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31/10/2019 | FRANCE | N°17/06368

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 31 octobre 2019, 17/06368


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 31 OCTOBRE 2019



N° 2019/



TL









Rôle N° RG 17/06368 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAJWW





[H] [O]





C/



SAS DESIM













Copie exécutoire délivrée

le : 31/10/19



à :



Me Jean-Pierre PICAVET, avocat au barreau de GRASSE



Me Valérie MONTI, avocat au barreau de GRASSE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CANNES - section E - en date du 23 Juin 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 12/576.







APPELANT



Monsieur [H] [O], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Jean-P...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 31 OCTOBRE 2019

N° 2019/

TL

Rôle N° RG 17/06368 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAJWW

[H] [O]

C/

SAS DESIM

Copie exécutoire délivrée

le : 31/10/19

à :

Me Jean-Pierre PICAVET, avocat au barreau de GRASSE

Me Valérie MONTI, avocat au barreau de GRASSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CANNES - section E - en date du 23 Juin 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 12/576.

APPELANT

Monsieur [H] [O], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jean-Pierre PICAVET, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Sabrina ZAKRAOUI, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

SAS DESIM, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Valérie MONTI, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Juin 2019 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Monsieur Thierry LAURENT, Conseiller

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2019. Le 26 septembre 2019, le délibéré a été prorogé le 10 octobre 2019 et de nouveau le 31 octobre 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2019.

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Madame Pascale ROCK , greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

''''''

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [H] [O] a travaillé pour la SAS Desim en qualité de VRP exclusif, à compter du 1er février 2010, avec une reprise de son ancienneté au 1er juillet 2004, suivant contrat à durée indéterminée.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'immobilier.

La SAS Desim employait habituellement moins de onze salariés au moment du licenciement.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 mai 2012, [H] [O] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 12 juin 2012 et par lettre du 22 juin 2012, adressée sous la même forme, il a été licencié pour faute grave.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, [H] [O] a saisi la juridiction prud'homale, afin d'obtenir diverses sommes tant en exécution qu'au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 23 juin 2015, le conseil de prud'hommes de Cannes a:

* dit que le licenciement de [H] [O] pour faute grave était justifié,

* débouté [H] [O] de l'intégrailité de ses demandes

* condamné [H] [O] à verser à la SAS Desim la somme 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné [H] [O] aux entiers dépens.

[H] [O] a interjeté appel de cette décision le 6 juillet 2015 dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

La procédure a été radiée du rôle et réinscrite à la demande de [H] [O] le 28 mars 2017.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par voie de conclusions déposées et reprises oralement à l'audience de plaidoiries, [H] [O], appelant fait valoir que :

- son ancienneté remonte au 1er octobre 1989, son contrat de travail ayant fait l'objet de transferts successifs en raison des ventes du fonds de commerce,

- son licenciement pour faute grave masque un licenciement économique,

- les griefs invoqués par la SAS Desim ne sont pas établis,

- le seul grief retenu par le conseil de prud'hommes relatif à la violence dont il aurait fait preuve à l'égard de sa supérieure hierarchique est daté successivement du 25 puis du 28 mai 2012, les témoins cités par l'employeur étant soit distants du lieu des faits soit des relations de l'employeur,

- il a reconnu avoir élevé le ton en raison d'une surcharge de travail qu'il n'avait jamais connue auparavant mais conteste avoir violenté ou insulté sa supérieure hierarchique,

- il a toujours donné entière satisfaction à ses employeurs successifs,

- les attestations de clients relevant ses tenues vestimentaires et son comportement inopportun ne sont pas datées et ne reflétent que leur subjectivité.

[H] [O] demande en conséquence de :

A titre principal,

- constater que son ancienneté remonte au 1er octobre 1989,

- ordonner la rectification du certificat de travail sur ce point,

- annuler les deux avertissements des 27 février et 15 avril 2012,

- juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse

- constater le harcèlement moral qu'il a subi,

- constater les procédés abusifs et vexatoires employés par la SAS Desim à son encontre lors du licenciement,

- constater son préjudice du fait de la mise à pied conservatoire abusive,

- constater le non-respect par l'employeur de ses obligations de sécurité de résultat,

- constater le manquement de l'employeur à son obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail,

- constater le défaut de paiement des cotisations retraite à la caisse des cadres par l'employeur,

- condamner la SAS Desim à lui payer les sommes suivantes :

* 50 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 30 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral et non-respect de la protection de sa santé et du suivi régulier de sa charge de travail,

* 16 666 euros de dommages et intérêts pour brusque rupture et procédé vexatoire dans la mise en oeuvre de son licenciement correspondant à quatre mois de salaire brut,

* 3000 euros de dommages et intérêts équivalant à la perte de chiffre d'affaires et l'impossibilité de travailler pendant la mise à pied à titre conservatoire,

* 10 000 euros de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail,

* 10 000 euros de dommages et intérêts au titre de la responsabilité civile de l'employeur pour la mise en place d'une organisation du travail anxiogène en violation des dispositions de l'article L.4121-1 du code du travail,

* 11 587 euros d'indemnité compensatrice de préavis outre 1158,78 euros de congés payés y afférents,

* 24 033,91 euros d'indemnité de licenciement.

