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20/09/2019 | FRANCE | N°17/16245

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 20 septembre 2019, 17/16245


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 20 SEPTEMBRE 2019



N° 2019/388













Rôle N° RG 17/16245 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBDZW





[R] [B]





C/



[Q] [F]



























Copie exécutoire délivrée



le : 20 SEPTEMBRE 2019



à :



Me Albert HINI, avocat au barreau de MARSEILLE


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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section AD - en date du 23 Mars 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 12/2757.







APPELANTE



Madame [R] [B],

demeuran...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 20 SEPTEMBRE 2019

N° 2019/388

Rôle N° RG 17/16245 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBDZW

[R] [B]

C/

[Q] [F]

Copie exécutoire délivrée

le : 20 SEPTEMBRE 2019

à :

Me Albert HINI, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Jean-pierre TERTIAN, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section AD - en date du 23 Mars 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 12/2757.

APPELANTE

Madame [R] [B],

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Albert HINI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Lou KONITZ, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [Q] [F],

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-pierre TERTIAN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Juin 2019 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Malika REZIG.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2019.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2019.

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [R] [B] a été embauchée en qualité d'agent d'accueil du Centre paramédical [1] à partir du 15 septembre 2005 par Madame [I] [H], infirmière libérale. Au départ à la retraite de cette dernière, le contrat de travail de Madame [R] [B] a été transféré, à partir de mars 2011, auprès de Madame [Q] [F], fille de Madame [I] [H] et également infirmière libérale.

Afin de rejoindre un autre centre paramédical à proximité, les praticiens du centre [1] ont résilié leurs contrats de sous-location. Le bail professionnel consenti au centre paramédical [1] a été résilié.

Par courrier remis en main propre le 27 mars 2012, Madame [Q] [F] a informé Madame [R] [B] de ses difficultés économiques compte tenu de la cessation de son activité dans le cadre de la société en participation "Centre paramédical [1]" et de son installation à partir du 1er mai 2012 dans un cabinet dont elle assumera seule l'intégralité des charges et lui a proposé une réduction de son temps de travail d'une durée hebdomadaire de 27 heures à "une durée de travail hebdomadaire de 4 heures par semaine selon contrat de travail à durée déterminée".

Par courrier recommandé du 10 avril 2012, Madame [R] [B] a informé Madame [Q] [F] de son refus de la proposition de modification de son contrat de travail. Une procédure de licenciement pour motif économique a été initiée le 11 mai 2012. Le contrat de travail a été rompu le 6 juillet 2012 après acceptation par la salariée du contrat de sécurisation professionnelle.

Contestant le bien fondé de son licenciement et réclamant le paiement de rappel de prime d'ancienneté et d'indemnités de rupture, Madame [R] [B] a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 23 mars 2015, le conseil de prud'hommes de Marseille a jugé le licenciement pour motif économique de Madame [R] [B] régulier et fondé sur une cause réelle et sérieuse, a débouté Madame [R] [B] de ses demandes afférentes à un licenciement abusif, a condamné Madame [Q] [F] à payer :

-2348 euros à titre de rappel de salaire fondé sur l'application de la prime d'ancienneté pour la période du 15 septembre 2008 au 6 juillet 2012,

-234,80 euros au titre des congés payés afférents,

a dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élevait à 1242 euros, a ordonné l'établissement et remise d'un bulletin de salaire rectificatif, a débouté l'ensemble des parties du surplus de leurs demandes et a condamné la défenderesse aux entiers dépens.

Madame [R] [B] a interjeté appel du jugement prud'homal par pli recommandé du 7 avril 2015.

L'affaire a été radiée par arrêt du 16 juin 2017 en l'état de conclusions tardives déposées par l'appelante et d'une demande de renvoi refusé par la Cour. L'affaire a été réenrôlée le 24 août 2017 à la demande de l'appelante et audiencée à l'audience collégiale du 17 juin 2019 à 14 heures.

