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12/12/2019 | FRANCE | N°17/13678

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 12 décembre 2019, 17/13678


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 12 DECEMBRE 2019



N° 2019/













Rôle N° RG 17/13678 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BA5DU







[N] [B]





C/



SA ERMITAGE DU RIOU

























Copie exécutoire délivrée

le : 12 décembre 2019



à :





- Me Jean philippe PASSANANTE, avocat au barreau d'

AIX-EN-PROVENCE



- Me Didier LODS, avocat au barreau de GRASSE























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 23 Juin 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F16/00108.





APPELANT



Monsieur [N] [B]...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 12 DECEMBRE 2019

N° 2019/

Rôle N° RG 17/13678 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BA5DU

[N] [B]

C/

SA ERMITAGE DU RIOU

Copie exécutoire délivrée

le : 12 décembre 2019

à :

- Me Jean philippe PASSANANTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Didier LODS, avocat au barreau de GRASSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 23 Juin 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F16/00108.

APPELANT

Monsieur [N] [B], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jean philippe PASSANANTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Charlotte GIULIANI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SA ERMITAGE DU RIOU, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Didier LODS, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Septembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Mariane ALVARADE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Béatrice THEILLER, Conseiller

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2019, prorogé le 12 décembre 2019.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2019.

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

M. [N] [B] a été engagé par la société anonyme (SA) ERMITAGE DU RIOU, en qualité de directeur d'exploitation de l'hôtel restaurant ERMITAGE DU RIOU et responsable du restaurant 'l'arbre jaune' du Riviera golf de BARBOSSI, à compter du 13 février 2014, suivant contrat à durée indéterminée, moyennant un salaire brut moyen mensuel de 5139 euros pour 39 heures hebdomadaires, outre une prime annuelle de 5 % du résultat brut d'exploitation de l'année écoulée.

La relation contractuelle était soumise à la convention collective des Hôtels, cafés, restaurants.

Le 20 août 2015, il a été conclu entre la société ERMITAGE DU RIOU et M. [B] une rupture conventionnelle qui était homologuée par la Direction Régionale des Entreprises de la Concurrence de la Consommation du travail et de l'Emploi, le 9 septembre 2015.

Estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. [B] a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents, d'indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour non-respect de la contrepartie obligatoire de repos ainsi que des durées maximales de travail.

Par jugement rendu le 23 juin 2017, le conseil de prud'hommes de Cannes a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné au paiement d'une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [B] a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 27 août 2019, M. [B], appelant, fait valoir :

que l'employeur n'a pas rémunéré l'intégralité des heures supplémentaires qu'il a accomplies tout au long de la relation,

qu'il ne saurait pour échapper au paiement des heures effectuées au delà des 39 heures contractuellement prévues qu'il avait en réalité le statut de cadre dirigeant,

qu'il conteste avoir eu un quelconque pouvoir de décision, devant au contraire en référer à sa direction,

qu'il exerçait du reste ses fonctions sous l'autorité du président directeur général,

que l'employeur a enfreint les dispositions réglementant la durée du travail et devra s'acquitter de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

M. [B], demande en conséquence de :

- réformer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Cannes le 23 juin 2017 en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes,

Et, statuant à nouveau :

- dire et juger qu'il n'avait pas la qualité de cadre dirigeant,

- dire et juger qu'il a réalisé de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées,

- dire et juger qu'il a régulièrement dépassé les durées maximales de travail et le contingent d'heures supplémentaires sans contrepartie obligatoire en repos,

- constater que la SA ERMITAGE DU RIOU ne lui a pas versé la prime annuelle prévue dans son contrat de travail,

En conséquence,

- condamner la Société ERMITAGE DU RIOU au paiement des sommes suivantes :

* 75844 euros au titre du paiement de ses heures supplémentaires,

* 7584 euros de congés payés afférents aux heures supplémentaires effectuées,

* 30523 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la contrepartie obligatoire en repos,

* 20000 euros de dommages et intérêts pour non respect des durées maximales de travail,

* 31470 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

* 7 672 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2014,

* 767,20 euros au titre des congés payés afférents,

* 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile,

Intérêts au taux légal,

- condamner la société ERMITAGE DU RIOU à verser aux débats la justification du montant du résultat brut d'exploitation pour l'année 2015 et à payer sa prime annuelle pour cette période,