A titre subsidiaire,

- constater que son ancienneté remonte au 1er juillet 2004,

- annuler les deux avertissements des 27 février et 15 avril 2012,

- constater que la faute grave n'est pas caracterisée,

- dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse

- constater le harcèlement moral qu'il a subi,

- constater le préjudice subi du fait de la mise à pied à titre conservatoire,

- constater le non-respect par l'employeur de ses obligations de sécurité de résultat,

- constater le manquement de l'employeur à son obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail,

- constater le défaut de paiement des cotisations retraite à la caisse des cadres par l'employeur,

- condamner la SAS Desim à lui payer les sommes suivantes :

* 50 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 30 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral et non-respect de la protection de sa santé et du suivi régulier de sa charge de travail,

* 16 666 euros de dommages et intérêts pour brusque rupture et procédé vexatoire dans la mise en oeuvre de son licenciement correspondant à quatre mois de salaire brut,

* 3000 euros de dommages et intérêts équivalant à la perte de chiffre d'affaires et l'impossibilité de travailler pendant la mise à pied à titre conservatoire,

* 10 000 euros de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail,

* 10 000 euros de dommages et intérêts au titre de la responsabilité civile de l'employeur pour la mise en place d'une organisation du travail anxiogène en violation des dispositions de l'article L.4121-1 du code du travail,

* 11 587 euros d'indemnité compensatrice de préavis outre 1158,78 euros de congés payés y afférents,

* 5407,64 euros d'indemnité de licenciement.

En tout état de cause,

- ordonner qu'il soit garanti du paiement de ses cotisations de retraite par la SAS Desim ou, à défaut, condamner la SAS Desim au paiement de la somme de 15 883 euros au titre de la pension de retraite dont il sera privée en raison du défaut de cotisations de son employeur,

- dire que l'ensemble des rappels de salaire découlent du contrat de travail et sont donc exclus de l'article 10 du décret du 8 mars 2001,

- dire l'ensemble des sommes assimilées à des salaires, ainsi que les indemnité légales de rupture productives d'intérêts de droit, capitalisées d'année en année, à compter de la citation devant le bureau de conciliation et ce, jusqu'à parfait paiement,

- dire que les dommages et intérêts sont nets et donc exempts de toutes charges de CSG et de CRDS qui seront à la charge de l'employeur,

- ordonner le paiement du retard des cotisations à la caisse des cadres sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- condamner la SAS Desim à lui payer une somme de 3500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par voie de conclusions régulièrement communiquées, déposées et reprises oralement à l'audience de plaidoiries, la SAS Desim intimée répond que :

- [H] [O] ne produit pas ses bulletins de salaire qui permettraient de justifier d'une activité ininterrompue depuis 1989 et reconnaît lui-même que son ancienneté remonte au 1er juillet 2004 dans un courrier du 29 novembre 2012,

- son licenciement repose sur des griefs démontrés :

* sa tenue vestimentaire négligée est attestée par plusieurs clients de l'agence,

* des actes d'insubordination permanents, [H] [O] dénigrant les produits, refusant toutes instructions et dénigrant sa supérieur hiérarchique,

* une attitude particulièrement violente et agressive envers sa supérieure hiérarchique lors d'une réunion le 25 mai 2012,

- sur le harcèlement moral, [H] [O] ne justifie pas d'un accroissement de sa charge de travail car il bénéficiait de tous ses mercredis et prenait des congés payés tous les trois mois et qu'il percevait un taux supérieur à celui alloué dans le secteur de l'immobilier au titre de ses commisssionements,

- [H] [O] n'était pas un cadre mais un VRP,

- [H] [O] a lui même refusé de souscrire l'assurance collective car il bénéficiait d'une assurance privée personnelle mais qu'il a bénéficié malgré tout du contrat santé entreprise jusqu'à son licenciement.

La SAS Desim demande en conséquence de confirmer le jugement et de

- dire et juger parfaitement fondé le licenciement pour faute grave de [H] [O]

-En conséquence,

- débouter [H] [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- condamner [H] [O] à lui payer une somme de 2.500 euros en application de l' article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens

A titre subsidiaire,

- ramener à de plus justes proportions les demandes indemnitaires de [H] [O]

En tout état de cause

- dire et juger que [H] [O] justifiait au sein de la SAS Desim de deux années d'ancienneté.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes relatives à l'ancienneté

L'article L 1224-1 du code du travail dispose:

' Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.'

