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03/12/2019 | FRANCE | N°18/01816

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 03 décembre 2019, 18/01816


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 03 DECEMBRE 2019

AD

N° 2019/ 644













Rôle N° RG 18/01816 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB4CW







SA BANQUE POPULAIRE MÉDITERRANÉE





C/



[G] [G]

Société [G]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Agnès ERMENEUX



Me Paul GUEDJ

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 16 Janvier 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/05734.





APPELANTE



SA BANQUE POPULAIRE MÉDITERRANÉE, venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR, prise en la personne de son représe...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 03 DECEMBRE 2019

AD

N° 2019/ 644

Rôle N° RG 18/01816 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB4CW

SA BANQUE POPULAIRE MÉDITERRANÉE

C/

[G] [G]

Société [G]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Agnès ERMENEUX

Me Paul GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 16 Janvier 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/05734.

APPELANTE

SA BANQUE POPULAIRE MÉDITERRANÉE, venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR, prise en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

Me Renaud ESSNER, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Monsieur [G] [G]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Hélène BERLINER de la SCP SCP D'AVOCATS BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS, avocat au barreau de NICE,

S.C.P. [G] Notaires Associés d'une Société Civile Professionnelle titulaire d'un Office Notarial poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social sis [Adresse 2]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Hélène BERLINER de la SCP SCP D'AVOCATS BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS, avocat au barreau de NICE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 Octobre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Agnès SOULIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Décembre 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Décembre 2019,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Mme Agnès SOULIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE :

Par jugement du 16 janvier 2018, contradictoire, le tribunal de grande instance de Nice a statué ainsi qu'il suit :

- rejette la fin de non recevoir soulevée par Me [G] [G] et par la SCP [G] [G],

- déboute la société Banque populaire Méditerranée, venant aux droits de la société Banque-Populaire Côte d'Azur, de toutes ses demandes,

- condamne la société Banque Populaire Méditerranée à payer la somme de 2000 € à Me [G] [G] et à la société civile professionnelle,

- condamne la société Banque Populaire Méditerranée aux dépens,

- rejette la demande d'exécution provisoire.

Le tribunal retient que les fautes reprochées au notaire ne sont pas caractérisées, car les fonds devaient être séquestrés à la Carpa conformément au conditions du cahier des charges de la vente sur saisie immobilière, car le notaire ne pouvait exiger le justificatif du versement de l'intégralité des sommes dues, ce justificatif ne pouvant être établi qu'après la séquestration des sommes prêtées entre les mains de la Carpa, et car enfin, il ne pouvait inscrire le privilège de prêteur de deniers à raison de la résolution de la vente et de la revente du bien sur réitération d'enchères en octobre 2015.

La société Banque Populaire Méditerranée a relevé appel de cette décision le 1er février 2018.

Elle a conclu le 24 juillet 2018 en demandant de :

- dire que la société civile professionnelle [G] et Me [G] [G] ont commis une faute engageant leur responsabilité à son égard,

- les condamner solidairement à lui payer la somme de 107'084,53 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux contractuel de 3,70 % postérieurs au 27 juillet 2016 et calculés sur la somme de 95'346,45 euros, ainsi qu'à la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Me [G] [G] et la société civile professionnelle [G] ont conclu le 11 mai 2018 en demandant de:

- confirmer le jugement et en conséquence,

- dire que Me [G] n'a commis aucune faute dans l'authentification du prêt qui avait déjà été accordé par la banque à M. [R] par acte sous seing privé du 7 avril 2014 sans condition suspensive ou résolutoire tenant à l'inscription d'une garantie hypothécaire sur le bien objet de l'adjudication ou à un paiement préalable de la part du prix à la charge de l'emprunteur,

- dire qu'il n'a commis aucune faute en remettant à l'avocat de l'adjudicataire par chèque libellé à l'ordre de la Carpa en vue de consignation la somme, objet du prêt de la banque, ce qui était, au contraire, son obligation dans la mesure où la somme était destinée à financer une partie du prix de l'adjudication intervenue le 12 septembre 2013 au profit de M. [R] et que cette somme devait obligatoirement être séquestrée à la Carpa aux termes du cahier des charges,

