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29/11/2019 | FRANCE | N°17/05286

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 29 novembre 2019, 17/05286


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND

DU 29 NOVEMBRE 2019



N° 2019/ 321













Rôle N° RG 17/05286 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAHA5







SAS PROVETIQ INDUSTRIE GROUP





C/



[P] [S]

















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Alain FRANCESCHINI, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Amandine CHATILLON, avocat au barreau de

MARSEILLE



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 09 Mars 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 14/03154.





APPELANTE



SAS PROVETIQ INDUSTRIE GROUP,...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 29 NOVEMBRE 2019

N° 2019/ 321

Rôle N° RG 17/05286 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAHA5

SAS PROVETIQ INDUSTRIE GROUP

C/

[P] [S]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Alain FRANCESCHINI, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Amandine CHATILLON, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 09 Mars 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 14/03154.

APPELANTE

SAS PROVETIQ INDUSTRIE GROUP, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Alain FRANCESCHINI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [P] [S]

née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 6], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Amandine CHATILLON, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Octobre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Erika BROCHE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Dominique DUBOIS, Président de Chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Erika BROCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2019

Signé par Madame Dominique DUBOIS, Président de Chambre et Mme Nadège LAVIGNASSE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Madame [P] [S] a été embauchée en 2002 par la société SUD ETIQUETTES (Gemenos) en qualité d'assistante commerciale. Les actifs de la société SUD ETIQUETTES ont été acquis par la société PROVETIQ ([Localité 5]) des suites d'une procédure collective et Mme [S] a été licenciée dans le cadre du redressement judiciaire.

En décembre 2009, Madame [S] a été embauchée par la société PROVETIQ ([Localité 5]) aux mêmes fonctions, au coefficient 140 pour une rémunération de 1 750,00 € bruts, la convention collective applicable au contrat étant celle de la production des papiers cartons et de la cellulose.

Courant 2010 la société PROVETIQ a été absorbée par la société PROVETIQ INDUSTRIE GROUP et Madame [S] a été affectée au site de [Localité 3].

Au mois de mars 2014, Madame [P] [S] a obtenu la classification niveau III, échelon 3, coefficient 195 du statut employé.

Le 14 mars 2014, Madame [P] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille d'une demande de reclassification, plaidant que ses fonctions étaient celles d'un cadre ou à tout le moins celles d'un agent de maîtrise, niveau IV.

La salariée a été placée en arrêt de travail à compter du 15 avril 2014 et le 31 juillet 2014, l'employeur et la salariée ont conclu une rupture conventionnelle du contrat de travail.

Par jugement contradictoire en date du 9 mars 2017, la juge départitrice du conseil de prud'hommes de MARSEILLE a notamment :

- Fixé la moyenne mensuelle de salaire de Madame [P] [S] à la somme de 2 633,00 € bruts;

- Dit que la société PROVETIQ INDUSTRIE GROUP est redevable de rappels de salaire à l'égard de Madame [P] [S];

- Condamné à ce titre PROVETIQ INDUSTRIE GROUP à payer à Madame [P] [S] les sommes de 5 484,00 € bruts outre 548,40 € au titre des congés payés y afférents;

- Dit que PROVETIQ INDUSTRIE GROUP a commis des faits de travail dissimulé;

- Condamné PROVETIQ INDUSTRIE GROUP à payer à Madame [P] [S] 15 798,00 € à titre d'indemnité du chef de travail dissimulé;

- Condamné PROVETIQ INDUSTRIE GROUP à payer à Madame [P] [S] la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné PROVETIQ INDUSTRIE GROUP à remettre à Madame [P] [S] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, une attestation pole emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifiés conformément à la présente procédure et à régulariser la situation de la salariée auprès des organismes sociaux.

