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21/11/2019 | FRANCE | N°18/09396

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-1, 21 novembre 2019, 18/09396


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-1



ARRÊT AU FOND

DU 21 NOVEMBRE 2019



N°2019/453













Rôle N° RG 18/09396 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCRWI







[K] [B] épouse [J]





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Copie exécutoire délivrée

le :

à : - Me Claire LANGEVIN

- Me Thierry OSPITAL <

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 30 Mars 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 14/01279.





APPELANTE



Madame [K] [B] épouse [J]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1] - ALGÉRIE

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]
...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-1

ARRÊT AU FOND

DU 21 NOVEMBRE 2019

N°2019/453

Rôle N° RG 18/09396 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCRWI

[K] [B] épouse [J]

C/

[M] [J]

Copie exécutoire délivrée

le :

à : - Me Claire LANGEVIN

- Me Thierry OSPITAL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 30 Mars 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 14/01279.

APPELANTE

Madame [K] [B] épouse [J]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1] - ALGÉRIE

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Claire LANGEVIN de la SELAS PHILAE SELAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [M] [J]

né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 2] - LAOS

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Thierry OSPITAL de la SELARL CABINET THIERRY OSPITAL -COFFANO, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Jean louis MALBEC, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Octobre 2019, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Christophe RUIN, Président, et Madame Monique RICHARD, Conseiller, chargés du rapport.

Monsieur Christophe RUIN, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe RUIN, Président

Madame Christine PEYRACHE, Conseiller

Madame Monique RICHARD, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Jennifer BERNARD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2019..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 21 Novembre 2019.

Signé par Monsieur Christophe RUIN, Président et Madame Jennifer BERNARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [M] [J] , né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 2] (Laos), et Madame [K] [B], née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1] (Algérie), se sont mariés le [Date mariage 1] 2005 devant l'officier d'état civil de la commune de [Localité 3] (13), avec un contrat de mariage signé préalablement le 21 avril 2005 pour adopter le régime matrimonial de séparation de biens.

Deux enfants sont issus de cette union :

- [N] [J], née le [Date naissance 3] 2006 à [Localité 4] (13),

- [D] [J], né le [Date naissance 4] 2007 à [Localité 5] (13).

Le 4 septembre 2008, Monsieur [M] [J] a présenté une requête en divorce au juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Marseille puis s'est désisté de cette demande (ordonnance du 31 octobre 2008 constatant le désistement).

Le 17 janvier 2014 (assignation), Monsieur [M] [J] a présenté une requête en divorce au juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Marseille.

Le 18 mars 2014 (assignation), Monsieur [M] [J] a présenté une requête en divorce au juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulon.

Selon une ordonnance de non conciliation rendue contradictoirement en date du 16 avril 2014, confirmée par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 21 avril 2015, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulon a :

- autorisé les époux à résider séparément ;

- autorisé les époux à introduire l'instance en divorce ;

- attribué la jouissance du domicile conjugal (bien propre du mari sis [Adresse 3] à Monsieur [M] [J], à charge pour l'époux de régler les frais afférents dont le remboursement des crédits immobiliers ;

- constaté que l'autorité parentale sur les enfants mineurs est exercée conjointement par les deux parents ;

- avant dire droit sur la résidence habituelle des enfants, le droit de visite et d'hébergement et la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, ordonné un examen psychiatrique des parents, une enquête sociale et une expertise psychologique familiale ;

- dans l'attente des résultats des mesures d'instruction, fixé la résidence habituelle de [N] [J] et [D] [J] au domicile de la mère, organisé le droit de visite et d'hébergement du père (une fin de semaine sur deux), dit que Monsieur [M] [J] doit verser à Madame [K] [B] une pension alimentaire indexée d'un montant mensuel de 1.200 euros (600 euros par mois et par enfant), ce au titre de la contribution du père à l'entretien et à l'éducation des enfants [N] [J] et [D] [J] ;

- débouté Madame [K] [B] de sa demande de pension alimentaire au titre du devoir de secours entre époux ;

- réservé les dépens.

