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05/12/2019 | FRANCE | N°17/03943

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 05 décembre 2019, 17/03943


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AU FOND

DU 05 DECEMBRE 2019



N° 2019/473













Rôle N° RG 17/03943 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BADRG







Société EST VAR IMMOBILIER E.V.I.M





C/



Société SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Jean-françois JOURDAN, avocat au barreau d'A

IX-EN-PROVENCE



Me Denis PERIANO de la SCP BOLLET & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 14 Février 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2016F01147.





A...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 05 DECEMBRE 2019

N° 2019/473

Rôle N° RG 17/03943 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BADRG

Société EST VAR IMMOBILIER E.V.I.M

C/

Société SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-françois JOURDAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Denis PERIANO de la SCP BOLLET & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 14 Février 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2016F01147.

APPELANTE

S.A.S. EST VAR IMMOBILIER E.V.I.M

inscrite au RCS de FREJUS sous le n°673 750 691,

dont le siège social est [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

représentée par Me Jean-françois JOURDAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Jean philippe FOURMEAUX de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substituée par Me Benoît LAMBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

INTIMEE

S.A. SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT

inscrite au RCS de MARSEILLE sous le n° B 054 806 542

dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

représentée par Me Denis PERIANO de la SCP BOLLET & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 23 Octobre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Conseiller

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Décembre 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Décembre 2019,

Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SCI MANGIN III a entrepris en qualité de maître d'ouvrage, la construction d'un ensemble immobilier à usage mixte sur la commune de FREJUS.

La société MARSEILLAISE DE CREDIT( ci-après la SMC) a, aux termes d'un courriel du

6 février 2015, fait part à M. [G] [N], de son intérêt pour la prise à bail, sous conditions suspensives, d'un local d'une superficie de 250 m2 situé au rez de chaussée de cet ensemble immobilier.

La SMC a proposé la fixation d'un loyer de 2000 euros par m2 et par an outre le paiement d'un droit d'entrée de 165 000 euros.

Par courriel du 12 février 2015, M. [N] a fait part de son intérêt quant à cette proposition mais a souhaité la transmission d'une offre formelle.

Une lettre d'intention a été transmise à M. [G] [N] le 13 février 2015.

Après une visite sur les lieux le 14 septembre des représentants de la SMC, cette dernière faisait part dans un courriel du 30 septembre 2015 des difficultés dont lui avait parlé M. [N], qui ne permettaient pas la régularisation du bail.

La SMC proposait alors de louer un local d'une superficie inférieure avec droit d'entrée de

190 000 euros. Cette proposition n'a pas été retenue.

C'est dans ce contexte que la SMC a assigné la société EST VAR IMMOBILIER dite EVIM le 13 avril 2016 pour rupture abusive des pourparlers et en paiement d'un montant de

57 800 euros à titre de dommages et intérêts comprenant des frais engagés, le temps perdu et le préjudice moral.

Par jugement du 14 février 2017, le tribunal de commerce de Marseille a rejeté la demande de mise hors de cause de la société EVIM, retenu le caractère fautif de la rupture des pourparlers par EVIM, l'a condamnée au paiement de la somme de

27 800 euros outre 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

La société EVIM a interjeté appel de cette décision le 28 février 2017.

Par conclusions signifiées par le RPVA du 18 janvier 2018, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de son argumentation et de ses moyens, la société EVIM conclut à la réformation du jugement entrepris et à la condamnation de la SMC à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du CPC outre les frais et dépens.

Elle soutient ne pas être la propriétaire des locaux et qu'elle devra être mise hors de cause, qu'elle n'est intervenue qu'en qualité d'assistant maître d'ouvrage de la SCI MANGIN III devenue la SCI COEUR DE VILLE BANQUE devenue propriétaire d'une partie des locaux que le 18 mars 2016, que la preuve n'est pas rapportée d'une faute personnelle de sa part à l'égard de la SMC et que ses demandes devront être rejetées, la société EVIM n'ayant noué aucun lien pré-contractuel ou contractuel avec la SMC.

Elle reconnaît que M. [N] est le gérant de la SCI MANGIN III constructeur de l'immeuble et de la SCI COEUR DE VILLE BANQUE devenue propriétaire d'une partie des locaux commerciaux et est aussi président de EVIM , bénéficiaire de la convention de gestion consentie par la SCI MANGIN III dans le cadre de la construction de l'ensemble immobilier.

C'est M. [N] , es qualité de gérant de la SCI MANGIN III propriétaire des locaux, qui a mené les négociations qui devait agir pour le compte du propriétaire bailleur qui n'est pas la société EVIM.