La S.A.S PROVETIQ INDUSTRIE GROUP a interjeté appel total de cette décision le 17 mars 2017.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 juin 2017, et auxquelles il est référé pour un exposé complet des prétentions et moyens, l'appelante demande à la cour de :

- Confirmer le jugement de première instance en ce qu'elle a rejeté les demandes de Mme [S] et notamment :

Les demandes de requalification; d'indemnité de rupture; de remise en cause de la rupture conventionnelle; d'indemnité concernant la portabilité des garanties collectives.

- Réformer le jugement pour le surplus et jugeant à nouveau,

- Déclarer Madame [P] [S] irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes et l'en débouter;

- Condamner Madame [P] [S] a payer la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

- Condamner Madame [P] [S] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 août 2019, et auxquelles il est référé pour un exposé complet des prétentions et moyens, l'intimée demande à la cour de :

- Constater que la réalité des fonctions exercées par Madame [S] au sein de la société PROVETIQ INDUSTRIE GROUP impliquait la qualification de cadre ;

- titre subsidiaire, dire et juger que Madame [S] devait bénéficier du coefficient 350 correspondant au statut d'agent de maîtrise;

- la base d'une classification de cadre niveau A échelon 1 et du salaire promis par l'employeur à compter du 1er juillet 2011, ordonner le paiement d'un rappel de salaire d'un montant de 7.238,08 euros bruts augmenté de l'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 723,81 euros bruts ;

- A titre subsidiaire, sur la base du coefficient 350 (AM) paiement d'un rappel de salaire d'un montant de 19.375,51 euros bruts augmenté de l'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 1.937,55 euros bruts ;

- A titre infiniment subsidiaire, si le classement de Madame [S] au niveau I, coefficient 140 du statut ouvrier n'est pas remis en cause, ordonner, sur la base du salaire promis par l'employeur, le paiement d'un rappel de salaire d'un montant de 7.238,08 euros, augmenté de

l'indemnité compensatrice de préavis de 723,81 euros bruts ;

- En tout état de cause, condamner l'employeur à régulariser en paie les éléments de rémunération déguisés représentés par les indemnités kilométriques en paie (montant cumulé de 8.224,66 euros) et à acquitter les charges patronales et salariales y afférentes ;

- Ordonner le paiement d'un rappel sur indemnité de rupture de 9.882,78 euros en application des dispositions conventionnelles de branche applicables aux cadres ; à titre subsidiaire, sur la

base du coefficient 350 (AM) d'un rappel sur le montant de son indemnité de 2.032,07 euros ;

- A titre infiniment subsidiaire, si le classement de Madame [S] au niveau I, coefficient 140 du statut ouvrier n'est pas remis en cause, ordonner le paiement d'un rappel sur indemnité de rupture de 1.054,87 euros ;

- Ordonner la délivrance d'un bulletin de paie portant les éléments de paie régularisés et les rappels de salaires ainsi que des documents sociaux de fin de contrat rectifiés pour la période de juillet 2011 à septembre 2014 ;

- Constater une situation de travail dissimulée par dissimulation d'emploi salarié ;

- Ordonner le paiement d'une indemnité forfaitaire de 18.181,20 euros pour travail dissimulé

- à titre subsidiaire porter cette indemnité à 18.603,70 euros nets (sur la base du coefficient 350 AM) ; à titre infiniment subsidiaire porter cette indemnité à 16.132,69 euros nets (sur la base du dernier salaire brut perçu effectivement par la salariée) ;

- Constater que Madame [S] a été contrainte de recourir à une convention de rupture conventionnelle en raison du différend qui les opposait, que les manquements de l'employeur ont conduit à la perte d'emploi de Madame [S] et dédommager son préjudice matériel et moral par le versement d'une indemnité de 20.000 euros au titre des dommages et intérêts ;

- En application de l'article 32 de la convention IDCC 1495, condamner l'employeur à verser une indemnité compensatrice pour trois jours de congés payés non attribués en 2010 et 2011 soit 371,21 euros bruts ;

- Réparer à hauteur de 1.500 euros le préjudice subi par Madame [S] en raison du non respect par l'employeur de la portabilité obligatoire en cas de chômage de la garantie collective des frais de santé et de prévoyance ;

- Condamner la société PROVETIQ INDUSTRIE GROUP à 2.800 euros de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;

- A titre très infiniment subsidiaire, confirmer la décision de départage du 9 mars 2017 et débouter la société PROVETIQ INDUSTRIE GROUP de l'intégralité de ses demandes en appel.

