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04/07/2019 | FRANCE | N°18/10269

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 04 juillet 2019, 18/10269


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

(anciennement dénommée la 10ème chambre).

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2019



N° 2019/290













N° RG 18/10269



N° Portalis DBVB-V-B7C-BCUH3







[T] [O]

[S] [P] épouse [O]





C/



SCI VERONIQUE























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- SCP BOURGLAN-DA

MAMME-LEONHARDT



- SELARL MATHIEU-DABOT-BONFILS

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de MARSEILLE en date du 27 Mars 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 11-13-0059.





APPELANTS



Monsieur [T] [O]

En son nom personnel et ès-qualités de repré...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

(anciennement dénommée la 10ème chambre).

ARRÊT AU FOND

DU 04 JUILLET 2019

N° 2019/290

N° RG 18/10269

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCUH3

[T] [O]

[S] [P] épouse [O]

C/

SCI VERONIQUE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- SCP BOURGLAN-DAMAMME-LEONHARDT

- SELARL MATHIEU-DABOT-BONFILS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance de MARSEILLE en date du 27 Mars 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 11-13-0059.

APPELANTS

Monsieur [T] [O]

En son nom personnel et ès-qualités de représentant de son fils [A] [O] né le [Date naissance 1] 2007.

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/8489 du 24/08/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 1] ALGERIE,

demeurant [Adresse 1]

représenté et assisté par Me Chantal BOURGLAN de la SCP BOURGLAN-DAMAMME-LEONHARDT, avocat au barreau de MARSEILLE.

Madame [S] [P] épouse [O]

En son nom personnel et ès-qualités de représentante de son fils [A] [O] né le [Date naissance 1] 2007.

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/8488 du 24/08/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

née le [Date naissance 3] 1977 à [Localité 2] ALGERIE,

demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée par Me Chantal BOURGLAN de la SCP BOURGLAN-DAMAMME-LEONHARDT, avocat au barreau de MARSEILLE.

INTIMEE

SCI VERONIQUE

Représentée par son mandataire : la SARL SIGA, [Adresse 3],

demeurant [Adresse 4]

représentée et assistée par Me Gilles MATHIEU de la SELARL MATHIEU-DABOT-BONFILS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE.

*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 29 Mai 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Juillet 2019,

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Charlotte COMBARET, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Par exploit du 14 novembre 2013, M. [T] [O] et Mme [S] [P] épouse [O], agissant tant à titre personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur [A] [O] né le [Date naissance 1] 2007 ont assigné devant le tribunal d'instance de Marseille la SCI Véronique pour la faire déclarer responsable du préjudice corporel subi par leur fils et obtenir avant dire droit une expertise médicale et l'allocation d'une provision de 5 000 € à valoir sur le préjudice de leur enfant et d'une provision de 20'000 € à valoir sur leur propre préjudice, outre une indemnité sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils ont soutenu qu'étant locataires selon contrat du 11 mars 2008, d'un logement appartenant à la SCI Véronique situé à [Adresse 5], leur enfant avait été exposé à une contamination au plomb du fait de la présence de ce matériau dans des revêtements dégradés du logement, contamination diagnostiquée le 6 juin 2011 par l'agence régionale sanitaire (ARS).

Par jugement du 18 août 2014, le tribunal d'instance de Marseille a mis en place une expertise médicale de l'enfant confiée au Docteur [E] [S], a rejeté les demandes de provision et a sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.

L'expert a établi son rapport le 17 mars 2017.

Après rappel de l'affaire et par jugement du 27 mars 2018 le tribunal a :

- dit que la SCI Véronique doit être déclarée responsable à hauteur de 50 % du préjudice subi par [A] [O] du fait de son intoxication au plomb au cours de l'occupation du logement donné à bail à ses parents le 11 mars 2008,

- condamné la SCI Véronique à verser à [A] représenté par ses parents les époux [O] la somme de 3 000 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice dans l'attente de la consolidation de l'enfant à l'âge de 15 ans,

- rappelé que les indemnités ayant vocation à réparer un préjudice personnel à l'enfant les sommes versées par la SCI Véronique devront être placées sur un compte ouvert au nom du seul mineur et employées dans son seul intérêt,

- débouté les époux [O] de leur demande de dommages-intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire,

- dit que les dépens dont les frais d'expertise seront partagés par moitié entre les parties,

- dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles.

