La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/12/2019 | FRANCE | N°18/01770

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 03 décembre 2019, 18/01770


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 03 DECEMBRE 2019

AD

N° 2019/ 642













Rôle N° RG 18/01770 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB34B







SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT - (CIFD)





C/



[G] [H]

[Q] [W]

SCP NICOLAS DJOLAKIAN ET XAVIER RUSSO





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



r>
Me Joseph MAGNAN



Me Thomas D'JOURNO



Me Amelle GUERCHI





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 25 Janvier 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/04356.





APPELANTE



SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPP...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 03 DECEMBRE 2019

AD

N° 2019/ 642

Rôle N° RG 18/01770 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB34B

SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT - (CIFD)

C/

[G] [H]

[Q] [W]

SCP NICOLAS DJOLAKIAN ET XAVIER RUSSO

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Joseph MAGNAN

Me Thomas D'JOURNO

Me Amelle GUERCHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 25 Janvier 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/04356.

APPELANTE

SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT - (CIFD) venant aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE MEDITERRANEE (CIF MED), laquelle venait elle-même aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE MEDITERRANEE, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Grégoire LUGAGNE DELPON, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Maître Nicolas DJOLAKIAN,

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Thomas D'JOURNO de la SELARL PROVANSAL-AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [Q] [W]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 18/13679 du 11/01/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Amelle GUERCHI, avocat au barreau de MARSEILLE

SCP NICOLAS DJOLAKIAN ET XAVIER RUSSO,

sis [Adresse 5]

représentée par Me Thomas D'JOURNO de la SELARL PROVANSAL-AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 Octobre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Agnès SOULIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Décembre 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Décembre 2019,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Mme Agnès SOULIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE :

Saisi d'un litige tendant à la recherche de la responsabilité de Me [G] [H] et de la société civile professionnelle de notaires [H] à la demande du Crédit immobilier de France Méditerranée, le tribunal de grande instance de Marseille a, par jugement contradictoire du 25 janvier 2018, rejeté les demandes du Crédit immobilier de France Méditerranée, l'a condamné à payer la somme de 2500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens, et a rejeté la demande d'exécution provisoire.

Le jugement a essentiellement retenu que la responsabilité du notaire à l'égard des tiers ne peut être engagée que si l'acte a été instrumenté en violation de droits dont il avait connaissance ; qu'aucune obligation ne pesait sur le notaire d'informer spontanément le Crédit immobilier de France Méditerranée de la décision de M. [W] d'acquérir le bien en indivision avec sa compagne, considérant de ce chef que le notaire n'avait pas été chargé d'authentifier le prêt souscrit auprès de cette banque, qu'en l'absence de transmission de l'offre de prêt au notaire, il n'était pas établi qu'il connaissait une exclusion possible de la garantie par la caution institutionnelle de ce prêt en cas d'acquisition du bien sous le régime de l'indivision, que les causes du cautionnement ne mentionnent pas une telle exclusion, que le courrier de refus de prise en charge CNP est lapidaire et que la banque ne l'a pas contesté.

Le Crédit immobilier de France développement a relevé appel de cette décision le 31 janvier 2018, exposant venir aux droits du Crédit immobilier de France Méditerranée.

Par ses conclusions du 24 avril 2018, il demande de :

- déclarer son appel bien-fondé et réformer le jugement,

- dire qu'il est créancier d'une somme de 32'123,50 euros au titre du prêt à la date du 2 février 2016, qu'en fournissant une fausse information à la banque, le notaire a commis une faute et que le refus de prise en charge du prêt par la caution du prêt découle directement de cette faute,

- en conséquence, condamner in solidum Me [G] [H] et la société civile professionnelle de notaires [H] à lui payer la somme de 32'123,50 euros,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner in solidum [G] [H] et la société civile professionnelle de notaires [H] à lui payer la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Me [G] [H] et la société civile professionnelle de notaires [H] ont conclu, le 22 août 2018, en demandant de :

- confirmer le jugement et rejeter toutes les demandes de l'appelant,

- à titre subsidiaire, condamner M. [W] à les relever et garantir de toute condamnation prononcée,

- condamner tout succombant à leur payer la somme de 2500 €par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

M. [W] a conclu, le 3 août 2018, en demandant de :

- confirmer le jugement,

- déclarer sa mise en cause irrecevable,

- condamner le notaire et la société de notaires au paiement de la somme de 2500 € par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prise le 1er octobre 2019.