L'appelante indique que toute la production est gérée par le logiciel KAYROS qui automatise la quasi totalité des opérations, soit toutes les fonctions d'approvisionnement, d'ordre de production, de planning et de suivi de production.

Elle estime qu'en pratique Madame [S] ne s'occupait pas du tout de négocier les conditions et les tarifs des approvisionnements, que les fournisseurs étaient référencés en amont par le biais d'un groupement d'achats et déjà paramétrés dans KAYROS et que l'ordre de fabrication déclenchait l'ensemble des commandes.

La S.A.S dit que Madame [S] travaillait seule sous la direction du directeur de production et n'avait aucun salarié sous sa responsabilité, elle n'avait rien à coordonner; Qu'elle ne gérait pas les fiches techniques de production ni les ordres de fabrication; Qu'elle se contentait de suivre le bon déroulement du processus informatique et de le imprimer; Que le contrôle qualité et l'entretien des machines étaient assurés par le conducteur de la machine sous le contrôle d"un second conducteur suivant la procédure de l'entreprise de la norme ISO 9001; Qu'elle n'avait aucune compétence en matière d'hygiène et de règlement intérieur ou d'entretien des locaux; Que les inscriptions manuscrites versées aux débats par l'intimée n'avaient pas lieu d'être étant donné que ce planning apparaît sur les ordinateurs de chaque machine et doit être modifié informatiquement; Qu'elle a volontairement créé des documents dans le seul but de préparer un dossier contentieux ultérieur.

Elle conteste également l'affirmation selon laquelle Mme [S] devait rendre compte au Président des achats fournisseurs supérieurs à 2500 € et non au directeur de production ou assumait les rendez-vous avec les fournisseurs.

Madame [S] de son coté indique avoir conservé en 2010 son poste d'assistante commerciale le matin et investi des fonctions d'assistante de production l'après-midi; qu'elle avait donc deux fiches de fonction. Elle indique que par la suite, elle a cessé d'occuper des fonctions commerciales et le contenu de ses responsabilités au sein de la production s'est étoffé sans qu'elle puisse obtenir une fiche de poste actualisée.

Elle précise qu'elle faisait de nombreuses heures supplémentaires, que l'employeur a fait le choix de rémunérer en grande partie sous forme de « frais de déplacement » ; Qu'elle continuait de traiter les commandes, faire les devis, s'occuper de l'accueil téléphonique et de la facturation; Que l'après-midi : elle traitait les ordres de fabrication, suivait la production, encadrait les machinistes et opérateurs PAO.

Elle précise qu'en 2011 les fonctions du Directeur lui ont été confiées générant un accroissement de ses responsabilités et que cela consistait au traitement de la totalité des ordres de fabrication; des étiquettes de l'entreprise (du retirage à la création), de tous les approvisionnements matière première, dorures, outils de découpe et de la planification de l'atelier étiquettes.

Elle souligne que l'employeur s'est engagé en 2011 à lui verser à compter du 1er juillet 2011 un salaire net mensuel de 2.027,39 euros nets sur 13 mois; que cependant, l'employeur a finalement préféré verser l'augmentation promise sous forme de « frais de déplacement » et qu'il lui a assuré que l'augmentation interviendrait fin 2011 en même temps que l'obtention du statut de cadre; Que cependant elle a conservé un coefficient 140 niveau 1 (statut « ouvrier ») et un salaire de base identique de 2.000,53 euros bruts; Que ce n'est qu'en mars 2014 que Madame [S] s'est vue attribuer un coefficient 195 niveau 3 (statut « Etam ») et une revalorisation de sa rémunération insuffisante toutefois au regard du montant promis par l'employeur.