Selon une ordonnance de non conciliation en continuation rendue en date du 17 septembre 2014 (réputée contradictoire du fait de la non comparution et de la non représentation de Madame [K] [B]), le juge aux affaires familiales a, comme suite aux dépôts des rapports d'expertise et d'enquête sociale, constatant que Madame [K] [B] n'avait pas répondu aux convocations des experts, n'avait pas communiqué sa nouvelle adresse, avait contraint les enfants à s'expliquer devant la classe sur des faits d'agressions sexuelles, avait déscolarisé les enfants depuis le 4 juin 2014, mais constatant également le classement sans suite de l'enquête pénale pour des suspicions de faits de viols et d'agressions sexuelles, les capacités éducatives du père et les inquiétudes légitimes quant aux capacités éducatives de la mère :

- dit que l'autorité parentale sur les enfants mineurs sera exercée exclusivement par le père ;

- fixé la résidence habituelle de [N] [J] et [D] [J] au domicile de Monsieur [M] [J] ;

- accordé à la mère un droit de visite en lieu neutre ;

- supprimé la contribution du père à l'entretien et à l'éducation des enfants communs ;

- dit que Madame [K] [B] doit verser à Monsieur [M] [J] une pension alimentaire indexée d'un montant mensuel de 600 euros (300 euros par mois et par enfant), ce au titre de la contribution de la mère à l'entretien et à l'éducation des enfants [N] [J] et [D] [J] ;

- interdit la sortie du territoire national des deux enfants mineurs sans l'autorisation des deux parents pendant une durée de deux ans.

Par acte d'huissier de justice en date du 25 juillet 2015, Monsieur [M] [J] a assigné Madame [K] [B] en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil.

Par jugement contradictoire rendu en date du 30 mars 2018 (audience du 13 décembre 2017), le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulon a :

- prononcé le divorce des époux à leurs torts partagés ;

- dit que le jugement de divorce prendra effet dans les rapports entre époux, en ce qui concerne leurs biens, au 16 avril 2014 ;

- ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux ;

- constaté que les enfants n'ont pu être entendus par un professionnel ;

- dit que l'autorité parentale sur les enfants mineurs sera exercée exclusivement par le père ;

- fixé la résidence habituelle de [N] [J] et [D] [J] au domicile de Monsieur [M] [J] ;

- réservé le droit de visite et d'hébergement de la mère jusqu'à ce qu'elle en formule la demande ;

- condamné Madame [K] [B] à verser à Monsieur [M] [J] une pension alimentaire indexée d'un montant mensuel de 600 euros (300 euros par mois et par enfant), ce au titre de la contribution de la mère à l'entretien et à l'éducation des enfants [N] [J] et [D] [J] ;

- interdit la sortie du territoire national des deux enfants mineurs sans l'autorisation des deux parents.

- condamné Madame [K] [B] à verser à Monsieur [M] [J] une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Madame [K] [B] aux dépens ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le 5 juin 2018, Madame [K] [B] a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dispositions de l'article 388-1 du code civil et l'avis adressé en ce sens aux parties par la cour en date des 19 juillet 2018 et 4 septembre 2018,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 31 août 2018 par Madame [K] [B],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 16 novembre 2018 par Monsieur [M] [J],

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 24 septembre 2019.

DISCUSSION

Le dossier du premier juge n'a pas été communiqué à la cour malgré la demande adressée en ce sens au greffe de la juridiction de première instance.

En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties.

- Sur le juge compétent et la loi applicable -

Les parties ne concluent pas sur ce point.

Il existe des éléments d'extranéité en l'espèce puisque Monsieur [M] [J] est né au Laos, que Madame [K] [B] est née en Algérie, que l'épouse demeure actuellement en Algérie. Toutefois, les deux époux se déclarent de nationalité française, le mariage a été célébré en France, le contrat de mariage a été signé en France et stipule l'adoption du régime matrimonial de séparation de biens de droit français. Les deux enfants mineurs communs sont nés en France et de nationalité française.

Il est établi que la dernière résidence habituelle commune (domicile conjugal) des époux était située en France ([Localité 5]), qu'au moment de la présentation de la requête en divorce les domiciles des époux étaient situés en France, que Monsieur [M] [J] est toujours domicilié de façon continue en France ([Localité 5]). S'agissant du divorce, la décision déférée n'est pas contestée en ce que le juge aux affaires familiales a retenu sa compétence et appliqué la loi française.

