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17/10/2019 | FRANCE | N°18/15518

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-4, 17 octobre 2019, 18/15518


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4



ARRÊT AU FOND

DU 17 OCTOBRE 2019



N° 2019/254













Rôle N° RG 18/15518 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDD4S







[M] [F]





C/



[W] [F]

[G] [F]

[C] [F]

[I] [F]

[R] [F]

SASSOCIETE CENTRALE DE REALISATIONS IMMOBILIERES PROMOTIONS OTIONS

SARL HC





















Copie exécutoire délivrée r>
le :

à :

Me CHERFILS

Me LEGRAND

Me KOBAN

Me SIDER

Me JUSTON

Me BERDAH

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 14 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2017/03404.





APPELANT



Monsieur [M] [F]

...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 17 OCTOBRE 2019

N° 2019/254

Rôle N° RG 18/15518 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDD4S

[M] [F]

C/

[W] [F]

[G] [F]

[C] [F]

[I] [F]

[R] [F]

SASSOCIETE CENTRALE DE REALISATIONS IMMOBILIERES PROMOTIONS OTIONS

SARL HC

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me CHERFILS

Me LEGRAND

Me KOBAN

Me SIDER

Me JUSTON

Me BERDAH

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 14 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2017/03404.

APPELANT

Monsieur [M] [F]

né le [Date naissance 4] 1972 à [Localité 14]

demeurant [Adresse 10]

représenté par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'Aix-en-Provence et assisté de Me Florian BOUAZIZ, avocat au barreau de Paris et de Me Juliette ROQUETTE, avocat au barreau de Paris.

INTIMES

Madame [W] [F]

née le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 13] (63),

Demeurant [Adresse 9]

représentée par Me Stéphanie LEGRAND, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Diane MACAGNO, avocat au barreau de Paris.

Monsieur [G] [F]

né le [Date naissance 8] 1988 à [Localité 17] (ILE MAURICE),

demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Emmanuelle ASSO, avocat au barreau de Grasse substituant Me Denis KOBAN de la SELARL ASKESIS, avocat au barreau de GRASSE

Madame [C] [F]

née le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 18] (06),

demeurant [Adresse 16]

représentée par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [I] [F]

né le [Date naissance 3] 1936 à [Localité 15] (63),

demeurant [Adresse 12]

représenté par Me Sandra JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et assisté de Me Jean-Pierre GASTAUD, avocat au barreau de Nice

Mademoiselle [R] [F]

née le [Date naissance 5] 1987 à [Localité 19] (ILES MAURICE),

demeurant [Adresse 11]

représentée par Me Michaël BERDAH, avocat au barreau de NICE

SAS CENTRALE DE REALISATIONS IMMOBILIERES PROMOTIONS Prise en la personne de son représentant légal en exercice,

Dont le siège est [Adresse 20]

représentée par Me Sandra JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

SARL HC

Prise en la personne de son représentant légal en exercice,

Dont le siège est [Adresse 20]

[Adresse 20]

représentée par Me Sandra JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Septembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Laure BOURREL, Présidente a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Laure BOURREL, Président

Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller

Mme Anne FARSSAC, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Rime GHORZI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2019,

Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Mme Rime GHORZI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS Socri Promotions et le groupe Socri constitué avec ses filiales, exercent des activités opérationnelles dans le secteur de la promotion immobilière, l'hôtellerie, l'exploitation de centres commerciaux ainsi que la construction et la location d'immeubles affectés aux dites exploitations commerciales d'hôtels et de centres commerciaux.

La société Socri Promotions compte sept associés, soit M. [I] [F], né le [Date naissance 3] 1936, qui est le fondateur du groupe, et ses 5 enfants, M. [M] [F], Mme [W] [F], Mme [C] [F], Mme [R] [F], M. [G] [F] ainsi que la SARL HC (dont le gérant est Monsieur [I] [F]), laquelle détient 1000 actions sur les 2 560 000 qui composent le capital social.

Monsieur [I] [F], a organisé la transmission de son patrimoine à ses cinq enfants par des donations partage intervenues en 1990 et 1998. C'est ainsi que Monsieur [I] [F] détient 98,13 % du capital social de la SAS Socri Promotion en usufruit, et ses cinq enfants, les 98,13 % en nue-propriété, lesquels détiennent aussi des actions en pleine propriété, M. [M] [F], 9000 actions, et ses quatre frères et soeurs, 6000 actions en pleine propriété.