MOTIFS

Il ressort des éléments versés que par acte authentique du 5 novembre 2007, Me [G] [H], notaire à [Localité 2], a passé la vente de divers biens en copropriété au prix de 90'000€, les acquéreurs étant M. [W] et Mme [D] ;

que le Crédit immobilier de France Méditerranée avait consenti pour cette acquisition à M [W] un prêt immobilier d'un montant de 55'000 € selon une offre du 17 octobre 2007, acceptée le 28 octobre 2007 ;

que M. [W] a bénéficié à compter de la fin de l'année 2012 d'un plan conventionnel de redressement dans le cadre d'une procédure de surendettement avec un moratoire de 24 mois et que le 5 février 2015, la commission de surendettement a recommandé un effacement partiel de ses dettes avec liquidation au profit de la banque d'une somme de 18'650 € au titre du solde restant après la vente du bien immobilier ;

que le tribunal d'instance de Marseille a conféré force exécutoire à ces recommandations le 13 avril 2015 ;

que le Crédit immobilier, ainsi partiellement réglé du prêt consenti, a alors sollicité la CNP caution au titre du cautionnement qu'elle avait consenti, mais que celle-ci a refusé la prise en charge du dossier, motif pris de ce que, contrairement à la présentation qui lui avait été faite lors de la demande de cautionnement, M. [W] n'était pas pleinement propriétaire du bien financé, l'ayant acquis à hauteur de 50 % en indivision avec Mme [D].

C'est dans ces conditions que le Crédit immobilier de France Méditerranée a recherché la responsabilité du notaire, lui reprochant essentiellement de lui avoir écrit, le 2 octobre 2007, que M. [W] se portait acquéreur seul du bien, ce qui l'avait conduit à émettre l'offre de prêt en considération de cette information, alors qu'une banque qui consent un prêt dans ces conditions, apprécie son risque et décide des garanties à prendre à partir du projet qui lui est présenté.

Il rappelle à cet égard les termes de la lettre du notaire du 2 octobre 2007 ainsi qu'il suit : « je reviens vers vous suite à notre conversation téléphonique et vous confirme que M. [W] m'a fait part de son intention d'acquérir seul le bien immobilier sis à [Adresse 4] » et expose qu'il a adressé au notaire, le 5 novembre 2007, le chèque correspondant à la libération des sommes au titre du prêt consenti à M [W] pour un montant de 54'340 €.

Il affirme que le notaire était le seul avec l'emprunteur à connaître l'information de l'achat en indivision et qu'il lui appartenait de veiller à la véracité des éléments de réponse fournis jusqu'à la signature de l'acte ; que la demande de déblocage des fonds du 5 novembre 2007 n'a été faite que par M. [W] et que rien ne pouvait l'alerter sur l'achat en indivision ; que si aucune copie de l'offre de prêt n'a été transmise au notaire, celui-ci ne pouvait toutefois ignorer les conséquences d'une fausse déclaration sur la validité du contrat de cautionnement ; qu'au vu des clauses contractuelles, la banque ne pouvait valablement contester le refus de prise en charge de la caution ; qu'en toute hypothèse, l'effacement de la dette n'aurait pas empêché la caution de régler le Crédit immobilier, ni de se retourner contre le débiteur vu les dispositions de l'article L742- 22 du code de la consommation.

Il fait enfin valoir que le bien ayant été vendu 75'000 €, sa créance au titre du prêt, compte tenu du remboursement reçu de 18'650 €, s'élevait à 32'123,50 euros, somme à laquelle il évalue son préjudice en expliquant que cette somme ' aurait dû être prise en charge par CNP Caution si Me [H] n'avait pas transmis au prêteur une fausse information'.

Le notaire et la société civile de notaires lui opposent que la dette de l'emprunteur est totalement effacée en suite de la procédure de surendettement, de sorte que la banque ne pouvait obtenir le règlement de la caution puisque la dette était éteinte et que si l'emprunteur avait fait l'objet d'un recours subrogatoire de la caution, il lui aurait opposé les dispositions des articles 2290 et 2312 du Code civil.

Ils soulignent que les textes du code de la consommation invoqués ne sont pas applicables car ils ne visent que le cas où la caution règle les dettes du débiteur avant la clôture de la procédure, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la demande de paiement n'étant intervenue que le 16 novembre 2015 ; qu'aucune obligation ne pesait sur le notaire d'informer la banque spontanément dans la mesure où le prêt est un acte sous seing privé et qu'il n'est pas démontré que le notaire ait été en possession de l'offre de prêt, ni des conditions dans lesquelles la caution a pu considérer que l'acquisition en indivision était un critère d'exclusion, ces divers éléments ne résultant ni de la loi, ni d'une convention publiée et ne pouvant, en conséquence, constituer des droits opposables.