[H] [O] produit:

- son contrat à durée indéterminée du 1er octobre 1989 avec la SARL JUMP ayant son siège social [Adresse 3] avec un bulletin de salaire d'octobre 1989 et un bulletin de salaire de décembre 1992 sous l'enseigne First Immobilier

- l'extrait K BIS de la SARL JUMP indiquant une dissolution à compter du 31 décembre 1992

- son contrat à durée indéterminée du 18 janvier 1993 avec la SARL JB ayant son siège social [Adresse 3] avec un bulletin de salaire de janvier 1993 et un bulletin de salaire de septembre 1998 sous l'enseigne First Immobilier

- son contrat à durée indéterminée du 5 janvier 1999 avec la SARL ANIMA ayant son siège social [Adresse 4] avec un bulletin de salaire de avril 1999 qui mentionne une date d'entrée du 6 janvier 1999 et un bulletin de salaire d'octobre 2004 avec un certificat de travail pour la période du 6 janvier 1999 au 1er juillet 2004 sous l'enseigne First Immobilier

- l'attestation notariale de vente par la SARL JB du fonds situé [Adresse 5] à la société Anima en date du 5 janvier 1999

- son contrat à durée indéterminée avec la société Picandelli qui a racheté le fonds de commerce le 1er juillet 2004 sous l'enseigne First Immobilier

- le certificat de travail établi par M. [Z], gérant de la SARL Anima, en date du 16 juillet 2012, ainsi rédigé :

' Monsieur [H] [O] a été salarié de notre entreprise en qualité de VRP non cadre du 06/01/1999 au 01/07/2004 dans notre succursale First Immobilier [Adresse 6].

Son contrat a été cédé à la SARL Picandelli le 01/07/2004 lors de la cession de cette succursale.'

La SAS Desim produit un courrier que lui a adressé [H] [O] le 29 novembre 2012 dans lequel il indique que son ancienneté ne remonte pas au 29 janvier 2010 mais au 1er juillet 2004 conformément à ses bulletins de salaire.

Il ressort des pièces produites, notamment du certificat de travail de M. [Z], que les contrats de travail de [H] [O] ont toujours été en cours lors de la modification dans la situation juridique de l'employeur par la vente du fonds de commerce qui a toujours existé sous l'enseigne First Immobilier.

En conséquence, l'ancienneté de [H] [O] remonte au 1er octobre 1989 sans que soit prise en considération la date erronnée indiquée dans ses bulletins de salaire.

Sur les demandes relatives à l'annulation des avertissements en date des 27 février 2012 et 15 avril 2012

L'avertissement du 27 février 2012 est ainsi motivé:

' A la suite de notre entretien où vous m'avez annoncé que vous preniez des congés du 23 février au soir au lundi 5 mars au matin, je tiens à vous dire que l'intégralité de vos congés a été largement soldée. Compte tenu de votre chiffre d'affaires, je vous ai prévenu que je m'opposais à ce que vous puissiez prendre des congés de votre seule initiative puisqu'il revient à l'employeur de les fixer. D'autre part, je vous rappelle que la convention collective fixe les congés à 2,5 jours par mois.

Je regrette que vous n'ayez pas tenu compte de mes remarques et que vous ne soyez pas à votre poste ce jour.

Cette absence est sanctionnée par un avertissement.

Vous voudrez bien dorénavant ma transmettre par écrit vos demandes de congés au moins un mois minimum avant ceux-ci, faute de quoi, je serais contrainte de vous les refuser.'

L'avertissement du 15 avril 2012 est ainsi motivé:

'Par lettre RAR du 27/02/2012, je vous faisais part de mon désaccord quant aux vacances que vous aviez décidé de prendre de votre propre initiative, ayant largement épuisé votre solde de congés, et je vous rappelais les règles en la matière, d'autre part, je vous demandais de m'avertir au moins un mois à l'avance et par écrit de votre demande de congés, or, le 27 mars, vous m'avez annoncé oralement que vous repartiez en vacances le 27 avril et ce, pour une semaine. Je vous ai demandé de me formaliser cette nouvelle prise de congés par écrit, ce que vous avez refusé de faire. Je constate que vous ne tenez aucun compte de l'avertissement qui vous a été notifié et je regrette que vous ne soyez pas une fois de plus à votre poste ce lundi 30 avril.

Cette lettre est un deuxième avertissement.'

[H] [O] produit:

- l'attestation de son épouse Mme [T] [O] directrice de crèche en date du 6 février 2015 qui indique que : 'Depuis janvier 2006 et jusqu'en juin 2012, [H] [O] a toujours pris ses congés en même temps que les miens c'est à dire une semaine à la toussaint, deux semaines à Noël, une semaine aux vacances d'hiver, une semaine aux vacances de Pâques et 4 semaines de vacances en août.'

- le compte rendu de l'entretien préalable au licenciement rédigé par Mme [C], conseillère de [H] [O] le 12 juin 2012, qui indique que [H] [O] a dit 'avoir été très étonné de recevoir une lettre recommandée car depuis 2010 Mme [R] était d'accord et cette année elle envoie une lettre recommandée' et précise qu'il a indiqué prendre des vacances toutes les 7 semaines depuis 23 ans et jusqu'à présent il n'avait eu aucune observation.

La SAS Desim produit:

- un mail en date du 26 avril 2012 adressé à [H] [O] dans lequel la gérante lui indique qu'elle souhaite le voir pour parler des vacances.

L'usage d'entreprise est un avantage accordé librement et de manière répétée par un employeur à ses salariés.