Par acte du [Date décès 7] 2010, un pacte d'associés a été conclu entre les 7 actionnaires, qui prévoit ce qui devra être mis en 'uvre lorsque Monsieur [I] [F] ne sera plus associé du groupe Socri afin que le groupe reste au sein de la famille.

Ce pacte énonce aussi quelques dispositions devant immédiatement régir la vie de la société et les actes des associés.

Monsieur [M] [F] a souhaité développer des activités indépendantes, soit le groupe NCO qui est devenu Socri Reim.

Monsieur [M] [F] soutient que ses activités et l'utilisation du mot Socri l'ont été en total accord avec Monsieur [I] [F], alors que ce dernier et la société HC contestent cette version des faits, et allèguent qu'il a bénéficié d'avantages indus par rapport à ses autres frères et s'urs.

Estimant que Monsieur [M] [F] n'avait pas respecté son obligation de loyauté et avait accompli des actes de concurrence déloyale, en infraction notamment à l'article 7 du pacte d'associés intitulé « Engagement de non-concurrence des descendants - Droits de préférence - Options d'achat consenti à [M] et [W] [F] », par LRAR en date du 23 février 2017, M. [I] [F] et la SARL HC ont notifié à M. [M] [F] la résolution unilatérale dudit pacte.

Par actes des 20, 21 et 22 juin 2017, M. [M] [F] a fait assigner devant le tribunal de commerce d'Antibes, M. [I] [F] et la société HC en présence de Mme [W] [F], Mme [R] [F], M. [G] [F], Mme [C] [F] ainsi que de la société Socri Promotions afin qu'il soit jugé que la résolution du pacte avait été mise en 'uvre de manière abusive et qu'elle était irrégulière et inefficace.

En cours de procédure, par lettre recommandée du 10 janvier 2018, Madame [R] [F] a elle aussi résilié de façon unilatérale le pacte d'associés au motif qu'il répondait aux seules préoccupations de son père et de son frère et que certaines clauses étaient inacceptables comme gravement préjudiciables à ses intérêts comme à ceux de ses autres frère et soeur.

Par jugement du 14 septembre 2018, au motif que le pacte d'associés constituerait un pacte sur succession future, le tribunal de commerce d'Antibes :

- s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Grasse,

- a dit qu'en vertu des dispositions de l'article 80 et des articles suivants du code de procédure civile, la présente affaire est susceptible d'appel dans le délai de 15 jours de la notification de la décision,

- a dit qu'à réception du certificat de non appel, l'affaire sera transmise au tribunal de grande instance de Grasse par les soins du greffier de la présente juridiction,

- dit qu'il ne sera pas fait application des dispositiosn de l'article 700 du code de procédure civile pour l'une ou l'autre des parties,

- laissé à la charge de M. [M] [F] les entiers dépens en ceux compris les frais de greffe de la présente instance liquidés à la somme de 200,12 euros dont TVA 33,36 euros ;

Par déclaration du 1er octobre 2018, M. [M] [F] a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance du 4 octobre 2018, le Premier président de la cour d'appel d'Aix en Provence a autorisé M. [M] [F] à assigner à jour fixe chacun des intimés pour l'audience du 15 janvier 2019. L'affaire a été renvoyée à plusieurs reprises, les parties étant d'accord pour conclure au fond.

Par conclusions notifiées le 26 Août 2019, qui sont tenues pour entièrement reprises, M. [M] [F] demande à la cour de :

Vu les articles 1134 (ancien) et 1188 du code civil,

Vu l'article L. 721-3 du code de commerce,

Vu les articles 42, 51, 75 et suivants, 83 et suivants, 331, al. 2 et 700 du code de procédure civile,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Antibes le 14 septembre 2018,

* Sur la compétence,

- dire et juger que le Pacte conclu le [Date décès 7] 2010 entre M. [I] [F], la société HC, M. [M] [F], Mme [W] [F], Mme [R] [F], M. [G] [F] et Mme [C] [F], en présence de la société Socri Promotions, est un pacte d'associés relatif à une société commerciale,

