La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/07/2019 | FRANCE | N°17/09910

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 26 juillet 2019, 17/09910


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 26 JUILLET 2019



N° 2019/ 227



RG 17/09910

N° Portalis DBVB-V-B7B-BASY2







SARL ARCAN ARCHITECTURE





C/



[O] [V]

























Copie exécutoire délivrée

le :



à :





Me Luc BERGEROT, avocat au barreau de MARSEILLE





Me Juliette GOLDMANN, avoca

t au barreau de MARSEILLE

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 26 Avril 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/01263.





APPELANTE



SARL ARCAN ARCHITECTURE, demeurant [Adresse 1]



représ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 26 JUILLET 2019

N° 2019/ 227

RG 17/09910

N° Portalis DBVB-V-B7B-BASY2

SARL ARCAN ARCHITECTURE

C/

[O] [V]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Luc BERGEROT, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 26 Avril 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/01263.

APPELANTE

SARL ARCAN ARCHITECTURE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Luc BERGEROT, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Muriel DROUET, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [O] [V], née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Juliette GOLDMANN de la SELARL GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Juillet 2019.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Juillet 2019

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

[O] [V] a été engagée par la SARL ARCAN ARCHITECTURE suivant contrat à durée indéterminée du 2 avril 2013 en qualité d'architecte ;

Elle a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire le 2 décembre 2015 ;

[O] [V] a saisi le 25 mai 2016 le conseil de prud'hommes d'une demande d'annulation de la sanction et d'une résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

[O] [V] a été déclarée inapte à son poste de travail le 23 décembre 2016 ;

Elle a été licenciée par courrier du 16 février 2017 pour inaptitude et impossibilité de reclassement;

Par jugement en date du 26 avril 2017, le conseil de prud'hommes de Marseille a :

- jugé la mise à pied irrégulière

- jugé la convention de forfait irrégulière

- jugé que [O] [V] a accompli des heures supplémentaires

- jugé que la SARL ARCAN ARCHITECTURE n'a pas respecté ses obligations légales en termes de respect des durées maximales et d'absence de charge de travail à l'égard de [O] [V]

- jugé que les manquements reprochés par [O] [V] présentent les caractères de gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur

- jugé que la SARL ARCAN ARCHITECTURE a eu recours au travail dissimulé

- condamné la SARL ARCAN ARCHITECTURE à payer les sommes suivantes :

* 839,47 € à titre de rappel de salaire relative à la mise à pied

* 83,95 € au titre des congés payés afférents

* 30.753 € au titre du rappel d'heures supplémentaires

* 3075,30 € au titre des congés payés afférents

* 4021,42 € au titre des contreparties obligatoires en repos

* 402,14 € au titre des congés payés afférents

* 30.108 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 15.055,14 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 1502,52 € à titre de congés payés afférents

* 4014,71 € à titre d'indemnité légale de licenciement

* 3178,31 € à titre d'indemnité de congés payés

* 30.108 € pour travail dissimulé

* 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens

- condamné la SARL ARCAN ARCHITECTURE remettre sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification du jugement les documents post contractuels, à savoir les bulletins de paie rectifiés, le certificat de travail et l'attestation pôle-emploi, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification du jugement à régulariser la situation auprès des organismes sociaux,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision

- fixé les intérêts à compter de la demande en justice avec capitalisation.

La SARL ARCAN ARCHITECTURE a relevé appel de la décision le 23 mai 2017 ;

Par ordonnance en date du 12 janvier 2018, le magistrat de la mise en état s'est déclaré incompétent pour statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la SARL ARCAN ARCHITECTURE ;

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 avril 2019 ;

Selon ses conclusions en date du 29 novembre 2017, la SARL ARCAN ARCHITECTURE demande à la cour :

Vu les articles 122, 564, 771 et 907 du Code de procédure civile,

Vu l'article 25 du Code de déontologie des architectes,

Vu les articles L.1226-1 et suivants du Code du travail dans leurs versions applicables au présent litige,

Vu la Convention collective des entreprises d'architecture,

Vu les pièces produites aux débats,

- Entendre la Cour,

- Dire et juger l'appel interjeté par la société ARCAN ARCHITECTURE recevable,

- Réformer le jugement du Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE du 26 avril 2017 en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