- prononcer l'exécution provisoire du jugement.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 26 août 2019, la SA ERMITAGE DU RIOU, intimée, fait valoir :

que les demandes du salarié ne sont pas fondées, alors même qu'il assumait de nombreuses fonctions et bénéficiait d'une large autonomie ainsi que d'un pouvoir décisionnel,

qu'il disposait d'une totale liberté dans l'organisation de son temps de travail de sorte qu'il ne rendait compte ni des horaires qu'il effectuait, ni des jours travaillés,

qu'il ne s'est plaint d'aucune surcharge de travail, et n'a sollicité aucun paiement complémentaire de salaire, alors que l'exécution du contrat de bonne foi impose de signaler à l'employeur les heures supplémentaires effectuées,

qu'il ne saurait être fait droit au rappel de salaire, alors que les demandes du salarié ont varié et que ses pièces recèlent des contradictions,

qu'en ce qui concerne la demande au titre du travail dissimulé, en sa qualité de cadre dirigeant, il n'est pas soumis aux dispositions relatives à la durée du travail,

qu'il n'y a donc ni élément matériel, ni élément intentionnel, ni même élément légal permettant de fonder sa demande.

La SA ERMITAGE DU RIOU demande en conséquence de :

- confirmer la décision du Conseil de Prud'hommes,

- débouter M. [B] de l'ensemble de ses prétentions,

- condamner M. [B] au paiement de la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 29 août 2019.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les heures supplémentaires

L'article L. 3171-4 du code du travail énonce : « En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. ».

La cour suprême a en outre précisé qu'« en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire. ».

Il en résulte que le juge doit se déterminer en prenant en considération les éléments produits par l'une et l'autre partie et que sous cette réserve, il apprécie souverainement si la demande est fondée.

M. [B] indique qu'il était soumis à un horaire hebdomadaire de 39 heures, qu'il lui était versé chaque mois en contrepartie une rémunération fixe, les heures allant de la 36ème à la 39ème heure de travail étant majorées au taux de 10%, conformément aux dispositions de la convention collective, qu'aucune rémunération supplémentaire ne lui était versée alors qu'il accomplissait de nombreuses heures au-delà de celles contractuellement prévues, qu'il a ainsi réalisé en moyenne une soixantaine d'heures hebdomadaires, soit un total de plus de 1730 heures supplémentaires sans contrepartie financière. Il sollicite une somme de 75844 euros à titre de rappel de salaire outre celle de 7584 euros au titre des congés payés y afférents.

Aux fins d'étayer sa demande, il produit :

-un tableau récapitulant les horaires effectués quotidiennement durant la relation contractuelle,

- le relevé de ses passages au péage entre mars 2014 et septembre 2015,

- ses états de remboursement de frais de déplacement professionnel entre le 2 avril 2014 et le 29 septembre 2015,

- une attestation établie par Mme [S], gouvernante de l'hôtel, en poste à l'époque, qui témoigne de 'sa présence à son poste de travail tous les samedis et dimanches sur la saison 2014 et 2015",

- un tableau de calcul détaillant l'application des majorations de salaire telles que prévues par la convention collective.

Les pièces produites qui comportent des éléments véri'ables quant aux heures de travail effectivement réalisées et permettent à l'employeur d'apporter une réponse dans les conditions normales du débat contradictoire, sont de nature à étayer les prétentions du salarié quant à l'exécution des heures supplémentaires alléguées.

Il incombe, en conséquence, à l'employeur d'y répondre et d'apporter des éléments justificatifs des horaires effectués de manière à permettre à la juridiction d'apprécier la valeur probante des éléments apportés de part et d'autre, sans imposer au seul salarié la charge de la preuve.

Pour s'opposer à la demande, l'employeur soutient que M. [B] avait la qualité de cadre dirigeant et que, des lors, il ne peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires.

Les cadres ne sont, en effet, pas soumis aux dispositions légales relatives à la durée du travail lorsqu'ils ont la qualité de cadre dirigeant par application de l'article L 3111-2 du code du travail.

L'article L.3111-2 du code du travail prévoit que les cadres dirigeants ne relèvent pas des dispositions relatives à la durée du travail, à la répartition et l'aménagement des horaires ainsi qu'à celles relatives au repos et aux jours fériés.

Au sens de ce texte, sont considérés comme tels les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

En application de ce texte, la qualification de cadre dirigeant ne peut être reconnue qu'aux cadres qui remplissent les trois conditions fixées.

