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21/11/2019 | FRANCE | N°18/19288

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 21 novembre 2019, 18/19288


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AU FOND

DU 21 NOVEMBRE 2019



N° 2019/445













Rôle N° RG 18/19288 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDOHK







[O] [E]





C/



MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL

SCP [C]









Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Florent LADOUCE,

avocat au barreau de DRAGUIGNAN





PG







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 26 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2017003472.





APPELANT



Monsieur [O] [E]

né le [Date na...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 21 NOVEMBRE 2019

N° 2019/445

Rôle N° RG 18/19288 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDOHK

[O] [E]

C/

MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL

SCP [C]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

PG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 26 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2017003472.

APPELANT

Monsieur [O] [E]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

SCP PELLIER

prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société ETABLISSEMENT CERVERA S.A.R.L,

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

Monsieur LE PROCUREUR GENERAL,

demeurant COUR D'APPEL - 20. [Adresse 5]

non représenté

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Octobre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Conseiller

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2019.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2019,

Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

[O] [E] est le gérant depuis le 14 septembre 2012 de la société Etablissements CERVERA dont l'objet social consiste dans les activités de traiteur, fabrication de plats cuisinés , charcuterie, pâtisserie, vente en gros ou détail de volaille, lapins, oeufs, condiments, produits laitiers, poissons, coquillages, produits de la mer, conserves ainsi que tous produits alimentaires.

Cette société est composée d'un établissement principal et de trois établissements secondaires.

M. [E] a sollicité du tribunal de commerce de Fréjus l'ouverture d'une procédure de sauvegarde judiciaire qui a été ordonné par jugement du 18 mars 2013, Me [H] [C] ayant été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Un plan de sauvegarde a été arrêté le 31 mars 2014 avec apurement du passif en dix annuités progressives, la première annuité étant exigible en mars 2015.

Le 1er juillet 2015, Me [C] a déposé une requête en résolution du plan de sauvegarde au motifs que la société Etablissements CERVERA ne respectait pas ses obligations découlant du plan et a demandé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

Par jugement du 14 septembre 2015, le tribunal de commerce de Fréjus a prononcé la résolution du plan de sauvegarde de la société et a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son encontre. Me [C] a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

La date de cessation de paiement a été fixée provisoirement au 14 septembre 2015.

La publication au BODACC est intervenue le 27 septembre 2015.

Saisi sur assignation de Me [C] le 14 juin 2017 sur le fondement de l'article L 651-2 du code de commerce pour avoir créé une insuffisance d' actifs de 974 326 euros, avoir poursuivi une activité déficitaire et s'être abstenu de tenir une comptabilité régulière, le tribunal de commerce de Fréjus a,

par jugement du 26 novembre 2018,

dit que M. [E] devait supporter personnellement les dettes de la société ETABLISSEMENTS CERVERA à hauteur de la somme de 423 892 euros ,

En conséquence, condamné M. [O] [E] à payer ladite somme entre les mains de Me [B] [C] es qualité de liquidateur de la société ETABLISSEMENTS CERVERA,

Condamné M. [E] à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le tribunal a retenu une insuffisance d'actifs de 974 326,02 euros pour un actif réalisé de 1 561,05 euros dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire.

Il a jugé que M. [E] avait poursuivi l'exploitation de la société qu'il savait déficitaire ce qui constitue une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif et qu'il aurait du déclarer l'état de cessation de paiement et demander l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire au vu des résultats du bilan de la société établi en septembre 2014 ( perte de 16 477 euros), M. [E] ayant attendu le 28 mai 2015 pour saisir le tribunal de commerce de Fréjus aux fins de prononcer la résolution du plan de sauvegarde et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

Les mises en demeure de Me [C] des 26 janvier et 15 avril 2015 sont restées vaines.

Le tribunal de commerce a également retenu comme faute de gestion la non tenue de comptabilité au sens de l'article L 123-12 du code de commerce, aucun compte annuel n'ayant été déposé pour l'exercice clos le 30 septembre 2015 auprès du tribunal de commerce de Cannes. L'absence de comptabilité en pleine exécution du plan de sauvegarde a contribué à augmenter l'insuffisance d'actif, la situation comptable arrêtée au 30 avril 2015 n'étant pas suffisante.

Le tribunal a également jugé que ces fautes de gestion étaient en lien direct avec l'insuffisance d'actif.

Il a condamné M. [E] au paiement de la somme de 423 892 euros représentant l'augmentation de l'insuffisance d'actif sur une année ( adoption du plan de sauvegarde en mars 2014 passif de 550 434 euros et passif à l'ouverture de la liquidation judiciaire 975 887, 07 euros.

M.[E] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions signifiées par le RPVA en date du 9 octobre, la veille de l'audience de plaidoirie du 9 octobre, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de leur argumentation et de leurs moyens, M. [O] [E] reprenant ses écritures du 1er octobre conclut au visa de l'article L 651-2 et suivants du code de commerce à l'infirmation du jugement entrepris et au débouté de l'ensemble des demandes de Me [C].

Il rappelle qu'il est à l'origine de la saisine du tribunal de commerce de Fréjus en vue de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ( courrier du 28 mai 2015).

Il conteste avoir poursuivi l'activité déficitaire et ne pas avoir tenu de comptabilité ( il produit une situation comptable arrêtée au 30 avril 2015) et soutient ne pas avoir commis de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif.