Madame [R] [B] conclut, au visa des articles L.1222-6, L.1233-15, L.1235-3 et L.1233-16 du code du travail et des dispositions de la convention collective applicable, à la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné Madame [Q] [F] à payer à Madame [B] la somme de 2348 euros à titre de rappel de salaire fondé sur l'application de la prime d'ancienneté pour la période du 15 septembre 2008 au 6 juillet 2012, outre la somme de 234,80 euros au titre des congés payés afférents, à l'infirmation du jugement sur le surplus et, statuant à nouveau, à ce que le salaire mensuel moyen soit fixé à la somme de 1242 euros bruts, à ce qu'il soit jugé que le licenciement intervenu est abusif, en conséquence, à la condamnation de Madame [Q] [F] à payer à Madame [B] les sommes suivantes :

-35 000 euros nets de CSG-CRDS à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif,

-2484 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-248,40 euros au titre des congés payés afférents,

-5000 euros nets de CSG-CRDS à titre d'indemnité pour non respect de la mention de priorité de réembauche,

-392,45 euros au titre des frais du huissier engagés,

à la condamnation de Madame [Q] [F] à payer à Madame [B] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à ce que soit ordonnée la remise des documents de rupture et des bulletins de salaire depuis septembre 2008 dûment rectifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à ce que la Cour se réserve le droit de liquider l'astreinte et à ce qu'il soit jugé que les sommes porteront intérêts à compter du jour de la demande en justice et dit que les intérêts de ces sommes seront capitalisés.

Madame [R] [B] fait valoir qu'elle devait percevoir une prime d'ancienneté en application de l'article 14 de la convention collective du personnel des cabinets médicaux, qu'elle n'a jamais perçu cette prime et que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné Madame [Q] [F] à lui verser la somme de 2348 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté, outre les congés payés afférents.

Elle expose que Madame [Q] [F] ne lui a jamais notifié le motif économique de la rupture du contrat de travail, qu'aucune lettre ne lui a été remise le jour de l'entretien préalable, le 15 juin 2012, énonçant le motif économique de la rupture contrairement à ce qui est allégué par l'employeur, que cette lettre versée en pièce 15 par Madame [Q] [F] a été rédigée exclusivement pour les besoins de la cause, que le courrier du 27 mars 2012 ne saurait suffire à informer la salariée du motif économique de la rupture du contrat de travail, intervenue trois mois plus tard, la possibilité de la rupture du contrat n'étant même pas mentionnée dans ce courrier, pas plus que la suppression de l'emploi ou le refus de la modification du contrat de travail de Madame [B], que la salariée n'a donc jamais été informée par écrit du motif économique de la rupture du contrat de travail avant son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle et qu'il s'ensuit que son licenciement est abusif.

Elle invoque par ailleurs que l'employeur n'a pas respecté le délai de réflexion d'un mois en cas de proposition de modification du contrat de travail pour motif économique, que le centre paramédical [1] a simplement déménagé ses locaux à une centaine de mètres, que dans leurs nouveaux locaux, les praticiens ont embauché un agent d'accueil, de sorte que son emploi n'a pas été supprimé, que le motif économique du licenciement est inexistant, que Madame [Q] [F] n'a pas respecté son obligation de reclassement, que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et que Madame [Q] [F] n'a adressé à la salariée aucune lettre énonçant la priorité de réembauche.

Madame [Q] [F] conclut, au visa des articles L.1233-67, L.1233-3 et L.1233-4 du code du travail, à titre principal : à ce que soit constatée la rupture du contrat de travail pour motif économique pour acceptation de la convention de reclassement personnalisé, conformément aux dispositions de l'article L.1233-67 du code du travail, à la confirmation du jugement de première instance, en conséquence, au débouté de Madame [R] [B] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions, à titre subsidiaire : à ce qu'il soit jugé que le licenciement pour motif économique était régulier et fondé sur une cause réelle et sérieuse, en conséquence, au débouté de Madame [R] [B] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions, en tout état de cause : à la condamnation de Madame [R] [B] à payer à Madame [Q] [F] la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Madame [Q] [F] soutient qu'elle a cessé d'exercer son activité dans le cadre de la société en participation pour exercer dans un cabinet dont elle assume seule l'intégralité des charges, que cet état de fait a entraîné une baisse extrêmement importante de ses ressources, que l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par la salariée entraîne la rupture d'un commun accord du contrat de travail, qui est parfaitement fondée, qu'elle a remis à la salariée lors de l'entretien préalable du 15 juin 2012 une lettre exposant le motif de son licenciement, que la cessation d'activité de Madame [F] au sein de la société en participation a conduit inévitablement celle-ci à procéder à la suppression du poste de Madame [B], que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, que le poste de la salariée ayant été supprimé, aucun reclassement sur un emploi de même catégorie ne pouvait lui être proposé, que pour autant Madame [F] n'a pas manqué à son obligation de reclassement en proposant à sa salariée un poste de catégorie inférieure, soit un contrat à temps partiel de 4 heures par semaine, que le refus consécutif de Madame [B] de cette proposition de reclassement justifie la réalité du licenciement économique, que la salariée a d'abord été informée du motif économique par courrier du 27 mars 2012 lui faisant part d'une proposition de reclassement et

énonçant les raisons économiques de la proposition de reclassement et qu'il s'ensuit que le licenciement de Madame [B] est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

SUR CE :

Sur le rappel de salaire :

Madame [Q] [F] sollicite contradictoirement, dans le dispositif de ses conclusions, la confirmation du jugement de première instance qui a pourtant alloué à la salariée des rappels de salaire, et le débouté de Madame [R] [B] de l'intégralité de ses demandes.