Il est par ailleurs constant que c'est à partir des conditions réelles d'emploi du salarié et non par rapport aux définitions conventionnelles que le juge doit se déterminer.

ll s'ensuit, en l`espece, que la qualification de cadre dirigeant ne peut être reconnue à M. [B] que si, eu égard à ses conditions réelles d'emploi, il exerçait des responsabilités dont l'importance impliquait une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, s'il était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et s'il percevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise.

Pour soutenir que M. [B] aurait cette qualité, l'employeur souligne:

*qu'il était totalement autonome dans l'organisation de son emploi du temps et la gestion de ses congés,

*qu'il était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome relevant du pouvoir de direction, caractérisé par :

- son descriptif de poste qui lui confère notamment :

- la direction de l'hôtel et des restaurants, de la stratégie et de la politique tarifaire,

- l'élaboration des budgets annuels (hébergements et restauration) en coordination avec la direction de l'hôtel et des restaurants,

- l'établissement et la réalisation des budgets des projets commerciaux,

- la direction et l'organisation du service commercial de l'Hôtel Ermitage du Riou,

- la gestion de la représentativité de l'hôtel et des restaurants.

-le pouvoir de se comporter en employeur et d'engager la SA ERMITAGE DU RIOU dès lors:

- qu'il signait les contrats de travail des différents salariés et était habilité à signer tout contrat, quel qu'en soit l'objet,

- qu'il avait pour mission d'embaucher et de débaucher, ainsi qu'il le revendiquait dans un courriel adressé le 29 avril 2015, à Monsieur [E] [W], président directeur général,

- qu'il apparaissait sur les différents contrats de travail qu'il signait comme le représentant légal de la SA ERMITAGE DU RIOU, (contrat de fourniture de fluides, travaux, prestations commerciales, partenariat avec l'aéroport de [Localité 3], etc')

-le pouvoir de représenter la SA ERMITAGE DU RIOU lors des comités de direction extérieurs, le salarié se présentant d'ailleurs lui-même comme directeur général, par nature cadre dirigeant, sur son profil Viadeo,

-la charge de la politique budgétaire de l'Hôtel Restaurant Ermitage du Riou, dès lors qu'il devait veiller à l'équilibre de la politique financière de l'entreprise,

-la participation aux prises de décision de la société,

* que M. [B] s'était vu attribuer le niveau le plus élevé de rémunération au sein de la société.

M. [B] ne conteste pas qu'il bénéficiait d'une relative indépendance dans l'organisation de son temps de travail que requérraient du reste les larges responsabilités qui lui étaient confiées, ni qu'il percevait un haut niveau de salaire.

Il rétorque cependant, s'agissant du pouvoir décisionnel qu'il ne prenait aucune décision relative à la direction de l'entreprise de manière autonome, que s'il a été associé au processus de recrutement en avril 2015, soit seulement 4 mois avant son départ, il en assurait nullement la gestion de manière indépendante. Il produit les courriels échangés notamment avec le président directeur général et un projet de délégation de pouvoirs établi en juin 2015, lui conférant davantage de responsabilités, qui n'a pas abouti en l'absence de toute contrepartie financière.

La cour relève à l'examen de la fiche de poste jointe au contrat de travail signé entre les parties que M. [B] était notamment chargé « de la prise de décisions conformes à la politique interne en termes de budget, de recrutement, de marketing et de décoration » de la « supervision et coordination des différents service de l'hôtel » et du « suivi de la politique commerciale et prise en charge de la gestion de l'exploitation de l'hôtel », fonctions impliquant dans leur libellé une reddition de compte,

que s'il s'était vu confier la gestion du recrutement du personnel de l'hôtel Ermitage du Riou en avril 2015, soit plus d'un an après son embauche, il résulte des courriels échangés le 6 juillet 2015 entre le salarié et le président directeur général, M. [W], que ce dernier gardait la main mise sur le recrutement des candidats, le salarié précisant sans que cela soit utilement contesté qu'il n'a jamais été associé au recrutement des salariés affectés au restaurant l'Arbre jaune du riviera club exclusivement géré par M. [W],

qu'il apparaît encore que ce dernier prenait seul les décisions sur la gestion de l'hôtel, relevant pourtant des fonctions du salarié (courriel du 23 juin 2015),