- dire qu'il n'a pas commis de faute en n'inscrivant pas la garantie hypothécaire prévue, cette inscription étant rendue impossible par le fait que l'emprunteur n'était pas titré sur le bien sur lequel devait porter l'inscription, le jugement d'adjudication n'ayant pas été publié et cette circonstance lui étant étrangère, n'ayant aucun moyen d'y remédier,

- subsidiairement, dire que le manquement reproché est sans lien causal avec le non règlement de la banque pour sa créance liée au prêt, ce préjudice provenant d'une part, de la faute de cette dernière qui a accordé le prêt sans s'assurer que l'emprunteur avait réglé sa part du prix, les frais et droits de mutation permettant la délivrance de la grosse du jugement d'adjudication et sa publication et d'autre part, de la faute de l'emprunteur dans le respect de ses obligations,

- à titre infiniment subsidiaire, dire que le préjudice invoqué n'est pas certain, ni actuel, la banque ne justifiant pas avoir vainement poursuivi en exécution le débiteur, ni avoir contesté la position de la Carpa refusant la restitution de la somme de 99'000 € qu'elle détient, ni mis en oeuvre les voies d'exécution adéquates pour se faire attribuer les sommes entre les mains du séquestre,

- rejeter, en conséquence, les demandes de l'appelante et les condamner à régler aux intimés une somme de 4000 € au titre des frais engagés devant la cour d'appel, ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été prise le 1er octobre 2019.

Motifs

La Banque-Populaire Côte d'Azur a consenti à M. [R], le 7 avril 2014, à la suite de son offre du 6 mars 2014, un prêt de 95'000 € au taux de 3,70 %, remboursable en 180 mensualités, garanti par un privilège de prêteur de deniers de premier rang, le prêt étant destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier à [Localité 3], vendu par adjudication à la barre du tribunal de grande instance selon jugement du 12 septembre 2013 au prix de 115'000 €.

L'adjudicataire ayant consigné entre les mains du trésorier de l'ordre des avocats une somme totale de 99'000 €, y compris les sommes prêtées, sans consigner le restant dû, le bien a fait l'ojet d'une réitération d'enchères, qui a donné lieu à une nouvelle vente par un jugement du 8 octobre 2015 au prix de 111'000 €.

Le prêt a, par ailleurs, fait l'objet d'une déchéance, à l'initiative de la banque à la suite d'échéances restées impayées, par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 mars 2015.

Me [G] [G] avait été chargé de dresser un acte authentique relativement à ce prêt.

L'acte a été établi le 9 juillet 2014, et il mentionne, outre l' inscription au profit de la banque d'un privilège de prêteur de deniers prévue dès l'offre de prêt, celle d'une hypothèque de premier rang que l'emprunteur accepte.

La banque qui s'est cependant retrouvée confrontée à la situation d'impayés de l'emprunteur a, pour faire valoir ses droits, sollicité du notaire la copie exécutoire de l'acte dressé.

Celui-ci, qui ne la lui a pas immédiatement transmise, a d'abord répondu être dans l'impossibilité d'inscrire la garantie requise sur le bien car M [R] ne s'était pas acquitté des paiements qui lui incombaient, puis, l'a finalement transmise par un courrier du 20 juillet 2016 en lui précisant alors à nouveau : ' comme vous le savez, la garantie n'a pu être inscrite'.

C'est donc dans ces conditions que la banque a fait assigner le notaire en responsabilité, lui reprochant un manquement à son obligation de conseil et d'efficacité en faisant valoir qu'il s'était dessaisi des fonds prêtés au profit du trésorier de l'ordre des avocats du barreau de Grasse et destinés à financer une partie du prix d'adjudication, sans s'être assuré que le complément du prix dû par l'adjudicataire avait été payé, condition pourtant indispensable à la publication du jugement et donc aussi à l'inscription de la sûreté qu'elle avait requise, ce qui l'a privée d'une procédure de saisie et d'une garantie contre son emprunteur.