Pour statuer ainsi le tribunal a considéré que :

- si le constat de risque d'exposition au plomb n'était pas exigible s'agissant d'un bail conclu le 11 mars 2008 et s'il n'était pas démontré que la SCI Véronique avait eu connaissance avant cette date de l'existence de plomb au sein du logement, elle était tenue d'indemniser ses locataires des conséquences préjudiciables du vice affectant le logement donné à bail conformément aux dispositions de l'article 1721 du code civil,

- l'expert a conclu que l'enfant [A] a été victime d'une intoxication par le plomb en relation avec son habitat vraisemblablement à partir de mars avril 2008 soit à l'âge d'un an et que la seule source de contamination environnementale documentée était représentée par les revêtements dégradés du logement dans lequel il a vécu de l'âge d'un an à celui de six ans, si l'existence d'autres sources de contamination ne pouvait être exclue avec certitude, elle n'avait pas été mise en évidence par l'expert notamment en ce qui concerne les parties communes,

- les époux [O] étaient en partie responsables de l'aggravation de leur préjudice et du préjudice de leur fils au regard de leur carence tant à quitter les lieux qu'à laisser exécuter les travaux d'assainissement étant observé qu'à compter du jugement du 20 décembre 2012, ils n'avaient plus la qualité de locataire mais d'occupants sans droit ni titre et devaient quitter les lieux ce qui aurait permis de diminuer le taux de plombémie constatée chez l'enfant et de diminuer le cas échéant les séquelles du saturnisme diagnostiqué,

- les époux [O] devaient être déboutés de leur demande de dommages-intérêts au titre de leur préjudice moral compte-tenu de leur carence à faire cesser la cause de leur préjudice entre la date de sa révélation en juin 2011 et la réalisation des travaux en avril 2013.

Par déclaration du 20 juin 2018, les époux [O] ont interjeté appel de cette décision d'une part, en ce que la responsabilité de la SCI Véronique a été limitée et, d'autre part, sur le montant des dommages et intérêts accordés à l'enfant [A], sur le rejet de leur demandes de dommages-intérêts et sur le rejet de leur demande formée au titre des frais irrépétibles.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [O] et Mme [P] épouse [O], agissant tant à titre personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur [A] demandent à la cour dans leurs conclusions du 29 août 2018, en application des articles 1240 du code civil, 700 du code de procédure civile et 1334-4 du code de la santé publique, de :

- les recevoir en leurs demandes,

y faisant droit :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- déclarer la SCI Véronique seule responsable des préjudices subis par [A] et par ses parents, étant contrainte de réparer l'intégralité de leurs préjudices,

- condamner la SCI Véronique à verser à [A] représenté par ses parents la somme de 10'000 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice dans l'attente de sa consolidation à l'âge de 15 ans,

- condamner la SCI Véronique à verser à M. [O] et Mme [P] épouse [O] la somme de 4 000 € à titre de provision sur leur préjudice moral dans l'attente de la consolidation de [A] à l'âge de 15 ans,

- condamner la SCI Véronique à verser à leur conseil la somme de 2 000 € pour la première instance et celle de 2 000 € en cause d'appel en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 700 du code de procédure civile, leur conseil s'engageant dans cette hypothèse à renoncer au paiement de la rétribution de l'État,

- condamner la SCI Véronique aux dépens dont les frais d'expertise.

Ils exposent que :

- ils ont conclu un bail sous-seing-privé avec la SCI Véronique le 11 mars 2008 moyennant un loyer de 811,20 € charges comprises,

- le 21 juillet 2010 M. [O] a déposé un recours en vue d'une offre de logement auprès du secrétariat de la commission départementale de médiation des Bouches-du-Rhône (CDM) en invoquant l'insalubrité de son logement,

- la CDM a déclenché une enquête de l'union départementale des associations familiales (UDAF) et à la suite d'une visite du 3 novembre 2010 le rapport d'enquête établi le 19 novembre 2010 a relevé des manquements nombreux à la salubrité telles qu'humidité, absence d'isolation thermique et phonique, absence de chauffage, présence de souris et blattes,