- Dire et juger irrecevables l'ensemble des demandes de Madame [V] compte tenu de la fin de non recevoir tirée de l'absence de saisine du Conseil régional de l'ordre des architectes préalablement à la saisine de la juridiction prud'homale,

- Dire et juger irrecevables les demandes nouvelles de Madame [V] relatives à la contestation du licenciement, aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'elle sollicite à ce titre, à l'indemnité de préavis et aux congés payés sur préavis,

- Dire et juger la mise à pied disciplinaire régulière et bien-fondée,

- Dire et juger la convention de forfait de Madame [V] régulière,

- Dire et juger que Madame [V] n'a pas accompli d'heures supplémentaires,

- Dire et juger que la société ARCAN ARCHITECTURE a respecté ses obligations légales en termes de respect des durées maximales et d'absence de surcharge de travail,

- Dire et juger la société ARCAN ARCHITECTURE n'a pas manqué gravement à ses obligations contractuelles de sorte que Madame [V] ne peut pas solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail,

- Dire et juger le licenciement pour inaptitude bien-fondé,

- Dire et juger que la société ARCAN ARCHITECTURE n'a pas eu recours au travail dissimulé,

En conséquence,

- Débouter Madame [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner en tout état de cause Madame [V] à payer à la société ARCAN ARCHITECTURE la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens

Selon ses conclusions en date du 30 novembre 2017, [O] [V] sollicite de la cour qu'elle :

Vu l'article 34 de la Constitution,

Vu l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales

Vu les articles L. 1411-1, L. 1411-4, L. 4121-1, L. 1235-3, L.1234-9 et R.1234-2 du Code du Travail,

Vu l'article 1184 du Code Civil,

Vu l'article 565 du Code de Procédure Civile,

Vu le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail,

Vu la convention collective nationale des entreprises d'architecture,

Vu les jurisprudences précitées,

Vu les pièces versées aux débats et les explications qui précèdent,

- rejette les fins de non-recevoir soulevées par la société ARCAN ARCHITECTURE.

- dise Madame [V] recevable et bien fondée en son action.

- déboute la Société ARCAN ARCHITECTURE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions sauf sur le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité légale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de congés payés et en ce qu'il a débouté Madame [V] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice subi à raison de la surcharge de travail, du non-respect des durées maximales hebdomadaires de travail et de l'obligation de sécurité de résultat.

A ajoute et statue à nouveau

- dise que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat à raison du non-respect des durées maximales hebdomadaires de travail et d'une surcharge de travail.

En conséquence :

- condamne la Société ARCAN ARCHITECTURE au paiement de la somme de 5 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi à raison de la violation de l'obligation de sécurité de résultat.

A titre principal,

- prononce, en conséquence des manquements graves de la société ARCAN ARCHITECTURE, la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [V] à ses torts exclusifs.

- dise que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence :

- condamne la société ARCAN ARCHITECTURE au paiement de la somme suivante :

-50 183,84 € à titre de dommages-intérêts pour rupture du contrat de travail équivalente en ses effets à un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l'article L.1235-3 du Code du Travail.

A titre subsidiaire :

- dise que la cause de l'inaptitude est la conséquence des manquements l'employeur à son obligation de sécurité de résultat.

En conséquence :

- dise et juge le licenciement de Madame [V] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- condamne la société ARCAN ARCHITECTURE au paiement des sommes suivantes :

- 15 055,14 €à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 505,52 €à titre d'incidence congés payés sur indemnité précitée,

- 50 183,84 €à titre de dommages-intérêts pour rupture du contrat de travail équivalente en ses effets à un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l'article L.1235-3 du Code du Travail.

En tout état de cause,

- dise y avoir lieu à rappel d'un solde d'indemnité compensatrice de congés payés et d'indemnité légale de licenciement.

En conséquence :

- condamner la société ARCAN ARCHITECTURE au paiement de la somme de :

- 478,96 € au titre du solde de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- 2 152,35 € au titre du solde de l'indemnité légale de licenciement.

- condame en outre la Société ARCAN ARCHITECTURE au paiement de la somme de 3 000 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais exposés à hauteur de Cour.

- condamne la Société appelante aux dépens.