Concernant l'éventuel rappel de salaire, elle indique que le calcul doit se faire sur la base du salaire brut et souligne que les documents versés aux débats démontrent que Mme [S] a été remplie de ses droits.

Sur la validité de la rupture conventionnelle elle plaide qu'aucun vice du consentement n'est démontré et que l'existence au moment de sa conclusion, d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention.

Sur le travail dissimulé, la S.A.S PROVETIQ INDUSTRIE GROUP indique, avoir octroyé une nouvelle augmentation de salaire qui a été porté à 2 000.00 € bruts par mois, tout en continuant à verser en toute connaissance de cause des frais de déplacements qu'elle n'effectuait plus, à la suite de l'absorption. Elle précise cependant que le texte, L8221-5 du code du travail dans sa version applicable aux faits, soit du 1er mai 2003 au 22 décembre 2010 d'interprétation stricte, ne caractérise le travail dissimulé par une absence de paiement de cotisations sociales.

Concernant les demandes de paiement des heures supplémentaires, elle les considère infondées et estime que les décomptes produits par Madame [S], ne correspondent en rien sont en totale contradiction avec ceux figurant sur les bulletins de salaire.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 13 septembre 2019.

MOTIFS

1) Sur la demande relative à la qualification professionnelle

La qualification du salarié s'apprécie au regard des fonctions effectivement exécutées. Il incombe à Madame [P] [S], qui prétend qu'elle devait bénéficier d'un classement en catégorie cadre niveau A échelon 1 ou à titre subsidiaire, d'agent de maîtrise niveau V coefficient 350, d'en établir la preuve.

Le statut de cadre :

L'annexe 1 de l'accord du 13 décembre 2010 précise la définition du cadre débutant (échelon 1, niveau A) Les cadres débutants 'ont les connaissances requises mais ne possèdent pas l'expérience professionnelle et n'assument pas l'ensemble des responsabilités'. Le titulaire de la fonction maîtrise :

- l'intégralité des techniques à mettre en oeuvre dans le domaine couvert par sa fonction;

- les conditions courantes d'application ;

- leurs impacts et le choix de solutions correspondantes à des situations totalement ou partiellement nouvelles.

La société PROVETIQ a publié une annonce d'offre d'emploi pour le poste de responsable de production qui correspond à un poste de cadre avec expérience. L'employeur indique notamment que le poste implique le management d'une équipe de 23 personnes, souhaite un candidat capable de motiver et de mobiliser une équipe, gérer une production au travers d'indicateurs.

Ce descriptif correspond à la fiche de poste ' Directeur de Production' modifiée le 17 mai 2011, s'agissant du poste affecté à Monsieur [F] [I], qui comprend notamment un pouvoir de décision quant aux horaires, congés embauches et formations des personnels le tout en collaboration avec la direction.

Il ressort des pièces versées par Madame [S] qu'elle communiquait avec les clients pour confirmer l'envoi d'une commande; faisait part aux fournisseurs des difficultés rencontrées avec les qualités attendues d'un produit; passait commande auprès de fournisseurs et gérait les comptes fournisseurs en sollicitant un RIB pour les règlement; a reçu une demande d'échantillon spécifique d'un client afin de tester le pouvoir couvrant d'une étiquette autocollante; a indiqué au Président dans un mail avoir 'remis une commande au planning' Ces missions techniques correspondent à la fois à la fiche de poste d'assistante de production et d'assistante commerciale; que ce soit dans le gestion de la relation client, la validation des fabrications, les commandes de consommables ou la gestion des planning de production.

Elle affirme dans un courrier envoyé le 2 février 2014 notamment qu'elle encadre les machinistes et les opérateurs PAO; gestion du personnel. Elle sollicite dans ce courrier la revalorisation de son salaire et de son statut, précisant effectuer de nombreuses heures supplémentaires.

