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13/09/2019 | FRANCE | N°17/07662

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 13 septembre 2019, 17/07662


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 13 SEPTEMBRE 2019



N°2019/239



RG 17/07662

N° Portalis DBVB-V-B7B-BAM5V







SA GEMALTO





C/



[G] [M]













































Copie exécutoire délivrée

le :



à :



-Me Bertrand OLLIVIER, avocat au barreau

de PARIS



- Me Luc BERGEROT, avocat au barreau de MARSEILLE











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 20 Février 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/1159.





APPELANTE



SA GEMALTO, demeurant [Adresse 1]



représent...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 13 SEPTEMBRE 2019

N°2019/239

RG 17/07662

N° Portalis DBVB-V-B7B-BAM5V

SA GEMALTO

C/

[G] [M]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Bertrand OLLIVIER, avocat au barreau de PARIS

- Me Luc BERGEROT, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 20 Février 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/1159.

APPELANTE

SA GEMALTO, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Bertrand OLLIVIER, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Caroline MARIS, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [G] [M], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Luc BERGEROT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Mai 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2019.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2019

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat à durée indéterminée du 31 janvier 2001 [G] [M] a été engagé par la SA GEMPLUS SERVICE EUROPE en qualité d'ingénieur développement, cadre, position 2.2 coefficient 130.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la Convention Collective Nationale des Bureaux d'études techniques cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseils (SYNTEC).

Le 1er octobre 2003, le salarié était transféré à la société GEMPLUS. Il lui était alors appliqué la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, sa classification devenait position 2, indice 108 et l'intitulé de ses fonctions demeurait inchangé.

A compter du 1er janvier 2004, l'intitulé de sa fonction devenait architecte et son contrat de travail était transféré de la société GEMPLUS SA site Gémenos vers la société GEMPLUS SA Site la Vigie.

A compter du 1er février 2006, il était nommé chef de projet, puis à compter du 1er avril 2007, son employeur désormais dénommé la société GEMALTO le nommait ingénieur d'affaires expert (intitulé sur ses fiches de payes ) ou solution sales dans le vocabulaire utilisé dans les échanges;

Le 1er juin 2011, il a été affecté aux services zone Afrique du Nord.

Après entretien préalable le 6 décembre 2012, [G] [M] a été licencié par la SA GEMALTO pour insuffisance professionnelle par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 décembre 2012 :

La SA GEMALTO employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, [G] [M] a saisi le 14 avril 2014 le conseil de prud'hommes de Marseille, qui par jugement du 20 février 2015 a :

- constaté que les faits reprochés à [G] [M] ne justifient pas un licenciement pour insuffisance professionnelle,

- constaté que le licenciement de [G] [M] n'est justifié par aucune cause réelle et sérieuse de licenciement, lui occasionnant un préjudice,

- constaté que [G] [M] ne justifie pas d'un préjudice supplémentaire ni d'une perte de chance,

En conséquence :

- condamné la SA GEMALTO, à verser à [G] [M] les sommes suivantes :

* 50 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* 1 000 € au titre de l'article 700 du CPC,

- débouté [G] [M] de sa demande d'exécution provisoire.

Le 5 mars 2015, la SA GEMALTO a régulièrement interjeté appel de cette décision.

L'affaire a fait l'objet d'une radiation le 17 mars 2017 puis a été réenrôlée à la demande de la SA GEMALTO formée le 13 avril 2017.

Par arrêt du 21 septembre 2018, la cour a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 15 janvier 2019 en raison d'un lien de parenté proche d'un magistrat de la composition avec l'un des témoins cités dans le dossier ;

L'affaire a fait l'objet d'un nouveau renvoi le 15 janvier 2019 en raison de la grève des avocats;

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats le 14 mai 2019, et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la SA GEMALTO demande de :

A titre principal : sur le bien fondé du licenciement

- reconnaître le licenciement de Monsieur [M] comme justifié et valable.