La société SMC agissant sur le fondement de la responsabilité délictuelle, il lui appartient d'établir une faute personnelle de la société EVIM, lui ayant causé un préjudice direct et certain ce qu'elle n'a pas fait.

Elle rappelle que les locaux ne pouvaient être loués sans l'accord de Mme [V]

( propriétaire d'une partie des locaux).qui n'a jamais donné suite à la proposition de la SMC.

Le projet de bail présenté par la SMC ne pouvait être accepté car il comprenait notamment d'importantes pénalités en cas de retard de livraison des locaux, la possibilité pour la SMC de ne pas donner suite au bail commercial en cas de retard de livraison de plus de 6 mois ou l'allocation de dommages et intérêts .

Elle estime n'avoir commis aucune faute.

A titre subsidiaire, elle soutient que la SMC n'a subi aucun préjudice et que les montants réclamés ne sont pas justifiés.

Par conclusions signifiées par le RPVA du 26 janvier 2019, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de son argumentation et de ses moyens,

la SMC conclut au visa de l'article 1382 ancien du code civil , à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société EVIM et à sa réformation sur le montant du préjudice qui devra être évalué à 57 800 euros dont 30 000 euros de préjudice moral, montant auquel la société EVIM sera condamnée ainsi que 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC .

Elle explique avoir été contactée par M. [N] qui lui a proposé un local situé au rez de chaussée d'un projet de promotion immobilière au centre de [Localité 1]. Les discussions on débuté en 2015 et devaient déboucher sur une lettre d'intention pour la signature d'un bail commercial. Les échanges de courriels avaient lieu entre Mme [R] ( responsable de la gestion immobilière au sein de la SMC) et M. [N] représentant de la société EVIM.

La proposition de SMC du 5 février 2015 a été acceptée le 12 février par M. [N] sous réserve de la réception d'une offre formelle.

Le 13 février, la SMC envoyait une lettre d'intention qui constituait une offre ferme contenant les principales conditions de la future location. La SMC établissait alors un projet de bail commercial sous conditions suspensives entre les parties et le 6 mai 2015 la SMC s'est rendue sur les lieux pour finaliser les conditions du bail et c'est à ce moment là que M. [N] a présenté M. [V] propriétaire d'un petit local jouxtant le local de M. [N], qui devait faire l'objet d'une 2è bail.

M. [N] donnait son accord pour signer le bail et la mise à disposition était fixée au 1er trimestre 2016 et la SMC s'engageait à verser au bailleur une indemnité d'entrée d'un montant de 165 000 euros.

Concomitament, un architecte réalisait un dossier technique pour obtenir les différentes autorisations administratives avant travaux.

A partir de septembre 2015, M. [N] n'a plus répondu aux différentes relances de la SMC et finissait par informer la SMC par courrier du 17 décembre 2015 de l'impossibilité de louer des locaux sur la zone.

La SMC s'est aperçue que les locaux étaient en fait destinés à abriter une agence d'une autre banque, la banque CIC avec qui le bail a été conclu.

C'est dans ces conditions que les pourparlers ont pris fin sans qu'elle ne soit prévenue .

La SMC estime qu'il s'agit d'une rupture fautive et abusive de pourparlers qui lui a causé un préjudice dont elle sera indemnisée comprenant les honoraires acquittés pour l'architecte soit 7 800 euros TTC , le temps consacré par les cadres de la SMC soit 20 000 euros et un préjudice moral de 30 000 euros.

Elle rappelle que son action est fondée sur la responsabilité délictuelle ( article 1382 du code civil) et que c'est EVIM qui a mené les pourparlers et qui s'est toujours présentée comme habilitée à négocier le contrat de bail.

La SCI COEUR DE VILLE BANQUE n'est devenue la propriétaire des locaux que postérieurement à la rupture des pourparlers.

M. [N] est le dirigeant des trois sociétés et a été le seul interlocuteur de la SMC.

Elle conteste avoir été informée des difficultés technique ou juridique résultant de la propriété de Me [V] d'une partie des locaux. Aucun refus de cette dernière n'est démontré.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 octobre 2019.