L'employeur lui répond le 11 février 2014 qu'aucune augmentation n'est prévue, que ses fonctions correspondent à sa fiche de poste et que les dites fonctions ne justifient pas qu'elle effectue des heures supplémentaires.

Dans un message du 12 février 2014, Madame [S] indique au Directeur de Production [F] [I] et à Monsieur [K] [E] (dont la fonction n'est pas connue) : 'j'ai détaché [J] et [G] pour conditionner'.

Ce seul et unique message envoyé au Directeur, sans demande ou réponse associée, dans un contexte de refus opposé par l'employeur à une revalorisation de son statut n'est pas en soi suffisant pour établir que Madame [S] a endossé de manière effective les fonctions de cadre et qu'elle remplit la condition relative à impact des techniques à mettre en oeuvre et le choix de solutions correspondantes à des situations totalement ou partiellement nouvelles. Madame [S] ne justifie pas qu'elle disposait de la marge de manoeuvre et de l'autonomie impliquant pour le cadre de faire des choix qui engagent l'entreprise.

- Sur le statut d'agent de maîtrise

Le statut d'agent de maîtrise niveau V échelon 3, coefficient 350 est défini par l'avenant n°12 du 17 juin 2009 à l'annexe 2 ainsi qu'il suit 'Agent de maîtrise assurant un rôle de coordination de groupes dont les activités mettent en oeuvre des techniques diversifiées et évolutives. Il est responsable de la réalisation d'objectifs à terme. Il est associé à l'élaboration des bases prévisionnelles de gestion. Il prévoit dans les programmes des dispositifs lui donnant la possibilité d'intervenir avant la réalisation ou au cours de celle-ci'.

Il ne ressort pas des pièces versées par Madame [S] qu'elle ait assuré un rôle de coordination de groupes; qu'elle était responsables d'objectifs à terme; qu'elle ait participé à l'élaboration de bases prévisionnelles de gestion ou qu'elle ait prévu un quelconque programme.

Faute pour Madame [S] de rapporter la preuve qu'elle mettait en 'uvre les qualités susvisées à un niveau relevant de la catégorie de cadre ou d'agent de maîtrise, elle sera débouté de ses demandes à ce titre.

2) Sur la demande de rappel de salaire sur la base du salaire promis

Madame [S] verse aux débats une attestation de son employeur en date du 27 juin 2011 qui indique qu'elle n'est pas sous le coup d'un licenciement ou d'une démission et qu'elle percevra à partir du 1er juillet 2011 un salaire net mensuel de 2 027,39 € sur 13 mois.

Examen de ses fiches de paye du mois de juillet 2011 au mois de juillet 2012 mentionnent un salaire net total de 26 375,59 € , soit 2 197,96 €. On constate qu'une prime de 13e mois lui a été versée en novembre 2011 en juillet 2012 et enfin en juillet et décembre 2013.

Ces éléments démontrent qu'elle a bien été remplie de ses droits.

3) Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Madame [S] fournit un tableau sur lequel elle précise les heures supplémentaires qu'elle dit avoir effectuées quotidiennement depuis décembre 2009 jusqu'à fin décembre 2011. Ce tableau lequel mentionne seulement les heures supplémentaires effectuées jour par jour sans l'heure de début, de fin du travail et la pause méridienne, est dès lors en lui-même insuffisamment détaillé pour permettre à l'employeur d'y répondre de manière précise.

Elle produit un message électronique du 15 janvier 2014 dans lequel elle indique au DRH 'je fais bien + que 35 h' et un autre du même jour envoyé au Directeur dans lequel elle indique 'je viens plus tôt le matin pour assumer mon travail totalement'

Elle indique dans un courrier du 2 février 2014 adressé à la direction qu'entre novembre et décembre 2009 elle était payée en heures supplémentaires et en frais de déplacement; puis signale qu'en 2011 ses heures supplémentaires n'étaient plus payées.