que l'employeur ne peut se prévaloir d'une gestion autonome du budget, alors que celle-ci devait s'inscrire dans le cadre de la politique interne de l'entreprise, dont il n'est pas démontré que le salarié ait eu un quelconque rôle à jouer dans sa mise en place,

que le pouvoir de signer les contrats liés au fonctionnement des services dont il avait la charge, relève tout naturellement de ses missions,

que le fait qu'il signait en qualité de représentant légal de la SA ERMITAGE DU RIOU, pour des raisons pratiques évidentes, ne lui confère nullement le statut de cadre dirigeant, l'employeur soulignant d'ailleurs que cette présentation «  ne correspond pas à la réalité », ni le fait qu'il ait eu le pouvoir de représenter la SA ERMITAGE DU RIOU lors de comités de direction extérieurs,

Il convient d'ajouter à ces considérations que le fait que M. [B] se présentait sur son profil Viadeo, en qualité de directeur général, n'est pas de nature à modifier l'appréciation de la cour.

Il ressort de ces éléments qu'il n'est pas établi que M. [B] participait aux décisions sur la stratégie de l'entreprise et à ses instances dirigeantes.

Par conséquent, si M. [B] bénéficiait du salaire le plus élevé de l'entreprise et s'il disposait d'une indépendance certaine dans l'organisation de son emploi du temps, il ne résulte pas des pièces produites qu'il aurait disposé d'un quelconque pouvoir de décision et de l'autonomic d'un cadre dirigeant.

Les conditions requises pour l'application du statut de cadre dirigeant ne sont donc pas remplies et c'est à bon droit que le salarié demande que l'application de ce statut soit écartée.

La SA ERMITAGE DU RIOU fait valoir que M. [B] n'a jamais réclamé le paiement d'heures supplémentaires qu'il aurait effectuées, alors qu'il n'a pas contesté les salaires qui lui avaient été versés au moment de la signature de l'acte de rupture conventionnelle,

qu'il est surprenant qu'il sollicite un rappel de salaire de ce chef, sans contester l'accord en cause,

qu'il présente des demandes contradictoires, réclamant le paiement de 1002 heures supplémentaires par courriel du 20 août 2015, de 1247 heures par la voie de son conseil par courrier du 19 janvier 2016, puis de 1731 heures devant la juridiction prud'homale,

qu'il n'y a pas une stricte concordance entre les relevés d'autoroute et le tableau des heures supplémentaires établi par le salarié.

Elle ajoute que l'établissement a été fermé entre novembre 2014 et mars 2015 en raison de travaux, de sorte que le salarié ne peut prétendre qu'il effectuait de nombreuses heures supplémentaires, ni qu'il travaillait le week-end durant ces périodes.

Or, alors que l'employeur doit être en mesure de fournir les documents de décompte du temps de travail qu'il a l'obligation de tenir, la SA ERMITAGE DU RIOU ne produit pas les relevés au moyen desquels les heures de travail du salarié ont été comptabilisées, ni aucun document lui ayant servi à contrôler les horaires de celui-ci.

Le fait que le salarié avait la qualité de cadre et qu'il pouvait avoir une certaine latitude dans l'organisation de son travail ne peut suf're à 1'exclure du droit au paiement d'heures supplémentaires, ni à exonérer l'employeur de son obligation de justifier de ses horaires, peu important que le salarié ait, ou non, réclamé le paiement de ses heures supplémentaires au cours de la relation contractuelle et peu important qu'il n'ait pas remis en cause l'acte de rupture conventionnelle, en ce qu'il n'emporte pas renonciation à se prévaloir du paiement des heures supplémentaires non réglées.

Il s'ensuit, en l'absence de tout élément de preuve contraire, que les prétentions du salarié sont établies, que son décompte qui fait apparaître, conformément aux dispositions applicables, les majorations dues, doit être retenu. Il est par conséquent fondé à réclamer la somme de 75844 euros au titre des heures supplémentaires effectuées, non réglées ni récupérées, outre celle de 7584 euros au titre des congés payés y afférents.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef de demande.

Sur le dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires.

L'article 5.3 de l'avenant n°2 du 5 février 2007 de la convention collective applicable, fixe ce contingent d'heures supplémentaires à 360 heures par an dans les établissements permanents.