Il soutient également que l'accroissement du passif arrêté par Me [C] est erroné. Il explique que le passif déclaré dans le cadre de la procédure de sauvegarde était de 790 083,92 euros ( la créance de M. [I] ayant été gelée) et que le passif social et fiscal n'a pas été particulièrement alourdi après l'adoption du plan, la seule créance nouvelle concernant la société TOP MEDITERRANEE ( société du groupe [I], fournisseur de produits de mer) pour un montant de 78 134,76 euros. L'accroissement n'a été en fait que de 203 942, 16 euros .

Par conclusions signifiées par le RPVA du 7 octobre l 2019, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de leur argumentation et de leurs moyens, Me [C] es qualité de liquidateur judiciaire conclut au visa des articles 16 du CPC, L 651-2 du code de commerce , écarter des débats les pièces et conclusions notifiées le 1er octobre , à la confirmation du jugement entrepris, à la condamnation de M. [E] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec distraction au profit de Me Florent LADOUCE en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient que le passif déclaré est de 975 887,07 euros.

La réalisation d'actifs s'élève à 1 561,05 euros.

Insuffisance d'actifs: 974 326,02 euros.

Accroissement de l'insuffisance d'actif: 423 892 euros.

Elle soutient que M. [E] a commis une faute de gestion en poursuivant une activité qu'il savait déficitaire, la perte après 6 mois après l'adoption du plan de redressement étant de 16 477 euros ce qui ne permettait aucun versement pour apurer le passif de 550 434 euros.

Elle soutient en deuxième lieu que la non tenue de comptabilité constitue une faute de gestion en application de l'article L 123-12 du code de commerce. Ainsi, aucun compte annuel pour l'exercice clos au 30 septembre 2015 n'a été déposé et aucun bilan n'a été communiqué malgré les demandes.

Un bilan arrêté au 30 septembre 2015 a été communiqué le 1er octobre la veille de l'audience de plaidoirie. Il démontre qu'il y avait nécessité à établir une situation comptable mensuelle ce qui aurait permis au gérant de prendre conscience de la situation obérée.

Ces fautes sont en lien direct avec l'insuffisance d'actif même si la faute de gestion n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actifs ou qu'elle n'est à l'origine que d'une partie des dettes de la société.

Dans son avis signifié par le RPVA du 19 septembre 2019, le Procureur général conclut à la confirmation du jugement entrepris.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'audience du 9 octobre 2019.

SUR CE;

Attendu que l'article L 651-2 du code de commerce dispose: « Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté en tout ou partie par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d'entre eux ayant contribué à la faute de gestion.

En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut par décision motivée les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.(...)»,

qu'en l'espèce, s' il ne peut être contesté que M. [E] a pris l'initiative de saisir le tribunal de commerce de Fréjus aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire par une lettre de son avocat du 28 mai 2015, cette saisine apparaît bien tardive alors que M. [E] avait connaissance depuis septembre 2014 que le plan de redressement ne pourrait être respecté, le bilan affichant déjà une perte de 16 477 euros,

que cette perte rendait impossible le respect du plan d'apurement du 31 mars 2014,

qu'en ne saisissant le tribunal de commerce que le 28 mai 2015 ( 8 mois après), M. [E], qui n'a pas honoré la première échéance du plan en mars 2014 et son plan prévisionnel ( pièce n°11 de M. [E]) a poursuivi l'exploitation de la société qu'il savait déficitaire ce qui constitue une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif,

que ce passif s'est fortement accru en à peine un an passant de 550 434 euros ( la créance de la société BALLICO ayant été à juste titre écartée car gelée) à 975 887,07 euros soit un montant d'accroissement de l'insuffisance d'actif de 423 892 euros,

que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu la faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de M. [E] de ce chef;

Attendu que l'article L 123-12 du code de commerce dispose: «Toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement.

Elle doit contrôler par inventaire, au moins une fois tous les douze mois, l'existence et la valeur des éléments d'actifs et passifs du patrimoine de l'entreprise.

Elle doit établir des comptes annuels à la clôture de l'exercice au vu des enregistrements comptables et de l'inventaire. Ces comptes annuels comprenant le bilan, le compte de résultat et une annexe qui forment un tout indissociable.»,

que M. [E] soutient avoir respecté les dispositions légales de tenue de compte en ayant produit une situation comptable arrêtée au 30 avril 2015 ce qui l'a amené à saisir le tribunal de commerce le 28 mai 2015,

mais attendu que le compte annuel pour l'exercice clos au 30 septembre 2015 communiqué après que l'audience de plaidoirie du 2 octobre, ce qui démontre le peu de sérieux dans la tenue de la comptabilité par M. [E], n'apporte aucun élément nouveau sur la situation obérée de la société,

qu' aucun bilan n'a été communiqué malgré les demandes de Me [C],

que l'absence de comptabilité en pleine exécution du plan de sauvegarde a contribué à augmenter l'insuffisance d'actif,

que si la tenue de la comptabilité avait été conforme et régulière, M. [E] aurait pu prendre conscience avant de l'impasse de la situation de la société,

que cette absence de comptabilité tenue de façon imparfaite et partielle constitue une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif,

que ces fautes, qui ne peuvent être qualifiées de simples négligences, sont en lien direct avec l'insuffisance d'actifs qui s'est accru d'un montant de 423 892 euros, de telle sorte que le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions;

Attendu que l'équité impose de condamner M. [E] à payer à Me [C] es qualité, la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS;

La Cour statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

CONDAMNE M. [E] à payer à Me [C] es qualité de liquidateur judiciaire, la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE M. [E] aux entiers dépens avec distraction au profit de Me Florent LADOUCE en application de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE,LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 18/19288
Date de la décision : 21/11/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°18/19288 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-21;18.19288 ?
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