- dire et juger que ses demandes aux termes de l'assignation du 21 juin 2017 relevaient de la compétence exclusive des juridictions commerciales, de sorte que le tribunal de commerce d'Antibes était compétent pour statuer sur ces demandes,

* Usant de son pouvoir d'évocation,

- dire et juger que la résolution du Pacte notifiée à M. [M] [F] par M. [I] [F] et la SARL HC par courrier daté du 23 février 2017 reçu le 10 mars 2017 a été mise en oeuvre de façon abusive et qu'elle est irrégulière et inefficace,

- dire et juger que le Pacte est un contrat à durée déterminée,

- dire et juger que la résiliation du Pacte invoquée par Mme [R] [F] est inefficace,

- dire et juger irrecevables les demandes de M. [I] [F] et de la société HC tendant à l'annulation du Pacte d'associés conclu le [Date décès 7] 2010 entre M. [I] [F], la société HC, M. [M] [F], Mme [W] [F], Mme [R] [F], M. [G] [F] et Mme [C] [F], en présence de la société Socri Promotions, et à l'annulation des actes de donations-partages en date des 8 avril 1990 et 6 juillet 1998,

- dire et juger que le Pacte ayant déjà été exécuté, aucune exception de nullité ne saurait être utilement invoquée,

* En conséquence:

- dire et juger que le Pacte d'associés conclu le [Date décès 7] 2010 entre M. [I] [F], la société HC, M. [M] [F], Mme [W] [F], Mme [R] [F], M. [G] [F] et Mme [C] [F], en présence de la société Socri Promotions demeure en vigueur, n'a jamais cessé de produire effet et subsiste dans toutes ses stipulations et entre toutes les parties,

- condamner solidairement M. [I] [F] et la société HC à lui verser 1 euro à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire,

* En tout état de cause,

- débouter toutes les parties de leurs demandes, fins et conclusions contraires,

- dire et juger l'arrêt à intervenir opposable à Mmes [W], [R], [C] [F] et M. [G] [F], ainsi qu'à la société Socri Promotions,

- condamner solidairement M. [I] [F] et la société HC à lui verser la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [I] [F] et la société HC aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SELARL Lexavoué Aix-en-Provence, en la personne de [P] [B].

Par conclusions du 29 juillet 2019, qui sont tenues pour entièrement reprises, M. [I] [F], la SARL HC et la SAS Société Centrale de réalisations immobilières Promotions (Socri Promotions) demandent à la cour de:

Sur la compétence:

vu les articles L.211-4 et R.221-4 3ème du code de l'organisation judiciaire,

vu l'article L.211-3 du même code,

- confirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Grasse,

Evoquant au fond:

Principalement

Vu l'art. 88 du code de procédure civile,

Vu l'art. 722 du code civil portant interdiction des pactes sur succession future,

- dire nul et de nul effet l'acte dit pacte d'associés du [Date décès 7] 2010,

Vu ensemble les art. 1075 et 1076 du même code,

- dire nul et de nul effet l'ensemble contractuel composé du pacte du [Date décès 7] 2010 et des donations-partage du 8 avril 1990 et du 6 juillet 1998 consenties à [M] [F],

- dire que [M] [F] sera privé de tout droit sur les titres donnés et qu'[I] [F] en recouvrera la pleine propriété avec effet au 6 juillet 1998 et au 29 avril 1990,

Très subsidiairement :

vu le principe de prohibition des engagements perpétuels repris par l'art. 1210 du Code Civil dans sa rédaction issue de 1'ordonnance du 12 février 2007 ; vu les obligations de loyauté figurant au pacte du 30 Janvier 2010, dire nul le pacte du [Date décès 7] 2010 ou en tout cas sa résiliation fondée et légitime,

- débouter [M] [F] de l'ensemble de ses demandes,

- le condamner, en outre, à 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions du 2 juillet 2019, qui sont tenues pour entièrement reprises, Mme [R] [F] demande à la cour de:

Vu notamment les articles 4 et 88 du code de procédure civile, 1210 et 1211 du code civil,

- prendre acte qu'elle s'en rapporte à justice sur le mérite de l'appel formé par son frère [M] [F] concernant la juridiction compétente pour statuer sur les prétentions des parties litigantes,