Elle souligne que cette garantie était essentielle et qu'elle n'avait envisagé aucun aléa de ce chef; qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir contesté la décision de la Carpa de ne pas déconsigner les fonds au profit du 1er adjudicataire vu les dispositions de l'article L 322-12 du Code de Procédure Civile d'exécution, ni de ne pas avoir poursuivi vainement M [R] car elle justifie de vaines poursuites .

Elle demande, en conséquence, à titre d'indemnisation, le montant de la créance impayée à l'égard de son emprunteur.

La banque expose que la copie exécutoire de l'acte de prêt et l'hypothèque ne lui ont jamais été transmis et qu'elle s'est rapidement heurtée à un débiteur défaillant.

Elle affirme qu'en libérant les fonds, objet du prêt, sans assortir cette libération de la prise de la garantie imposée par la banque et à laquelle était conditionné le prêt, le notaire lui a fait perdre la garantie de sa créance et que la vente ayant été résolue, l'inscription du privilège de prêteur de deniers n'a pas pu intervenir ; qu'ainsi, la faute du notaire est patente car il n'a pas garanti sa créance alors qu'il doit s'assurer de l'efficacité de l'acte dont la rédaction lui est confiée ; que le notaire aurait dû exiger de l'adjudicataire le justificatif du versement de la partie du prix lui incombant correspondant à son apport personnel avant de libérer les fonds issus du prêt.

Le notaire oppose qu'il avait reçu, le 17 juin 2014, l'assurance du conseil de M [R] que celui-ci 'dépose ce jour un chèque du reliquat restant dû'; que la banque a, elle-même, commis une faute dans la mesure où elle avait consenti le prêt qui n'était qu'un prêt de financement partiel, où elle n'ignorait pas que la publication du jugement d'adjudication de nature à titrer l'emprunteur était conditionnée au paiement du prix en son intégralité et où la publication du jugement ne pouvait être intervenue à la date à laquelle la banque avait été sollicitée puisque le financement portait justement sur le prix d'adjudication; qu'elle ne s'est pas préoccupée, avant de faire l'offre, de savoir si l'adjudicataire avait réglé la partie du prix à sa charge; que lors de l'établissement de l'acte authentique, le prêt était, de toute façon, déjà octroyé; qu'il n'avait aucun pouvoir de retenir des fonds que la banque lui avait remis pour les délivrer à la Carpa en application du cahier des charges; que la banque n'a pas contesté la position de la Carpa refusant la déconsignation à l'avocat de M [R] au visa de l'article L 322-12 du code des procédures civiles d'exécution.

En ce qui concerne, en premier lieu, l'appréciation de la faute, il sera retenu :

Que le notaire a été chargé par la banque de donner une forme authentique au prêt qu'elle avait accordé à M [R] à fin de financer une partie du prix dû par celui-ci en suite de l'adjudication du 12 septembre 2013, et dans ce cadre, de réaliser les démarches nécessaires à l'inscription des garanties voulues par la banque et énoncées à l'acte authentique;

Qu'il a reçu les sommes correspondant au prêt le 9 juillet et s'en est dessaisi le 10 juillet au profit du compte Carpa ouvert pour cette vente, sans donc s'être assuré que M [R] avait préalablement payé la part lui revenant, de sorte qu'avec le versement des sommes prêtées le paiement fût complet.

Que seule, cette situation permettait la publication du jugement d'adjudication et de l'acte de prêt et par suite, l'inscription sur le bien des garanties requises par la banque;

Que par suite, cette précaution s'imposait pour diligenter un acte efficace, notamment au regard de la nécessité de prendre ces inscriptions destinées à garantir les intérêts de la banque, et ce même si la prise de ces garanties ne peut être retenue comme stipulée au titre d'une condition suspensive de l'acte, étant observé sur cette question, d'une part qu'une telle condition n'aurait, de surcroît, eu aucun sens, d'autre part que la condition résolutoire est de toute façon toujours sous entendue dans un contrat synallagmatique ; que le notaire, professionnel du droit en cette matière, ne pouvait donc ignorer cette exigence et la circonstance que le prêt ait été arrêté sans son concours est indifférente au regard de sa mission ainsi que des obligations lui incombant, attachées à la rédaction et à l'efficacité de l'acte authentique dont il était chargé et qui était nécessaire pour la prise d'inscription des garanties.