- par courrier du 13 janvier 2011 l'UDAF a transmis le rapport à la SCI Véronique en lui rappelant son obligation d'assurer la jouissance paisible du logement et d'y faire toutes les réparations nécessaires,

- par décision de la CDM du 27 janvier 2011, M. [O] a été reconnu prioritaire et devant être logé d'urgence mais il n'a pas été relogé et la SCI Véronique n'a pas effectué les travaux de remise en état,

- le 28 mai 2011, le docteur [K] a suspecté un saturnisme sur l'enfant [A] qui a été confirmé par un examen de dépistage du 6 juin 2011,

- le 22 septembre 2011, la SCI Véronique les a assignés en résiliation du bail en raison d'impayés de loyers,

- le 10 octobre 2011, un rapport de diagnostic demandé par la direction départementale des territoires et de la mer, effectué par l'ACTIM a conclu à la présence de plomb dans plusieurs pièces du logement avec des travaux devant être réalisés en urgence et un relogement des occupants,

- le 6 décembre 2011 puis le 5 janvier 2012, l'agence régionale de santé mettait en demeure la SCI Véronique d'effectuer les travaux nécessaires à la suppression des risques de plomb en respectant les dispositions fixées par le diagnostic de l'ACTIM en particulier en ce qui concerne les modalités d'occupation pendant la réalisation des travaux,

- le 6 janvier 2012, la SCI Véronique leur a proposé un relogement mais moyennant un loyer mensuel de 650 € en indiquant que les travaux seraient réalisés le 8 février suivant, ce qui ne correspondait pas aux prévisions de l'article L. 1334-4 du code de la santé publique qui dispose que le propriétaire doit assurer l'hébergement des occupants à ses frais,

- ils ont donc refusé cette proposition car ils n'avaient pas les moyens de payer un loyer et les travaux ont été réalisés en leur présence.

Ils soutiennent que :

- le taux de plombémie de l'enfant était de 363 µg par litre en juin 2011 soit avant qu'ils aient connaissance de sa plombémie et que l'ARS ait diligenté les mises en demeure informant la SCI Véronique,

- le taux de plombémie a régressé progressivement par la suite de sorte que l'état de l'enfant ne s'est pas aggravé et que seules les conséquences de la plombémie initiale sont apparues progressivement dans le temps,

- ils n'avaient d'autre choix que de se maintenir dans les lieux car ils n'avaient nulle part où aller et leur expulsion revenait à les mettre à la rue,

- ils ont refusé dans un premier temps que les travaux soient réalisés en leur présence, car ceci était dangereux et car il appartenait à la SCI Véronique de leur trouver un hébergement à ses frais durant les travaux ce qu'elle s'est abstenue de faire en leur proposant de les reloger moyennant un loyer,

- la réparation du préjudice doit être intégrale,

- le rapport d'expertise médicale relève que [A] est affecté d'un trouble important de l'attention, d'un déficit de structuration du langage et d'un trouble de la verbalisation associé à un trouble de l'élocution et qu'il va devoir intégrer une école spécialisée en raison de ses handicaps,

- ils ont subi un préjudice moral relatif à l'intoxication par le plomb de leur fils et le jugement du tribunal d'instance est contradictoire lorsqu'il retient que la SCI Véronique doit les indemniser du préjudice qu'ils ont subi à titre personnel tout en les déboutant de leur demande de dommages-intérêts.

La SCI Véronique demande à la cour dans ses conclusions du 10 mai 2019, en application des articles 1719, 1720 et 1721 du code civil et L. 1334-4 du code de la santé publique, de :

- juger que le bail conclu le 11 mars 2008, n'était pas soumis à l'obligation d'établir un diagnostic plomb,

- juger que lors de la conclusion du bail, elle ignorait la présence de plomb dans son appartement,

- juger que dès l'instant où elle a été informée de la présence de plomb dans son appartement, elle a tout mis en 'uvre avec son mandataire l'Agence du Panier pour réaliser au plus vite les travaux d'anéantissement du risque d'intoxication lié à la présence de plomb,

- juger qu'au regard de la jurisprudence en vigueur, il ne saurait être reproché un quelconque manque de loyauté de sa part à l'égard des preneurs,