Et en cas d'évocation par la cour :

A titre principal

- juger nul et de nul effet le pacte d'associés SOCRI Promotions, qui n'a jamais à ce jour reçu exécution, en ce qu'il porte atteinte au droit de propriété, à la libre cessibilité des actions et constitue un engagement perpétuel prohibé, qui constituent trois motifs autonomes de nullité,

A titre subsidiaire

- juger régulière et bien fondée sa résiliation unilatérale du pacte notifiée le 10 janvier 2018 sur le fondement de l'article 1210 du code civil, et au regard du caractère perpétuel de l'engagement, lequel fait du pacte querellé un contrat à durée indéterminée,

A titre plus subsidiaire

- juger régulière et bien fondée sa résiliation unilatérale du pacte d'associés notifiée le 10 janvier 2018, sur le fondement de l'article 1226 du code civil, et eu égard à la gravité du comportement et des agissements de M. [M] [F],

Dans tous les cas

- débouter MM. [M] et [G] [F] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [M] [F] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

- condamner monsieur [M] [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions du 3 juillet 2019, qui sont tenues pour entièrement reprises, Mme [W] [F] demande à la cour de:

- prendre acte qu'elle fait toutes protestations et réserves d'usage sur les demandes des parties et s'en rapporte à justice sur le mérite de l'appel formé par M. [M] [F] le 1er octobre 2018,

En cas d'évocation par la cour des questions de fond relatives à l'annulation du pacte d'associés à celle des donations partage et à la résiliation unilatérale du pacte,

- prendre acte qu'elle fait toutes protestations et réserves d'usage sur ces demandes et s'en rapporte à justice sur le mérite des demandes reconventionnelles formées par les différentes parties en présence ;

Par conclusions du 29 août 2019, qui sont tenues pour entièrement reprises, M. [G] [F] demande à la cour de:

Vu l'article 721-3 du code de commerce,

Vu l'article 2224 du code civil,

Vu les articles 42, 51, 64, 75 et s., 83 et s., 331 alinéa 2, 700 du code de procédure civile,

- infirmer la décision du tribunal de commerce d'Antibes du 14 septembre 2018,

* Sur la compétence:

- juger que les demandes formulées par M. [M] [F] aux termes de l'assignation du 21 juin 2017 relevaient de la compétence des juridictions commerciales,

* Evoquant au fond:

- dire et juger que le Pacte du [Date décès 7] 2010 est un Pacte d'associés dont les stipulations demeurent entre M. [I] [F], la société HC, M. [M] [F], Mme [W] [F], Mlle [R] [F], Mlle [C] [F] et lui,

- juger irrecevables et prescrites les demandes de M. [I] [F] et de la société HC et de Mlle [R] [F] tendant à l'annulation du Pacte d'associés du [Date décès 7] 2010 et des donations partages des 8 avril 1990 et 6 juillet 1998,

- juger inefficaces les résiliations unilatérales du Pacte d'associés du [Date décès 7] 2010 notifiées par M. [I] [F] et la société HC et Mlle [R] [F],

- condamner tous succombants à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Par conclusions du 27 aout 2019, qui sont tenues pour entièrement reprises, Mme [C] [F] demande à la cour de:

Vu les articles 76 du code de procédure civile et L211-3 du COJ,

- Prendre acte qu'elle s'en rapporte à Justice en ce qui concerne :

* le mérite de l'appel et la compétence ratione materiae,

* la demande d'annulation du pacte d'associés,

* la demande d'annulation de la donation-partage,

* la demande de résiliation du pacte d'associés,

- statuer ce que de droit concernant les dépens et frais irrépétibles.

MOTIFS

Sur la compétence

1. Le pacte d'actionnaires ou d'associés est une convention conclue entre tous, ou certains, des actionnaires ou associès d'une société afin de prévoir la mise en oeuvre d'une stratégie d'investissement ou de gestion, ou les mouvements des titres de la société.

Un pacte sur succession future est un contrat portant sur tout ou partie des biens dépendant de la succession d'une personne encore en vie, soi-même ou quelqu'un d'autre.