En cas de transfert d'entreprise, les salariés continuent à bénéficier de l'usage qui est transmis au nouvel employeur.

L'employeur peut remettre en cause un usage en informant individuellement le salarié par lettre et en respectant un délai de convenance.

En l'espèce, il n'est pas contesté que [H] [O] prenait depuis 2006 des congés toutes les 7 semaines aux mêmes périodes que son épouse.

Cet avantage constant constituait un usage que l'employeur devait remettre en cause.

En conséquence, l'avertissement du 27 février 2012 qui sanctionne un avantage non remis en cause n'est pas fondé et doit être annulé.

S'agissant de l'avertissement en date du 15 avril 2012, il a été adressé à [H] [O] avant même que celui-ci ne soit parti en congés car il avait annoncé oralement qu'il prendrait ses congés à compter du 27 avril 2015 et l'employeur, qui a adressé un mail à [H] [O] le 26 avril 2012, ne prouve pas que celui-ci a pris effectivement ses congés.

L'avertissement préventif du 15 avril 2012 doit être annulé.

Sur les demandes relatives au harcèlement moral

L'article L1152-1 du code du travail dispose:'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.

Selon l'article L1154-1 du code du travail, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La seule obligation du salarié est donc de faire état de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral (Cass. Soc. 15 novembre 2011 N°10-10.687).

Dès lors que des faits sont désignés, le juge, pour débouter le salarié, doit expliquer en quoi ces faits ne laissent pas présumer l'existence d'un harcèlement. Il ne peut se contenter de dire que la requête est mal fondée (Cass. Soc. 16 mars 2010 N°08-44.094).

Le harcèlement moral ne saurait se déduire de la seule altération de la santé du salarié ( CA Douai 26 novembre 2004 N°03-3462 ch.soc.).

Il revient à la présente cour de rechercher:

- si [H] [O] rapporte la preuve des faits qu'il dénonce au soutien de son allégation d'un harcèlement moral,

- si les faits qu'il considère comme établis, appréhendés dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral,

- enfin, si cette présomption est retenue, si l'employeur justifie que les agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

[H] [O] soutient qu'il a été victime d'un harcèlement moral résultant de la modification unilatérale de son taux de commission qui a été ramené de 40 à 35 % en 2010, de la remise en cause de la prise de ses congés payés toutes les 7 semaines par l'envoi de deux avertissements et du fait que la gérante le rabaissait continuellement, qu'il n'y avait plus son numéro de portable sur les publicités et qu'il n'avait plus l'exclusivité des biens qu'il rentrait.

La SAS Desim soutient que [H] [O] avait donné son accord pour la baisse des commissions et qu'il percevait une commission supérieure au taux habituellement alloué dans le secteur de l'immobilier et que c'était un droit de l'employeur de s'opposer à la prise de congés payés.

[H] [O] produit:

- une ordonnance pour un scanner cérébral en date du 8 juillet 2011 et pour un IRM en date du 1er septembre 2011

- une attestation du Dr [W] psychiatre indiquant que [H] [O] est en psychanalyse depuis octobre 2011 et que son examen clinique met en évidence 'des signes en faveur d'un syndrome post traumatique avec la présence de stress, de pression morale, de conflits professionnels et de céphalées survenues dans ce contexte'

- son contrat de travail du 1er juillet 2004 avec la société Picandelli qui fait état d'un taux de commission de 40%

- l'attestation de son épouse Mme [T] [O] directrice de crèche en date du 6 février 2015 qui indique que : 'Depuis janvier 2006 et jusqu'en juin 2012, [H] [O] a toujours pris ses congés en même temps que les miens c'est à dire une semaine à la toussaint, deux semaines à Noël, une semaine aux vacances d'hiver, une semaine aux vacances de Pâques et 4 semaines de vacances en août.'

- les avertissements en date des 27 février et 15 avril 2012.

- l'attestation de M. [O] [A], ingénieur formateur, en date du octobre 2012, ainsi rédigée :

' J'ai fait la connaissance de M. [O] au travers des formations que je dispense depuis plusieurs années au sein de la société First Immobilier.

Dispensant des formations dans d'autres agences immobiliéres du bassin cannois, j'ai pu constater que M. [O] jouissait d'une excellente réputation. Honnête et calme, je l'ai toujours trouvé d'humeur égale jusqu'à l'été 2011 où, à l'occasion d'une formation, il m'est apparu stressé. J'ai compris le soudain mal-être de M. [O] et la raison de ses difficultés à se concentrer sur la formation quand j'ai été témoin du discours humiliant de la dirigeante de First Immobilier à l'endroit de M. [O].

Plus tard, j'ai été très surpris d'apprendre que M. [O] avait été licencié alors qu'il m'apparaissait comme étant un pilier de cette agence.'

- L'attestation de Mme [F] en date du 5 octobre 2012 qui indique qu'elle a confié la vente de plusieurs appartements à [H] [O] et qu'elle était très satisfaite de son travail mais qu'en mai 2012 elle l'a trouvé changé, ayant l'air très inquiet, très tracassé et n'étant plus sûr de lui.