L'employeur lui a répondu le 11 février 2014 que ses heures supplémentaires lui ont été payées en 2009 et 2010, mais qu'ensuite, à compter de l'absorption de PROVETIQ par PROVETIQ INDUSTRIE GROUP, aucune heure supplémentaire n'était plus nécessaire.

Ces éléments complémentaires sont également insuffisants pour permettre de retenir que des heures supplémentaires ont bien été effectuées.

4) Sur la demande au titre du travail dissimulé

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L.8221-5, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur :

- Soit de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

En l'espèce, Madame [S] indique que ses heures supplémentaires en 2009 ont été payées sou la forme de frais de déplacement.

En l'espèce, il n'est pas contesté que lors de l'absorption par PROVETIQ INDUSTRIE GROUP, il n'y avait plus deux sites (l'un à [Localité 5], l'autre à [Localité 3]) mais plus qu'un seul site, sur lequel Madame [S] a été affectée. Elle n'avait plus de déplacement à effectuer à compter de 2010. Même si l'employeur reconnaît avoir continué à lui verser des frais de déplacement courant 2010, ce n'est qu'à compter de la loi n°2011-672 du 16 juin 2011 que l'article L 8221-5 du code du travail a été modifié et qu'un alinéa 3 a été ajouté en lien avec la soustraction intentionnelle aux déclarations relatives aux cotisations sociales assises sur les salaires.

La société PROVETIQ INDUSTRIE GROUP reconnaît dans le corps de ses conclusions qu'à la suite de l'absorption et de la réunification de l'activité à Gemenos uniquement, Mme [S] a continué à bénéficier de frais de déplacement qu'elle n'effectuait plus.

Il ressort des fiches de paye qu'elle a bénéficié d'indemnités kilométriques jusqu'en février 2014 inclus. Pour autant, il n'est pas établi que ces versements revêtent un caractère intentionnel de la part de l'employeur.

5) Sur la régularisation des indemnités kilométriques en salaire

La société PROVETIQ INDUSTRIE GROUP reconnaît dans le corps de ses conclusions qu'à la suite de l'absorption et de la réunification de l'activité à Gemenos uniquement, Mme [S] a continué à bénéficier de frais de déplacement qu'elle n'effectuait plus.

Il ressort des fiches de paye qu'elle a bénéficié d'indemnités kilométriques jusqu'en février 2014 inclus. L'article 73 de la loi n°2011-672 du 16 juin 2011 que l'article L 8221-5 du code du travail est entré en vigueur le 17 juin 2011.

Dès lors à compter du bulletin de paye du mois de juin 2011, l'employeur devra procéder à une régularisation et réintégrer l'équivalent des sommes versées en frais kilométriques sous forme de salaire et régularisation cette situation auprès des organismes sociaux.

6) Sur l'exécution de bonne foi du contrat de travail au regard de la rupture conventionnelle

L'article L 1222-1 du code du travail dispose que Le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Au soutien de cette demande, Madame [S] reprend les arguments déjà écarté par la juridiction quant à la qualification professionnelle et le non respect d'une promesse d'augmentation de salaire.

Elle ne produit pas d'autre élément tendant à démontrer une exécution de mauvaise foi du contrat de travail qui l'aurait poussée à accepter une rupture conventionnelle et n'allègue ni ne démontre l'existence d'aucun vice du consentement, même si les relations entre les parties étaient manifestement tendues à compter de fin janvier 2014. Quant à la contrainte alléguée, elle n'est pas démontrée.

7) Sur les demandes indemnitaires

- Rappel sur indemnité spéciale de rupture conventionnelle :

La salariée vise l'article 44 de la convention de branche des ouvriers, employés, dessinateurs, techniciens et agents de maîtrise de la transformation des papiers et cartons et des industries connexes.

Madame [S] a perçu 7 829,72 € . Il s'agit de la somme à laquelle elle pouvait prétendre sur la base d'un salaire brut de 2 300,83 € versé sur 13 mois. Elle sera donc déboutée de sa demande pour le surplus.

