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10/10/2019 | FRANCE | N°18/06335

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-9, 10 octobre 2019, 18/06335


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9



ARRÊT AU FOND

DU 10 OCTOBRE 2019



N°2019/729













Rôle N° RG 18/06335 N° Portalis DBVB-V-B7C-BCIPZ







SAS CAPIMO 121





C/



[F] [G] [H] [V] épouse [B]

[P] [B] [B]

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE

S.A. CEGC









Copie exécutoire délivrée le :

à :





Me Gilles MARTHA



Me

Karine DABOT RAMBOURGDABOT RAMBOURG



Me Paul GUEDJ





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance [Localité 1] en date du 23 Octobre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/10466.





APPELANTE



SAS CAPIMO 121,

prise en la...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 10 OCTOBRE 2019

N°2019/729

Rôle N° RG 18/06335 N° Portalis DBVB-V-B7C-BCIPZ

SAS CAPIMO 121

C/

[F] [G] [H] [V] épouse [B]

[P] [B] [B]

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE

S.A. CEGC

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Gilles MARTHA

Me Karine DABOT RAMBOURGDABOT RAMBOURG

Me Paul GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance [Localité 1] en date du 23 Octobre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/10466.

APPELANTE

SAS CAPIMO 121,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

représentée par Me Gilles MARTHA de la SCP BBLM, avocat au barreau [Localité 1],

plaidant par Me Martine MESPELAERE, avocat au barreau de [Localité 2]

INTIMES

Madame [F] [G] [H] [V] épouse [B]

née le [Date anniversaire 1] 1974 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 2]

défaillante

Monsieur [P] [B] [B]

né le [Date anniversaire 2] 1972 à MONTPELLIER (34000),

demeurant [Adresse 2]

défaillant

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE

immatriculée au registre des intermédaires en Assurance (ORIAS) sous le n° 07 019 406, 440 676 559 RCS [Localité 2],

prise en la personne de Monsieur [Y] [O], Chef du Service Contentieux, spécialement habilité par délibération du Conseil d'Administration du 9 Janvier 2006

siège social [Adresse 3]

représentée et plaidant par Me Karine DABOT RAMBOURGDABOT RAMBOURG de la SELARL MATHIEU-DABOT-BONFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

S.A. CEGC COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS

poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Frédéric ALLEAUME, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Septembre 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale POCHIC, Conseiller faisant fonction de Président, et Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller.

Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2019.

ARRÊT

Par défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2019.

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte notarié du 24 février 2014, la SAS CAPIMO 121 a acquis des époux [B] un bien immobilier consistant en un lot n°24 (un appartement) dans un ensemble immobilier situé à [Adresse 5] et [Adresse 6] cadastré : [Cadastre 1] section C n°[Cadastre 2], [Cadastre 2], [Cadastre 2], [Cadastre 2] et [Cadastre 2] au prix de 119 400 €.

Ce bien est grevé d'hypothèque au profit de :

-la SA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE, titulaire d'un privilège de prêteur de deniers,

-la société anonyme CEGC COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS, titulaire d'une inscription judiciaire provisoire.

La SAS CAPIMO 121 a engagé une procédure de purge des privilèges et hypothèques grevant le bien qu'elle avait acquis.

La COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS ayant toutefois mis en doute l'exécution de la procédure de purge, la SAS CAPIMO 121 a, par actes d'huissier des 21, 25 et 28 août 2015, assigné monsieur [P] [B], madame [F] [B] née [V], la SA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE et la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS aux fins notamment de constater la purge des inscriptions, d'ordonner par conséquent la radiation des inscriptions sur l'immeuble du chef des époux [B], de constater la consignation du prix de vente ou à tout le moins le paiement du prix régularisé, de désigner un séquestre avec mission de procéder à la distribution amiable du prix conformément aux articles R 332-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.

Par jugement du 23 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Marseille a :

-déclaré irrecevables les demandes formées par le SAS CAPIMO 21 au titre de la radiation des inscriptions et de la distribution du prix,

-condamné la SAS CAPIMO 21 à verser à la SA COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-rejeté toutes autres demandes.