- l'attestation de Mme [L] en date du 10 octobre 2012, psychologue qui indique:

' [H] [O] m'a vendu 3 appartements et je n'ai eu qu'à le féliciter de son professionnalisme, son honnêteté et sa rigueur.

J'ai ressenti que depuis début février, [H] [O] était fatigué et angoissé dû à une pression à son travail.'

La SAS Desim produit:

- la fiche d'aptitude de la médecine du travail du 15 novembre 2011

- le récapitulatif des vacances de [H] [O] pour 2010, 2011 et 2012 qui montre que les dates sont identiques pour les 3 années

- les demandes de congés de M [P]

- l'avenant au contrat de travail de M [E] indiquant un taux de commission de 30%

Il ressort des pièces produites que depuis octobre 2011, [H] [O] présentait un mal- être causé par l'attitude de son employeur qui a remis en cause son travail, son ancienneté et ses résultats à savoir plus de 600 ventes en contestant sans préavis la prise de ses congés alors qu'il était acquis depuis des années qu'il les prenait à sa convenance, en diminuant son taux de commission de façon unilatérale pour le rapprocher du niveau des autres VRP, en lui infligeant deux avertissements alors qu'en 23 ans d'ancienneté, l'employeur n'établit pas que [H] [O] avait eu un avertissement, en l'humiliant en remettant en cause son orthographe en français et sa pratique de l'anglais et ses tenues vestimentaires.

Ces faits établis, appréhendés dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

La SAS Desim ne justifie pas que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il se déduit donc de ses motifs que [H] [O] a été victime d'un harcèlement moral constitutif d'un préjudice, [H] [O] étant suivi par un psychiatre depuis octobre 2011 avec un syndrome post traumatique avec la présence de stress, de pression morale, de conflits professionnels et de céphalés survenues dans ce contexte, et toujours suivi à la date du 9 février 2015.

Il sera alloué à [H] [O] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement en date du 22 juin 2012 est ainsi motivée:

'Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute grave, ce dont nous vous avons à fait part lors de notre entretien du 12 juin dernier, entretien auquel vous vous êtes présenté accompagné d'un représentant des salariés.

Comme nous avons pu vous l'indiquer lors de cet entretien, nous avons pu constater que vous adoptiez une attitude peu conforme avec l'image de marque de notre agence.

Ainsi, vos clients se plaignent de votre absence de soin quant à votre tenue vestimentaire, l'un d'entre eux allant jusqu'à vous demander de vous raser et de mettre des vêtements repassés.

Nous vous avions demandé à plusieurs reprises d'être plus attentif à votre style vestimentaire afin de ne pas paraitre négligé ce qui ne correspond pas à l'image de notre société et à notre clientèle.

Vous n'avez jamais daigné prendre en compte nos remarques.

De la même façon, alors que nous vous avons demandé de ne plus adresser directement des correspondances en anglais aux clients de l'agence puisque vous ne possédez pas de notion suffisante dans cette langue, vous vous obstinez à le faire.

Nos clients reçoivent donc des mails totalement incompréhensibles et remplis de fautes d'orthographe.

Là encore, vous portez atteinte à l'image de notre agence dans un contexte extrêmement concurrenciel.

De plus, en dépit de nos multiples rappels à l'ordre et avertissement, vous ne respectez pas nos consignes en vous absentant pour cause de congés (alors même que tous vos congés sont soldés) et alors que nous avions refusé votre demande de congés.

Vous ne respectez donc pas les décisions prises par votre hiérarchie en vous absentant sans aucune autorisation et malgré le refus de votre employeur.

Et les sanctions que nous avons pu prendre à votre égard sont totalement inefficaces.

De plus, vous contestez systématiquement tout changement dans l'organisation de l'agence en n'hésitant pas à hurler dans nos locaux sans vous soucier de la présence de clients.

Vous êtes sans cesse dans l'opposition sans être à même de justifier de manière objective vos prises de position.

Alors que nous vous avons demandé de respecter un minimum de discrétion lorsque nous recevons des clients, vous multipliez systématiquement les aller retours entre votre bureau situé à l'étage et le rez de chaussée où nous recevons notre clientèle en choisissant ces moments pour vous préparer un thé, aller aux toilettes, nous demander des fournitures ou documents divers au cours de nos rendez-vous ou en nous interrompant pour nous questionner sur des points qui peuvent, chaque fois, attendre la fin de notre entretien.

Nous vous avons expliqué que cette attitude était très perturbante mais vous n'avez pas tenu compte de nos remarques.

Vous tentez également de démotiver l'ensemble de l'équipe en précisant sans cesse que c'est vous qui faites ' marcher l'agence', que vous ' avez vendu plus de 600 appartements', que ' cela fait 23 ans que vous faite ce métier et que personne ne peut rien vous apprendre'.

Ainsi, vous ne faites que critiquer le travail et les méthodes des autres, au lieu de faire profiter vos collègues de votre expérience en enrichissant leurs connaissances.