- juger que les époux [O] se sont maintenus dans l'appartement à compter du 18 juillet 2011, en violation de leurs obligations contractuelles et ont catégoriquement refusé la réalisation des travaux visant à faire cesser tout risque d'intoxication au plomb,

- juger qu'il existait au moins deux sources de contamination au plomb puisque l'enquête de l'ARS du 27 juin 2014 a révélé la présence de plomb dans les parties communes de l'immeuble sis [Adresse 5],

par conséquent :

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité dans le cadre de l'intoxication au plomb de [A] [O] et mis à sa charge le paiement d'une provision à valoir sur son indemnisation finale d'un montant de 3 000 €,

- débouter les époux [O] de leur demande d'indemnisation au titre de leur préjudice moral,

- les débouter de leur demande d'indemnisation de leur enfant [A] [O] au titre de l'intoxication au plomb dont il a été victime,

- condamner les époux [O] à lui verser la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux dépens.

Elle fait valoir que :

- le 18 juillet 2011, soit avant la découverte de la présence de plomb dans l'appartement, son mandataire, l'Agence du Panier, a fait délivrer aux époux [O] un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail et par acte du 20 décembre 2012, les a assignés en résiliation de bail et expulsion ; par jugement du 20 décembre 2012, le tribunal d'instance de Marseille a fait droit à cette demande, les époux [O] n'ayant pas payé de loyers depuis près d'un an et demi,

- ce n'est que par courrier du 16 décembre 2011, que le PACT l'a informée de sa désignation dans le cadre d'une mission d'assistance à la réalisation des travaux de suppression du risque d'exposition au plomb et elle en a immédiatement informé son mandataire ; par courrier du 5 janvier 2012, reçu le 11 janvier 2012 l'ARS lui a demandé de réaliser des travaux dans l'appartement afin d'éliminer la présence de plomb ; par courrier du même jour son mandataire a informé les époux [O] que les travaux seraient réalisés le mercredi 8 février 2012 et leur a proposé un relogement dans un autre appartement moyennant un loyer de 630 € outre 20 € de provision sur charges,

- les époux [O] ont refusé cette proposition et se sont opposés à la réalisation des travaux malgré plusieurs mises en demeure,

- la Cour de cassation applique l'article 1721 du code civil en tenant compte de la loyauté ou de l'absence de loyauté du bailleur envers son locataire ; ainsi il y a lieu de distinguer selon que le vice est apparu avant ou après que le preneur est entré en jouissance et lorsque le vice est apparu après l'entrée en jouissance, le bailleur ne répond du vice que s'il en a eu connaissance et n'a pas cherché à le supprimer,

- dès qu'elle a eu connaissance de la présence de plomb, elle a tout mis en 'uvre pour faire intervenir les entreprises habilitées à anéantir tout risque d'intoxication lié au plomb,

- son mandataire à proposé aux époux [O] un relogement à des conditions plus avantageuses que celles dont ils jouissaient auparavant puisque pour la même superficie le loyer, avec charges comprises étaient d'un montant inférieur,

- les époux [O] ont joué un rôle dans l'aggravation du préjudice de leur enfant car l'expert médical a précisé que lorsqu'un enfant intoxiqué est mis à l'abri d'une poursuite de la contamination le taux sérique de plomb diminue progressivement sur plusieurs mois pour atteindre des zones acceptables,

- la passivité des époux [O] qui ont refusé la proposition de relogement et se sont opposés à la réalisation des travaux alors qu'ils avaient connaissance de la nocivité de l'habitat pour leur fils, est constitutive d'une faute qui a participé à la réalisation du dommage subi par l'enfant.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité

Il est mentionné à l'article 1721 du code civil qu''il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les auraient pas connus lors du bail. S'il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser'.

Cette obligation pèse sur le bailleur, dès lors qu'il s'agit d'un vice caché existant lors de la conclusion du contrat et peu importe que le bailleur en ait ignoré l'existence.

