sur les différents griefs formulés par cet électeur auprès de ce candidat, débat auquel est appelé, non seulement M. le Bâtonnier [L] mais également les autres candidats du 1er tour, Mes [X] et TROIN ;
Que le premier motif d'annulation présenté par les requérants au titre d'une campagne de dénigrement ayant affecté la sincérité du scrutin doit donc être rejeté ;
Attendu que M. le Bâtonnier [L] et Me [W] soutiennent ensuite que les opérations de vote seraient entachées d'irrégularités qui affecteraient la validité du scrutin du second tour ; qu'ils font état de 17 procurations comportant des anomalies et de 3 procurations qui auraient été abusivement invalidées ;
Que Mme le Bâtonnier [K] avait rappelé, dans une note d'information annexée à la convocation des avocats aux assemblées générales des 21 mai et 28 mai 2019 pour les opérations de vote du 1er et du second tour, les règles applicables au vote par procuration, autorisé par l'article 20.5 du règlement intérieur du barreau, en indiquant que la procuration devrait être rédigée de la même main et de la même encre par le mandant et que le mandataire devrait présenter la procuration en original et accompagnée d'une photocopie d'une pièce d'identité du mandant, sous peine d'être refusée lors du scrutin ;
Que l'analyse des documents de vote du second tour produits en original aux débats par l'Ordre des avocats permet de constater que sur les 973 votants du second tour, 231 électeurs avaient donné procuration à un confrère ; que sur ces 231 procurations, 17 sont contestées comme étant irrégulières, soit en raison d'une erreur d'orthographe dans le nom du mandataire (1 procuration), soit en raison de l'absence de mention du nom du mandataire (3 procurations), soit établies sur l'imprimé du 1er tour (10 procurations), soit produites en photocopie et non en original (2 procurations), soit comportant des encres de couleurs différentes (1 procuration), toutes irrégularités qui auraient dû entraîner leur rejet lors du scrutin ; que les 3 procurations qui ont été rejetées, quant à elles, l'ont été à juste titre pour 2 d'entre elles, s'agissant pour l'une d'une procuration non originale, pour l'autre d'une procuration comportant deux encres différentes ; qu'il en ressort que 17 procurations auraient été admises alors qu'irrégulières et 1 aurait été refusée de manière injustifiée ;
Que l'écart de 150 voix entre les candidats figurant au second tour est cependant tel que l'admission de ces 17 procurations irrégulières et le refus injustifié d'une autre sont sans aucune influence sur le résultat du vote, de sorte qu'il n'y a pas lieu de prononcer l'annulation du scrutin ;
Attendu que les requérants prétendent enfin vainement que la qualification donnée par Mme le Bâtonnier [K], bâtonnier suppléant, à l'élection d'un bâtonnier et d'un vice-bâtonnier 'remplaçant' serait une manifestation de partialité à leur égard, alors que l'article 10 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 indique : 'Lorsque, pour quelque cause que ce soit, le bâtonnier ou un membre du conseil de l'ordre cesse ses fonctions avant le terme normal de son mandat, il est procédé à l'élection d'un remplaçant pour la période restant à courir jusqu'à ce terme', ce qui est exactement le cas de l'élection dont il s'agit ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts présentée par l'Ordre des avocats contre les requérants, à défaut pour celui-ci de démontrer que le présent recours serait abusif comme ayant été engagé dans l'intention de nuire ou comme procédant d'une faute de ses auteurs équipollente au dol ;
Attendu que l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, en audience solennelle,
contradictoirement et en dernier ressort,
Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale ouverte sur la plainte avec constitution de partie civile déposée par M. le Bâtonnier [H] [L] pour diffamation publique ;
Rejette le recours en annulation des élections du bâtonnier et du vice-bâtonnier remplaçants dont le mandat expire le 31 décembre 2019 ;
Déboute l'Ordre des avocats au barreau de Nice de sa demande de dommages et intérêts pour recours abusif ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. le Bâtonnier [H] [L] et Mme la Vice-Bâtonnière [W] [W] aux dépens de l'instance.
LE GREFFIERLE PREMIER PRESIDENT