A plusieures reprises, nous vous avons demandé d'utiliser votre portable professionnellement et de ne pas envoyer de MMS et, depuis notre changement d'opérateur, de ne pas envoyer de SMS tant que notre problème n'était pas réglé, vous n'en tenez pas compte.

Lors de vos permanences, vous vous absentez régulièrement pour aller accompagner votre fille, même si vous êtes seul à l'agence.

Enfin, au cours d'une réunion en date du 28 mai dernier, vous avez violemment pris à partie Mme [R] en l'insultant et en tentant de la frapper.

Le stagiaire de l'agence a dû intervenir pour vous calmer face à cette attitude totalement inadmissible et compte tenu de l'ampleur de vos cris, un attroupement s'est formé devant la vitrine de l'agence craignant pour la sécurité des personnes présentes.

Bien évidemment, cet accès de violence n'est pas tolérable.

Cette conduite met en cause la bonne marche de l'entreprise.

En conséquence, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave, votre maintien dans l'entreprise s'avérant impossible.

Nous vous confirmons pour les mêmes raisons la mise à pied à titre conservatoire dont vous faite l'objet depuis le 1er juin 2012'.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail .

Aux termes de l'article L 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte en raison notamment de son état de santé ou de son handicap.

L'autorisation de licenciement d'un salarié protégé ayant eu un comportement violent ne doit pas être accordée lorsque les faits reprochés sont dus à un état pathologique de l'intéressé (Conseil d'Etat 4ième et 5ième sous section réunis 3 juillet 2013 n° 349496).

La SAS Desim reproche à [H] [O]:

- sa tenue vestimentaire négligée

- le non respect des consignes ( mails en anglais, prise de congés sans accord, absence pendant ses permanences, utilisation du téléphone, l'absence de discrétion pendant les rendez-vous)

- la démotivation de l'équipe (la critique du travail et des méthodes des autres)

- le refus de tout changement

- un accès de violence lors d'une réunion

La SAS Desim produit:

- une facture d'Orange d'octobre 2011 sans indication de l'utilisateur et faisant état de 2,673 euros de MMS et 2,25 euros de SMS

- une facture Bouygues telecom du 16 juin 2012 avec un dépassement de deux euros de SMS sans indication de l'uilisateur

- un extrait de l'agenda de [H] [O] de l'année 2011 qui porte l'indication pour certains jour '[E] école' sans préciser qu'il doit aller chercher sa fille et qui indique de nombreux rendez-vous jusqu'à 20 heures.

- des courriels en anglais et en français avec des fautes d'orthographe de janvier à mai 2012

- un courriel de Mme [R] à [H] [O] en date du 26 avril 2012 qui précise les modalités d'utilisation du téléphone

- la lettre de l'agence L'Adresse en date du 21 février 2013 qui indique qu'elle retravaille avec la SAS Desim car [H] [O] ne fait plus parti du personnel sans autre précision

- la lettre du 12 juin 2012 de la société Realestate à la SAS Desim qui refuse une collaboration en raison du comportement de [H] [O] - le dépôt de plainte de M [K] en date du 30 juillet 2012 contre [H] [O] pour un problème d'exclusivité

- le courriel de Mme [Y] en date du 27 juin 2012 adressé à Mme [R] suite à leur conversation téléphonique indiquant que en raison du caractère très autoritaire de [H] [O] elle n'avait pas osé lui faire remarquer 'qu'on ne venait pas en claquettes et bermuda chez le notaire'

- l'attestation de Mme [T] en date du 27 avril 2013 qui indique:

' le vendredi 25 mai j'ai effectivement entendu des cris (avec attrouppement) provenant de l'agence first immobilier situé en face de mon salon de coiffure sans savoir ce qui se passait'

- l'attestation de M [M] en date du 12 juin 2012 ainsi rédigée:

'le vendredi 25 mai 2012 vers 10 heures du matin j'ai été alerté par des hurlements provenant de l'agence first immobilier et je me suis inquiété car Mme [R] était face à un homme barbu qui avait l'air complètement hystérique !!!.'

- l'attestation de M [S] en date du 21 juin 2012 ainsi rédigée:

' le vendredi 25 mai 2012, vers 10 heures, me rendant chez mon coiffeur, j'ai été attiré par un vacarme dans l'agence immobilière voisine (porte ouverte), avec un homme d'une cinquantaine d'années, agité, proférant des insultes, menaçant, hurlant vis à vis de la propriétaire de l'agence Mme [R] que j'ai revue plus tard et qui m'a demandé de témoigner'

- l'attestation de M [P] assistant agent immobilier de la SAS Desim en date du 30 mai 2012 ainsi rédigé :

' Lors d'une réunion le 25 mai 2012 à 9 heures 30 au sein de l'agence, [H] [O] s'est violemment emporté à l'égard de Mme [R]. Après avoir soulevé le bureau, [H] [O] s'est précipité sur Mme [R] en hurlant et en effectuant de grands gestes, m'obligeant donc à m'interposer et le retenir de commettre l'irréparable.'