Par jugement du 18 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Marseille a rectifié les erreurs matérielles affectant la date de délibéré du jugement qui est le 23 octobre 2017 et non le 5 décembre 2016 et le nom de la demanderesse qui est la SAS CAPIMO 121 et non la SAS CAPIMO 21.

Par déclaration notifiée par le RPVA le 11 avril 2018, la SAS CAPIMO 121 a interjeté appel du jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 23 octobre 2017 en toutes ses dispositions.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 1er juillet 2019, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la SAS CAPIMO 121 demande à la cour de :

-réformer la décision frappée d'appel,

-la déclarer recevable en ses demandes,

En conséquence,

-constater la purge des inscriptions,

-ordonner la radiation des inscriptions sur l'immeuble sis à [Adresse 6] cadastré [Cadastre 1] section C n°[Cadastre 2]-[Cadastre 2]-[Cadastre 2]-[Cadastre 2] et [Cadastre 2]du chef de monsieur et madame [B],

-constater que la consignation ou à tout le moins le paiement du prix a été régularisée entre les mains de la Caisse des Dépôts et Consignations,

-désigner tel séquestre qu'il plaira à la Cour avec pour mission de procéder à la distribution amiable du prix qui pourrait être la CARPA [Localité 2] ou [Localité 1] ou Maître [Z], Notaire à [Localité 2] conformément aux dispositions des articles R 332-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

-enjoindre aux créanciers de déclarer leur créance par conclusions d'avocat et pour ce faire, renvoyer les parties devant le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE pour poursuivre la procédure de distribution,

-rappeler que la rétribution du séquestre est prélevée sur les fonds à répartir et supportée par les créanciers au prorata de la somme qui revient à chacun d'eux et qu'en cas de contestation, elle est fixée par le tribunal,

-condamner la société COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS au paiement de la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

-ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure et dont le recouvrement sera effectué au profit de Maître Gilles MARTHA, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile,

-condamner la société COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, la SAS CAPIMO 121 soutient avoir procédé à la purge des inscriptions grevant le bien immobilier qu'elle a acquis : elle indique en effet avoir procédé à la notification de l'offre prévue par l'article 2478 du code civil par lettre recommandée avec avis de réception puis par acte d'huissier.

Rappelant les dispositions de l'article 114 du code de procédure civile, elle affirme que l'article 1281-13 du code de procédure civile qui prévoit la notification de l'offre par acte d'huissier n'édicte pas de formalités substantielles ou d'ordre public ni de nullité de sorte que les vices allégués par la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS ne peuvent constituer que des vices de forme n'encourant aucune nullité en l'absence de preuve d'un grief.

Elle souligne que la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS, qui a été destinataire des informations nécessaires à de multiples reprises pour lui permettre de prendre position sur une éventuelle surenchère par lettre recommandée avec avis de réception et par acte d'huissier le 3 octobre 2016, n'a effectué aucune des démarches prévues à l'article 2480 du code civil. Ainsi, la nullité pour vice de forme n'est pas encourue faute pour la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS d'alléguer d'un grief.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la nullité pour vice de forme est encourue, la SAS CAPIMO 121 affirme que la procédure a été régularisée en vertu de l'article 126 alinéa 1er du code de procédure civile par la signification par acte extrajudiciaire du 3 octobre 2016, le délai de 40 jours prévu par l'article 2481 du code civil entre la signification par acte extrajudiciaire et la date du jugement étant largement respecté.

Elle conteste l'absence de purge des inscriptions, soutenant que l'article 2481 du code civil conditionne l'effectivité de la purge des inscriptions au paiement du prix et non pas à une consignation. Elle soutient en tout état de cause avoir payé et même consigné le prix à la Caisse des dépôts et consignations.