MOTIFS

A/ sur la fin de non recevoir tirée de l'absence de saisine préalable du Conseil régional de l'Ordre des architectes

Attendu que la SARL ARCAN ARCHITECTURE se prévaut de l'article 25 du code de déontologie des architectes qui dispose : 'tout litige entre architectes concernant l'exercice de la profession doit être soumis au Conseil régional de l'Ordre aux fins de conciliation avant la saisine de la juridiction compétente' ; qu'elle conclut que [O] [V], inscrite au tableau des architectes, contestant ses conditions d'exercice au sein de la SARL ARCAN ARCHITECTURE, inscrite également au tableau des architectes, se devait de saisir préalablement cette instance;

Attendu que l'article 25 du code de déontologie est inséré dans une section dénommée : devoirs envers les confrères ; que les articles 17 à 24 énoncent un certain nombre de règles traitant des rapports entre architectes libéraux et possiblement concurrents et excluent la sphère de rapports professionnels dans le cadre du salariat comme le plaide à bon droit [O] [V] ;

Attendu qu'il y a donc lieu de rejeter la fin de non recevoir pour défaut de consultation du Conseil régional ;

B/ Sur la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes nouvelles en cause d'appel

Attendu qu'à ce titre, la SARL ARCAN ARCHITECTURE observe qu'en violation de l'article 564 du code de procédure civile, [O] [V] a en cause d'appel soutenu pour la première fois que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse alors qu'elle se devait d'en saisir le conseil de prud'hommes ;

Attendu qu'il y a lieu d'observer que le licenciement de [O] [V] est intervenu alors que les débats devant le conseil de prud'hommes avaient eu lieu et donc pendant le temps du délibéré ;

Attendu que [O] [V] souligne à bon droit que l'article 45 du décret 2016-660 du 20 mai 2016 supprimant la règle de l'unicité de l'instance et instaurant en corollaire l'irrecevabilité des nouvelles demandes en cause d'appel n'est applicable qu'aux instances introduites à compter du 1er août 2016 ; qu'en l'espèce, la saisine du conseil de prud'hommes étant intervenue le 25 mai 2016, la fin de non-recevoir soutenue par la SARL ARCAN ARCHITECTURE doit être rejetée ;

C/ sur la convention de forfait et les horaires de travail

Attendu que la clause contractuelle relative à la durée du travail prévoyait : 'compte-tenu de la haute technicité et du degré d'initiative que requiert le poste confié à [O] [V], celle-ci n'est pas astreinte à un horaire précis mais devra effectuer un minimum de 151,67 h par mois et devra consacrer le temps nécessaire au bon exercice de ses fonctions'

Attendu que le contrat prévoyait 'une rémunération fixe et forfaitaire mensuelle payable sur 12 mois de 3294,76 € pour 151,67 h par mois, réglés chaque fin de mois et incluant la rémunération des heures supplémentaires que la salariée sera amenée à effectuer compte-tenu de ses fonctions et responsabilités' ;

Attendu que la SARL ARCAN ARCHITECTURE reconnaît la maladresse de la rédaction mais soutient qu'en pratique le forfait était de 151,67 h et qu'un décompte du temps de travail était établi par le salarié et transmis à l'employeur de sorte qu'aucun paiement pour heure supplémentaire n'était inclus dans la rémunération, le tout conformément aux dispositions de la convention collective des entreprises d'architecture qui prévoit :

'Compte-tenu de l'activité et de l'organisation de l'entreprise, il existe une catégorie de salariés qui n'est pas soumis à un horaire pré-déterminé ; sont concernés les salariés cadres et non cadres itinérants et dont le coefficient hiérarchique est égal ou supérieur à 370 de la grille de classification ; pour ceux-ci, il est mis en place dans le cadre d'une convention individuelle un forfait mensuel de 151,67h maximum ou annuel de 1600 h maximum ;

Le premier jour de chaque mois, ils devront remettre à la direction un relevé d'heures accomplies au cours du mois précédent ; ce relevé établi par auto-déclaration devra en particulier mentionner les durées quotidiennes et hebdomadaires de travail réalisées par le salarié ; ce relevé fera l'objet d'une analyse conjointe afin que puissent être identifiés et traités les éventuels non respects des limites quotidiennes et hebdomadaires légales' ;

Attendu que la clause telle qu'elle était rédigée permet de considérer que d'une part, les heures supplémentaires n'étaient pas à exclure et d'autre part qu'elles ne donneraient lieu à aucun paiement distinct, la rémunération prévue correspondant à l'horaire légal mensuel ;