Dans le préambule du pacte du [Date décès 7] 2010, il est exposé

« Le Fondateur, a émis le voeu que ses enfants poursuivent son oeuvre dans le cadre de règles destinées d'une part à permettre la pérennisation du Groupe Socri ainsi que de ses actifs, et d'autre part l'entente entre ses enfants dans le cadre de la stratégie devant présider à la conduite des affaires dudit Groupe Socri, l'intérêt de chacun devant toutefois être garanti par une gestion saine et équilibrée.

C'est la raison pour laquelle, après et comme suite à la transformation de la société en société par actions simplifiées, les parties aux présentes se sont réunies pour déterminer les objectifs à long terme de la société et du groupe qu'elle forme avec ses filiales, ainsi que les principes de gestion et de direction des affaires de celles-ci qui devront être respectés par les enfants de Monsieur [I] [F], une fois que celui-ci ne sera plus associé de la société, ce point ces derniers consentent expressément.

De manière plus générale, les parties conviennent que le présent pacte d'associés fait, dans les relations d'associés, indivisiblement corps avec les statuts de la société.

Le présent pacte a pour objet de fixer les règles devant régir les relations d'associés au sein du groupe Socri, une fois le décès du Fondateur intervenu. »

Ce pacte ne porte donc pas sur les biens meubles ou immeubles de la succession de Monsieur [I] [F], mais a pour objectif de définir la stratégie de gestion que devront adopter les héritiers au sein du groupe Socri lorsque Monsieur [I] [F] se sera retiré des affaires ou sera décédé, afin de pérenniser le groupe, et de préserver les intérêts de chacun des héritiers.

Certes, l'article 5 relatif à la Créance Fondateur énonce une disposition relative à un bien futur de la succession de Monsieur [I] [F] dans la mesure où elle prévoit les modalités de remboursement de son compte courant d'actionnaire lors de l'ouverture de sa succession.

Toutefois, l'examen des 14 autres articles de ce pacte démontre que cette convention traite notamment de la stratégie d'entreprise, la responsabilité des descendants, la rémunération des mandats sociaux, la prise de décisions collectives, l'embauche de certains collaborateurs, le fonctionnement des holdings familiales, la cession des actions entre descendants, les droits sociaux dérivés, la politique de distribution des dividendes, les engagements de non-concurrence, les droits de préférence, l'arbitrage et la médiation en cas de mésentente entre descendants.

Dans ce contexte, l'article 5 a été conçu comme une des mesures de gestion de la société au décès de Monsieur [I] [F].

Enfin, même si sont utilisés les termes de 'Fondateur' et de 'Descendants', il ne peut en être tiré aucun argument. En effet, d'après les définitions énoncées à l'article 1 du pacte du [Date décès 7] 2010, 'Descendant' s'applique à toute personne physique ou morale autre que le Fondateur qui est M. [I] [F]. Or la société HC, actionnaire, n'est pas la descendante de M. [I] [F].

Ces termes sont utilisés dans les statuts de la société Socri Promotions du [Date décès 7] 2010 qui a transformé la SA en SAS ainsi que dans le projet de modification des statuts présenté à l'assemblée générale du 24 juin 2015 de façon identique, soit Fondateur et Descendants, ces derniers étant tous les actionnaires, personne physique ou morale qui ne sont pas le Fondateur.

Il suit de là que le pacte du [Date décès 7] 2010 est un pacte d'associés.

Une contestation sur un pacte d'associés est une action relative aux sociétés commerciales, laquelle, par application des dispositions de l'article L. 721-3 du code de commerce, relève de la compétence du tribunal de commerce.

2. L'article 51 du code de procédure civile énonce que le tribunal de grande instance connaît de toutes les demandes incidentes qui ne relèvent pas de la compétence exclusive d'une autre juridiction ; que sauf disposition particulière, les autres juridictions ne connaissent que des demandes incidentes qui entrent dans leur compétence d'attribution.

M. [I] [F] sollicite incidemment l'annulation des donations partage des 8 et 29 avril 1990 et 6 juillet 1998. Cette action relative au contentieux des successions relève de la compétence exclusive du tribunal de grande instance.

Dès lors, le tribunal de commerce d'Antibes était compétent pour connaître de l'action de M. [M] [F] sur le pacte d'actionnaires, et incompétent pour connaître de la demande reconventionnelle en annulation des donations partage de M. [I] [F].