- Le défaut d'information relatif au maintien de la couverture maladie :

Madame [S] indique ne pas avoir été informée par l'employeur de son droit au maintien temporaire de cette garantie après cessation du contrat de travail prévu par l'Article L911-8 du code de la sécurité sociale qui dispose que les salariés garantis collectivement, dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d'assurance chômage, selon les conditions suivantes :

Le maintien des garanties est applicable à compter de la date de cessation du contrat de travail et pendant une durée égale à la période d'indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail ou, le cas échéant, des derniers contrats de travail lorsqu'ils sont consécutifs chez le même employeur. Cette durée est appréciée en mois, le cas échéant arrondie au nombre supérieur, sans pouvoir excéder douze mois ;

(...) L'employeur signale le maintien de ces garanties dans le certificat de travail et informe l'organisme assureur de la cessation du contrat de travail mentionnée au premier alinéa.

Il est cependant à préciser que ce texte est entré en vigueur au titre des garanties liées aux risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, à compter du 1er juin 2014 et au titre des garanties liées au risque décès ou aux risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, à compter du 1er juin 2015.

La rupture conventionnelle ayant été signée le 31 juillet 2014, il convient de constater qu'une partie des garanties seulement devait être maintenue.

L'employeur ne justifie pas avoir avisé ni la salariée, ni l'organisme assureur. La salariée justifie avoir payé une mutuelle à compter du 1er janvier 2015 pour un montant annuel de 831,12 € . Elle ne justifie pas de l'opération chirurgicale qu'elle aurait subie en 2015 ou d'un autre dommage.

Ce chef de préjudice sera indemnisé à hauteur de 1 500,00 euros.

- Rappel des jours de congés supplémentaire pour enfant à charge :

Elle invoque l'article 32 de la convention collective IDCC 1495.

Madame [S] indique avoir bénéficié de deux jours de congés à compter de 2012, mais n'en n'a eu aucun en 2010 et un seul en 2011. Elle sollicite de ce chef 371,21 € brut correspondant à 3 jours de congés. L'employeur n'a pas répondu sur ce point. Cette somme lui sera donc accordée.

7) Sur les dispositions accessoires :

Madame [P] [S] qui succombe dans la plus grande partie de ses demandes, sera condamnée aux dépens. L'équité et la situation respective des parties justifient cependant qu'il ne soit pas fait droit à la somme sollicitée au titre des frais irrépétibles engagés par PROVETIQ INDUSTRIE GROUP .

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions SAUF en ce qu'il a débouté Madame [P] [S] de ses demandes relatives à la classification professionnelle et aux heures supplémentaires,

Statuant à nouveau :

DÉBOUTE Madame [P] [S] de ses demandes relatives :

- au rappel de salaire,

- à l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

- à l'indemnité spéciale de rupture conventionnelle,

CONDAMNE la Société PROVETIQ INDUSTRIE GROUP à payer Madame [P] [S] les sommes de :

- 1 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de l'employeur de l'avis prévu à l'article L 911-8 du code de la sécurité sociale,

- 371,21 euros brut au titre du rappel de jours de congés pour enfant à charge,

DIT que les dommages et intérêts porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision par application de l'article 1344-1 du code civil et seront capitalisées en tant que de besoin,

DIT que les sommes versées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents porteront intérêt au taux légal à compter de la première demande en justice,

DIT que l'employeur devra procéder à une régularisation des bulletins de salaire et réintégrer l'équivalent des sommes versées en frais kilométriques sous forme de salaire auprès des organismes sociaux à compter du mois de juin 2011 et jusqu'à la rupture du contrat,

DIT que l'organisme social sera destinataire d'une copie de la présente décision à la diligence du greffe de la cour d'appel,

DIT que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par Madame [P] [S],

DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 17/05286
Date de la décision : 29/11/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°17/05286 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-29;17.05286 ?
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