Que quand bien même cette libération des fonds entre les mains de la Carpa répondait aux exigences du cahier des charges de la vente sur adjudication, elle est néanmoins fautive car si l'affectation des fonds était effectivement leur remise au séquestre, le notaire n'était cependant pas obligé de procéder à cette libération sitôt les fonds reçus ; qu'au contraire, ayant la charge de l'inscription des sûretés, il devait, en considération de ce que celle ci n'était possible que si le prix et les frais de la vente étaient tous acquittés , préalablement s'assurer de l'acquit complet des sommes dues par M [R].

Que le notaire ne peut, non plus, tirer argument de ce que l'emprunteur déclare à son acte que la grosse du jugement d'adjudication est en cours de publication et qu'il s'est heurté à l'impossibilité d'inscrire l'hypothèque, dès lors précisément que sa faute consiste à ne pas s'être assuré, par lui-même, que l'adjudicataire avait payé la part du prix et des frais lui incombant, en sus du paiement correspondant au montant du prêt, ce qui seul permettait donc cette publication.

Qu'il ne saurait non plus être retenu que le justificatif du versement des fonds ne pouvait être fait qu'après libération des sommes prêtées, le grief qui lui est fait ne consistant, en effet, pas à soutenir qu'il devait obtenir ce justificatif, mais à faire état de ce qu'il aurait dû s'assurer du paiement de la seule partie du prix devant être directement acquittée par M [R].

Que Me [G] savait d'ailleurs si bien l'importance de cette exigence qu'il s'en est inquiété auprès du conseil de M [R], mais qu'il s'est contenté d'une réponse de celui-ci en date du 17 juin laquelle, contrairement à ce qu'il prétend, ne lui donnait aucune assurance sur cette question, le confrère se contenant d'y écrire ;' M [R] me dépose ce jour un chèque' et l'emploi du temps présent 'me dépose ' et non d'un temps passé, tel 'm'a déposé' démontrant précisément qu'aucune certitude n'existait quant à la réalisation effective du paiement au moment de cette lettre .

Que le notaire ne saurait, par ailleurs, invoquer une faute de la banque; qu'en effet, la banque n'a pas commis d'imprudence en délivrant les fonds au notaire, ni en consentant l'offre de prêt sans s'assurer du paiement de M [R] dès lors qu'elle avait choisi de faire constater la réalisation de ce prêt déjà consenti par un acte authentique et que même si elle est un professionnel du financement , elle attendait du notaire, quant à lui professionnel du droit de la vente et des sûretés, lequel avait été précisément requis pour s'occuper de lui procurer un titre exécutoire efficace notamment quant aux sûretés qui y étaient stipulées, qu'il prenne toutes les précautions nécessaires à cet effet et ce d'autant que le jugement d'adjudication était déjà ancien; que peu importe que ces inscriptions n'aient pas été stipulées comme une condition suspensive ou résolutoire de la vente , et peu importe également que l'authentification qui n'est effectivement pas une condition de validité du prêt, n'ait été requise que pour la prise des inscriptions dont le notaire devait précisément assurer l'efficacité.

Que le notaire ne peut, non plus, prétendre s'exonérer :

-ni par une prétendue faute du conseil de M [R] consistant dans la déclaration contenue à son courrier du 17 juin 2014 dès lors qu'il n'est pas établi que cette lettre, qui se contente de faire état d'un seul versement à venir dans la journée du 17 juin , fût à ce sujet erronée au moment de sa rédaction,

- ni par la carence de M [R] lui même .

Qu'enfin, il ne démontre la survenance d'aucun cause étrangère.