En conséquence :

-infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de MARSEILLE en ce qu'il a considéré que le licenciement de [G] [M] était dénué de cause réelle et sérieuse et a condamné la Société GEMALTO à lui verser une somme de 50 000 euros

- débouter [G] [M] de sa demande de condamnation de la Société GEMALTO au paiement de la somme de 150 000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

- débouter [G] [M] de sa demande de condamnation de la Société GEMALTO au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral en raison des conditions vexatoires du licenciement

- débouter [G] [M] de sa demande de condamnation de la Société GEMALTO au paiement de la somme de 15 000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A titre subsidiaire :

Si par extraordinaire la Cour devait considérer le licenciement de Monsieur [M] comme dépourvu de cause réelle et sérieuse elle ne saurait faire droit aux demandes litigieuses et en limitera le montant.

En tout état de cause :

- débouter [G] [M] de sa demande de condamnation de la Société GEMALTO au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner [G] [M] à verser à la société GEMALTO une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, [G] [M] demande de :

Vu notamment les articles L.1235-3 et L. 1235-4 du code du travail ;

- confirmer le jugement du 20 février 2015 en ce qu'il a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement de [M] qu'il a fixé la somme de 1 000 € à titre d'article 700 du CPC en première instance.

- infirmer ladite décision pour le surplus.

En conséquence :

- dire et juger le licenciement de [G] [M] sans cause réelle et sérieuse.

- condamner la S.A. GEMALTO à payer à [G] [M] la somme de 150 000 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- condamner la S.A. GEMALTO à payer à [G] [M] la somme de5 000 euros en réparation du préjudice moral causé par les circonstances de la rupture.

- condamner la S.A. GEMALTO à payer à [G] [M] la somme de15 000 euros en réparation du préjudice lié à la perte d'une chance de percevoir des bonus sur divers contrats sur lesquels Monsieur [M] avait 'uvré. 

- ordonner la rectification de l'attestation Pôle Emploi et sa remise sous astreinte de 80 euros par jour de retard.

- débouter la S.A. GEMALTO de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- condamner la S.A. GEMALTO à payer à [G] [M], en cause d'appel, une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la S.A. GEMALTO aux entiers dépens.

MOTIFS

A/ sur le licenciement

Attendu que la SA GEMALTO fait grief à [G] [M] d'avoir été insuffisant en 4 domaines :

- le non respect des délais de remises d'offres

- le manque de suivi des relations contractuelles

- des lacunes en communication avec les interfaces internes de la société

- le manque de suivi des facturations et des paiements ainsi que le manque de suivi de mise à jour de l'application CRM ;

Attendu que l'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige

Attendu que l'insuffisance professionnelle, qui se définit comme l'inaptitude du salarié à exécuter correctement les tâches et missions qui lui sont confiées, compte tenu de sa qualification, en vertu du contrat de travail, peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu'elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié. La preuve est partagée, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

1) sur le non respect des délais

Attendu que le courrier de licenciement mentionne :

« Lors de notre entretien du 6 décembre 2012, pour lequel vous avez été convoqué par lettre remise en main propre du 29 novembre 2012, nous vous avons exposé les raisons qui nous conduisaient à envisager votre licenciement.

Les explications que vous nous avez fournies lors de cet entretien n'ont pas été de nature à modifier notre appréciation des faits.

Dans votre fonction actuelle de Solutions Sales pour la zone Maghreb et Libye, nous vous reprochons de ne pas respecter les délais lors des remises des offres commerciales à nos clients.

A titre d'exemples :

-la réponse à l'offre de services de migration des serveurs « DSTK » pour le compte du client Meditelecom (Maroc) devait être rendue pour mi-août 2012. Vous n'avez répondu ni dans les temps impartis, ni aux nouvelles échéances successives fixées par votre manager. Cette tâche a dû être reprise par votre responsable hiérarchique pour garantir son exécution.

-la réponse à l'offre de services packagée « FaceboOk4Sim » pour le compte du client Tunisie Telecom devait être remise par vos soins le 14 septembre 2012. Après plusieurs relances de votre responsable hiérarchique, vous avez envoyé la réponse le 9 novembre 2012. Ce retard a pour effet de remettre en question le lancement de ce service auprès du client Tunisie Telecom en 2013. Votre responsable hiérarchique a dû formuler oralement des excuses au client et doit se déplacer en Tunisie mi-décembre pour tenter de débloquer la situation.- la réponse à la demande du client Meditelecom concernant l'offre GEMALTO « Personal Cloud Back Up », initialement formulée par le client le 27 septembre 2012 n'a toujours pas été remise au client à ce jour (le 10 décembre 2012), et ce malgré sept relances de votre manager.

La réponse à ces offres fait pleinement partie de votre fonction et relève de votre responsabilité. Ces retards répétés sur des offres commerciales différentes, ne sont pas acceptables.

Attendu que s'agissant de l'offre DSTK, l'employeur communique :

- un mail de son supérieur en date du 28 août constatant que l'offre du 20 juin 2012 nécessitait des ajustements et que [G] [M] était parti en vacances sans finaliser l'offre et qu'il avait dû la transmettre le 9 août

- des mails établissant qu'elle ne l'avait pas davantage été par la suite compte-tenu des ajustements demandés par le client, pour le 7 septembre 2012 puis le 10, puis pour les échéances successivement fixées

- qu'elle n'avait abouti que le 12 novembre 2012, le supérieur ayant repris l'opération ;

Attendu que [G] [M] objecte :

- qu'il n'est nullement justifié d'un délai fixé à la mi-août

- que son supérieur n'a apposé qu'une ultime retouche

- que le relais de salariés est chose courante pendant les congés

- que les courriers postérieurs avaient pour seul but de préparer le licenciement décidé pendant ses congés;

Attendu qu'il ressort des pièces produites que [G] [M] était chargé de la réalisation de cette offre ; que dans un mail du 10 septembre, il s'engageait à transmettre l'offre le jour même ; que le salarié n'oppose aucun argument sérieux justifiant par la suite ses retards successifs sur les ajustements postérieurs qui lui ont été demandés, son supérieur ayant finalement repris la main sur l'opération pour protéger la relation commerciale ;

Attendu que s'agissant de l'offre facebook4sim pour la Tunisie, l'employeur produit :

- un mail du supérieur fixant l'opération comme devant être réalisée mi septembre 2012

- les mails de relance faisant état de reports successifs, l'opération n'étant toujours pas menée à bonne fin le 26 octobre et n'étant réalisée que le 9 novembre 2012 ;

Attendu que [G] [M] conteste les faits, indique que son supérieur s'est emparé de son dossier, qu'il n'y avait aucune urgence, que le délai qui lui était imposé était impossible à respecter compte-tenu de la complexité de l'offre à établir et que personne n'attendait la remise d'une offre pour le 14 septembre ;

Attendu qu'il y a lieu de constater que [G] [M] à la réception du courrier du 5 septembre lui demandant de présenter une offre pour l'échéance 14/15 septembre n'a aucunement réagi en faisant valoir des arguments techniques rendant impossible la réalisation en une si brève échéance ; que par la suite, les mails adressés par le supérieur prouvent le report successif des échéances, lié à l'absence d'offre présentée par [G] [M] laquelle sera transmise finalement le 9 novembre ; que [G] [M] ne donne aucune explication sur l'origine de ces retards ;

Attendu que s'agissant de l'offre 'personal cloud back up', la SA GEMALTO communique

- le mail du supérieur du 27 septembre informant [G] [M] de la demande du client

- les mails faisant état de l'absence de prise en charge du projet, l'offre n'ayant in fine jamais été établie ;

Attendu que le salarié fait valoir que les échanges de mail font ressortir sa réactivité aux demandes du client et que le courriel de son supérieur le 22 octobre faisant état ' de deux points bouillants' ne concerne pas l'offre précitée ;

Attendu qu'il n'est pas discutable que cette mission a été confiée au salarié ; qu'en dépit des relances du supérieur faisant état du peu d'avancement du projet, il y a lieu de remarquer que [G] [M] ne conteste pas sérieusement ce point ; qu'il importe peu que cette offre n'ait pas été considérée comme faisant partie 'des deux points bouillants' dès lors qu'il s'agissait d'un projet devant également être traité, même s'il n'était pas prioritaire ; que le fait qu'aucun contrat n'ait été finalisé n'est pas de nature à dispenser en amont [G] [M] de ses tâches ;

2) sur le suivi des relations commerciales

'Outre ces retards, vous ne suivez pas avec rigueur et précision les relations contractuelles avec vos clients. Ainsi, vous n'avez pas anticipé le renouvellement des contrats commerciaux entre GEMALTO et le client INWI au Maroc qui arrivaient à échéance le 13 novembre 2012.

Depuis cette date GEMALTO ne peut plus facturer ses services vendus (OTA. MNO-Portal, Personal Data Protection). Ce manque de suivi d'anticipation de votre part a des conséquences importantes tant sur la qualité de1a relation commerciale que sur le montant de facturation possible. En l'occurrence, le montant associé au renouvellement des contrats en cours est d'environ 34 000 € par mois et GEMALTO constate un décalage préjudiciable dans la reconnaissance du chiffre d'affaires.'

Attendu que la SA GEMALTO reproche à [G] [M] de n'avoir pas renouvelé les contrats avec le client INWI comme il le lui était demandé dans un mail du 3 septembre 2012 avec une échéance fixée au 7 ; que cela n'a été fait que le 23 novembre 2012, alors que le terme des contrats était au 13 novembre 2012 ;

Attendu que [G] [M] fait valoir qu'il existait dans la société un service juridique, un service commercial, un service client et que l'employeur ne justifie la demande qui lui a été faite qu'au motif qu' 'il a un rôle dans le suivi administratif de la relation contractuelle' et qu'il a accepté cette tâche ; que le salarié remarque judicieusement que dans un mail du 26 octobre 2012, il lui était demandé de 'soutenir [R]', responsable commercial, ce qui laisse un doute sur la qualité des personnes chargées de prévoir et organiser le renouvellement des contrats, la circonstance que [G] [M] y soit associé du fait de ses compétences techniques étant admise mais sans pour autant que doive lui être reconnue la responsabilité fautive du non renouvellement des contrats à leur échéance ;

3) sur les lacunes de communication

'Par ailleurs, nous avons constaté des lacunes dans la manière dont vous communiquez avec les interfaces internes de GEMALTO, notamment la cellule de cotation appartenant au département GGS (Gemalto Global Services) et les responsables commerciaux (Account Managers) avec lesquels vous devez pourtant former un véritable binôme aux yeux des clients. Ces personnes se sont plaintes à plusieurs reprises de votre manque de fiabilité et de rigueur.

A titre d'exemple, concernant l'offre d'extension de licences de la solution «Device Management» permettant à l'opérateur Lybiana (Lybie) de fournir ce service à un nombre plus important d'abonnés, vous n'avez pas vérifié au préalable avec les équipes GGS la capacité de cette dite-plateforme à gérer ce nombre additionnel d'abonnés. Les équipes GGS ont dû retravailler techniquement la solution dans l'urgence afin de la rendre conforme à l'offre que vous aviez présentée au client. Par ailleurs vous n'avez pas produit auprès du Customer Service le « certificat d'acceptance » permettant à GEMALTO de déclencher la facturation associée au service. Ces deux manquements ont eu pour effet de retarder de 3 mois la possibilité de facturer au client le montant total de cette offre à hauteur de 360 000€. '

Attendu que la SA GEMALTO a communiqué un unique mail adressé au supérieur de [G] [M] lui demandant d'intervenir pour que [G] [M] cesse ses 'attaques incessantes' contre un salarié d'un autre service;

Attendu que dans le compte-rendu de l'entretien préalable, [G] [M] a reconnu son insuffisance en matière de communication avec les autres services ; qu'il indique aussi que sa carrière au sein de la société lui a valu certaines jalousies et qu'en réalité ses relations étaient particulièrement crispées avec un responsable commercial, M. [C] dont l'attitude à son égard n'était pas exempte de reproches, ce dernier le considérant comme un subordonné alors que les tâches devaient être effectuées 'en binôme' ; qu'il a été ainsi évincé de plusieurs réunions auxquelles il n'a pas été invité ; qu'il communique également tous les mails de sympathie reçus de ses collègues lorsqu'a été appris son licenciement ;

Attendu que s'agissant du contrat Lybiana, les mails communiqués traduisent comme le fait remarquer le salarié la dévolution d'une tâche de nature juridique pour laquelle il n'avait pas de connaissance spécifique, la société n'expliquant pas pourquoi cette réalisation du 'certificat d'acceptance' a été précisément confiée au salarié ;

4) le manque de suivi des facturations et des paiements ainsi que le manque de suivi de mise à jour de l'application CRM

'Enfin, nous avons constaté que les aspects récurrents, inhérents à la fonction de « Solutions Sales» tels que la mise à jour de l'application CRM permettant de fournir des prévisions de ventes, le suivi de facturation et des paiements, la rédaction du rapport mensuel... sont très peu mis à jour ou envoyés en dehors des délais impartis.

Ayant noté ces manquements dans l'exécution de votre fonction, votre responsable hiérarchique a mis en place depuis la fin du mois d'août 2012 un suivi hebdomadaire des actions que vous deviez mener pour vos clients actifs les plus importants.

Chaque semaine, une revue des actions était réalisée et un compte-rendu écrit vous était envoyé. Aucune amélioration tangible n'a été constatée, mais plutôt une grande réticence de votre part à mener à bien les actions. Votre performance professionnelle s'est dégradée tout au long de l'année 2012 et particulièrement au cours du deuxième semestre.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, nous avons décidé de rompre nos relations de travail et vous notifions par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle. '

Attendu que les relances du supérieur hiérarchiques sur ces points sont communiquées au débat; que l'employeur indique qu'il s'agissait pour lui de coaching ;

Attendu que l'entretien d'évaluation juin-déc 2011, bien que non traduit, démontre que la déficience en matière de tenue du CRM était déjà remarquée ; que ses fonctions s'agissant des contrats INWI, Tunisiana, tunisie Telecom, lybiana support étaient considérées achevées à 100 % s'agissant des objectifs 2 à 5 qui lui avaient été fixés ; que son comportement de travail était consigné comme constituant une 'development area' sans que soient mentionnés de faits négatifs ; qu'il lui était recommandé de mettre plus d'accent et d'énergie dans les actions avec les clients de même que dans le suivi interne, d'être davantage proactif et autonome dans son comportement de vendeur et de s'attacher aux grandes transactions de 2012;

Attendu que lors de l'entretien préalable, [G] [M] a reconnu ne pas voir été vigilant sur ces points et 'savoir qu'il a été toujours mauvais' sur l'application CRM ; qu'il a expliqué qu'il avait ressenti les plans d'action qui lui étaient notifiés avec des tâches à exécuter dans tel ou tel délai ainsi que la restitution hebdomadaire qui devait être faite par lui comme du 'flicage, du micro-ménagement' ou un 'traquenard pour justifier tout ce qui allait arriver derrière' ; qu'il a ajouté que 'le suivi des facturations ne lui incombait pas et ce d'autant que [R] [C] y passait 100% de son temps ' ; qu'il n'a pas contesté ne pas avoir respecté les rapports mensuels;

Attendu que de l'étude du dossier et des pièces communiquées, il ressort que [G] [M] était incontestablement un bon élément s'agissant des tâches qui lui étaient confiées et qui lui plaisaient ('conclure des deals', dépasser les objectifs qui lui étaient donnés, résultat de l'année 2012 atteint dès juillet) mais qu'il délaissait certaines missions lui convenant moins, n'était pas rigoureux dans la gestion des délais qui lui étaient donnés, avait des difficultés de communication avec des collègues avec lesquels il devait collaborer sans qu'il puisse être retenu que cela lui soit exclusivement imputable, et préférait manifestement travailler dans une autonomie relative s'affranchissant le plus possible des restitutions hiérarchiques ;

Attendu que son supérieur a à plusieurs reprises attiré l'attention de [G] [M] sur son comportement, attendant de lui qu'il 'se reprenne' ;

Attendu pour autant qu'il y a lieu de constater qu'il n'apparaît pas que pendant plus de 10 ans, son comportement professionnel ait généré le moindre reproche ; qu'il a au contraire été affecté dans plusieurs services différents ce qui requiert à chaque fois des qualités d'adaptation ; que l'évaluation de 2011 est très globalement bonne ; que les difficultés se sont cristallisées à partir de septembre 2012 ;

Attendu qu'il résulte de la lecture de l'entretien préalable que des incompréhensions mutuelles ont été exposées, [G] [M] considérant que certaines des tâches qui lui ont été confiées ne figuraient pas dans son ressort ou n'étaient pas exclusivement à sa charge alors que telle était la conception du supérieur sans que l'on comprenne exactement, en l'absence de toute fiche de poste des uns ou des autres, pourquoi un 'solution sales', ou vendeur de solution ou ingénieur d'affaires, soit précisément affecté à la réalisation de missions ressortant a priori davantage des services clients ou juridiques ou commerciaux;

Attendu que la société disposait d'un service de relations humaines, sa directrice ayant mené l'entretien préalable ; que l'on peut s'étonner qu'à aucun moment, et alors que le supérieur de [G] [M] l'avait saisie des difficultés qu'il rencontrait avec le salarié ,une mise en garde solennelle n'ait pas été faite à [G] [M], en attirant officiellement son attention sur ses lacunes récemment décelées et en l'invitant expressement à se reprendre ; que ce n'est qu'à l'occasion de l'entretien préalable dont le résumé fait 25 pages que pour la première fois, les problèmes ont été ouvertement abordés dans un cadre contradictoire permettant à chacun d'exprimer ses avis ;

Attendu dans ces conditions, que la cour estime, comme le conseil de prud'hommes que les motifs allégués à l'appui du licenciement que la cour ne retient pas intégralement, ne justifiaient pas la mise en oeuvre du licenciement pour insuffisance professionnelle ; qu'elle confirme le jugement sur ce point ;

B/ sur les conséquences

Attendu que [G] [M] sollicite en cause d'appel la somme de 150.000 € à titre de dommages-intérêts en raison de son ancienneté et de la perte financière importante qu'il a subie suite au licenciement alors que son salaire annuel en 2012 était de 48.072 € ; qu'il justifie avoir créé une société de conseil en systèmes et logiciels informatiques laquelle ne lui a pas généré de revenus ; qu'il indique avoir perdu son activité d'enseignant en novembre 2016 en raison du volume trop faible d'activité professionnelle parallèle ;

Attendu que la cour confirme la somme de 50.000 € allouée en application de l'article L 1235-3 justement appréciée par le conseil de prud'hommes ;

Attendu que [G] [M] ne justifie pas de conditions vexatoires particulières ayant accompagné la mesure de licenciement de sorte que la cour confirme la décision du conseil de prud'hommes lui ayant refusé une indemnité à ce titre ;

Attendu que [G] [M] indique que son licenciement lui a fait perdre une perte de chance de percevoir d'importants bonus auxquels il était éligible s'agissant des contrats DSTK MEDITEL et MONEY, FACEBOOKSIM4, LYBYANA ; qu'il sollicite une somme de 15.000 € à ce titre ; qu'il lavait perçu en 2011 une somme d'environ 1900 € ; que la lecture des plans de bonus 2012 révèle que la tenue régulière des CRM était une condition de même que le respect des délais ; qu'il était également prévu que les employés éligibles quittant l'entreprise perdent sans conditions leurs droits futurs à tout paiement de primes commerciales ; que dans ces conditions, [G] [M] ne justifie pas d'une perte de chance de perception d'un bonus ; qu'il convient de confirmer la décision de première instance ;

C/ sur les autres demandes

Attendu que le présent arrêt n'a aucune incidence sur l'attestation pôle emploi de sorte qu'il y a lieu de débouter [G] [M] de sa demande de ce chef, n'expliquant pas en quoi une modification serait nécessaire ;

Attendu qu'il y a lieu de confirmer la somme allouée au titre des frais irrépétibles en première instance ; qu'en cause d'appel, il convient de condamner la SA GEMALTO à lui payer la somme supplémentaire de 1500 € et de débouter l'appelante de sa demande de ce chef ;

Attendu que les dépens comme en première instance sont mis à la charge de la SA GEMALTO;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme intégralement le jugement

Par ajout

Déboute [G] [M] de sa demande d'une attestation pôle-emploi rectifiée

Condamne la SA GEMALTO à lui payer la somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La déboute de sa demande de ce chef

Condamne la SA GEMALTO aux dépens.

LE GREFFIERPour Mme LE LAY empéchée,

Mme POIRINE en ayant délibéré


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 17/07662
Date de la décision : 13/09/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°17/07662 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-13;17.07662 ?
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