Attendu que dans ces conditions, la clause insérée n'a rien d'une convention de forfait laquelle ne se présume pas, et faute d'être claire dans sa définition, ne peut être opposée à [O] [V] laquelle est fondée sur le principe à réclamer le paiement d'heures supplémentaires ;

Attendu qu'aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Attendu que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucun des parties, et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;

Attendu que [O] [V] sollicite la confirmation du jugement lui ayant alloué la somme de 30.753 € à titre de rappel de paiement d'heures supplémentaires outre les congés payés afférents, la société contestant pour sa part que la salariée ait réalisé la moindre heure supplémentaire ;

Attendu que pour étayer sa demande, [O] [V] communique :

- ses agendas où elle notait ses horaires

- ses cahiers dans lesquels elle notait son activité quotidienne

- des tableaux descriptifs de ses activités quotidiennes entre juin et décembre 2015

- des tableaux précis établis à partir de ses agendas récapitulant pour chaque journée de travail de 2013 à 2015 ses horaires et ses temps de repas ;

- un tableau expliquant le nombre d'heures réclamées et le rappel correspondant

- des attestations de collègues et de son entourage corroborant selon elle ses affirmations (Mme [R], Mme [H], Mme [P], Mme [Z], toutes anciennes collègues, Mme [B] et Mme [J] (amies)

- des feuillets explicatifs sur les annotations contenues dans son agenda mentionnant des rendez-vous à caractère personnel, et des attestations indiquant que lorsque figuraient des rendez-vous médicaux pour ses enfants, ceux-ci s'y rendaient seuls ;

Attendu que [O] [V] présente ainsi des éléments susceptibles d'être discutés par l'employeur ;

Attendu que pour sa part, la SARL ARCAN ARCHITECTURE objecte :

- que [O] [V] devait travailler 151,67 h par mois mais en organisant comme elle l'entendait son travail

- qu'il y a lieu de différencier temps de travail et temps de présence dans l'entreprise

- que pendant son temps de présence, [O] [V] vaquait très régulièrement à ses activités personnelles

- que lors de son engagement, il lui a été présenté les systèmes de décompte du temps de travail

constitués par le registre de pointage rempli par le salarié sur le mode suivant ; 7 h de travail, soit une journée = 4 unités, 1 unité représentant 1h45

- qu'il existait également un plan de charge individuel permettant de corréler le temps de travail prévu sur un projet et le temps de travail réellement effectué

- que la salariée avait à sa disposition un agenda sur lequel elle mentionnait ses déplacements

- que pendant 3 ans, [O] [V] a sans cesse déclaré qu'elle avait travaillé à raison de 4 unités par jour, soit 35 h hebdomadaires

- qu'aucun relevé ne porte mention d'une quelconque heure supplémentaire

- que les attestations produites vont à l'encontre des affirmations de [O] [V] selon lesquelles ces relevés ne servaient qu'à la facturation par référence au temps passé par projet

- qu'il a fallu attendre 3 ans pour émettre une revendication à ce sujet, et 5 mois de plus pour fournir un pseudo décompte

- que les agendas fournis par [O] [V] n'ont jamais été soumis à l'employeur

- que de nombreux rendez-vous mentionnés sont à caractère personnel : banque, médecins, [O] [V] dans son décompte n'hésitant pas revendiquer pour ces mêmes journées des heures supplémentaires sans défalquer le temps passé à des occupations personnelles

- que par ailleurs, elle utilisait l'ordinateur ou le scanner à des fins personnelles comme l'établissent certains documents produits au débats (scan d'un relevé scolaire de sa fille, lecture de fichiers sans lien avec le travail, édition de flyers)

- que [O] [V] a ainsi artificiellement augmenté ses temps de travail n'hésitant pas à comptabiliser en temps de travail les sorties, loisirs et repas partagés

- que les cahiers d'activité ne révèlent pas davantage l'existence d'heures supplémentaires

- qu'elle cite plusieurs exemples à partir des pièces remplies par [O] [V] d'où il ressort que les déclarations de la salariée sont manifestement incohérentes et relèvent du mensonge : : ex semaine du 20 au 24 avril 2015 : relevé d'activité sur le cahier mentionné par elle : 35 h ; relevé sur l'agenda transmis un an plus tard : 52h45