À raison du lieu de résidence habituelle des deux enfants mineurs (domicile du père à [Localité 5]) en application des décisions judiciaires précitées (cf supra), la juridiction française est compétente et la loi française applicable en matière d'autorité parentale, ce qui n'est pas contesté par les parties.

À raison du lieu de résidence habituelle des deux enfants mineurs (domicile du père à [Localité 5]) et du domicile du créancier d'aliments ([Localité 5]) en application des décisions judiciaires précitées (cf supra), la juridiction française est compétente et la loi française applicable en matière de contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, ce qui n'est pas contesté par les parties.

- Sur le prononcé du divorce -

Madame [K] [B] conclut que le divorce doit être prononcé aux torts exclusifs de Monsieur [M] [J].

Formant appel incident, Monsieur [M] [J] conclut que le divorce doit être prononcé aux torts exclusifs de Madame [K] [B].

Selon les dispositions de l'article 242 du code civil, le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune.

Aux termes des articles 212, 213 et 215 du code civil, les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ; ils s'obligent mutuellement à une communauté de vie et assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l'éducation des enfants et préparent leur avenir.

Il appartient à un époux qui sollicite le divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil de prouver les faits imputables à l'autre époux qui constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérable le maintien de la vie commune.

Selon les dispositions de l'article 245 du code civil, les fautes de l'époux qui a pris l'initiative du divorce n'empêchent pas d'examiner sa demande ; elles peuvent, cependant, enlever aux faits qu'il reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce. Ces fautes peuvent aussi être invoquées par l'autre époux à l'appui d'une demande reconventionnelle en divorce. Si les deux demandes sont accueillies, le divorce est prononcé aux torts partagés. Même en l'absence de demande reconventionnelle, le divorce peut être prononcé aux torts partagés des deux époux si les débats font apparaître des torts à la charge de l'un et de l'autre.

L'existence d'une séparation de fait entre les époux, même imputable à la faute de l'un d'eux, et l'introduction consécutive d'une demande en divorce ne confèrent pas aux époux, encore dans les liens du mariage, une immunité privant de leurs effets normaux les offenses dont ils peuvent se rendre coupables l'un envers l'autre, ce même pour les faits commis postérieurement à l'ordonnance de non-conciliation. Il est donc possible d'invoquer, à l'appui d'une demande en divorce pour faute, des griefs postérieurs à la séparation de fait, la requête en divorce, l'ordonnance de non-conciliation ou l'assignation en divorce. Toutefois, s'agissant des faits imputables à un époux et constituant une violation des devoirs et obligations du mariage, les circonstances, notamment de temps, dans lesquelles ils ont été commis peuvent leur enlever le caractère de gravité qui pourrait en faire une cause de divorce.

Aux termes de l'article 244 du code civil : ' La réconciliation des époux intervenue depuis les faits allégués empêche de les invoquer comme cause de divorce. Le juge déclare alors la demande irrecevable. Une nouvelle demande peut cependant être formée en raison de faits survenus ou découverts depuis la réconciliation, les faits anciens pouvant alors être rappelés à l'appui de cette nouvelle demande. Le maintien ou la reprise temporaire de la vie commune ne sont pas considérés comme une réconciliation s'ils ne résultent que de la nécessité ou d'un effort de conciliation ou des besoins de l'éducation des enfants.'.

Pour caractériser l'existence d'une réconciliation au sens de l'article 244 du code civil, qui constitue une fin de non-recevoir, l'époux qui invoque cette notion doit établir un élément matériel et un élément intentionnel. L'élément matériel consiste dans la poursuite ou la reprise de la vie commune après les fautes commises. L'élément intentionnel suppose la volonté chez l'époux offensé de pardonner les griefs qu'il peut avoir contre son conjoint et l'acceptation par ce dernier du pardon. Le pardon doit être donnée en connaissance de cause, il doit donc être postérieur aux faits reprochés et ceux-ci doivent être connus de la personne offensée. La preuve de la réconciliation, qui peut être apportée par tous moyens, est à la charge de l'époux demandeur à l'exception.