- 10 attestations de personnes ayant cotoyé [H] [O] et indiquant qu'il avait un caractère difficile et désagréable

- une seconde attestation de M [P] en date du 6 février 2013 devenu négociateur immobilier qui reprend les termes de la lettre de licenciement sur le interruptions lors des rendez-vous et sur l'altercation du 25 mai 2012

[H] [O] produit:

- 36 attestations de clients qui indiquent qu'il était un grand professionnel dont ils étaient très satisfaits notamment pour les seconder devant le notaire, qu'ils ne souhaitaient effectuer leurs achats ou leurs ventes de biens immobiliers qu'avec lui et qu'il était extrêment courtois et d'humeur égale.

- l'attestation de M [D] du 19 septembre 2013, directeur d'une agence immobilière, qui indique:

'Je tiens personnellement à saluer le professionnalisme de [H] [O] tant sur l'aspect juridique que l'aspect commercial.

Certaines ventes réalisées en co-agences étaient relativement compliquées et [H] [O] par son côté naturel et sympathique a réussi à faire aboutir les transactions.

J'ai appris dernièrement l'injustice dont il est victime et je ne peux me résoudre à rester indifférent.

Plus que les paroles, les chiffres sont éloquents: notre agence peut prouver, preuves à l'appui que [H] [O] a réalisé avec notre établissement les ventes suivantes entre autres (...)

Je tiens à la disposition de la justice d'autres exemples qui pourront assurer de l'honnêteté et de l'exemplarité de [H] [O], homme atypique et attachant qui fait honneur à notre profession'.

- 5 attestations d'agents immobiliers qui indiquent avoir conclu plusieurs transactions avec [H] [O] qui se sont réalisées en confiance, dans un climat de confraternité mutuelle et que [H] [O] est connu et reconnu pour être une personne courtoise et avenante, respectant la déontologie de la profession

- l'attestation de M [V] en date du 4 décembre 2012, expert technique du bâtiment qui indique que dans le cadre de sa fonction il était en collaboration étroite avec [H] [O] depuis des années et que c'est un homme agréable, courtois, honnête et très professionnel

- le compte rendu de l'entretien préalable rédigé par le conseiller de [H] [O] ainsi rédigé dans sa première partie:

Mme [R]: nous avons eu une réunion vendredi et l'attitude de [H] vis à vis de moi était inadmissible, son comportement violent et ses hurlements dans l'agence qui ont ameuté tout le quartier. Et j'ai eu très peur car j'ai cru qu'il allait me frapper et d'ailleurs, il y avait le petit stagiaire qui a attrappé [H] pour l'empêcher de me frapper et j'ai eu très peur.

[H] [O] : Si j'ai eu cette attitude, c'est parceque j'ai subi une pression morale et une surcharge de travail (l'ordinateur, le courrier, la vitrine) que je n'avais pas auparavent.

Je suis obligé d'aller voir un spécialiste à cause de la pression morale de mon employeur. Elle me diminue tout le temps et me rabaisse depuis des mois.

Le petit stagiaire, je ne lui ai opposé aucune résistance parceque je n'avais pas l'intention de vous frapper et d'ailleurs je n'ai pas levé la main sur vous j'ai juste crié.

Mme [R]: tout ce que dit [H] n'est pas excusable dans son comportement agressif et il refuse de mettre par écrit la demande de ses congés annuels.

[H] [O]: je prends des vacances toutes les 7 semaines depuis 23 ans et jusqu'à présent vous n'avez rien dit. Dans ce métier la pression est très forte et il est nécessaire de se ressourcer pour mieux travailler. Depuis que vous êtes mon employeur, j'ai toujours pris mes congés et vous n'avez jamais rien dit.

Mme [R]: Il m'a agressé verbalement, son comportement est inadmissible vis à vis de son employeur. Il y a eu un attroupement devant l'agence tellement [H] criait fort.

[H] [O] : Il n'y a pas eu d'attroupement devant l'agence, c'est complètement faux.

Mme [R]: Sa parole contre la mienne.

(...)'

Sur les griefs concernant la tenue vestimentaire négligée de [H] [O], le non respect des consignes ( mails en anglais, prise de congés sans accord, absence pendant ses permanences, utilisation du téléphone, l'absence de discrétion pendant les rendez-vous), la démotivation de l'équipe (la critique du travail et des méthodes des autres) et le refus de tout changement, il ressort des pièces produites que ces griefs ne sont pas établis.

En effet, si certaines attestations produites par l'employeur critiquent la tenue de [H] [O] tant sur le plan vestimentaire que sur le plan du comportement, celles ci sont totalement contredites par les très nombreuses attestations émanant de ses anciens employeurs, de ses partenaires et de très nombreux clients versées par [H] [O] qui font état d'une personnalité singulière mais très attachante, calme et très professionnelle comme l'atteste ses 23 années de VRP dans l'immobilier à Cannes avec un succès professionnel non contesté et sans que l'employeur ne l'ai jamais sanctionné sur ce point.