En l'état des document communiqués par les époux [O], soit le contrat de bail signé le 11 mars 2008, le rapport de diagnostic du risque d'intoxication par le plomb des peintures établi le 10 octobre 2011 par l'ACTIM et les courriers de l'agence régionale de santé PACA en date du 6 décembre 2011 et du 5 janvier 2012 et du PACT des Bouches du Rhône, à la SCI Véronique ou son mandataire, il est établi que le logement qui leur a été donné à bail par la SCI Véronique était affecté d'une présence de plomb en concentration supérieure ou égale à 1mg/cm² dans certains revêtements et peintures dégradés ce qui constituait un risque pour la santé pouvant être à l'origine d'une intoxication touchant essentiellement les jeunes enfants et provoquée par l'ingestion d'écailles ou l'inhalation et l'ingestion de poussières provenant de leur dégradation.

La SCI Véronique ne conteste d'ailleurs pas que l'appartement qu'elle a loué aux époux [O] était contaminé par le plomb et qu'elle a été informée de cette situation et de la nécessité de procéder au relogement des occupants dès le 16 décembre 2011.

Le rapport d'expertise médicale du docteur [S] en date du 14 mars 2017 révèle que :

- [A] [O], né le [Date naissance 1] 2007, a été de façon certaine victime d'un saturnisme infantile diagnostiqué à l'âge de quatre ans,

- le 28 mai 2011 le docteur [K] qui l'a examiné dans le cadre du service de la protection maternelle et infantile a relevé une pâleur cutanéo-muqueuse et l'a orienté vers le service de dépistage du saturnisme infantile à l'hôpital de [Établissement 1]à [Localité 3],

- le 6 juin 2011 des analyses sanguines ont révélé un taux sérique de plomb élevé (363µg/l) correspondant à une intoxication et relevant d'une déclaration obligatoire,

- le bilan initial a montré un retard de langage, un comportement de pica (trouble du comportement alimentaire avec portage à la bouche et ingestion habituelle de substances non alimentaires),

- la seule source de contamination environnementale documentée est représentée par les revêtements dégradés du logement dans lequel il a vécu entre l'âge de 1 an et l'âge de 6 ans, dans lequel des travaux de réhabilitation ont été effectués,

- les modes d'intoxication possibles d'un enfant par le plomb environnemental sont essentiellement la voie digestive (ingestion de particules de peintures au plomb ou d'eau d'alimentation plombée), plus rarement la voie aérienne (poussières), materno-foetale (pendant la grossesse) ou materno-infantile (allaitement maternel) ou cutanée (cosmétiques exotiques),

- la voie digestive par ingestion d'écailles de peinture plombées est certaine, et, en l'état des informations disponibles, exclusive,

- la date du dommage est fixée au 15 mars 2008,

- la consolidation n'est pas acquise et les préjudices ne seront valablement évaluables qu'à partir de l'âge de 15 ans.

L'examen neuropsychologique de [A] [O] réalisé le 31 mai 2016 par M. [W] [Q] dans le cadre de l'expertise médicale démontre que [A] [O] présente :

- un QI évalué à 80 soit entre les niveaux 'moyen faible' et 'limite',

- un trouble important de l'attention ; le caractère clairement défaillant de la mémoire de travail est une caractéristique majeure de son fonctionnement intellectuel, ce qui impacte de manière substantielle et péjorative ses apprentissages notamment dans le domaine verbal (trouble de la lecture),

- un déficit de structuration du langage et un trouble de la verbalisation associés à un trouble de l'élocution.

L'ensemble de ces données établit que la contamination du logement par le plomb a été à l'origine d'une intoxication de [A] [O], ce qui entraîne la mise en jeu de la garantie due par la SCI Véronique en vertu des dispositions précitées, étant rappelé que la circonstance qu'elle ait ignoré la présence de plomb à des niveaux toxiques dans le bien qu'elle a donné en location est indifférente.

La SCI Véronique ne peut opposer que les parties communes étaient également contaminées et ont pu être une source d'intoxication dans la mesure où il est certain que l'enfant a contracté son saturnisme par une ingestion d'écailles de peinture et non par une inhalation de poussières et que les époux [O] ont indiqué à l'expert [S] que [A] [O] a 'toujours été gardé à la maison par la famille dans sa petite enfance, qu'il ne restait jamais seul, qu'il ne fréquentait pas les parties communes en dehors des entrées sorties avec un adulte', ensemble d'éléments qui exclut la contamination à partir des parties communes de l'immeuble.