Elle ajoute enfin que la consignation des sommes et les dispositions édictées ne sont pas des conditions préalables à la saisine du tribunal d'une action en distribution visée à l'article R 331-3 du code des procédures civiles d'exécution.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 13 juillet 2018, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS demande à la cour de :

A titre principal:

-confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

-condamner la société CAPIMO 121 et tout succombant à lui payer la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

A titre subsidiaire:

-déclarer irrecevable la demande présentée par la société CAPIMO 121, celle-ci n'ayant ni qualité ni intérêt à agir,

-déclarer irrecevable la demande présentée par la société CAPIMO 121 faute de purge des inscriptions et de consignation du prix de vente préalablement à la saisine du Tribunal,

-dire et juger que la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE a refusé le serment décisoire qui lui a été déféré en ces termes :' je jure en tant que représentant légal de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE ( CRÉDIT AGRICOLE NORD DE FRANCE), société coopérative à capital variable, agréée en tant qu'établissement de crédite, société de courtage d'assurance immatriculée au registre des intermédiaires en assurance (ORIAS) sous le n° 07 019 406 et au inscrite au registre du commerce et des sociétés de [Localité 2] sous le numéro 440.676.559, dont le siège social est [Adresse 7], créancier inscrit sur le lot N° 24 de l'ensemble immobilier en copropriété sis sur la commune [Localité 1] et figurant au cadastre de ladite commune sous les n° [Cadastre 2]- [Cadastre 2] - [Cadastre 2] - [Cadastre 2] et[Cadastre 2] de la section [Cadastre 1] C appartenant à monsieur [P] [B] [B] et madame [F] [G] [H] [V] au titre d'un privilège de prêteur de deniers et d'hypothèque conventionnelle prise le 30 mars 2007 volume 2007 V n° 1323

L'absence de toute transaction, accord transactionnel - et d'une manière générale quelle que soit son appelation de tout document - intervenu avec monsieur [P] [B] [B] et madame [F] [G] [H] [V] évoquant le quantum de la dette de ces derniers à notre égard dans le cadre de la vente dudit lot N°24",

En conséquence,

-dire et juger, constater que la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE ne justifie pas de sa créance telle que résultant dudit accord transactionnel ou transaction ne le communiquant pas (sic),

-en tout état de cause condamner la société CAPIMO 121 et tout succombant à lui payer la somme de 4000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la S.C.P. COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL-GUEDJ, Avocats associés près la Cour d'Appel d'Aix en Provence qui en ont fait l'avance.

A l'appui de ses prétentions, la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS affirme que l'action de la SAS CAPIMO 121 est irrecevable en vertu des articles 31 et 122 du code de procédure civile, faute de qualité pour agir pour:

-solliciter la radiation des inscriptions dans la mesure où si le nouveau propriétaire s'est préalablement conformé à la procédure de purge, la consignation du prix visée à l'article 2481 du Code Civil opère légalement libération de tout privilège et hypothèque pouvant grever l'immeuble rendant ainsi inutile cette demande, les inscriptions ne pouvant être opposées à l'adjudicataire et étant par ailleurs éteintes en application de l'article 2488 3° du code civil,

-solliciter la distribution du prix de vente entre les créanciers de son vendeur conformément à l'article R 331-1 du code de procédure civile, cette procédure ne la concernant pas et n'impactant nullement ses droits.

La COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS indique par ailleurs qu'en vertu de l'article R 331-1 du code des procédures civiles d'exécution,

la condition préalable nécessaire à l'engagement de l'action en distribution du prix est la purge des inscriptions, laquelle comporte la notification de la vente par acte d'huissier et la consignation du prix prévues aux articles 2478, 2479 et l'article 2481 du code civil.

Elle affirme toutefois que la procédure de purge des inscriptions de l'appelante est irrégulière en l'absence de notification de la vente par acte d'huissier telle que prévue à l'article 1281-13 du code de procédure civile, cette irrégularité constituant une fin de non-recevoir et non une nullité de forme.

Dans la mesure où la purge des inscriptions doit avoir été opérée préalablement à la demande en distribution du prix au vu de l'article R 331-1 du code des procédures civiles d'exécution, la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS soutient que la notification par voie d'huissier faite postérieurement à l'assignation au fond ne peut régulariser la procédure, faisant sienne la motivation du premier juge.

La COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS conclut ainsi à l'irrecevabilité de l'action en vertu de l'article 122 du code de procédure civile.

La COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS soutient par ailleurs que contrairement aux dires de la SAS CAPIMO 121, le prix de vente n'a pas été consigné conformément à l'article 2481 du code civil en l'absence de production d'un récépissé de consignation, auquel la consignation du prix de vente sur le compte du notaire ouvert à la Caisse des dépôts et consignations ne saurait s'assimiler.

En l'absence de consignation du prix de vente, la demande de distribution du prix est par conséquent irrecevable.

La COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS affirme par ailleurs qu'il existe une communauté d'intérêts entre la SAS CAPIMO 121 et la SA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE, dans la mesure où l'associé unique de la SAS CAPIMO 121 est la société FONCIÈRE DE L'ERABLE qui est une émanation du CRÉDIT AGRICOLE; la SAS CAPIMO 121 et la société FONCIÈRE DE L'ERABLE sont au surplus représentées par monsieur [Y] [O], qui est également chef du service contentieux du CRÉDIT AGRICOLE. Il n'est ainsi nullement étonnant selon elle que le CRÉDIT AGRICOLE ait indiqué dans le cadre de ses écritures s'associer à la demande de distribution du prix de vente.

Elle expose par ailleurs que la SA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE a conclu avec les époux [B] un accord transactionnel fixant sa créance, laquelle est la seule susceptible d'être retenue pour déterminer si un créancier hypothécaire postérieur est en mesure ou non de percevoir une partie du prix de la vente ; la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS indique avoir toutefois vainement sommé la SA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE de lui produire la transaction.

Elle lui a donc déféré un serment décisoire dans ses conclusions du 20 juin 2017, que la SA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE a refusé.

La COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS demande ainsi de faire supporter à la SA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE les conséquences de son refus au serment décisoire prévues par l'article 1385-2 du code civil : elle estime que la créance de la SA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE n'est pas établie.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 25 juillet 2018, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la SA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE demande à la cour de :

-débouter la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS de toutes ses demandes,

-lui donner acte qu'elle refuse le serment décisoire tel que rédigé par la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS,

-lui donner acte que si la CGEC estime néanmoins devoir obtenir la communication d'un protocole transactionnel, il lui appartient de saisir la juridiction compétente ou demander au Tribunal de lever judiciairement toute clause de confidentialité,

-lui donner acte que dans cette hypothèse elle ne s'opposerait pas à la communication du protocole transactionnel afin de mettre un terme a cette discussion,

-lui donner acte qu'elle précise que le protocole ne change pas le montant de sa créance hypothécaire,

-déclarer irrecevables les demandes de la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS concernant sa créance,

-lui donner acte qu'elle ne s'oppose pas à la radiation de l'inscription du privilège de prêteur de deniers et hypothèque conventionnelle prise à son profit sur l'immeuble vendu,

-constater que sa créance s'élève à la somme de 252 540,58 euros,

-dire et juger qu'elle est bien fondée à obtenir paiement de sa créance en premier rang dans le cadre de la distribution du prix de vente de l'immeuble,

-condamner la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS au paiement de la somme de 2 000 € du code de procédure civile,

-condamner tout succombant aux dépens distraits au profit de Maître Karine DABOT, avocat

associé de la SELARL MATHIEU DABOT BONFILS, qui affirme y avoir pourvu.

A l'appui de ses prétentions, la SA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE expose que la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS a bien été destinataire des informations nécessaires pour prendre position sur une éventuelle surenchère.

En tout état de cause, la procédure a été régularisée par la notification de l'offre par acte d'huissier du 3 octobre 2016 à la suite de laquelle la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS n'a formalisée aucune surenchère. En conséquence, aucune nullité ne peut être invoquée et la valeur de l'immeuble demeure fixée au prix stipulé par le contrat de vente et le nouveau propriétaire est libéré de tout privilège en vertu de l'article 2481 du code civil.