M [W] expose, en premier lieu, que son intervention forcée pour la première fois en cause d'appel est irrecevable en l'absence d'évolution du litige.

Sur le fond, il rappelle le devoir de conseil auquel est tenu le notaire, sa qualité de profane, et sa situation financière précaire avec l'effacement partiel des dettes dont il a bénéficié au terme de la procédure de surendettement.

Sur l'irrecevabilité soulevée par M [W], il résulte de la décision attaquée que même s'il n'a pas comparu par devant le Tribunal de Grande Instance, il avait cependant la qualité de défendeur devant le tribunal, la banque ayant alors déjà formé à son encontre une demande de relevé et garantie.

Son appel en cause à la procédure d'appel, au demeurant fait en qualité d'intimé et non d'intervenant forcé, n'est donc pas irrecevable sur le fondement de l'article 555 et le moyen de ce chef sera rejeté.

Sur le fond, le notaire est recherché par la banque sur le fondement d'un manquement à son obligation de conseil et d'information.

S'il est certain que le notaire connaissait la situation d'emprunteur de M [W] à l'égard de la banque, dès lors d'une part, qu'elle l'avait sollicité pour connaître les modalités de l'achat, et qu'il lui avait fait part, le 2 octobre, des éléments dont son client l'avait informé à ce sujet et dès lors d'autre part, qu'il a bien été destinataire, le 5 novembre, des fonds mis à disposition par celle-ci et servant à l'acquisition (55000€ sur 90 000€), il n'est toutefois pas démontré qu'à cette date même du 2 octobre, sa déclaration sur l'achat par M [W] seul était erronée, aucun élement ne venant, en effet, démontrer qu'à ce moment, il avait déjà connaissance de la volonté de celui-ci d'acheter en indivision.

Il sera par ailleurs considéré que connaisssant donc le financement de l'opération par un prêt et sachant les éléments qu'il avait donnés à la banque sur les conditions d'acquisition par M [W] seul, le notaire ne pouvait manquer d'envisager, à tout le moins lorsqu'il a préparé le projet d'acte pour deux acquéreurs en indivision, préparation qui est nécessairement intervenue avant le 5 novembre sans pour autant pouvoir être plus précisément fixée, que ce changement dans les modalités de la vente était un élément déterminant pour les garanties de la banque, laquelle avait bien un droit opposable à M [W] par suite du prêt et voyait son risque modifié ; qu'ainsi, en ne l'avisant pas du changement de situation de ce chef, le notaire a commis une faute, peu important que le prêt ne fût pas notarié, peu important qu'il n'ait pas connu les conditions d'intervention de la caution et peu important qu'il ne s'agisse pas d'un 'droit légal' ou d'une 'convention publiée'.

Reste dès lors à apprécier l'existence d'un préjudice en lien causal avec cette faute en soulignant à cet égard :

- que sont inopérants :

- que par ailleurs, dès lors que la banque avait émis son offre de prêt le 17 octobre et qu'il n'est pas établi que la faute du notaire [qui consiste donc, non pas en une fausse information à la date du 2 octobre 2007, mais dans le fait de ne pas avoir averti la banque de l'achat finalement fait à deux] serait antérieure à cette offre de prêt, il n'y a pas de lien causal démontré entre la faute et le préjudice tel que présentement invoqué dans les conclusions de la banque et dont les termes sont ci-dessous repris, à savoir un montant de 32 123,50€, 'qui aurait du être pris en charge par CNP Caution si Me [H] n'avait pas transmis au prêteur une fausse information'.

Les demandes de condamnation du Crédit immobilier contre le notaire et la SCP de notaires seront donc rejetées et la demande de relevé et garantie de ceux-ci contre M [W] jugée sans objet.

L'appelante sera, en conséquence, déboutée des fins de son recours et le jugement confirmé.

Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.

L'équité commande l'application de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports de l'appelante et des notaires.

M [W] n'ayant formé sa demande sur ce même fondement que contre les notaires, l'équité ne commande pas l'application de ces dispositions.

En raison de sa succombance, la société Crédit immobilier de France développement supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel en la cause en qualité d'intimé de M. [W].

Confirme le jugement en toutes ses dispositions et déboute l'appelante des fins de son recours,

y ajoutant :

Condamne la société Crédit immobilier de France développement à payer à Me [H] et à la société civile professionnelle Djolakian Russo ensemble la somme de 1500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de ce chef de M.[W],

Condamne la société Crédit immobilier de France développement aux dépens de la procédure d'appel et en ordonne la distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile, étant précisé que M [W] bénéficie de l'aide juridictionnelle.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 18/01770
Date de la décision : 03/12/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°18/01770 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-03;18.01770 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award