En revanche, la société Agence du Panier, mandataire de la SCI Véronique, par courrier du 6 janvier 2012, a proposé aux époux [O] un relogement dans un appartement type F3 moyennant un loyer mensuel de 630 € outre une provision pour charges de 20 €, ce qui était d'un montant inférieur au loyer payé pour le logement contaminé (751,70 € provision pour charges comprise) puis face à l'inertie des locataires leur a fait délivrer une sommation d'avoir à la laisser pénétrer dans les lieux accompagnée d'une entreprise afin d'entreprendre les travaux de réhabilitation.

Il ressort du procès-verbal de constat d'huissier de justice en date du 14 février 2012, que Mme [O] a refusé l'entrée du logement et a opposé un refus à la réalisation des travaux.

Il est constant que ces travaux n'ont pu être effectués qu'en présence de la famille [O] et que les contrôles de plombémie du 5 avril 2013, après la réalisation des travaux ont révélé la suppression de la source de contamination.

Les époux [O] en refusant le relogement qui leur a été proposé et en se maintenant ainsi dans l'appartement contaminé notamment durant les travaux de réhabilitation ont commis une faute qui a prolongé l'exposition au plomb de [A] [O] et a nécessairement concourru au préjudice corporel de celui-ci et par voie de conséquence à leur propre préjudice moral puisque le mode de contamination provenait de l'ingestion par l'enfant de particules de peinture et que le rapport d'expertise du docteur [S] mentionne que si le suivi médical de l'enfant entre 2011 et 2013 n'a pas été régulier les dosages sanguins effectués au cours de cette période ont montré que la plombémie est restée élevée alors que lorsqu'un enfant est mis à l'abri d'une poursuite de contamination le taux sérique de plomb diminue progressivement sur plusieurs mois pour atteindre des zones acceptables en 18 à 24 mois.

Le refus des époux [O] de quitter le logement, peu important que la SCI Véronique ne leur ait pas proposé une gratuité de l'hébergement dans la mesure où elle leur a offert une location à un prix moins élevé que celui qu'ils payaient, où de toute façon, ils ne réglaient plus ce loyer et où la sécurité de leur enfant était en jeu, a constitué pour la SCI Véronique, à partir de janvier 2012, un obstacle insurmontable à la cessation de la contamination ; cette faute des époux [O] doit être estimée sur une période de contamination de 2008 à 2013 comme ayant concouru à hauteur de 25 % aux préjudices consécutifs à cette contamination de sorte que la SCI Véronique ne peut être condamnée à indemniser [A] [O] et les époux [O] de leurs préjudices qu'à concurrence de 75 %.

La provision à allouer à [A] [O] sur son préjudice corporel doit être fixée à 7.500 € et celle à allouer aux époux [O] sur leur préjudice moral à la somme de 1 500 € pour chacun d'entre eux.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être infirmées.

La SCI Véronique qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens de première instance dont les frais d'expertise et d'appel.

Il convient d'allouer au conseil de M. [O] et Mme [P] épouse [O], agissant tant à titre personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur [A] la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel qui auraient été exposés sans le bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme le jugement,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Dit que la SCI Véronique est responsable des préjudices subis par [A] [O] et par M. [O] et Mme [P] épouse [O] en conséquence de la contamination par le plomb de [A] [O] dans le cadre du logement donné à bail par acte du 11 mars 2008 dans la proportion de 75 %,

- Condamne la SCI Véronique à verser à M. [O] et Mme [P] épouse [O], agissant en qualité de représentants légaux de leur fils mineur [A] la somme de 7 500 € à titre de provision sur le préjudice corporel de celui-ci,

- Condamne la SCI Véronique à verser à M. [O] et à Mme [P] épouse [O] la somme de 1 500 € chacun à titre de provision sur leur préjudice moral consécutif à la contamination par le plomb de leur enfant [A] [O],

- Condamne la SCI Véronique à verser au conseil de M. [O] et Mme [P] épouse [O], agissant tant à titre personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fils mineur [A], la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel qui auraient été exposés sans le bénéfice de l'aide juridictionnelle,

- Condamne la SCI Véronique aux dépens de première instance dont les frais d'expertise et d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 18/10269
Date de la décision : 04/07/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°18/10269 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-04;18.10269 ?
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