Madame [K] [B] conteste avoir commis la moindre faute au sens de l'article 242 du code civil et reproche à Monsieur [M] [J] :

- d'avoir abandonné le domicile conjugal et sa famille entre novembre 2008 et décembre 2010 pour s'installer à Bastia dans le cadre d'une mutation professionnelle ;

- d'avoir été infidèle au cours du mariage, et ce notamment en 2013 et début 2014 ;

- de s'être désintéressé de sa famille et de ne plus avoir assumé ses obligations de père, notamment à compter de 2013 ;

- d'avoir commis des agressions sexuelles, voire des viols, sur ses enfants [D] et [N].

Monsieur [M] [J] conteste avoir commis la moindre faute au sens de l'article 242 du code civil et reproche à Madame [K] [B] :

- un comportement agressif, insultant, menaçant, haineux, violent physiquement et dangereux à son égard, et ce en rapport avec un déséquilibre psychique de l'épouse se manifestant notamment par des délires paranoïaques ;

- de l'avoir rejeté en tant qu'époux et père, avant de le priver totalement de ses enfants à compter de 2014 en fuyant en Algérie avec ceux-ci et en ne lui permettant aucun contact avec [N] [J] et [D] [J] depuis plus de cinq ans.

Il apparaît que les époux ont connu une première période de mésentente conjugale après la naissance de [N] fin 2007. Le 4 septembre 2008, Monsieur [M] [J] a d'ailleurs présenté une requête en divorce au juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Marseille puis s'est désisté de cette demande.

Si Monsieur [M] [J] a résidé à [Localité 6] pendant deux ans, de 2008 à 2010, pour exercer ses fonctions de magistrat de l'ordre administratif en Corse, et ce pendant que le reste de la famille demeurait toujours à [Localité 5] (domicile conjugal), il n'est pas établi que cet éloignement pour motif professionnel (ou cette mutation) soit intervenu en violation des souhaits et sentiments de l'épouse et qu'il ait entraîné une rupture totale de la vie familiale ou de la collaboration conjugale. Surtout, à la lecture des écritures concordantes des parties sur ce point, il apparaît qu'une réconciliation est intervenue en décembre 2010, avec une reprise

de la vie commune sur le plan matrimonial comme familial, au sein du domicile conjugal et de façon continue, et avec un pardon des offenses passées comme le souligne l'épouse dans ses conclusions.

Madame [K] [B] a déposé plainte contre Monsieur [M] [J] pour dénoncer des faits d'agressions sexuelles commis par celui-ci sur les enfants mineurs [N] [J] et [D] [J]. Cette procédure a fait l'objet d'un classement sans suite en 2014 par le parquet de [Localité 5]. Le 26 mars 2015, Madame [K] [B] a déposé devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Marseille une plainte, avec constitution de partie civile, contre Monsieur [M] [J] pour dénoncer des faits de viols et d'agressions sexuelles sur les enfants mineurs [N] [J] et [D] [J]. Cette procédure a fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu rendue en date du 23 septembre 2016 par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Marseille.

En l'état des éléments d'appréciation dont la cour dispose, il n'est nullement démontré que Monsieur [M] [J] aurait pu commettre des faits d'atteinte sexuelle, de violence ou de maltraitance sur ses enfants [N] [J] et [D] [J].

À la lecture de nombreux messages électroniques versés aux débats, il est établi que Monsieur [M] [J] a entretenu en 2013 des contacts avec plusieurs femmes autres que son épouse constituant des flirts, avances et autres déclarations sentimentales. Monsieur [M] [J] expose qu'il était alors esseulé sur le plan sentimental et affectif du fait du comportement de son épouse, qu'il a alors cherché du réconfort féminin avec quelques rendez-vous et échanges épistolaires mais qu'il n'y a jamais eu d'adultère consommé. Reste que ces relations de l'époux avec plusieurs femmes sont injurieuses et irrespectueuses pour son épouse et constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune.