En conséquence, le jugement déféré qui a déclaré incompétent le tribunal de commerce d'Antibes au bénéfice du tribunal de grande instance de Grasse sera infirmé partiellement.

Sur l'évocation

La Cour de céans étant juridiction d'appel du tribunal de commerce d'Antibes et du tribunal de grande instance de Grasse, il apparaît de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive. La cour évoquera donc le fond, conformément à l'accord des parties.

Sur la prescription

1. L'exception de nullité qui est une défense au fond, peut être opposée en tout état de cause et est donc perpétuelle, à condition que l'acte querellé n'ait pas, en tout ou partie, reçu exécution.

A la demande de M. [M] [F] de juger non résolu le pacte d'associés du [Date décès 7] 2010, M. [I] [F], la société HC et Mme [R] [F] opposent la nullité de ladite convention. Il s'agit donc d'une défense pour faire écarter les prétentions du demandeur.

La lecture du pacte démontre que certaines dispositions sont applicables immédiatement, tel l'article 10, ce qui est insuffisant à démontrer que le pacte a reçu effectivement application de la part des actionnaires..

Il en va ainsi de l'article 2.6 relatif au comportement des descendants qui s'interdisent tout fait ou comportement contraire aux intérêts de la société Socri et/ou du groupe Socri, et leur fait obligation d'agir de bonne foi et loyalement à l'égard de celle-ci, comportement qui serait succeptible de déclencher la procédure d'exclusion prévu à l'article 26 des statuts.

Alors que M. [I] [F] et la société HC reprochent à M. [M] [F] des actes contraires à la loyauté qui auraient pu entraîner la procédure d'exclusion, celle-ci n'a pas été mise en oeuvre.

Aucun des descendants n'exposent avoir changé de régime matrimonial ou de s'être marié depuis le [Date décès 7] 2010 avec un contrat de mariage pour expressément se conformer aux dispositions de l'article 4.1, ni qu'il y a eu nécessité de faire application des dispositions de l'article 4.3 relatif aux modalités de paiement du prix de cession en cas de projet de cession, des articles 4.5.1 relatif au droit de péemption des associés en cas de cession des droits sociaux dérivés.

Contrairement à ce que soutient M. [M] [F], l'article 2.2 relatif à la mise en place d'un comité de direction, ne sera applicable que lorsque M. [I] [F] aura cesser son mandat social, et tant que celui-ci sera vivant et sous condition résolutoire de son incapacité, situation qui n'est toujours pas apparue. Il n'a donc pas pu recevoir application.

Ensuite, le non respect par M. [M] [F] des dispositions de l'article 7 intitulé 'Engagement de non concurrence des descendants-Droits de préférence-Options d'achats consenties à [M] et [W] [F]', est ce qui a motivé la résiliation du pacte par M. [I] [F] et la société HC, ce qui caractérise une non application.

Le visa du pacte et sa communication aux actionnaires lors des assemblées générales de la société est inapte à caractériser qu'il a reçu application, surtout au regard de l'acte du 25 juillet 2012.

En effet, M. [M] [F] allègue que par acte du 25 juillet 2012, l'ensemble des associès ont expressément appliqué le dit pacte. Néanmoins, la lecture de cette pièce révèle qu'à l'occasion du projet de nantissement des actions de la société Socri Promotions au profit de la SNC Polygone Béziers et du projet de son agrément comme nouvelle associée, les associés de la société ont renoncé à invoquer les mécanismes existants tant dans les statuts que dans le pacte d'associés. Cette décision a donc écarté la mise en oeuvre du pacte du [Date décès 7] 2010.

Enfin, dans son courrier du 21 avril 2017, à l'occasion du projet de vente des actifs de la Villa de l'Arche, Mme [W] [F] met en demeure M. [I] [F] et la société Socri Promotions de respecter les termes du pacte d'associés du [Date décès 7] 2010. Donc, Mme [W] [F] fait grief à M. [I] [F] et à la société Socri Promotion de ne pas respecter ledit pacte, lequel n'était donc pas mis en oeuvre.