Sur l'usage de la langue anglaise, [H] [O] établit par des attestations qu'il n'en était pas moins apprécié par des clients anglophones qui lui faisaient totalement confiance de même pour son orthographe approximative dans les courriels en français.

Enfin aucune pièce n'établit la réalité des autres griefs reprochés pour l'utilisation du téléphone dont les factures ne sont pas nominatives, sur la démotivation et le refus de tout changement, l'employeur ne produisant que l'attestation du stagiaire faite en 2013 alors qu'il avait rédigé une attestation en 2012 et reprenant les termes de la lettre de licenciement.

Sur les faits du 25 mai 2012 datés du 28 mai dans la lettre de licenciement, aucun élément ne permet de savoir quel était l'objet de la réunion ni ce qui a entrainé l'attitude reprochée à [H] [O].

L'attitude de [H] [O], qui est établie concernant l'agression verbale, découle, ce qui n'est pas contredit, de son état de santé qui necessitait un suivi psychiatrique depuis octobre 2011.

Cet état de santé est établi par un psychiatre qui a attesté des signes en faveur d'un syndrome post traumatique avec la présence de stress, de pression morale, de conflits professionnels et de céphalées survenues dans ce contexte et par notamment les attestations de Mme [L] et de M [A] qui ont relevé la dégradation de l' état de santé de [H] [O] et ressenti son angoisse et son mal-être.

Le comportement violent de [H] [O] résulte de son état pathologique qui est la conséquence du harcèlement moral dont il était victime et ne peut donc constituer une faute grave justifiant son licenciement.

Il se déduit de ces motifs que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement

Il ressort du seul bulletin de salaire de décembre 2012 produit par [H] [O] que son salaire de référence est de 2216,16 euros brut.

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, la SAS Desim sera condamnée à verser à [H] [O] la somme de 1551,31 euros brut à titre de rappel de salaire pour la mise à pied à titre conservatoire du 30 mai 2012 au 22 juin 2012.

En application des articles L 1234-1 et suivants du code du travail et compte tenu des circonstances de l'espèce [H] [O] a droit à une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire soit 4432,32 euros outre 443,23 euros au titre des congés payés y afférénts.

En application de l'article L1234-9 du code du travail, salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, [H] [O] a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement correspondant à son ancienneté de 22 ans et 8 mois soit la somme de 13789,41 euros.

En raison de l'âge de [H] [O] au moment de son licenciement (comme étant né en 1960), de son ancienneté dans l'entreprise ( 22 ans et 8 mois), du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que des justificatifs produits, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'il a subi, la somme de 25 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice distinct

En application de l'article 1382 devenu 1240, du code civil, des articles 1134 et 1147 du code civil [H] [O] sollicite la condamnation de la SAS Desim à lui payer la somme de 16666 euros à titre de dommages intérêts compte tenu du caractère brutal et vexatoire du licenciement et du préjudice moral ainsi subi.

[H] [O] ne justifie pas d'un préjudice à ce titre non indemnisé par l'allocation de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour mise en place d'une organisation de travail anxiogène

[H] [O] ne justifie pas d'un préjudice à ce titre non indemnisé par l'allocation de dommages et intérêts pour harcèlement moral

Il sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

[H] [O] ne justifie pas d'un préjudice à ce titre non indemnisé par l'allocation de dommages et intérêts pour harcèlement moral et licenciement sans cause réelle et sérieuse

Il sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur la demande en réparation du préjudice du fait du défaut du paiement des cotisations retraites à la caisse des cadres

[H] [O] n'apporte pas la preuve qu'il avait un statut de cadre et les bulletins de salaire produits ne font pas état de son statut de cadre.

Il sera débouté de cette demande.

Sur les intérêts

Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.

Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 devenu 1343-2, du code civil.

Sur les autres demandes

La cour ordonnera à la SAS Desim de remettre à [H] [O] les documents de fin de contrat rectifiés: l'attestation destinée au Pôle emploi et le certificat de travail conformes à la présente décision.

Il n'est pas nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.

Sur les dépens et les frais non-répétibles

La SAS Desim qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens et il y a lieu de la condamner à payer à [H] [O] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 2000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau sur le tout,

Dit que l'ancienneté de [H] [O] remonte au 1er octobre 1989,

Annule les avertissements notifiés les 27 février et 15 avril 2012,

Dit [H] [O] a été victime de harcèlement moral,

Dit que le licenciement de [H] [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence, condamne la SAS Desim à verser à [H] [O] les sommes suivantes:

* 15000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

* 1551,31 euros brut à titre de rappel de salaire pour la mise à pied à titre conservatoire du 30 mai 2012 au 22 juin 2012.

*4432,32 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 443,23 euros brut au titre des congés payés y afférénts

* 13789,41 euros à titre d'indemnité de licenciement

* 25000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne à la SAS Desim de remettre à [H] [O] le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi rectifiés conformes au présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte,

Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 devenu 1343-2, du code civil,

Condamne la SAS Desim à payer à [H] [O] une somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Desim aux dépens de première instance et d'appel,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 17/06368
Date de la décision : 31/10/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°17/06368 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-31;17.06368 ?
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