Comme suite à l'ordonnance de non-conciliation du 16 avril 2014, Madame [K] [B] a refusé, de façon constante et malgré les injonctions judiciaires, de donner son adresse à compter de la séparation de fait des époux ainsi que de préciser le lieu de résidence des enfants. Après l'ordonnance de non-conciliation, Madame [K] [B] se domiciliait constamment chez un avocat, à [Localité 4] ou à [Localité 5].

Surtout, Madame [K] [B] a refusé à Monsieur [M] [J] tout contact avec [N] [J] et [D] [J] à compter de mai-juin 2014. Elle a déscolarisé les enfants le 4 juin 2014 et s'est installée définitivement avec ceux-ci à [Localité 1] en Algérie, en violation des mesures judiciaires, du principe de coparentalité et des droits du père.

Par jugement du 7 octobre 2014, le tribunal correctionnel de Marseille a déclaré Madame [K] [B] coupable d'avoir à Marseille, du 17 mai 2014 au 30 juin 2014, refusé indûment de représenter [N] [J] et [D] [J] à leur père et omis de notifier son changement de domicile à Monsieur [M] [J]. Madame [K] [B] a été condamnée à une peine d'emprisonnement assortie partiellement d'un sursis.

Nonobstant, depuis plus de cinq années désormais, Madame [K] [B] maintient de façon constante les enfants communs sur le sol Algérien et refuse au père tout contact avec [N] et [D], en violation flagrante, persistante et inadmissible des décisions judiciaires ainsi que des droits et sentiments du père et des enfants mineurs. Ce comportement de l'épouse est incontestablement fautif au sens de l'article 242 du code civil.

Il n'est en rien démontré que Monsieur [M] [J] se désintéresserait de ses enfants alors que le père se démène, notamment sur le plan judiciaire, depuis plus de cinq ans pour pouvoir voir et élever ses enfants nonobstant les faits d'enlèvement dont Madame [K] [B] s'est rendue coupable.

En l'état, il n'est pas établi que Madame [K] [B] aurait commis des violences ou autres atteintes physiques ou menaces à l'encontre de Monsieur [M] [J].

Les débats font donc apparaître des torts à la charge de l'un et de l'autre des époux au sens de l'article 242 du code civil. En conséquence, le divorce sera prononcé aux torts partagés.

La cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause ainsi que des droits et obligations des parties en prononçant le divorce des époux à leurs torts partagés.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

- Sur les dommages et intérêts -

Formant appel incident, Monsieur [M] [J] conclut que Madame [K] [B] doit être condamné à lui verser une somme de 30.000 euros, à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l'article 266 du code civil.

Aux termes de l'article 266 code civil : ' Sans préjudice de l'application de l'article 270, des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage soit lorsqu'il était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal et qu'il n'avait lui-même formé aucune demande en divorce, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint. Cette demande ne peut être formée qu'à l'occasion de l'action en divorce.'.

En conséquence, seul l'époux défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal qui n'avait lui-même formé aucune demande en divorce, ou l'époux qui obtient que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs de son conjoint, peut présenter une demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil. L'article 266 ne peut être invoqué dans le cadre d'un divorce aux torts partagés.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

- Sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et mesures concernant les enfants -

Madame [K] [B] conclut que l'autorité parentale sur les deux enfants communs sera exercée exclusivement par elle, que la résidence habituelle des deux enfants mineurs doit être fixée auprès de leur mère, que le père ne bénéficiera d'aucun droit de visite et d'hébergement, que Monsieur [M] [J] doit lui verser une pension alimentaire indexée d'un montant mensuel de 600 euros (300 euros par mois et par enfant), ce au titre de la contribution du père à l'entretien et à l'éducation des enfants [N] [J] et [D] [J], que l'interdiction de sortie des enfants du territoire national et l'inscription des enfants au fichier des personnes recherchées doivent être supprimées.

Monsieur [M] [J] conclut à la confirmation du jugement sur ces points et au rejet des demandes plus amples ou contraires de l'appelante.

En cas de litige, la résidence habituelle de l'enfant est déterminée par le juge de la famille qui apprécie souverainement les éléments versés aux débats et statue selon l'intérêt de l'enfant.