La faute du notaire étant ainsi retenue, il convient , dès lors, d'apprécier l'existence d'un préjudice en lien causal avec cette faute, étant de ce chef précisé :

- que la banque le définit à bon droit, non comme la perte de chance de ne pas consentir au prêt, mais comme la perte de sa garantie et qu'elle l'évalue à une somme correspondant au montant de sa créance non recouvrée contre l'emprunteur par suite de l'impossibilité de mettre en oeuvre les garanties qui auraient dû être prises, soit la somme de 107 084,53€, qui dans ses modalités de calcul n'est pas critiquée

- et qu'il doit être admis que la nature de ces garanties ( privilège de prêteur de deniers et/ou 'hypothèque de premier rang et sans concurrence' ainsi que mentionné en gras à l'acte notarié) devait lui en garantir intégralement le paiement ,

- mais que le notaire fait, de son côté, valoir que ce préjudice n'est cependant pas certain dans la mesure où la banque ne justifie pas avoir utilisé les possibilité s'offrant à elle pour recouvrer sa créance,

- et qu'il sera en droit retenu que la banque qui dispose, par elle-même, de voies de droit qui lui sont propres pour recouvrer sa créance doit justifier les avoir exercées, à défaut de quoi son préjudice n'est pas certain;

Or, en l'espèce, s'il ne peut être utilement reproché à la banque de ne pas avoir contesté auprès de la Carpa la décision de refus de consignation dont on relèvera qu'elle concernait une demande formulée par le conseil de M [R], et dont on ne peut de toute façon présumer d'une issue qui lui eût été nécessairement favorable, elle était cependant titulaire d'un titre exécutoire qui lui avait été remis, de sorte que le montant des sommes libérées en exécution du prêt étant consigné entre les mains de la Carpa, elle pouvait faire procéder, en usant de son titre, à une saisie entre les mains de celle-ci.

Cette saisie était, vu les conditions du prêt consenti, de nature à la désintéresser, au moins en partie, la mesure dudit désintéressement devant se faire à partir des éléments suivants :

- en premier lieu, le fait que les deux parties conviennent que la Carpa détenait une somme totale de 99 000 euros;

- en second lieu, la considération de ce que l'interprétation proposée par la banque de l'article L 322-12 du code des procédures civiles d'exécution ne peut être retenue, puisqu'après la réitération d'enchères au prix de 111000€, le séquestre ne pouvait prétendre conserver que la somme de 4000€ correspondant au différentiel entre les prix des deux ventes ( 115 000-111 000), outre les frais de la vente et les droits dûs .

Ainsi, dès lors que le notaire fixe, lui-même, la somme totale susceptible d'être retenue à ces titres par la Carpa à 9000 euros, sans que la banque ne fournisse un décompte différent pour les frais, l'existence d'un préjudice certain ne peut être retenue qu'au delà de la somme de 90 000 euros, ce qui conduit à le fixer, vu le montant ci dessus retenu de la créance dont la garantie a été intégralement perdue compte tenu de la qualité des inscriptions devant être prises, à la somme de 17 084,53€ outre les intérêts contractuels de 3,70% sur cette somme depuis le 27 juillet 2016, date de l'arrêté du compte de créance de la banque .

S'agissant enfin, de cette dernière somme, aucun grief utile tiré d'un défaut d'action contre le débiteur ne peut être fait à la banque, les pièces du dossier permettant de retenir que M [R] n'a pas été en mesure de s'acquitter du solde du prix en 2014, que dès janvier 2015, il ne répondait plus aux courriers recommandés de la banque le mettant en demeure, ni en janvier 2016 à ceux du notaire qui ne le trouvaient pas à son adresse.

Le jugement sera donc infirmé, sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir des notaires ainsi que la demande d'exécution provisoire, ces dispositions n'étant pas critiquées.

Vu les articles 696 et suivants du Code de Procédure Civile .

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort,

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir des notaires ainsi que la demande d'exécution provisoire, et statuant à nouveau sur les autres demandes :

Dit que le notaire a commis une faute et que le préjudice en résultant s'élève à la somme de 17 084,53€, outre les intérêts contractuels de 3,70% sur cette somme depuis le 27 juillet 2016,

En conséquence, condamne in solidum Me [G] et la SCP [G] à payer à la Banque Populaire Méditerranée la somme de 17 084,53€, outre les intérêts contractuels de 3,70% sur cette somme depuis le 27 juillet 2016, ainsi que celle de 2500 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Rejette les demandes plus amples,

Condamne in solidum Me [G] et la SCP [G] à supporter les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel avec distraction en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile .

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 18/01816
Date de la décision : 03/12/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°18/01816 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-03;18.01816 ?
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