Il résulte des dispositions de l'article L.3121-11 du code du travail, que toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel ouvre droit à une contrepartie obligatoire en repos qui s'ajoute à la rémunération des heures au taux majoré.

Par ailleurs, dans le cas où, du fait de l'employeur, le salarié n'a pas été en mesure de formuler une demande de contrepartie obligatoire en repos, en cas d'absence d'information ou d'information incomplète de la part de l'employeur, la Cour de cassation a jugé que celui-ci a droit à l'indemnisation du préjudice subi. Cette indemnisation comprend à la fois le montant d'une indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos, et le montant de l'indemnité de congés payés correspondante.

Il est établi que le contingent annuel d'heures supplémentaires a été dépassé. Il sera alloué la somme réclamée de 30523 euros à titre de dommages et intérêts du fait du non-respect de la contrepartie obligatoire en repos.

Sur les durées hebdomadaires et quotidiennes maximales de travail

M. [B] sollicite le paiement d'une somme de 20000 euros en réparation du préjudice subi faisant valoir que ce rythme de travail tenu pendant plus d'un an et demi a eu des conséquences sur sa santé que tout employeur est pourtant tenu de préserver.

Ses demandes étant justifiées, il lui sera alloué une somme de 6000 euros en réparation de son préjudice.

Sur la demande d'indemnité au titre du travail dissimulé

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatif au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L.8221-5, 2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention de la totalité des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

M. [B] fait valoir qu'il a effectué de nombreuses heures supplémentaires au-delà des 39 heures hebdomadaires contractuellement prévues, qu'il est incontestable que la SA ERMITAGE DU RIOU ne pouvait ignorer l'existence de ces heures supplémentaires puisqu'elle lui a régulièrement remboursé des frais de déplacement pour les week-ends travaillés, qu'en refusant délibérément le paiement de ses heures supplémentaires, la société s'est nécessairement soustraite à ses obligations légales. Il sollicite l'octroi d'une indemnité à hauteur de 31470 euros

En l'espèce, compte tenu du mode d'organisation mis en place permettant au salarié de bénéficier d'une certaine indépendance dans la gestion de son temps de travail, et se traduisant par l'absence d'horaires imposés, l'intention de dissimuler les heures réellement travaillées n'apparaît pas caractérisée. Le salarié sera en conséquence débouté de sa demande d'indemnité.

Sur la prime d'exploitation

L'article 4 du contrat de travail prévoit le versement d'une prime annuelle de 5% du résultat brut d'exploitation de l'année écoulée à verser au prorata temporis du temps de présence sur l'année.

M. [B] réclame une somme de 7672 euros au titre de l'année 2014 calculée comme suit : 175 368 euros (résultat brut d'exploitation) x 5% x 10.5 / 12.

C'est de manière infondée que la SA ERMITAGE DU RIOU prétend déduire une subvention à hauteur de 1 300 000 euros, alors que la prime en cause est assise sur le résultat brut d'exploitation avant tout correctif.

La demande du salarié, ramenée à son temps de présence dans l'entreprise est justifiée au titre de l'année 2014, mais sera rejetée au titre de l'année 2015, le salarié ne faisant plus partie des effectifs au 31 décembre 2015 et ne pouvant en conséquence prétendre au paiement d'une prime calculée sur le 'résultat brut d'exploitation de l'année écoulée'.

Sur les intérêts:

Les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.

Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les dépens et les frais non-répétibles:

La SA ERMITAGE DU RIOU qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens et il y a lieu de la condamner à payer à M. [B] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 2000 euros.

Sur l'exécution provisoire:

Le pourvoi en cassation n'ayant pas d'effet suspensif, il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté M. [N] [B] de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la SA ERMITAGE DU RIOU à payer à M. [N] [B] les sommes de :

- 75844 euros au titre des heures supplémentaires,

- 7584 euros au titre des congés payés y afférents,

- 30523 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la contrepartie obligatoire en repos,

- 6000 euros pour dépassement des durées hebdomadaires et quotidiennes maximales de travail,

- 7672 euros au titre de la prime d'exploitation pour l'année 2014,

Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Dit que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision,

Y ajoutant,

Condamne la SA ERMITAGE DU RIOU à payer à M. [N] [B] une somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA ERMITAGE DU RIOU aux dépens de première instance et d'appel,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 17/13678
Date de la décision : 12/12/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°17/13678 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-12;17.13678 ?
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