Un parent ne peut se voir refuser l'exercice de l'autorité parentale ou le droit de maintenir des relations personnelles avec l'enfant que pour des motifs graves tenant à l'intérêt de celui-ci.

Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur. En cas de séparation entre les parents, la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant prend la forme d'une pension alimentaire versée par l'un des parents à l'autre. Les dépenses afférentes à l'éducation et à l'entretien des enfants constituent un poste prioritaire dans le budget de chaque parent ; cette charge ne saurait être assumée, en tout ou partie, par la personne qui vit avec l'un des parents mais l'existence d'une vie commune peut permettre le partage de certaines charges courantes. Si le montant de la contribution mensuelle est fonction des ressources des parents, elle l'est également au regard des besoins de l'enfant et le versement d'une pension alimentaire ne vise pas à rétablir une quelconque égalité dans les situations financières et trains de vie respectifs des parents.

Les enfants [N] [J] et [D] [J] sont âges respectivement de 13 et 12 ans.

Dans ses dernières écritures, Madame [K] [B] se domicilie à [Localité 1] en Algérie. Monsieur [M] [J] se domicilie toujours [Adresse 3] (ancien domicile conjugal).

Monsieur [M] [J], ancien magistrat de l'ordre administratif, est désormais en situation de retraite (revenu déclaré fiscalement pour l'année 2008 : 81.304 euros au titre des salaires et assimilés / revenu déclaré fiscalement pour l'année 2009 : 93.188 euros au titre des salaires et assimilés / revenu déclaré fiscalement pour l'année 2011 : 88.929 euros au titre des salaires et assimilés / revenu déclaré fiscalement pour l'année 2012 : 90.883 euros au titre des salaires et assimilés / revenu déclaré fiscalement pour l'année 2018 : 44.079 euros au titre des pensions).

Monsieur [M] [J] occupe toujours le logement sis [Adresse 3] (ancien domicile conjugal) qui lui appartient en propre ( taxes foncières de 2.029 euros en 2019).

Outre des charges courantes, Monsieur [M] [J] règle des mensualités de crédit immobilier Caisse d'Épargne (1.047,28 + 1.085,71 euros par mois).

Hors quelques bulletins de paie traduits de façon incomplète en français et sans production des originaux (emploi de responsable de publicité occupé en 2018 et 2019 à Constante en Algérie pour l'employeur [I] [G] mentionnant un salaire net perçu de 19.120, sans autre précision sur la monnaie applicable), Madame [K] [B] ne justifie en rien de sa situation financière.

Avant de quitter la France pour s'installer en Algérie, Madame [K] [B] occupait un emploi de fonctionnaire territorial titulaire (attachée principale). Madame [K] [B] a été placée en situation de disponibilité à compter du 1er août 2018.

Certains documents produits par l'intimé permettent de déterminer les revenus passés de l'épouse (revenu déclaré fiscalement pour l'année 2008 : 32.315 euros au titre des salaires et assimilés / revenu déclaré fiscalement pour l'année 2009 : 26.370 euros au titre des salaires et assimilés / revenu déclaré fiscalement pour l'année 2011 : 69.689 euros au titre des salaires et assimilés / revenu déclaré fiscalement pour l'année 2012 : 23.667 euros au titre des salaires et assimilés).

Dans le cadre de l'ordonnance de non-conciliation du 16 avril 2014, le juge aux affaires familiales a mentionné que Madame [K] [B] avait un revenu annuel de 22.892 euros en 2013, qu'elle disposait d'un patrimoine immobilier propre (au moins deux biens immobiliers à [Localité 3]) et devait rembourser des mensualités de crédit immobilier de 647,23 euros.

Madame [K] [B] soutient qu'elle a quitté la France et s'est installée en Algérie avec les enfants pour les protéger de leur père. Elle affirme que [N] et [D] sont heureux au domicile maternel algérien et ne souffre pas de l'absence de relations avec leur père.