- que les attestations des personnes ayant témoigné en faveur de [O] [V] émanent de personnes n'ayant souvent travaillé que quelques mois et ne se rapportent pas forcément à [O] [V]

- qu'elle verse pour sa part diverses attestations qui établissent la très grande flexibilité des horaires mis en place, les heures travaillées le soir n'étant que du rattrapage des heures non accomplies dans la journée et ne pouvant être considérées comme des heures supplémentaires

-que la salariée gérait moins de projets que ses collègues, pourtant parfois moins expérimentés qu'elle

- que [O] [V] n'ayant jamais disposé des clés de l'entreprise, ses affirmations sur ses horaires tardifs sont peu crédibles ;

Attendu que la confrontation des attestations laisse effectivement entendre, que conformément au fonctionnement assez habituel des cabinets d'architecture, la flexibilité des horaires était la règle, accompagnée d'une tolérance pour les contraintes personnelles pouvant justifier une interruption du travail à condition que le salarié respecte la durée mensuelle du travail ;

Attendu que l'examen des attestations versées par la salariée permet de constater que très peu sont consacrées aux horaires de [O] [V] et sont assez imprécises :

- Mme [R], employée pendant quelques mois en 2013 et 2014 : '[O] [V] faisait énormément d'heures, le soir principalement .. Avec les heures que [O] faisait, le boulot énorme qu'elle abattait, j'aurai craqué depuis bien longtemps' ;

- Mme [P] : 'quitter le bureau à 20h après une journée de 9 ou 10 h était courant ; il en allait de même pour tous les employés y compris [O] [V]' ;

- Mme [B], amie : '[O] m'a fait part à plusieurs reprises de l'allongement de ses horaires de travail depuis son arrivée ; elle me confiait que pendant l'été cette surcharge de travail était mécaniquement accrue par le départ en congés de ses collègues ;dont elle assurait l'intérim en plus de son travail déjà très chargé ; à la demande de [O], son fils [W] venait à mon domicile après le collège ; [O] venait le chercher au mieux à 20h30' ;

Attendu que celles versées par l'employeur sont plus détaillées notamment sur le fonctionnement de l'entreprise :

- M. [U], employé depuis 10 ans, en binôme avec [O] [V] sur les dossiers de maintenance des lycées du Var : 'les horaires flexibles permettent d'organiser nos plannings à la convenance de nos partenaires et clients ; la profession oblige à avoir une forte flexibilité qui est commune à toutes les entreprises de la profession ; flexibilité qui par ailleurs est transcrit dans l'agenda de Mme [V], qui traite pendant les heures de travail ces affaires personnelles à plusieurs reprises et rattrape ces heures le soir ce qui est tout à fait honorable mais à mon sens, cela ne s'appelle pas heures supplémentaires; de ce fait, les personnes de passage dans l'entreprise, comme la plupart de témoins de Mme [V] ne connaissent pas le planning journalier de Mme [V] et donc ne peuvent pas savoir si les heures tardives au bureau constituent des heures supplémentaires ou des heures de rattrapage ; ...j'ai la sensation qu'elle se permet de vouloir bénéficier seule du fruit de notre travail à tous' ;

- M.[K], employé depuis 2004 : 'il n'y a pas de véritable notion d'horaires mais une implication et la mise à disposition des moyens nécessaires à l'obligation de résultat que nécessite chaque projet ; nous pouvons parfois nous absenter quelques heures pour des raisons personnelles extra-professionnelles sans procédure particulière de validation auprès de la direction, mais seulement en avertissant par oral ; l'absence est alors compensée par des heures de travail que nous effectuons volontairement en dehors des horaires 'traditionnels' de bureau pour tenir les objectifs que nous avons nous-mêmes fixés avec nos clients en tant que chef de projets ; ...la récupération du temps est immédiate ou rapide pour ne pas mettre en difficulté le collègue qui se trouve sur la 'chaîne' du déroulement du projet ; . Nous reportons notre activité et sa répartition sur les différents projets dans un fichier excell de pointage dans lequel nous indiquons pour chaque jour ouvré et par unités de temps (4 unités correspondant à 1 journée) les projets sur lesquels nous avons travaillé';