Elle n'articule aucun moyen de droit afin de voir réformer les dispositions du jugement l'ayant condamnée à verser à Madame [R] [B] 2348 euros de rappel de prime d'ancienneté, ainsi que les congés payés afférents.

Il n'est pas contesté qu'aux termes de l'article 14 de la Convention collective du personnel des cabinets médicaux, une prime d'ancienneté doit être accordée aux personnels après 3 ans (majoration de 4 %) et, après 6 ans (majoration de 7 %).

Madame [R] [B] n'a perçu aucune prime d'ancienneté et il convient, au vu du calcul exact présenté par la salariée et non utilement discuté, de confirmer le jugement de ces chefs de condamnation.

Sur le licenciement :

Par courrier remis en main propre le 27 mars 2012, Madame [Q] [F] a informé Madame [R] [B] en ces termes :

« [...] À compter du 1er/05/2012 Madame [F] va cesser d'exercer son activité dans le cadre de la société en participation et va exercer dans un cabinet dont elle va assumer seule l'intégralité des charges.

Cette situation résulte d'une part, de la résiliation du bail professionnel par la société en participation d'exercice libéral "Centre paramédical [1]" et d'autre part, de la résiliation des contrats de sous-location à l'initiative des bénéficiaires.

Cette situation entraîne une baisse extrêmement importante des ressources de Madame [F], ressources qui étaient principalement justifiées par la nécessité d'un agent d'accueil à hauteur de 27 heures par semaine permettant d'assurer le secrétariat commun de plusieurs praticiens.

Pour nous permettre de faire face à cette difficulté économique et afin de préserver notre compétitivité, nous n'avons d'autre choix que d'adapter le seul et unique poste de travail à la nouvelle réalité économique de l'entreprise.

Dans le cadre de l'étude des différentes possibilités de reclassement vous concernant, nous vous indiquons qu'aucune possibilité de reclassement au sein de l'entreprise sur un poste identique ou équivalent à celui que vous occupez actuellement assorti d'une rémunération identique, n'est possible.

Toutefois, nous sommes en mesure de vous proposer un reclassement à un poste d'agent d'accueil pour une durée de travail hebdomadaire de 4 heures par semaine selon contrat de travail à durée déterminée.

S'agissant d'un poste de catégorie inférieure à celui que vous occupez actuellement, votre consentement exprès est requis.

Vous voudrez bien me faire connaître, par écrit, votre acceptation ou votre refus et ce, au plus tard le 30 mars 2012 ».

Par courrier du 30 mars 2012, Madame [R] [B] a répondu :

« Chère Madame [F], j'ai pris rendez-vous avec un avocat, Maître [C] [V] à [Localité 1], qui ne pourra me recevoir que la semaine prochaine.

Toutefois, je suis allée à l'inspection du travail et il m'assure que vous devez me donner un mois de délai de réflexion et non pas 3 jours. Cela nous laisse le temps.

Je vais donc aller voir un avocat et je vous ferai part de ma réponse plus tard.

Néanmoins, je vous confirme que j'aimerais bien continuer à travailler avec vous tous au nouveau centre et cela dans les mêmes conditions ».

Madame [R] [B] produit un procès verbal de constat d'huissier de justice du 2 avril 2019 constatant que Madame [R] [B] s'est présentée ce jour au centre paramédical [1] à 9 heures (date de reprise de son travail après congés payés jusqu'au 31 mars 2012), que les locaux sont vides, qu'un panneau affiche les mentions suivantes : "Transfert du cabinet Face à la gare, à côté de la pharmacie de [3] [Adresse 1]- [XXXXXXXX01]", ce dernier numéro correspondant anciennement au numéro du centre paramédical [1]. L'huissier s'est transporté dans les nouveaux locaux [Adresse 1] et précise y avoir rencontré Madame [Q] [F], qui "déclare que Madame [B] reste employée de son centre paramédical jusqu'au 30 avril, date de la fin du bail. Elle nous précise qu'elle sera alors locataire du nouveau centre au [Adresse 1] et que jusqu'à nouvel ordre les horaires de Madame [B] sont les mêmes et les tâches qu'elle aura à accomplir seront d'accueillir éventuellement les personnes qui se présenteraient au Centre".

Par courrier recommandé du 10 avril 2012, Madame [R] [B] qui a repris son travail le 2 avril 2012 au centre [1], a écrit à son employeur qu'elle souhaitait "déménager avec les infirmières à la fin avril ou même quelques jours plus tard dans notre nouveau centre" et qu'elle ne pouvait pas accepter la proposition de réduction de son temps de travail à 4 heures par semaine "d'autant plus que dans le nouveau centre tous les praticiens, qui sont les mêmes que dans l'ancien, auront besoin de moi pour faire les mêmes choses qu'avant".

Ce courrier recommandé étant revenu à la salariée "non réclamé" par son employeur, Madame [B] a fait signifier le 31 mai 2012 son courrier du 10 avril 2012 qui a été remis à la personne de Madame [Q] [F].

Madame [R] [B] a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 27 avril 2012, arrêt de travail prolongé les 10 et 18 mai 2012 jusqu'au 25 mai 2012.

Par procès-verbal de constat d'huissier de justice en date du 29 mai 2012, Madame [R] [B] a fait constater que le cabinet paramédical [1] était totalement fermé, qu'à l'adresse du [Adresse 1], se trouvait un cabinet paramédical appelé [2], qu'à la gauche de la devanture de ce cabinet paramédical se trouvaient les plaques professionnelles d'infirmières, kinésithérapeutes et podologues "reprenant l'ensemble des intervenants qui exerçaient à l'adresse précédente", dont la plaque de Madame [Q] [F].

Madame [R] [B] écrivait à son employeur par courrier recommandé du 30 mai 2012 pour lui indiquer que, le 29 mai 2012, l'accès à son poste de travail lui avait été refusé et qu'elle était à son entière disposition. Ce courrier recommandé a été réceptionné par Madame [Q] [F] le 31 mai 2012.

Madame [Q] [F] produit un courrier de convocation de la salariée à un entretien préalable fixé le 21 mai 2012 à 9h30 au [Adresse 1] à [Localité 1], courrier posté le 11 mai 2012 et en attente d'être retiré à la date du 16 mai 2012 (selon historique du suivi du courrier, sans que ne soit produit l'avis de réception).

Par courrier recommandé du 6 juin 2012 et remis par ailleurs en main propre à Madame [R] [B] le 6 juin 2012, Madame [Q] [F] a convoqué la salariée à un entretien préalable à une mesure de licenciement.

Le contrat de travail a été rompu suite à l'acceptation par Madame [R] [B] du contrat de sécurisation professionnelle lors de l'entretien préalable, à effet à la date du 6 juillet 2012.

L'adhésion de la salariée au contrat de sécurisation professionnelle, si elle entraîne une rupture qui est réputée intervenir d'un commun accord, ne la prive pas pour autant de la possibilité de contester le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement.

Le motif économique du licenciement envisagé doit être communiqué à la salariée au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.

Dans son courrier du 27 mars 2012, Madame [Q] [F] explique qu'elle va désormais assumer seule l'intégralité des charges du cabinet, cette situation entraînant une "baisse extrêmement importante de (ses) ressources", et qu'elle n'a "d'autre choix que d'adapter le seul et unique poste de travail à la nouvelle réalité économique de l'entreprise", proposant un "reclassement à un poste d'agent d'accueil pour une durée de travail hebdomadaire de 4 heures par semaine selon contrat de travail à durée déterminée".

Contrairement à ce qu'indique l'employeur dans cette lettre du 27 mars 2012, cette proposition ne constitue pas une proposition de reclassement, alors même qu'il n'est pas mentionné comme conséquence de la difficulté économique la suppression du poste de Madame [B], mais une proposition de modification du contrat de travail pour motif économique, par réduction du temps de travail de la salariée, outre qu'il est proposé que cette réduction du temps de travail s'effectue dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée.

Alors que, par ce courrier du 27 mars 2012, l'employeur exigeait une réponse écrite de la salariée "au plus tard le 30 mars 2012" et que la salariée faisait observer qu'elle devait disposer d'un délai de réflexion d'un mois, il convient de relever que Madame [Q] [F] a effectivement attendu la fin du délai d'un mois avant d'initier la procédure de licenciement.

