COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 08 OCTOBRE 2019
N° 2019/545
RG 18/00391 -
N° Portalis DBVB-V-B7C-BBX3O
[W] [E] épouse [T]
C/
[H] [S]
[U] [W]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sophie LESAGE
Me Sophie MORREEL-WEBER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 30 Novembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 17/01867.
APPELANTE
Madame [W] [E] épouse [T]
née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1] (BELGIQUE) [Localité 1], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Sophie LESAGE, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Monsieur [H] [S]
né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 2] ALLEMAGNE, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Sophie MORREEL-WEBER, avocat au barreau de NICE
Madame [U] [W]
née le [Date naissance 3] 1940 à [Localité 3], demeurant [Adresse 3]- - ALLEMAGNE
représentée par Me Sophie MORREEL-WEBER, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 02 Septembre 2019 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Anne VIDAL, Présidente,
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller, rapporteur,
Mme Danielle DEMONT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Marcy FEDJAKH.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Octobre 2019.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Octobre 2019,
Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Marcy FEDJAKH, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé :
Par jugement contradictoire du 30 novembre 2007, le tribunal de grande instance de Draguignan a statué ainsi qu'il suit :
- constate la résolution, à compter du 29 mai 2016, de la vente en viager consentie par acte authentique du 6 janvier 2012 relativement à la villa située à [Adresse 4] ainsi qu'à un emplacement de parking,
- condamne Mme [W] [E] à payer à M. [S] la somme de 29'205,85 € au titre des arrérages de rente selon décompte arrêté au 1er février 2017 avec intérêts au taux contractuel prévus à l'acte de vente,
- dit que M. [S] conservera les arrérages de la rente annuelle perçue au titre de la vente ainsi que les embellissements apportés à l'immeuble en réparation du préjudice subi en application des dispositions de la clause résolutoire,
- dit que seront réintégrés dans le patrimoine de Mme [W] et de M. [S] les biens et droits immobiliers correspondant à la vente ci-dessus,
- condamne Mme [E] à libérer les lieux dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement et à défaut, ordonne son expulsion,
- condamne Mme [E] à payer à M. [S] une indemnité mensuelle d'occupation de 1 650€ à compter du 29 mai 2016,
- juge que M. [S] devra restituer à Mme [E] la somme de 75'000 € représentant la partie du prix de vente versée comptant le jour de la libération effective des lieux par cette dernière avec intérêts au taux légal à compter de cette date et au besoin le condamne,
- juge que la présente décision fera l'objet de la publicité légale à la conservation des hypothèques de Draguignan,
- condamne Mme [E] à payer à M. [S] et à Mme [W] la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, et ordonne l'exécution provisoire.
Mme [E] a relevé appel de cette décision.
Elle a conclu, le 3 avril 2018, en demandant de :
- réformer le jugement,
- à titre principal, constater l'absence de visa de la clause résolutoire sur la lettre de mise en demeure du 5 décembre 2015 et sur le commandement de payer du 29 avril 2016 et en conséquence, déclarer le commandement de payer ainsi que la procédure subséquente nuls et de nul effet,
- à titre subsidiaire, constater, au regard de sa santé actuelle et du versement effectué de 15'000€, sa bonne foi, dire qu'il n'est pas démontré un manquement suffisamment grave pour justifier la résolution judiciaire du contrat, et rejeter les demandes des vendeurs,
- les condamner à lui payer la somme de 3 000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
M [S] et Mme [W] ont conclu, le 14 juin 2018, en demandant de :
- confirmer le jugement, sauf sur la condamnation à la somme de 29'205,85€ au titre des arrérages au 1er février 2017 et sur la condamnation à l'indemnité d'occupation de 1 650€ à compter du 29 mai 2016 et statuant à nouveau,
- condamner Mme [E] à payer à M. [S] la somme de 59'506,94€ au titre des arrérages de rente au 1er juin 2018, outre l'indemnité d'occupation à hauteur de 1 686,13 euros à compter du 29 mai 2016 indexée chaque année,
- à titre reconventionnel, ordonner la compensation entre les dettes réciproques des parties,
- condamner Mme [E] à payer à M. [S] la somme de 10'000 € au titre du préjudice subi et également à payer à M [S] et Mme [W] la somme de 4 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prise le 18 juin 2019.
Par conclusions du 13 août 2019, Mme [E], faisant valoir la constitution d'un nouvel avocat, a sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture et le renvoi de l'affaire, demande à laquelle la cour n'a pas accédé dès lors :
- que le changement d'avocat est intervenu postérieurement à la clôture,
- et que si Mme [E] fait valoir que n'ayant pas eu le retour de son dossier par son ancien conseil, elle ne peut déposer ses pièces, il apparaît qu'elle n'a, en fait, communiqué que le jugement attaqué et sa signification, de sorte qu'aucune cause grave de révocation de la clôture n'est justifiée.