- M. [E]: 'Alors certes, il nous arrive de finir vers les 19h30-20h ce qui en terme de vie familiale est non négligeable mais jamais nous ne finissons 'charette' à 4h du matin comme bien souvent dans les agences d'architecture ; ..en effet, ayant une expérience dans les agences d'architecture, il m' été permis d'observer le fait qu'ailleurs nous ne finissons jamais à 18 h ; il s'agit ici d'une notion inhérente à ce métier dont déjà à la base, les écoles d'architecture nous enseignent ce principe ; ainsi le principe de la compensation du temps facturé s'auto-régule et cela nous permet en temps masqué de compenser le temps passé en plus' ;

Attendu qu'il n'est pas apporté de réponse sur le fait que [O] [V] n'ait jamais fait figurer sur les relevés de pointage qu'elle établissait la durée exacte de son travail dès lors qu'elle débordait la durée de 7h ; que pas davantage, elle ne décrit les tâches qui lui auraient été confiées et qui l'auraient contrainte à des heures supplémentaires ;

Attendu que force est de constater que [O] [V] ne donne aucune explication sur les différents exemples cités par l'employeur que la cour a vérifiés, s'agissant de la distorsion entre les heures figurant sur les relevés de pointage mentionnées par [O] [V] et le tableau récapitulatif des heures supplémentaires réclamées ;

Attendu que dans ces conditions, la cour, estime au contraire du conseil de prud'hommes et au vu des éléments versés par les parties, que [O] [V] n'a pas effectué les heures supplémentaires dont elle réclame le paiement et la déboute de toutes les demandes qui en sont l'accessoire, et qui concernent la contre-partie du repos compensateur, l'indemnité pour travail dissimulé, et les dommages-intérêts pour dépassement des durées hebdomadaires de travail et la surcharge de travail ;

B/ sur l'annulation de la sanction disciplinaire

Attendu que [O] [V] sollicite l'annulation de la mise à pied qui lui a été notifiée le 1 décembre 2015, au motif qu'elle n'a pas été précédée de l'entretien préalable imposé par l'article L 1332-2 du code du travail ;

Attendu que l'article L 1333-2 dispose que le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise ;

Attendu que c'est à tort que la SARL ARCAN ARCHITECTURE qui reconnaît le défaut de convocation à un entretien préalable expose que sa méconnaissance peut tout au plus l'exposer à un paiement de dommages-intérêts sur démonstration d'un préjudice, sans remettre en question la légitimité de la sanction, dès lors que l'entretien préalable constitue une garantie de fond du salarié destinée à lui permettre d'exprimer ses explications et de faire valoir ses droits, de sorte que c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a annulé la sanction et condamné l'appelante à payer le salaire et les congés payés afférents à la suspension du contrat de travail ; que les intérêts au taux légal courent à compter de la réception par l'employeur de la demande en justice soit le 27 mai 2016 ; qu'il y a a lieu de confirmer la décision en ce qu'elle a ordonné la capitalisation des intérêts

C/ sur la demande de résiliation judiciaire

Attendu que le salarié peut demander en justice la résiliation judiciaire du contrat de travail par application des articles L 1222-1 du code du travail, 1134 et 1184 du code civil dans leur version en vigueur;

Attendu que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée ; que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur;

Attendu que lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement;

Attendu qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier les manquements imputés à l'employeur au jour de leur décision ;

Attendu que pour justifier la demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur, les manquements invoqués doivent être suffisamment graves pour empêcher le maintien des relations contractuelles ;

Attendu que [O] [V] a saisi le conseil de prud'hommes le 25 mai 2016 de sa demande de résiliation judiciaire ;

Attendu qu'au soutien de sa demande, [O] [V] reproche à la SARL ARCAN ARCHITECTURE les manquements suivants :

- le défaut de paiement des heures supplémentaires

- le manquement à l'obligation de sécurité de résultat résultant de la méconnaissance des durées hebdomadaires maximales de travail et de la surcharge de travail étant directement à l'origine de la dégradation de l'état de santé de la salariée ;

Attendu que la cour n'ayant pas reconnu ces manquements, il y a lieu en infirmant le conseil de prud'hommes de débouter [O] [V] de sa demande de résiliation judiciaire ;