Le courrier du 27 mars 2012 constituant une proposition de modification du contrat de travail pour motif économique et non une proposition de reclassement, il ne peut être considéré que les motifs énoncés dans ledit courrier constituent les motifs économiques du licenciement ayant entraîné la suppression de l'emploi de Madame [B].

Si Madame [Q] [F] soutient que le motif économique du licenciement de la salariée a été notifié à cette dernière par lettre du 15 juin 2012 remise à Madame [B] lors de l'entretien préalable, elle ne verse toutefois aucun élément susceptible de démontrer que cette lettre a effectivement été remise à la salariée, laquelle a signé le récépissé du document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle le 15 juin 2012, lors de l'entretien préalable, et a signé la demande d'allocation de sécurisation professionnelle en date du 20 juin 2012.

À défaut d'avoir explicité à la salariée les motifs économiques de son licenciement avant l'acceptation par celle-ci du contrat de sécurisation professionnelle, le licenciement de Madame [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Au surplus, Madame [Q] [F] qui déclare avoir connu une baisse importante de ses ressources du fait de son activité exercée désormais seule et non plus dans le cadre de la société en participation "Centre paramédical [1]" et de la résiliation des contrats de sous-location par les autres professionnels, ne verse aucun élément justifiant de la baisse de ses revenus.

En conséquence, la Cour infirme le jugement et dit que le licenciement de Madame [R] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation de paiement du préavis et des congés payés y afférents.

Il convient donc d'accorder à Madame [R] [B] la somme brute de 2484 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, dont le calcul du montant n'est pas discuté, ainsi que la somme brute de 248,40 euros au titre des congés payés y afférents.

Madame [R] [B] produit des relevés de situation du Pôle emploi sur la période de juillet 2012 à mars 2013 (911,09 euros d'indemnités perçues en mars 2013), une notification du 9 janvier 2013 du Pôle emploi d'acceptation d'une formation de bureautique du 3 décembre 2012 au 4 février 2013 et des lettres de candidature sur des postes de secrétaire médicale et d'agent d'accueil jusqu'en avril 2013.

En considération des éléments versés sur son préjudice, de l'ancienneté de la salariée de six ans dans l'entreprise occupant moins de 11 salariés et du montant de son salaire mensuel brut incluant le rappel de prime d'ancienneté alloué, la Cour accorde à Madame [R] [B] la somme brute de 4000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la violation de la priorité de réembauche :

Aucune lettre énonçant le motif économique de la rupture du contrat de travail n'a informé la salariée de la priorité de réembauche.

Eu égard à la situation de la salariée justifiée ci-dessus, la Cour accorde à Madame [R] [B] la somme de 500 euros à titre de dommages intérêts pour non respect de la mention de la priorité de réembauche.

Sur la remise des documents sociaux :

Il convient d'ordonner la remise par Madame [Q] [F] de l'ensemble des bulletins de paie rectifiés depuis septembre 2008 à juillet 2012, en conformité avec le présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Il y a lieu d'ordonner la remise du dernier bulletin de paie de juillet 2012 rectifié, avec mention des indemnités de préavis et des congés payés afférents, ainsi que de l'attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Madame [R] [B], tel que précisé au dispositif.

Les dépens resteront à la charge de Madame [Q] [F], partie succombante, qui devra également rembourser à Madame [R] [B] la somme de 392,45 euros au titre des frais d'huissier engagés pour sa défense.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné Madame [Q] [F] à payer à Madame [R] [B] 2348 euros de rappel de prime d'ancienneté et 234,80 euros de congés payés y afférents,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les points réformés,

Dit que le licenciement de Madame [R] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne Madame [Q] [F] à payer à Madame [R] [B] :

-2484 euros brut d'indemnité compensatrice de préavis,

-248,40 euros brut de congés payés sur préavis,

-4000 euros brut de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-500 euros de dommages intérêts pour non respect de la mention de priorité de réembauche,

-392,45 euros de remboursement de frais d'huissier,

Dit que les sommes allouées de nature salariale produiront des intérêts au taux légal à compter de la citation devant le bureau de conciliation, avec capitalisation des intérêts échus et dus plus d'une année à compter de la demande formée dans le cadre de la citation,

Ordonne la remise par Madame [Q] [F] des bulletins de salaire rectifiés de septembre 2008 à juillet 2012 et de l'attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt,

Condamne Madame [Q] [F] aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Madame [R] [B] 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 17/16245
Date de la décision : 20/09/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°17/16245 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-20;17.16245 ?
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