Il est établi qu'en juin 2014 Madame [K] [B] a brutalement déscolarisé les enfants et a conduit ceux-ci hors du territoire national pour les installer définitivement avec elle à [Localité 1] et les scolariser depuis de façon continue dans cette ville d'Algérie, et ce en violation des dispositions de l'ordonnance de non-conciliation du 16 avril 2014 (autorité parentale conjointe et droit de visite et d'hébergement pour le père) ainsi que des règles françaises applicables en matière d'autorité parentale.

Depuis juin 2014, Madame [K] [B] viole toutes les décisions judiciaires françaises concernant les modalités d'exercice de l'autorité parentale.

Madame [K] [B] ne démontre nullement que Monsieur [M] [J] pourrait constituer un danger pour les enfants mineurs [N] [J] et [D] [J] ou que le père ne disposerait pas des capacités éducatives pour assurer la garde des enfants.

Madame [K] [B] a refusé de déférer et de présenter les enfants dans le cadre des mesures d'instructions ordonnées par le juge aux affaires familiales (examen psychiatrique des parents, enquête sociale et expertise psychologique familiale). Les rapports déposés dans ce cadre en 2014 ont relevé la carence délibérée de Madame [K] [B], l'absence de problème psychique ou d'anomalie mentale pour Monsieur [M] [J], les capacités éducatives adaptées du père, les sentiments affectifs profonds et sincères de Monsieur [M] [J] pour ses enfants, la souffrance du père en rapport avec une privation totale et injustifiée de tout contact avec [N] [J] et [D] [J] ainsi que son angoisse à l'idée des conditions de vie de ceux-ci au domicile maternel algérien. Les experts et enquêteur social ont préconisé la fixation de la résidence habituelle des deux enfants mineurs au domicile du père.

Depuis cinq ans, Madame [K] [B] viole toutes les décisions judiciaires et refuse au père tout contact avec ses enfants mais elle porte également gravement atteinte aux intérêts de [N] [J] et [D] [J] en les privant, de façon totalement injustifiée, de relations avec Monsieur [M] [J] et de référence paternelle. Elle a coupé brutalement les enfants de tous leurs repères et de toutes leurs attaches, privant délibérément et totalement [N] [J] et [D] [J] de l'environnement dont ceux-ci bénéficiaient depuis leur naissance sur le plan social, familial, affectif, géographique, culturel, scolaire et amical.

Nonobstant les bons résultats scolaires actuels allégués des enfants, Madame [K] [B] ne saurait tirer argument du fait accompli pour tenter de valider un coup de force, un déplacement illicite international, une violation de toutes les décisions judiciaires françaises, un irrespect total et injustifié des droits du père, une atteinte grave et renouvelée aux intérêts des enfants.

La cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause ainsi que des droits et obligations des parties en jugeant que l'autorité parentale sur les enfants mineurs doit être exercée exclusivement par le père, en fixant la résidence habituelle de [N] [J] et [D] [J] au domicile de Monsieur [M] [J], en réservant le droit de visite et/ou d'hébergement de la mère,

en interdisant la sortie du territoire national des deux enfants mineurs sans l'autorisation des deux parents, en condamnant Madame [K] [B] à verser à Monsieur [M] [J] une pension alimentaire indexée d'un montant mensuel de 600 euros (300 euros par mois et par enfant), ce au titre de la contribution de la mère à l'entretien et à l'éducation des enfants [N] [J] et [D] [J].

Le jugement déféré sera confirmé de ces chefs.

- Sur les dépens et frais irrépétibles -

Madame [K] [B] conclut que Monsieur [M] [J] doit être condamné aux entiers dépens, de première instance et d'appel, ainsi qu'à lui verser une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [M] [J] conclut que Madame [K] [B] doit être condamnée aux entiers dépens, de première instance et d'appel, ainsi qu'à lui verser une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.

Madame [K] [B], qui succombe totalement en son recours, sera condamnée aux entiers d'appel ainsi qu'à verser à Monsieur [M] [J] une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, après débats en chambre du conseil, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;

- Y ajoutant condamne Madame [K] [B], à verser à Monsieur [M] [J] une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- Condamne Madame [K] [B] aux dépens d'appel ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-1
Numéro d'arrêt : 18/09396
Date de la décision : 21/11/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6A, arrêt n°18/09396 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-21;18.09396 ?
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