D/ sur le licenciement

Attendu que [O] [V] plaide l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement au motif que son inaptitude à son poste est la conséquence du manquement par la SARL ARCAN ARCHITECTURE de son obligation de sécurité et aux conditions de travail dégradées dans l'entreprise, l'employeur ayant par son inertie fautive créé les conditions pour qu'elle ne puisse, soutenue par son psychiatre et le médecin du travail envisager de continuer la relation de travail sans se mettre en danger ;

Attendu que [O] [V] a été en arrêt de travail du :

- du 30 septembre 2015 au 11 octobre 2015 (opération du canal carpien main gauche)

- du 20 octobre 2015 au 27 octobre 2015 pour 'dépression réactionnelle',l'employeur précisant que la salariée avait du se rendre du 8 au 10 octobre en Martinique pour un décès

- du 18 novembre au 29 novembre 2015 (opération du canal carpien main droite)

- à partir du 1er décembre 2015 et jusqu'à la fin de la relation contractuelle, son médecin généraliste faisant état d'un 'burn out avec syndrome anxiogène au premier plan dans un contexte de conflit ; elle craque nerveusement avec fatigue physique et psychique' ; que son psychiatre consulté le 8 décembre 2015 a fait état d'un 'syndrome dépressif majeur avec incitation à sortir' avec traitement antidépresseur ;

Attendu qu'elle a été déclarée inapte le 23 décembre 2016, le médecin du travail précisant 'qu'en raison de l'état de santé, il ne faisait aucune préconisation pour orienter un reclassement dans l'entreprise';

Attendu qu'il ne résulte pas de l'examen des faits que l'altération de l'état de santé de [O] [V] soit dûe aux conditions dégradées dans lesquelles [O] [V] affirme avoir assuré ses fonctions et à une surcharge particulière de travail de sorte que la cour ne peut en conclure que l'inaptitude serait due au manquements de l'employeur ; que le licenciement doit donc être reconnu comme reposant sur une cause réelle et sérieuse ;

E/ sur le solde d'indemnité de congés payés

Attendu que [O] [V] explique dans ses conclusions que lui reste dû un solde de 478,96 € au titre du solde de l'indemnité de congés payés qui lui est dû représentant 22 jours ; que la SARL ARCAN ARCHITECTURE conteste devoir toute somme à ce titre ;

Attendu que la demande de [O] [V] est fondée sur la moyenne du salaire reconstitué intégrant les heures supplémentaires réclamées ; que celles-ci n'ayant pas été reconnues, il y a lieu dé débouter [O] [V] de sa demande et d'infirmer le jugement ayant accordé une somme au titre des congés payés, les débats ayant eu lieu en janvier 2017, avant paiement intervenu en février 2017 ;

F/ sur les autres demandes

Attendu qu'il y a lieu d'ordonner à la SARL ARCAN ARCHITECTURE de remettre à [O] [V] un bulletin de salaire rectifié conforme au présent arrêt sans nécessité d'astreinte;

Attendu qu'il convient d'infirmer les dispositions du jugement s'agissant des frais irrépétibles ;

Attendu qu'il n'existe pas de circonstance d'équité justifiant qu'il soit fait droit aux demandes des parties sur ce fondement ;

Attendu que les dispositions du jugement sont confirmées s'agissant des dépens ; qu'en cause d'appel ils sont mis à la charge de la SARL ARCAN ARCHITECTURE ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- annulé la sanction disciplinaire

- condamné la SARL ARCAN ARCHITECTURE à payer : la somme de 839,47 € au titre de la mise à pied et 83,94 € au titre des congés pays afférents

- ordonné la capitalisation des intérêts

- mis à la charge de la SARL ARCAN ARCHITECTURE les dépens

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau par ajout et infirmation :

Juge irrecevable la SARL ARCAN ARCHITECTURE en ses exceptions de fin de non recevoir

Déboute [O] [V] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, de contrepartie de repos compensateur, d'indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et de solde d'indemnité de congés payés

Déboute [O] [V] de sa demande de résiliation judiciaire

Juge que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse

Dit que les intérêts au taux légal courent à compter de la réception par l'employeur de la demande en justice soit le 27 mai 2016

Ordonne la délivrance d'un bulletin de salaire rectificatif conforme au présent arrêt sans nécessité d'astreinte

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Met les dépens d'appel à la charge de la SARL ARCAN ARCHITECTURE.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 17/09910
Date de la décision : 26/07/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°17/09910 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-26;17.09910 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award