Elle soutient par ailleurs que l'article 2481 du code civil ne prévoit pas une consignation mais un paiement du prix qui a été effectué au vu des pièces versées aux débats.

Elle ajoute que les dispositions de l'article 2481 du code civil et notamment la consignation ne constituent pas une condition d'ouverture de la procédure de distribution visée par l'article R331-3 du code des procédures civiles d'exécution.

Elle sollicite ainsi la désignation d'un séquestre afin de procéder à la distribution du prix.

Elle ajoute ne pas s'opposer à la demande de radiation des inscriptions, précisant que sa créance à l'égard des époux [B] s'élève à la somme de 252 540,58 euros selon un décompte du 21 septembre 2015.

Elle s'oppose à cet égard à la demande de la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS de production du protocole transactionnel qu'elle a conclu avec les époux [B] en raison de son caractère confidentiel et de la qualité de tiers au contrat de la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS.

Elle refuse également le serment décisoire sollicité dans les termes demandés pour ne pas contrevenir à ses engagements vis à vis des époux [B].

Si la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS veut obtenir la communication d'un protocole transactionnel, la SA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE soutient qu'il lui appartient de saisir la juridiction compétente ou de demander au tribunal de lever judiciairement toute clause de confidentialité.

Elle souligne enfin que la transaction ne vaut pas novation et que sa créance hypothécaire n'est pas discutable.

Par ordonnance du 4 septembre 2019, l'instruction a été déclarée close et l'affaire fixée à l'audience du 4 septembre 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de constater la purge des inscriptions et d'ordonner la radiation des inscriptions sur l'immeuble

L'article R331-3 du code des procédures civiles d'exécution dispose:'La procédure de distribution du prix de l'immeuble régie par le présent titre s'applique, sauf dispositions contraires, à la répartition entre créanciers du prix d'un immeuble vendu en dehors de toute procédure d'exécution, après purge des inscriptions.
En ce cas, la procédure est poursuivie par la partie la plus diligente devant le tribunal de grande instance.
La juridiction désigne un séquestre des fonds, à moins que la consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations ne soit ordonnée. La rétribution du séquestre est prélevée sur les fonds à répartir et supportée par les créanciers, au prorata de la somme qui revient à chacun d'eux. En cas de contestation, cette rétribution est fixée par le tribunal.'

Il résulte de ce texte que la procédure de distribution du prix de vente d'un bien immobilier en dehors de toute procédure d'exécution ne peut être poursuivie qu'à la condition que les inscriptions sur le bien aient été purgées.

Aux termes de l'article 2475 du code civil, à l'occasion de la vente d'un bien immobilier hypothéqué, si le détenteur n'obtient pas l'accord de tous les créanciers sur une purge amiable des privilèges et des hypothèques, il est procédé aux formalités de purge.

Le tiers détenteur qui veut purger le bien des inscriptions doit alors notifier aux créanciers inscrits sur l'immeuble son offre dans les conditions de l'article 2478 du code civil, afin de les mettre en demeure d'opter entre les deux choix qui leur sont offerts : soit recevoir le prix de l'acquisition soit, s'ils ne trouvent pas ce prix suffisant, requérir la mise aux enchères de l'immeuble.

La SAS CAPIMO 121, qui a acquis le bien immobilier des époux [B] par acte notarié du 24 février 2014, en dehors de toute procédure d'exécution forcée, a notifié l'offre prévue par l'article 2478 du code civil à la SA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE et à l'avocat de la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS par lettres recommandées avec avis de réception le 31 juillet 2014.

Cette notification par lettre recommandée n'est pas conforme à l'article 1281-13 du code de procédure civile qui dispose : 'le tiers détenteur fait procéder à la notification prévue par l'article 2478 du code civil par acte d'huissier'.