SUR CE ;

Attendu qu'il convient de rappeler que l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres,

que ce principe de liberté de contracter est consacré par l'article 1112 du nouveau code civil, le législateur ayant institué un principe de liberté des négociations,

que la négociation s'entend de la période au cours de laquelle les parties vont chercher à trouver un accord quant à la détermination des termes du contrat,

que si les parties sont libres, elles doivent néanmoins respecter l'obligation de bonne foi et l'obligation d'information pendant les négociations,

qu'ainsi, corollaire de la liberté contractuelle, la rupture des pourparlers est libre sauf si un abus est caractérisé;

Attendu qu'en l'espèce, il ne peut être contesté que les pourparlers on débuté début 2015 entre M. [N] et la SMC et se sont interrompues le 17 décembre 2015 par le courrier de M. [N],

que M. [N] qui est le dirigeant à la fois des sociétés la SCI MANGIN III propriétaire des locaux devenue la SCI COEUR DE VILLE BANQUE devenue propriétaire d'une partie des locaux le 18 mars 2016 après la fin des pourparlers, et de la société EVIM , bénéficiaire de la convention de gestion consentie par la SCI MANGIN III dans le cadre de la construction de l'ensemble immobilier, a été le seul interlocuteur de la SMC, es qualité de président de la société EVIM comme cela résulte de ses courriels,

que la mise hors de cause de la société EVIM sera donc rejetée et le jugement entrepris confirmé de ce chef;

Attendu qu'il ne peut être contesté que des pourparlers ont eu lieu entre M. [N] représentant de la société EVIM et la banque SMC représentée par Mme [R], ces pourparlers ayant débuté le 6 février 2015 par le courriel de la SMC faisant part à M. [N] de son intérêt pour le local,

que M. [N] a donné son accord de principe pour la signature du bail sous réserve de la réception d'une offre formelle ( courriel du 12 février 2015),

qu'une lettre d'intention était envoyée par la SMC le 13 février 2015 et un projet de contrat de bail le même jour,

que M. [N] n'a plus répondu aux demandes de la SMC par la suite malgré les relances de cette dernière en septembre, en novembre et en décembre par courriers d'avocat

que par courrier recommandé avec AR en date du 17 décembre 2015, M. [N] répondait «' (') Il doit y avoir un malentendu car dans ma situation je suis actuellement dans l'impossibilité de vous louer des locaux sur la zone.(...) Dans l'attente vous voudrez bien arrêter de me harceler.'»,

que la société EVIM ne justifie pas de l'impossibilité de signer le bail qui serait la conséquence du refus de Mme [V] de louer la partie des locaux qui lui appartient d'autant plus qu'un bail a été signé avec une autre banque ( la CIC) peu après et ne démontre pas avoir informé la SMC de cette difficulté éventuelle,

que ce motif n'est donc pas légitime,

qu'en outre, ce défaut d'information constitue un manquement à son obligation de loyauté et de bonne foi de la part de la société EVIM,

qu'après des mois de pourparlers et l'accord de principe de M. [N], la SMC a pu légitimement croire que le contrat serait formalisé,

qu'en conséquence, la société EVIM a rompu de manière abusive les pourparlers et a commis une faute qui a causé un préjudice à la société SMC,

que cette réparation ne peut se traduire que par l'octroi de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle,

que le préjudice peut consister dans les pertes effectivement subies par la victime de la rupture, soit les frais engagés inutilement au cours de la négociation,

qu'il peut être retenu en l'espèce, les honoraires d'architecte engagés par la SMC afin de formaliser le bail, soit le montant de 7 800 euros TTC réglée le 24/11/2015 ( facture produite), que le montant de 20 000 euros au titre du temps passé par les collaborateurs de la SMC ne peut être retenu en tant que tel, ces collaborateurs étant des employés de la banque mais il sera réduit au montant de 10 000 euros représentant le temps que les employés n'ont pas passé à d'autre tâches,

que le préjudice moral sera rejeté faute de caractérisation par la banque de ce préjudice ou des perturbations qu'elle invoque ou de justificatifs d'une atteinte à l'image ou à la réputation de la banque en raison de la rupture,

qu'en conséquence, le jugement entrepris confirmé sur le principe de la responsabilité de la société EVIM dans la rupture des pourparlers sera réformé sur le montant des préjudices qui sera réduit au montant de 17 800 euros auquel la société EVIM est condamnée à payer à la SMC;

Attendu que l'équité impose de condamner la société EVIM à payer à la société SMC la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire;

CONFIRME le jugement entrepris qui a retenu la responsabilité de la société EVIM dans la rupture des pourparlers;

L'INFIRME sur le montant du préjudice subi par la Société MARSEILLAISE DE CREDIT,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société EVIM à payer la somme de 17 800 euros à titre de dommages et intérêts,

LA CONDAMNE à payer à la société MARSEILLAISE DE CREDIT,

la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

LA CONDAMNE aux entiers dépens.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 17/03943
Date de la décision : 05/12/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°17/03943 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-05;17.03943 ?
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