MOTIFS
Par acte du 5 janvier 2012, Mme [W] et M. [S] ont vendu en viager à Mme [W] [E] une villa ainsi qu'un parking à [Localité 4] pour un prix de 360'000 €, payé en capital comptant le jour de la vente à concurrence de 75 000€ et par une rente annuelle viagère de 19'800 € au profit de M. [S] seul, non réversible, payable en 12 mensualités de 1 650 € chacune.
M. [S] s'est plaint d'un défaut de paiement de la rente sur 11 mois.
Il a envoyé une lettre recommandée avec accusé de réception le 5 décembre 2015 pour mettre en demeure l'acquéreur de payer la somme réclamée. Puis, il lui a fait délivrer, par acte d' huissier de justice du 29 avril 2016, un commandement de payer la somme de 26'644,02 euros en principal, intérêts et frais.
Mme [E] s'étant acquittée d'un paiement de 15'000 € à la date du 2 novembre 2016, les vendeurs l'ont donc fait assigner en constatation de plein droit de la résolution de la vente et subsidiairement, en prononcé de cette résolution.
L'acte liant les parties stipule qu'à défaut de paiement à son exacte échéance d'un seul terme de la rente viagère présentement constituée, la vente sera de plein droit et sans mise en demeure préalable purement et simplement résolue sans qu'il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire, un mois après un simple commandement de payer demeuré infructueux contenant déclaration par le crédit-rentier de son intention d'user du bénéfice de la présente clause (page six de l'acte de vente).
L'exploit délivré par le vendeur le 29 avril 2016 contient, effectivement, commandement d'avoir à payer la rente pour la période 31 décembre 2015- 1er avril 2016 et rappelle la clause résolutoire contenue à l'acte notarié du 6 janvier 2012.
Les appelants sollicitent, en conséquence, la constatation de la résolution de la vente sur le fondement de cet acte.
Le paiement intervenu plusieurs mois après la délivrance de ce commandement, après un délai de carence important et pour un montant au demeurant partiel au regard de la dette exigible, n'a pu éteindre la cause du commandement, ni mettre à néant le mécanisme de la clause résolutoire régulièrement mis en oeuvre, peu important à cet égard le contenu de la lettre antérieurement délivrée du 5 décembre 2015, la constatation de la résolution pouvant dans ces conditions exactement s'emplacer à la date du 29 mai 2016 sur le fondement du commandement du 29 avril 2016.
L'appelante sera donc déboutée de son moyen tendant à voir dire que le commandement de payer n'a pas été régulièrement délivré et de tout moyen relatif à la lettre du 5 décembre 2015.
La clause résolutoire étant ainsi acquise, il n'y a pas lieu d'apprécier les développements subsidiaires de l'appelante sur l'absence de gravité du manquement au regard des exigences des articles 1184 et suivants du Code civil dans sa version antérieure au 1er octobre 2016 ou sur sa bonne foi au motif du paiement de la somme de 15 000 euros ou encore sur les difficultés de son état de santé .
Aucune demande de suspension des effets de la clause résolutoire n'étant en toute hypothèse formulée, le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a constaté la résolution de la vente à compter du 29 mai 2016.
Sur l'appel incident des intimés, non contesté par l'appelante:
La vente étant résolue à la date sus-visée, la seule demande susceptible de prospérer au titre de l'appel incident des intimés est celle tendant à la condamnation de l'appelante à payer à M [S] une indemnité d'occupation à hauteur de 1 686,13€ à compter du 29 mai 2016, et non de 1 650 euros comme retenu au jugement vu l'indexation à appliquer à la rente initialement convenue, cette somme devant par ailleurs être également indexée pour les années suivantes.
La demande tendant à la condamnation de Mme [E] à payer à M [S] la somme de 59 506,94€ au titre des arrérages dûs au 1er juin 2018 sera par suite, vu la date ci-dessus fixée de résolution de la vente, rejetée. La somme fixée au jugement au titre des arrérages de rente à 29 205,85€ sera cependant corrigée pour être portée à 29 205,95€.
Enfin, il sera considéré que le comportement particulièrement récalcitrant de Mme [E] sur près de 4 années alors que son inexécution a placé M [S] dans une situation de minoration des revenus escomptés de la vente en litige justifie qu'elle soit condamnée, pour l'indemniser du préjudice ainsi souffert, à lui payer une somme de 8 000€ à titre de dommages et intérêts.
Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement sauf :
- à dire que le montant des sommes dues au titre des arrérages de rente conformément au décompte du 1er février 2017 est de 29 205,95€ et non de 29 205,85€
- à dire que l'indemnité mensuelle d'occupation due à compter du 29 mai 2016 jusqu'à la libération complète des lieux est de 1 686,13€ et non de 1 650€ et que cette indemnité d'occupation sera indexée pour chacune des années suivantes,
le surplus du dispositif restant inchangé,
Y ajoutant :
Condamne Mme [E] à payer à M. [S] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts;
Condamne Mme [E] à payer à M. [S] et à Mme [W] la somme de 2 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne la compensation entre les créances respectives des parties,
Rejette les demandes plus amples,
Condamne Mme [E] aux dépens et en ordonne la distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT