COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 17 SEPTEMBRE 2019
D.D
N°2019/506
Rôle N° RG 17/20186 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBOMX
[F] [U] [D] [T]
[K] [M] [A] épouse [T]
C/
[T] [C]
Copie exécutoire délivrée le :
à :Me Paul DRAGON
Me Rachel COURT-MENIGOZ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 11 Mai 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/02399.
APPELANTS
Monsieur [F] [U] [D] [T]
né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Paul DRAGON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
plaidant
Madame [K] [M] [A] épouse [T]
née le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 2] (MEXIQUE), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Paul DRAGON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
plaidant
INTIME
Monsieur [T] [C]
né le [Date naissance 3] 1940 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Rachel COURT-MENIGOZ de la SCP FRANCOIS DUFLOT COURT MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Juin 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne VIDAL, Présidente, et Mme Danielle DEMONT, Conseiller, chargés du rapport.
Mme Danielle DEMONT, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne VIDAL, Présidente
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
Madame Danielle DEMONT, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Septembre 2019
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Septembre 2019.
Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Mme [I] [H]
greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
Par exploit en date du 4 avril 2017 M. [F] [T] et Mme née [K] [A] ont fait assigner M. [C] pour obtenir la vente forcée à leur profit du bien immobilier sis [Adresse 3] au prix de 770'000 € ainsi que le versement du montant la clause pénale d'un montant de 10 % du prix de vente.
M. [C] a formé des demandes reconventionnelles en sollicitant l'octroi de la somme de 38'500 € correspondant au montant du dépôt de garantie.
Par jugement en date du 11 mai 2017 le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a :
' déclaré le compromis de vente du 4 novembre 2016 caduc ;
' débouté les époux [T] de leurs demandes en vente parfaite et de leurs demandes au titre de la clause pénale d'un montant de 77'000 € ;
' débouté M. [T] [C] de sa demande d'expertise médicale et de sa demande tendant à la conservation de la somme de 38'500 € ;
' dit que la somme séquestrée par le notaire sera versée aux époux [T] ;
' dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
' et dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens.
Le tribunal retient essentiellement :
' que la promesse de vente stipule une condition suspensive relative à l'octroi d'un prêt auprès de « tout organisme. Montant maximum de la somme empruntée 725'000 € dont 260'000 € de crédit relais. Durée maximale de remboursement de 22 ans au taux d'intérêt maximum de 1,30 % l'an » avec réception de l'offre au plus tard le 4 janvier 2017 et une vente réitérée au plus tard le 3 février 2017 ; que contrairement à ce que les époux [T] prétendent, le courriel adressé le 16 décembre 2016 par la banque Boursorama n'est pas une offre de prêt, mais un simple courrier accusant réception de leur demande de prêt ; que le vendeur leur a réclamé le 16 janvier 2017 par lettre recommandée avec accusé de réception un justificatif du sort de leur demande de prêt; que le courriel de Boursorama du 19 janvier 2017 produit par les époux acquéreurs ne mentionne ni la durée, ni le taux d'intérêt, ni les modalités de remboursement du prêt ; que le montant demandé fait mention en revanche de 316'000 € de prêt relais et de 539'900 € pour le prêt principal, soit un emprunt d'un montant de 855'900 € ; que par exploit du 23 février 2017 les époux [T] ont fait sommation au vendeur de se présenter à l'étude du notaire pour régulariser la vente ; qu'au 4 janvier 2017 aucune offre de prêt conforme aux stipulations contractuelles n'avait été communiquée au vendeur ; que les époux [T] ont affirmé dans une lettre du 21 février 2017 que la banque pourrait libérer les fonds disponibles dès le 16 février 2017 ; que l'offre de prêt n'a été adressée aux époux [T] que le 7 mars 2017, soit un mois après la date prévue à la promesse de vente pour réitérer celle-ci ; qu'il ne ressort d'aucun élément que les délais contractuels auraient été prorogés ; que le compromis de vente du 4 novembre 2016 est donc caduc, faute de réitération intervenue dans les délais prévus contractuellement ; que la régularisation de l'acte authentique n'a pas pu intervenir faute d'obtention par les acquéreurs d'un prêt bancaire le 4 janvier 2017 et d'un déblocage des fonds possible pour le 3 février 2017, de sorte que le refus de réitérer la vente de M. [C] est justifié et que la clause pénale contractuelle n'a pas vocation à s'appliquer à lui ;
' qu'en ce qui concerne le montant du dépôt de garantie, il n'est pas établi que les acquéreurs auraient commis une faute ou qu'ils n'auraient pas fait les diligences nécessaires pour obtenir leur prêt bancaire et que le défaut de réalisation de la condition suspensive ne peut donc pas leur être reproché ;
' que par ailleurs le vendeur invoque un préjudice d'immobilisation du bien alors qu'il résulte de ses écritures qu'une fois le délai de réitération passé, sa volonté a été finalement de ne pas vendre son bien aux époux [T], et qu'ainsi il ne peut valablement invoquer un préjudice d'immobilisation, ayant lui-même renoncé à la vente ; et que sa demande de conserver le montant du dépôt de garantie à titre de dommages-intérêts sera donc rejetée.
Le 8 novembre 2017 M. [F] [T] et Mme [K] [A] ont relevé appel de cette décision.
Par conclusions du 15 mai 2019 ils demandent à la cour :
' de leur donner acte de ce qu'ils renoncent à leur demande de vente forcée ;
' de dire que c'est à tort que M. [C] a refusé de réitérer la vente et de le condamner à leur payer la somme de 77'000 € au titre de la clause pénale contractuelle ou à titre subsidiaire sur le fondement des articles 1103 et suivants et 1231 et suivants du code civil;
' de rejeter toutes les demandes de l'intimé ;
' et de le condamner à leur payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.
Par conclusions du 17 mai 2019 M. [T] [C] demande à la cour :
' de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre du dépôt de garantie, statuant à nouveau, de condamner les appelants à lui payer la somme de 38'500 € et d'autoriser le notaire à débloquer cette somme à son profit ;
subsidiairement,
' d'ordonner une expertise médicale sur le fondement de l'article 146 du code de procédure civile pour déterminer si son discernement n'était pas altéré au moment de l'acte et s'il était capable de contracter ;
plus subsidiairement, s'il devait être condamné au titre de la clause pénale,
' d'en réduire le montant à de plus justes proportions ;
' et de condamner les époux [T] à lui verser la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.
Motifs
Attendu que la promesse synallagmatique de vente signée par les parties le 10 mars 2017 stipule en page 5 :
« Le prêt sera réputé obtenu et la condition suspensive sera réalisée par la remise par la banque à l'acquéreur de l'offre écrite de consentir le crédit aux conditions principales sus-énoncées et dans le délai de réalisation des présentes(')
La réception de cette offre devra intervenir au plus tard le 4 janvier 2017.
L'obtention ou la non d'obtention du prêt devra être notifiée par l'acquéreur au vendeur par lettre recommandée avec avis de réception adressée dans les 3 jours suivant l'expiration du délai ci-dessus.
À défaut de réception de cette lettre dans le délai fixé, le vendeur aura la faculté de mettre l'acquéreur en demeure de lui justifier sous huitaine de la réalisation ou la défaillance de cette condition. Cette demande doit être faite par lettre recommandée avec avis de réception.