Les autres pièces produites ne permettent pas non plus de dire qu'il y a eu mise en oeuvre du pacte.

Il suit de là qu'il n'est pas démontré que le pacte du [Date décès 7] 2010 a reçu application. C'est pourquoi la défense en nullité du pacte d'associés du [Date décès 7] 2010 présentée par M. [I] [F], la société HC et Mme [R] [F] est recevable.

2. En ce qui concerne la demande de nullité des donations partage, M. [I] [F] formule cette demande reconventionnelle au motif que le pacte d'associés du [Date décès 7] 2010 et ces dispositions testamentaires formeraient un tout indissociable, tout en expliquant de façon contradictoire au début de ses écritures, que le pacte d'associés a pour effet d'annuler les effets des donations partage en ce qu'il rompt l'égalité entre ses 5 enfants.

Mais, d'une part le pacte d'associés du [Date décès 7] 2010 ne fait pas référence aux dites donations-partage.

D'autre part, les actes de donations partage n'ont pas été produits, ce qui ne permet pas de vérifier que le pacte du [Date décès 7] 2010 et les donations partage des 8 et 29 avril 1990 et 6 juillet 1998 constituent un ensemble contractuel.

Enfin et surtout, les dates de ces actes qui n'ont pas étaient établis et signés dans un même trait de temps, s'opposent à l'allégation de ce qu'il s'agirait d'un tout indivisible.

Il ne s'agit donc pas d'une exception de nullité, mais d'une demande reconventionnelle à laquelle s'applique les régles de la prescription.

L'article 1304 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 précise que le délai de la prescription de l'action en nullité est de 5 ans, et qu'en cas de violence le délai court à compter du jour où elle a cessé, et en cas d'erreur ou de dol, à compter du jour où ils ont été découverts.

En l'espèce M. [I] [F] n'invoque aucune cause de nullité inhérente aux seules donations partage, mais soutient seulement que la nullité du pacte entraînerait la nullité des donations-partage, et qu'il y aurait nullité parce qu'il s'agirait d'un pacte sur succession future.

N'invoquant aucun fait de nature à reporter le point de départ de la prescription, au regard des dates des donations partage, la prescription est acquise.

Sur le pacte d'associés

Le pacte d'associés est un contrat qui ne peut déroger aux statuts de la société, ni être contraire à l'intérêt social, ni être contraire aux règles d'ordre public.

Par application des dispositions de l'article 1108 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention :

-le consentement de la partie qui s'oblige,

-sa capacité à contracter,

-un objet certain qui forme la matière de l'engagement,

-une cause licite dans l'obligation.

Au regard des griefs formulés par M. [I] [F], la société HC et Mme [R] [F], ne sont contesté ni le consentement des parties, ni leur capacité à contracter, ni l'absence d'objet certain au pacte du [Date décès 7] 2010.

M. [I] [F], la SARL HC et Mme [R] [F] sollicitent la nullité du pacte du [Date décès 7] 2010, les deux premiers en soutenant qu'il s'agit d'un pacte sur succession future, la troisième en invoquant l'irrégularité de plusieurs clauses dudit pacte.

En premier lieu, il a déjà été explicité et retenu que le pacte du [Date décès 7] 2010 est un pacte d'associés. Or, un pacte d'associés est une convention licite.

En second lieu, l'illicéité invoquée de certaines clauses, à la supposer établie, n'entraîne pas la nullité de la convention en son entier.

Comme il ne pourra être fait droit à la demande de Mme [R] [F] de nullité du pacte pour illicéité de certaines des clauses, il n'y a lieu d'examiner lesdites clauses.

M. [I] [F], la société HC et Mme [R] [F] seront donc déboutés de leur demande de nullité du pacte du [Date décès 7] 2010.

Sur l'engagement perpétuel

L'article 1210 du code civil énonce que les engagements perpétuels sont prohibés. Cependant ce texte est entré en vigueur le 1er octobre 2016, et le code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ne comportait pas de texte similaire.

L'alinéa 2 de cet article 1210 et l'article 1211 ont introduit dans la loi les régles jurisprudentielles antérieures, soit que chaque cocontractant peut mettre fin au contrat dans les conditions prévues au contrat à durée indéterminée, soit à défaut de stipulation expresse, à tout moment sous réserve de respect du délai contractuel de préavis, ou d'un délai de préavis raisonnable.

A la date de la signature du pacte, un engagement à durée indéterminée n'entraîne pas la nullité de la convention, mais chaque contractant peut y mettre fin de façon unilatérale.

Dans la présente instance, l'article 10 du pacte d'actionnaires du [Date décès 7] 2010 précise qu'il est conclu pour la durée de la société, soit pour le temps restant à courir jusqu'à expiration des 99 années à compter de la date de son immatriculation au RCS, qu'au terme de cette première période, le pacte sera automatiquement et tacitement renouvelé pour la nouvelle durée de la société éventuellement prorogée, qu'à l'occasion de chaque renouvellement, toute partie pourra

dénoncer le pacte pour ce qui la concerne, en notifiant sa décision au moins 6 mois à l'avance aux autres parties.

L'article 11 ajoute que le pacte liera et bénéfieciera aux héritiers, aux légataires, ayants droit, ayants cause de chacune des parties et notamment leurs holdings familiales, ainsi que leurs représentants légaux.

La SAS Socri Promotions ayant été immatriculée au RCS le 24 janvier 1969, la première période du pacte expirera le 24 janvier 2068, c'est à dire qu'en respectant ces dispositions, les descendants de M. [I] [F] ne pourront sortir de ce pacte qu'à un âge particulièrement avancé, 96 ans pour M. [M] [F], 93 ans pour Mme [W] [F], 81 ans pour Mme [R] [F], 80 ans pour M. [G] [F], 79 ans pour Mme [C] [F]. Cette durée excessive avec un renouvellement automatique tous les 99 ans, qui confisque toute possibilité réelle de fin de pacte pour les descendants fait que ce contrat est à durée indéterminée.

Dès lors, M. [I] [F], la société HC et Mme [R] [F] pouvaient mettre fin, en ce qui les concerne, audit pacte du [Date décès 7] 2010 à tout moment. Leur résiliation produit donc effet.

En conséquence, M. [M] [F] sera débouté de sa demande tendant à dire que ces résiliations sont inefficaces.

Sur les autres demandes

M. [M] [F] qui est débouté de ses demandes, ne peut prétendre avoir subi un préjudice du fait des agissements de M. [I] [F] et de la société HC. Il sera débouté de sa demande de domages et intérêts.

Mmes [W], [C] et [R] [F] et M. [G] [F] étant partie à l'instance, il est superfaitatoire de dire que le présent arrêt leur est opposable.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [M] [F] qui succombe, sera condamné aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris, et statuant à nouveau,

Dit que le pacte du [Date décès 7] 2010 signé par M. [I] [F], la SARL HC, M. [M] [F], Mme [W] [F], Mme [R] [F], M. [G] [F] et Mme [C] [F], en présence de la SA Société centrale de réalisations immobilières promotions (Socri Promotions) est un pacte d'associés,

Dit que le tribunal de commerce d'Antibes était compétent pour connaître du litige opposant les signataires de ce pacte, mais incompétent pour connaître de la demande reconventionnelle en nullité des donations partage,

Dit que le tribunal de grande instance de Grasse était compétent pour connaître de la demande reconventionelle en nullité des actes de donations partage des 8 et 29 avril 1990 et 6 juillet 1998,

Evoquant,

Déclare recevable la défense de M. [I] [F], de la SARL HC et de Mme [R] [F] en nullité du pacte d'actionnaires du [Date décès 7] 2010,

Déclare irrecevable comme prescrite la demande en nullité des actes de donations partage des 8 et 29 avril 1990 et 6 juillet 1998,

Déboute M. [I] [F], la SARL HC et Mme [R] [F] de leur demande de nullité du pacte du [Date décès 7] 2010,

Déclare régulière la résiliation du pacte d'actionnaires du [Date décès 7] 2010, d'une part, par M. [I] [F] et la SARL HC le 23 février 2017, et d'autre part, par Mme [R] [F] le 10 janvier 2018,

Déboute M. [M] [F] de sa demande de dommages et intérêts,

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [M] [F] aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-4
Numéro d'arrêt : 18/15518
Date de la décision : 17/10/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°18/15518 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-17;18.15518 ?
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