La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/10/2019 | FRANCE | N°18/13635

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 17 octobre 2019, 18/13635


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT AU FOND

DU 17 OCTOBRE 2019



N° 2019/ 422













N° RG 18/13635



N° Portalis DBVB-V-B7C-BC6BA







SAS [Adresse 3]





C/



LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 4] LIBERTE



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Sophie AYMONOD, avocat au

barreau d'AIX-EN-PROVENCE



- Me Martial VIRY de la SCP PLANTARD ROCHAS VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 11 Juillet 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2017F00145.



A...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 17 OCTOBRE 2019

N° 2019/ 422

N° RG 18/13635

N° Portalis DBVB-V-B7C-BC6BA

SAS [Adresse 3]

C/

LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 4] LIBERTE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Sophie AYMONOD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Martial VIRY de la SCP PLANTARD ROCHAS VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 11 Juillet 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2017F00145.

APPELANTE

SAS [Adresse 3]

[Adresse 1]

représentée par Me Sophie AYMONOD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et assistée de Me Stéphane CAVET, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Sophie AYMONOD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE

LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 4] LIBERTE

dont le siège social est [Adresse 2]

représentée par Me Martial VIRY de la SCP PLANTARD ROCHAS VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Septembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne DUBOIS, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Anne DUBOIS, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2019

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Lydie BERENGUIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

LA COUR

Par deux actes sous seing privé du 23 janvier 2012, intitulés « contrat de prêt professionnel notarié », la Caisse de crédit mutuel [Localité 4] Liberté (le Crédit mutuel) a consenti à la SAS [Adresse 3], ayant pour activité l'organisation de manifestations recevant du public :

- un prêt de 1 033 500 €, s'amortissant en 162 mensualités au taux de 4,05 %, destiné à financer l'acquisition de l'usufruit d'un immeuble ;

- un prêt de 800 000 €, sur une durée de 8 ans et demi outre une période de franchise de 17 mois, au taux de 4,45 %, destiné à financer des travaux.

Les prêts ont été réitérés par un seul acte notarié du 1er mars 2012.

Les actes sous seing privé et l'acte notarié font mention, pour le prêt de 1 033 500 €, d'un taux de période de 0,35806 % et d'un taux effectif global (TEG) de 4,29674 %, et pour le prêt de 800 000 €, d'un taux de période de 0,38568 % et d'un TEG de 4,62813 %.

La société [Adresse 3] a été mise sous le régime de la sauvegarde, le 24 janvier 2017.

Les créances de prêt, ont été déclarées au passif et contestées par la débitrice.

Se prévalant de l'inexactitude des TEG, la société [Adresse 3] a fait assigner le Crédit mutuel, le 27 février 2017, en nullité des clauses d'intérêts.

Le Crédit mutuel a opposé, à titre principal, la prescription de l'action.

Par jugement contradictoire du 11 juillet 2018, le tribunal de commerce de Toulon a :

- dit que l'action est prescrite ;

- débouté la société [Adresse 3] de ses demandes ;

- condamné la société [Adresse 3] aux dépens et au paiement de la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 10 août 2018, la société [Adresse 3] a formé un appel général à l'encontre de ce jugement.

****

Vu les conclusions remises le 8 novembre 2018, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, et aux termes desquelles la société [Adresse 3] demande à la cour de :

- infirmer le jugement attaqué ;

- débouter le Crédit mutuel de ses demandes ;

- prononcer la nullité des stipulations d'intérêts des deux contrats de prêt, avec les conséquences y attachées ;

- constater que le montant des intérêts trop perçus s'élève à 167 589 € au titre du prêt d'acquisition et à 106 921 € au titre du prêt de travaux ;

- dire et juger que ces montants s'imputeront sur les sommes restant dues ;

- condamner le Crédit mutuel aux dépens et au paiement de la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

****

Vu les conclusions remises le 11 décembre 2018, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, et aux termes desquelles le Crédit mutuel demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué ;

Subsidiairement,

- débouter la société [Adresse 3] de ses demandes ;

Plus subsidiairement,

- dire n'y avoir lieu à prononcer une déchéance du droit aux intérêts ou limiter la déchéance à un euro ;

- condamner la société [Adresse 3] aux dépens et au paiement de la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

****

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 4 septembre 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société [Adresse 3] agit en nullité des stipulations d'intérêts de l'acte notarié du 1er mars 2012 en se prévalant de l'absence de prise en compte, dans le calcul des TEG, du montant réel des frais de notaire et de garantie.

Le Crédit mutuel lui oppose, à titre principal, la prescription extinctive en se prévalant de la clause de l'acte notarié qui fixe à un an la durée de la prescription des actions en contestation des intérêts conventionnels.

En vertu des dispositions de l'article 2254 du code civil, issues de la loi N° 2008-561 du 17 juin 2008, la durée de la prescription peut être abrégée par accord des parties, sans pouvoir être réduite à moins d'un an.

L'acte de prêt comporte la clause suivante :

« Les actions de toute nature, y compris les exceptions qui pourraient être opposées, mettant en cause le prêteur au titre des intérêts, commissions frais et accessoires de toute nature dus au prêteur ou perçus par lui, sont prescrites à l'issue d'un délai d'un an. Ce délai court à compter du jour de la convention écrite pour les éléments qui y figurent ou dans les autres cas, à compter de la réception par l'emprunteur, ou le cas échéant de la mise à disposition par voie électronique ou télématique, du relevé de compte retraçant l'opération sur son compte ou de tout autre document. »

La société [Adresse 3] soutient, en premier lieu, que la clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en sorte qu'elle doit être réputée non écrite, par application de l'article L 442-6 I 2° du code de commerce qui dispose que tout commerçant doit réparer, sur le fondement de la responsabilité civile, le préjudice découlant du fait de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Elle prétend qu'il en résulte un « principe d'inefficacité » de la clause et que ce principe a fait l'objet d'une codification à droit constant à l'article 1171 du code civil.

Mais l'article L 442-6 I du code de commerce n'ouvre, au profit du cocontractant, qu'une action en responsabilité, l'action en nullité d'une clause commerciale abusive étant réservée, par le paragraphe III de ce texte, au ministre chargé de l'économie et au ministère public. En outre, les dispositions de l'article 1171 du code civil, issues de la loi N° 2018-287 du 20 avril 2018, ne peuvent être utilement invoquées pour n'être applicables qu'aux actes juridiques conclus ou établis à compter du 1er octobre 2018.

En deuxième lieu, la société [Adresse 3] fait valoir que l'article 2254 du code civil est inséré au titre vingtième relatif à la prescription extinctive, lequel réserve, à l'article 2223, l'application des règles spéciales prévues par d'autres lois. Elle en déduit que les dispositions de l'article 1304 du code civil qui fixaient, au jour de la convention, la durée de la prescription d'une action en nullité à cinq ans ne peuvent faire l'objet d'un aménagement conventionnel.

A la date de l'acte de prêt, le délai de droit commun de la prescription extinctive était fixé à 5 ans, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 sur la prescription. Il en résulte que le délai, de même durée, prévu à l'article 1304 du code civil, n'était qu'une application de la règle générale. La société [Adresse 3] est, dès lors, mal fondée à soutenir que ce texte instituait une règle spéciale de caractère dérogatoire.

En dernier lieu, la société [Adresse 3] prétend que le caractère d'ordre public des dispositions de l'article L 313-2, devenu l'article L 314-5 du code de la consommation, qui exigent la mention écrite du TEG dans tout contrat de prêt, exclut la faculté d'aménagement conventionnel.

Mais le caractère d'ordre public attaché à la mention du TEG dans une convention de prêt ne s'étend pas aux règles qui régissent les conditions d'exercice de l'action en nullité de la clause d'intérêts. Le moyen est, dès lors, inopérant.

Il s'ensuit que la clause litigieuse est opposable à l'emprunteur.

La prescription de l'action en nullité d'une clause d'intérêts, fondée sur l'inexactitude du TEG, court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'irrégularité affectant ce taux.

S'agissant d'un prêt consenti pour les besoins d'une activité professionnelle, la date à laquelle l'emprunteur aurait dû connaître l'erreur de taux alléguée se situe au jour de la convention, en application d'une règle générale que la convention se borne à reprendre en stipulant que la prescription court à compter de la date de l'acte pour les éléments qui y figurent.

Ainsi, la prescription annale de l'action en nullité des clauses d'intérêts de l'acte notarié a couru à compter du 1er mars 2012. Elle était acquise à la date de l'assignation en justice, le 27 février 2017.

Le jugement attaqué est confirmé en ce qu'il a déclaré l'action prescrite. Il en résulte l'irrecevabilité de la demande en nullité et non son rejet. En conséquence, le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté la société [Adresse 3] de ses demandes.

La société [Adresse 3], qui succombe, est condamnée aux dépens et, en considération de l'équité, au paiement de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en plus de l'indemnité allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré prescrite l'action introduite par la société [Adresse 3], condamné celle-ci aux dépens et au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme en ce qu'il a rejeté la demande en nullité des clauses d'intérêts,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la demande en nullité des clauses d'intérêts de l'acte de prêt du 1er mars 2012,

Condamne la société [Adresse 3] aux dépens et au paiement de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 18/13635
Date de la décision : 17/10/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8B, arrêt n°18/13635 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-17;18.13635 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award