Passé ce délai de 8 jours sans que l'acquéreur ait apporté les justificatifs, la condition sera censée défaillie et les présentes seront donc caduques de plein droit, sans autre formalité, et ainsi le vendeur retrouvera son entière liberté mais l'acquéreur ne pourra recouvrer le dépôt de garantie qu'il aura, le cas échéant, versé qu'après justification qu'il a accompli les démarches nécessaires pour l'obtention du prêt et que la condition n'est pas défaillie de son fait ; à défaut, le dépôt de garantie restera acquis au vendeur. » ;
Attendu que la vente devant être réitérée avant le 3 février 2017, les époux [T] acquéreurs ont été sommés par le vendeur, M. [C] par lettre recommandée du 16 janvier 2017 reçue le 19 janvier 2017, à domicile élu comme stipulé, d'avoir à justifier de l'obtention ou non de leur prêt ;
Attendu que ce prêt est « réputé obtenu et la condition suspensive, réalisée par la remise par la banque à l'acquéreur de l'offre écrite de consentir le crédit aux conditions principales sus-énoncées » ;
Que la réponse des époux du 20 janvier 2017 indiquant avoir obtenu un prêt de leur banque et un mail de Boursorama, attestant que 'le prêt demandé était accordé mais que les offres étaient toujours en cours d'édition' et 'envisageant un déblocage des fonds aux alentours du 10 février', sont insuffisants à cet égard, les époux [T] devant justifier de l'obtention du prêt par la remise de l'offre écrite de la banque ; qu'ensuite leur offre de prêt du 24 janvier 2017 qui a été envoyée par mail le 27 janvier au notaire du vendeur, peu avant l'expiration du délai de 8 jours requis, ne portait que sur un montant de
539 900 €, et qu'il ne couvrait pas le montant total à emprunter ;
Attendu que les époux [T] n'ont donc pas justifié de la réalisation de la condition dans les termes contractuels prévus ;
Attendu que si la promesse de vente n'était pas de plein droit caduque par l'expiration du délai de réitération de l'acte, ce délai étant constitutif et non extinctif, il doit être retenu que la condition suspensive, à défaut d'avoir été réalisée dans les huit jours de la mise en demeure adressée par le vendeur, a défailli entraînant la caducité de la promesse synallagmatique et la libération du vendeur de toute obligation,, le délai stipulé pour recevoir l'offre de prêt complète ayant été dépassé ;
Attendu que le notaire a indiqué n'avoir été crédité que le 10 mars 2017 de la somme de 784'900 € outre le dépôt de garantie d'un montant de 38'500 € déjà versé (le prix s'élevant à 770'000 € et les droits d'enregistrement à 44'879 €), en sorte que les époux [T] acquéreurs n'ont été en mesure de payer la totalité du prix qu'un mois après l'expiration de la date du 3 février 2017 prévue par la promesse pour réaliser la vente ;
Que le vendeur n'est pas fautif d'avoir refusé de prolonger plus avant les effets de l'avant-contrat, comme la faculté lui en était reconnue et de réitérer la vente ;
Attendu que les époux [T] ne sauraient dès lors prétendre au bénéfice de la clause pénale stipulée en cas de défaillance du vendeur ;
Attendu qu'en ce qui concerne le montant du dépôt de garantie réclamé par M. [C], il est stipulé , à titre de clause pénale, en page 7 de l'avant-contrat : « L'acquéreur ne pourra recouvrer l'acompte versé, sous déduction des frais, débours et honoraires du notaire, que s'il justifie de la non réalisation hors sa responsabilité de l'une ou l'autre des conditions suspensives ci-dessus énoncées, ou de l'exercice d'un droit de préemption.
Dans le cas contraire cette somme restera acquise de droit au vendeur par application et a due concurrence de la clause pénale ci-dessus stipulée. » ;
Attendu qu'il s'avère que les demandes de prêts, classique (539'900 € )et prêt relais (319'000 €), présentées par les époux [T] s'élevaient en réalité à un montant total de 855'900 €, au lieu du montant de 725'000 € stipulé ; qu'ils ont manqué à leurs engagements contractuels en sollicitant un montant plus important, ce qui a pu retarder les opérations de financement ;
Attendu que la faute contractuelle des époux [T] acquéreurs entraîne l'application de la sanction contractuelle prévue, soit le versement au profit du vendeur du montant de la clause pénale fixée à 77'000 € ;
Que si les acquéreurs font valoir que ce dernier a pu vendre le 23 août 2018 à un prix de 800'000 €, supérieur à celui de la promesse signée avec les époux [T], M. [C] sollicite seulement la somme de 38'500 € correspondant au dépôt de garantie séquestré, soit déjà une diminution substantielle du montant de la pénalité ; qu'il est fondé à en obtenir le versement à son profit ;
Attendu qu'il s'ensuit la réformation partielle du jugement déféré, sans mesure d'instruction ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort,
Rejette la demande d'expertise judiciaire,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [T] [C] de sa demande tendant à la conservation de la somme de 38'500 € et dit que la somme séquestrée par le notaire sera versée aux époux [T],
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant
Condamne solidairement M. [F] [T] et Mme [K] [A] à payer à M. [T] [C] la somme de 38'500 € en exécution de la clause pénale figurant à la promesse de vente du 4 novembre 2016,
Dit que la somme séquestrée par le notaire sera versée à M. [T] [C],
Condamne in solidum M. [F] [T] et Mme née [K] [A] à payer à M. [C] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT