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29/08/2019 | FRANCE | N°19/01595

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-4, 29 août 2019, 19/01595


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4



ARRÊT AU FOND

DU 29 AOUT 2019



N°2019/240



Rôle N° RG 19/01595 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDWE3



Société Anonyme SOCIETE ACADIAN ADVISORS & ASSOCIATES





C/



[I] [A] épouse [Z]

[O] [Z]

Société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED

SAS CAPITAL EVOLUTION PATRIMOINE - CEP -

Société QBE EUROPE SA/NVAYANT SON SIEGE [Adresse 1]



Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me JOURDAN

Me BRUZZO>
Me [M]

Me FICI

Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 14 Janvier 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018009165.



APPELANTE



Société A...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 29 AOUT 2019

N°2019/240

Rôle N° RG 19/01595 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDWE3

Société Anonyme SOCIETE ACADIAN ADVISORS & ASSOCIATES

C/

[I] [A] épouse [Z]

[O] [Z]

Société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED

SAS CAPITAL EVOLUTION PATRIMOINE - CEP -

Société QBE EUROPE SA/NVAYANT SON SIEGE [Adresse 1]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me JOURDAN

Me BRUZZO

Me [M]

Me FICI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 14 Janvier 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018009165.

APPELANTE

Société ACADIAN ADVISORS & ASSOCIATES

Prise en la personne de son représentant légal en exercice,

Dont le siège est [Adresse 2]

[Adresse 3]

représentée par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Fabien ARRIVAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Madame [I] [A] épouse [Z]

née le [Date naissance 1] 1955 à CHARLEVILLEMÉZIÈRES (08),

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Manon JACQUES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE substituant Me Philippe BRUZZO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [O] [Z]

né le [Date naissance 1] 1954 à ROUEN (76),

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Manon JACQUES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE substituant Me Philippe BRUZZO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Société QBE INSURANCE EUROPE LIMITED,

Prise en la personne de son représentant légal en exercice,

Dont le siège est [Adresse 5]

[Adresse 6]

représentée par Me Isabelle FICI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assisté de Me Arold HERMAN, avocat au barreau de PARIS

SAS CAPITAL EVOLUTION PATRIMOINE - CEP -

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

Dont le siège est sis [Adresse 7]

représentée par Me Joseph [M] de la SCP [M] PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

PARTIE INTERVENANTE

S.A. QBE EUROPE SA/NV

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 8]

[Adresse 6]

représentée par Me Isabelle FICI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assisté de Me Arold HERMAN, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Dominique PONSOT, Président, et Madame Anne FARSSAC, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Anne FARSSAC, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Dominique PONSOT, Président

Madame Anne CHALBOS, Conseiller

Mme Anne FARSSAC, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Rime GHORZI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Août 2019..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Août 2019.

Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Mme Rime GHORZI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

Vu le jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en date du 14 janvier 2019 qui a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée et s'est déclaré matériellement compétent en renvoyant la cause et les parties à une audience ultérieure,

- rejeté la demande de sursis à statuer,

- enjoint aux parties de conclure sur le fond,

- réservé les dépens ;

Vu la déclaration d'appel du 25 janvier 2019, par laquelle la SA Société Acadian Advisors & Associates a relevé appel de cette décision ;

Vu l'ordonnance en date du 29 janvier 2019 par laquelle le magistrat désigné par le premier président de la cour pour le suppléer en matière de requêtes, a autorisé la SA société Acadian Advisors & Associates à assigner à jour fixe, Mme [I] [N], M. [O] [Z], la société Capital évolution patrimoine et la société QBE Insurance Europe Limited, pour l'audience du 25 juin 2019 ;

Vu les dernières conclusions déposées le 20 juin 2019, aux termes desquelles la société Acadian Advisors & Associates demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en date du 14 janvier 2019 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

In limine litis et avant tout débat au fond,

A titre principal,

- dire et juger le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence incompétent matériellement au profit du tribunal correctionnel de Marseille,

A titre subsidiaire,

- prononcer le sursis à statuer de la présente instance pendante devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence dans l'attente des suites de la plainte pénale déposée par Mme [I] [N] et M. [O] [Z], et actuellement instruite M. [J] [R], procureur de la République à Marseille, sous le numéro de parquet 18 117/49,

En tout état de cause,

- dire et juger que l'appel qu'elle a interjeté n'est ni abusif, ni dilatoire,

- dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute en interjetant appel du jugement du tribunal de commerce du 14 janvier 2019,

- dire et juger que Mme [I] [N] et M. [O] [Z] ne justifient en outre d'aucun préjudice,

- débouter Mme [I] [N] et M. [O] [Z] de leurs demandes à son encontre de condamnation à une amende civile de 10 000 euros et à la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner Mme [I] [N] et M. [O] [Z] au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens de l'instance, en application des dispositions des articles 696 à 699 du code de procédure civile , distraits au profit de Me Jean-François Jourdan :

Vu les conclusions notifiées le 24 avril 2019, aux termes desquelles Mme [I] [N] et M. [O] [Z] demandent à la cour de :

- débouter la société Acadian Advisors & Associates de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la société Acadian Advisors & Associates à une amende civile de 10 000 euros pour procédure abusive sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile,

- condamner la société Acadian Advisors & Associates à leur payer la somme de 25 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par eux du fait de cet abus de procédure aux effets dilatoires,

- condamner la société Acadian Advisors & Associates à leur payer la somme de 3 225 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner en tous les dépens,

- dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par Me Philippe Bruzzo, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions notifiées le 24 mai 2019 aux termes desquelles la SAS Capital évolution patrimoine demande à la cour de :

- infirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :

- surseoir à statuer dans la présente instance dans l'attente que soit rendue une décision définitive dans l'instance pénale engagée devant le tribunal de grande instance de Marseille sur la plainte initiale des époux [Z],

- dire que la présente procédure sera retirée du rôle des affaires en cours et qu'elle sera rétablie devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence à la demande de la partie la plus diligente lorsque la cause du sursis aura disparu,

- condamner M. et Mme [Z] solidairement à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens de première instance et d'appel, que Me [M] pourra recouvrer selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions notifiées le 28 mai 2019, aux termes desquelles les sociétés QBE Insurance (Europe) Limited et QBE Europe SA/NV demandent à la cour de :

- infirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de sursis à statuer dans l'attente de la procédure pénale en cours,

Statuant à nouveau :

- recevoir QBE Europe SA/NV en son intervention volontaire et ordonner la mise hors de cause de QBE Europe (Insurance),

- statuer ce que de droit sur l'exception d'incompétence soulevée par Acadian,

- surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale actuellement menée par M. [J] [R], procureur de la République, dans l'affaire instruite sous le numéro de parquet 18117/49, à l'encontre de la société Kapito Canada (prise en la personne de son président, M. [C]), de M. [D] [F] (expert-comptable et commissaire aux comptes de la société Kapito Canada), ainsi qu'à l'encontre de M. [E] [C] eu égard à ses activités dans les sociétés Kapito Canada, Acadian, Roi Land Investments Ltd., pour des faits d'escroquerie, d'abus de confiance, d'abus de biens sociaux, d'information mensongère et de non-révélation de faits délictueux par le commissaire aux comptes,

- condamner in solidum la (ou les) partie(s) succombante(s) au versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700, outre le règlement des entiers dépens ;

SUR CE LA COUR

Attendu que le 19 février 2014 Mme [I] [N] a, par l'intermédiaire de la SA Acadian Advisors & Associates (AAA) souscrit à une augmentation de capital de la société Kapito Canada, à hauteur de 100 000 actions au prix unitaire d'un euro ; que son époux M. [O] [Z] a, le 20 mars 2014, souscrit à la même augmentation à hauteur de 300 000 euros ; que cet investissement leur avait été présenté par Mme [U] [K], conseiller en gestion de patrimoine au sein de la société Rome Finance Investissement qu'ils avaient contactée afin de placer leur épargne ;

Que la société Rome Finance Investissement, devenue la SAS Capital évolution patrimoine (CEP), bénéficie d'une assurance responsabilité civile professionnelle souscrite auprès de QBE Insurance Limited ;

Que le 8 septembre 2017 M. et Mme [Z] ont mis en demeure M. [E] [C], en qualité de président de Kapito Canada, de leur restituer le capital ainsi que les intérêts minimum prévus, au plus tard le 31 octobre 2017 :

Que le 20 avril 2018 M. et Mme [Z], et d'autres investisseurs, ont déposé plainte entre les mains du procureur de la République de Marseille à l'encontre de la société Kapito Canada et de M. [E] [C] pour escroquerie, abus de confiance et abus de biens sociaux, et à l'encontre de M. [D] [F] expert-comptable et commissaire aux comptes de la société Kapito Canada, pour information mensongère et non révélation de faits délictueux par le commissaire aux comptes ;

Qu'invoquant, en premier lieu, un conflit d'intérêts entre les sociétés de conseil en investissement financiers CEP et AAA avec les sociétés dans lesquelles ils ont investi à savoir les sociétés Kapito Canada et Roi Land Investments Ltd, en raison de l'intervention de M. [C] dans différentes sociétés, en second lieu, un manquement des sociétés CEP et AAA à leurs obligations d'information et de conseil, M. et Mme [Z] ont, par actes d'huissier en date des 2 et 5 novembre 2018, fait assigner les sociétés CEP, AAA et QBE Insurance Europe limited devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence pour obtenir leur condamnation solidaire à leur payer la somme de 420 270 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice tenant à une perte de chance d'avoir pu souscrire un placement sécurisé pour s'assurer des compléments de revenus en sus de leur retraite ;

Que par le jugement entrepris, le tribunal de commerce a rejeté l'exception d'incompétence au profit du tribunal correctionnel de Marseille, soulevée par la société AAA et rejeté la demande de sursis dans l'attente de la décision de la juridiction pénale sur la plainte déposée par les époux [Z] formée par les sociétés AAA, CEP et QBE Insurance Europe Limited ;

***

Attendu que la Société QBE Europe SA/NV expose que toutes les activités et engagement de la succursale en France de la société QBE Insurance Europe Limited ont été transférées à sa succursale en France ; que l'avis de transfert a été publié au JORF du 30 novembre 2018 ;

Qu'elle demande, à la suite du transfert de portefeuille intervenu le 1er janvier 2019 que son intervention soit reçue aux lieu et place de la société QBE Insurance Europe Limited, cette dernière sollicitant sa mise hors de cause ;

Attendu que l'intervention volontaire de la société QBE Europe SA/NV (la société QBE), sera déclarée recevable ; que la société QBE Insurance Europe Limited sera mise hors de cause ;

Sur l'exception d'incompétence

Attendu que la société AAA fait valoir que M. et Mme [Z] demandent la réparation des mêmes préjudices, à savoir la perte de leur investissement, devant la juridiction répressive par la plainte qu'ils ont déposée le 20 avril 2018 et devant la juridiction commerciale ; que, selon elle, un même préjudice ne peut avoir plusieurs responsables ; que deux demandes indemnitaires identiques étant formées devant deux juridictions différentes, seule la première saisie est compétente pour statuer sur les demandes de dommages et intérêts formées par les époux [Z] ; qu'elle estime indifférent le fait que M. [C] ne soit pas dans la cause devant le tribunal de commerce ; qu'elle relève que, selon les époux [Z], la faute commise par les sociétés de conseil en investissements financiers proviendrait du prétendu conflit d'intérêt de M. [E] [C] et donc des fautes pénales reprochées à ce dernier ;

Que la société QBE Europe SA/NV s'en rapporte à justice sur cette exception ; que la société CEP n'y consacre aucun développement ;

Qu'en réponse M. et Mme [Z] font valoir que le litige est relatif aux manquements d'une SA et d'une SAS à leurs obligations professionnelles dans l'exercice de leur activité de conseiller en investissements financiers, susceptibles d'engager leur responsabilité professionnelle, et que le tribunal de commerce est matériellement compétent ; que l'argumentaire de AAA aux termes duquel ils solliciteraient l'indemnisation d'un même préjudice que devant la juridiction pénale est faux et inopérant ;

Attendu que l'action en responsabilité engagée par M. et Mme [Z] à l'encontre des sociétés de conseils en investissement et de leur assureur est de la compétence de la juridiction du tribunal de commerce ;

Qu'en tout état de cause, l'action civile en réparation du dommage causé par une infraction peut être exercée devant une juridiction civile ou commerciale, séparément de l'action publique ;

Que le jugement en ce qu'il a rejeté cette exception d'incompétence sera confirmé ;

Sur le sursis à statuer

Attendu que les sociétés CEP, AAA et QBE Europe SA/NV poursuivent l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer ;

Que la société AAA fait valoir que la faute qui lui est reprochée ainsi qu'à CEP serait de ne pas avoir exposé aux époux [Z] le conflit d'intérêt existant entre elles et la société Kapito Canada, lequel conflit résulterait lui-même des interventions de M. [E] [C] au sein des sociétés AAA, CEP, Roi Land Investments Ltd, Kapito Canada et le fonds Azur et Capital ;

Qu'elle estime que le conflit d'intérêts, dont ils accusent M. [C] et qui serait constitutif de sa faute pénale, dépendra de la solution qui sera donnée par la juridiction pénale à la plainte des époux [Z] et dont est saisi un juge d'instruction au vu de leurs dernières écritures ;

Qu'elle en déduit qu'il doit être sursis à statuer, en application de l'article 4 alinéa 2 du code de procédure pénale et du principe selon lequel le criminel tenant le civil en l'état, peu important que M. [C] ne soit pas partie à la procédure initiée devant le tribunal de commerce, la faute reprochée à AAA en dépendant ;

Que la société QBE fait valoir que le sursis à statuer est justifié par l'existence d'une instance pénale dont l'issue est susceptible d'exercer une influence réelle sur celle dont le juge est saisi et que l'identité d'objet et de cause ne sont pas des conditions d'application de l'article 4 du code de procédure pénale ; que selon elle, l'influence peut être directe ou indirecte ;

Qu'elle estime que si le tribunal correctionnel retenait la culpabilité de M. [C] et/ou de la société Kapito Canada il est évident qu'il s'agirait d'une situation difficilement prévisible pour un simple intermédiaire ; qu'elles soutiennent que le préjudice subi par les époux [Z], à savoir l'absence de reversement des fonds investis, est en lien direct avec la gestion de la société Kapito Canada et des investissements effectués par M. [C] ; qu'elle souligne que les agissements de M. [C] au sein de la société AAA, partie à l'instance seront également observés dans le cadre de l'instruction ;

Que la CEP relève que le fondement de l'action, soit l'article 1240 du code civil, est purement délictuel ; qu'elle souligne que la décision attendue du juge civil n'est pas justifiés par d'autres éléments d'importance autres que ceux déjà concernés par l'action publique ; que la plainte vise expressément M. [C] , les sociétés de conseil, les cibles d'investissement et le commissaire aux comptes de Kapito Canada ; qu'il y a entre les deux actions une identité de cause et d'objet, les fondements étant identiques en fait et la réparation d'un préjudice correspondant au montant des investissements [Z] recherchée ; qu'elle estime qu'il y a également une identité de parties puisque la plainte vise aussi 'toute personne que l'enquête permettra de déterminer' ; qu'elle en déduit qu'il ne fait aucun doute que CEP sera visée ou du moins questionnée dans le cadre de la procédure pénale ;

Qu'elle souligne qu'après avoir invoqué une instruction de la plainte par le procureur les époux [Z] mentionnent l'existence d'une procédure pénale ouverte auprès d'un juge d'instruction du tribunal de grande instance de Marseille, de sorte que l'action publique aurait été mise en mouvement ;

Qu'elle estime que le sursis à statuer s'impose en application de l'article 4 alinéa 2 du code de procédure pénale ou subsidiairement doit être prononcé dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ;

Qu'en réponse M. et Mme [Z] soutiennent que l'issue de la demande formée à l'encontre des sociétés CEP et AAA, attraites devant le tribunal de commerce, n'est pas susceptible d'être influencée par le jugement pénal, M. [C] n'étant pas partie à la présente procédure ;

Qu'ils font valoir que les infractions pénales reprochées à M. [C] par des actionnaires des sociétés dont il est le dirigeant, doivent être distinguées des manquements à leurs obligations professionnelles reprochés aux sociétés CEP et AAA, en leur qualité de conseillers en investissements financiers, pour n'avoir pas évoqué à leurs clients le conflit d'intérêt avec les sociétés dans lesquelles [E] [C] détient des intérêts ; qu'ils soulignent que les parties sont distinctes, les bénéficiaires des indemnités réclamées également puisque devant le tribunal correctionnel ce sont les sociétés dirigées par P. [C] qui pourront en être destinataires ;

Qu'ils estiment que l'intérêt d'une bonne justice de statuer dans les meilleurs délais s'oppose au sursis, compte l'urgence qui résulte des conséquences des fautes commises par CEP et AAA sur leur capital retraite ;

Qu'ils précisent que les griefs formulés par des actionnaires à l'encontre des organes de gestion sont étrangers au dommage dont ils poursuivent réparation devant la juridiction commerciale et que les escroqueries, abus de confiance, etc visés dans la plainte n'ont pas d'influence ni directe ni indirecte sur les manquements à une obligation de conseil et de renseignement reprochée par des investisseurs à l'intermédiaire avec lequel ils ont contracté ;

Attendu que l'article 4 du code de procédure pénale dispose : L'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique.

Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.

La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

Qu'il résulte de ces dispositions que la mise en mouvement de l'action publique et, a fortiori, le simple dépôt d'une plainte pénale n'imposent pas la suspension du jugement des actions à fin civile autres que celle en réparation du dommage causé par l'infraction, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer une influence sur la solution du procès civil ;

Que M. et Mme [Z] ont, ainsi que d'autres investisseurs, déposé une plainte entre les mains du procureur de la République de Marseille à l'encontre de la société Kapito Canada, M. [E] [C], M. [D] [F] et toutes autres personnes que l'enquête permettra de déterminer, pour escroquerie, abus de confiance, abus de biens sociaux ainsi que pour information mensongère et non révélation de faits délictueux par le commissaire aux comptes ;

Que la mise en mouvement de l'action publique ne saurait se déduire de la seule mention dans les écritures des époux [Z] de 'l'existence d'une procédure pénale ouverte auprès d'un juge d'instruction du tribunal de grande instance de Marseille à l'encontre notamment de M. [E] [C]', sans mention du juge qui serait saisi ni aucune référence, alors qu'ils indiquent dans les mêmes conclusions que leur 'plainte est actuellement instruite par M. [J] [R], procureur de la République (N° parquet 18 177/49)' ;

Qu'en l'absence de justification de mise en mouvement de l'action publique, le jugement entrepris sera également confirmé, en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer ;

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive et l'amende civile

Attendu que les époux [Z] requièrent la condamnation de AAA à une amende civile ainsi qu'à des dommages et intérêts pour procédure abusive ; qu'ils font valoir que cette société s'évertue à arguer d'une incompétence matérielle du tribunal de commerce sans fonder ses demandes sur le code de procédure civile ou le code de commerce et à soutenir qu'ils demandent réparation d'un même préjudice devant les juridictions pénales et commerciales alors que les fautes motivant les préjudices évoqués sont différentes, de même que les liens de causalité, de sorte que l'appel est abusif et a généré un retard de 10 mois, alors qu'ils avaient sollicité devant le président du tribunal de commerce la possibilité d'assigner à bref délai compte tenu de l'urgence ;

Qu'en réponse, la société AAA conteste tout abus du droit d'appel et soutient avoir justifié ses demandes en droit et en fait ; qu'elle estime que le tribunal de commerce n'a pas répondu aux moyens qu'elle avait soulevée ; qu'elle soutient que les époux [Z] sont responsables de leur choix procédural consistant à saisir le tribunal de commerce d'une même demande indemnitaire que celle formée dans leur présentée dans la procédure pénale qu'ils ont initiée antérieurement ; qu'elle fait valoir que ne sont établies ni un dol ni sa mauvaise foi manifeste ; qu'elle estime que le préjudice allégué de 25 000 euros n'est aucunement démontré ;

Attendu qu'aux termes de l'article 559 du code de procédure civile, en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêt qui seraient réclamés ;

Que M. et Mme [Z], qui ne démontrent pas l'existence d'une faute de la société AAA faisant dégénérer en abus son droit d'exercer une voie de recours, seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts ; que le prononcé d'une amende civile n'est pas davantage justifié ;

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Attendu que les sociétés AAA, CEP et QBE, qui succombent, seront in solidum condamnées aux dépens d'appel ; que leurs prétentions sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront pour ce motif rejetées ;

Qu'il serait inéquitable que M. et Mme [Z] conservent la charge des frais non compris dans les dépens, exposés en cause d'appel ; que la société AAA sera condamnée à leur payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement

Déclare l'intervention volontaire de la société QBE Europe SA/SV recevable,

Met hors de cause la société QBE Insurance Europe limited

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence le 14 janvier 2019 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [O] [Z] et Mme [I] [N] de leurs demandes de dommages et intérêts et de prononcé d'une amende civile,

Condamne la société Acadian Advisors & Associates, à payer à M. [O] [Z] et Mme [I] [N] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les sociétés Acadian Advisors & Associates, Capital Evolution Patrimoine et QBE Europe SA/SV de leurs prétentions au même titre,

Condamne in solidum la société Acadian Advisors & Associates, la société Capital Evolution Patrimoine et la société QBE Europe SA/SV aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Bruzzo ;

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-4
Numéro d'arrêt : 19/01595
Date de la décision : 29/08/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°19/01595 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-08-29;19.01595 ?
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