Cependant, la notification de l'offre par lettre recommandée au lieu et place d'un huissier de justice ne constitue pas une fin de non-recevoir telle que visée à l'article 122 du code de procédure civile mais un vice de forme de l'acte qui n'entraîne sa nullité qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.

L'article 115 du code de procédure civile dispose par ailleurs que la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularité ne laisse subsister aucun grief.

La COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS ne justifie d'aucun grief résultant de la notification de l'offre par lettre recommandée, laquelle a au surplus été régularisée à son encontre par acte d'huissier du 3 octobre 2016 et par acte d'huissier du 29 septembre 2016 à l'égard de la SA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE.

L'article 2481 du code civil dispose toutefois :'A défaut, par les créanciers, d'avoir requis la mise aux enchères dans le délai et les formes prescrites, la valeur de l'immeuble demeure définitivement fixée au prix stipulé dans le contrat, ou déclaré par le nouveau propriétaire lequel est, en conséquence, libéré de tout privilège et hypothèque, en payant ledit prix aux créanciers qui seront en ordre de recevoir, ou en le consignant.'

Il résulte de ce texte que l'immeuble n'est définitivement affranchi des inscriptions que par le paiement effectif du prix et ses intérêts aux créanciers en ordre de le recevoir ou par sa consignation.

Or, contrairement à ses allégations, la SAS CAPIMO 121 n'a pas payé aux créanciers le prix de vente et ne l'a pas consigné à la Caisse des dépôts et consignations, l'avis d'opéré de la Caisse des dépôts et consignations faisant état du versement du prix de vente sur le compte du notaire ouvert dans les livres de la Caisse n'étant pas un récépissé de consignation tel que prévu à l'article R 518-31 du code monétaire et financier qui seul établit la consignation du prix de vente à la Caisse des dépôts et consignations.

En l'absence ainsi de consignation du prix de vente à la Caisse des dépôts et consignations, il convient de constater l'absence de purge des inscriptions.

La procédure de distribution du prix de vente ne s'appliquant qu'après purge des inscriptions en vertu de l'article R 331-3 du code des procédures civiles d'exécution, il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la SAS CAPIMO 121 aux fins de radiation des inscriptions et de distribution du prix.

Sur les demandes de la SA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE

La SA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE demande de déclarer irrecevables les demandes de la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS concernant sa créance.

La COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS a demandé à titre subsidiaire de constater que la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE ne justifie pas de sa créance telle que résultant dudit accord transactionnel ou transaction ne le communiquant pas (sic).

Cette demande faite à titre subsidiaire n'a pas été examinée par la cour dans la mesure où il a été fait droit à la demande principale de la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS de confirmation du jugement.

Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner la recevabilité de cette demande.

En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les demandes mentionnées dans le dispositif des conclusions des parties.

Ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte' ; par conséquent, la cour n'a pas à répondre au surplus des demandes de la SA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La SAS CAPIMO 121 qui succombe sera condamnée à verser à la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'appel.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la SA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE à l'encontre de la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS.

La SAS CAPIMO 121 qui succombe sera condamnée aux dépens de l'appel avec distraction au profit de la S.C.P. COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL-GUEDJ et au profit de Maître Karine DABOT, avocat associé de la SELARL MATHIEU DABOT BONFILS.

PAR CES MOTIFS

La cour , après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Confirme le jugement du 23 octobre 2017 du tribunal de grande instance de Marseille en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SAS CAPIMO 121 à verser à la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE de sa demande d'indemnité à l'encontre de la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS,

Condamne la SAS CAPIMO 121 aux dépens de l'appel avec droit de recouvrement direct des frais dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision préalable, au profit de la S.C.P. COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL-GUEDJ et au profit de Maître Karine DABOT, avocat associé de la SELARL MATHIEU DABOT BONFILS en application de l'article 699 du code de procédure civile .

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-9
Numéro d'arrêt : 18/06335
Date de la décision : 10/10/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 5A, arrêt n°18/06335 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-10;18.06335 ?
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