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02/07/2019 | FRANCE | N°17/18195

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 02 juillet 2019, 17/18195


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 02 JUILLET 2019

A.V

N°2019/













Rôle N° RG 17/18195 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBJJ2







[G] [P]

[S] [P] épouse [G]





C/



[O] [D] épouse [P]

SA LES ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL VIE





































Copie exécutoire délivrée le :



à :Me Yves BOYER

Me Grégory KERKERIAN

Me Delphine DURANCEAU





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 30 Août 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/05621.





APPELANTS



Monsieur [G] [P]

placé sous le régime de la curatelle renf...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 02 JUILLET 2019

A.V

N°2019/

Rôle N° RG 17/18195 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBJJ2

[G] [P]

[S] [P] épouse [G]

C/

[O] [D] épouse [P]

SA LES ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL VIE

Copie exécutoire délivrée le :

à :Me Yves BOYER

Me Grégory KERKERIAN

Me Delphine DURANCEAU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 30 Août 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/05621.

APPELANTS

Monsieur [G] [P]

placé sous le régime de la curatelle renforcée par décision du 16 décembre 2016 désignant Madame [S] [P] épouse [G] en qualité de curatrice

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Yves BOYER de la SELAS YVES BOYER/ ANNICK BASSOT BOYER MAX VAGUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [S] [P] épouse [G] , désignée comme curatrice de Monsieur [G] [P], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Yves BOYER de la SELAS YVES BOYER/ ANNICK BASSOT BOYER MAX VAGUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

Madame [O] [D] épouse [P]

née le [Date naissance 2] 1957 à ITALIE, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Grégory KERKERIAN de la SELARL SELARL GREGORY KERKERIAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

SA LES ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL VIE

prise en la personne des ses représentants légaux, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Delphine DURANCEAU de la SELARL DURANCEAU PARTENAIRES & ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne VIDAL, Présidente, et Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Anne VIDAL, Présidente, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2019.

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

M. [G] [P], acquéreur avant son mariage de 5 titres de capitalisation au porteur Heredial Croissance 8 (portant les numéros 6B7112181, 6B7112182, 6B7112184, 6Q22120512 et 6Q22128415) a déclaré la perte, la destruction ou le vol de ceux-ci à la SA ACM Vie le 28 avril 2015 emportant opposition à leur paiement et a été avisé par celle-ci, le 17 juin 2015, que les titres en cause avaient été présentés à l'encaissement par Mme [O] [D] épouse [P] avec laquelle il était en procédure de divorce depuis le 2 février 2015.

Suivant acte d'huissier du 6 juillet 2015, M. [G] [P] a fait assigner Mme [O] [D] épouse [P] devant le tribunal de grande instance de Draguignan conformément aux articles L 160-1 et suivants du code des assurances, puis a appelé la SA ACM Vie en cause, en responsabilité et en garantie. Il demandait la condamnation de Mme [O] [D] épouse [P] à lui restituer les bons de capitalisation sous astreinte et à lui payer une somme de 11 000 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil. Il réclamait, si son action en revendication était considérée comme irrégulière, la condamnation de la SA ACM Vie à lui payer la somme de 155 618,83 euros correspondant à la valeur de ces bons au 31 août 2016, sauf à parfaire à la date de la décision à intervenir.

Par jugement du 30 août 2017, le tribunal de grande instance de Draguignan a délaré l'action en revendication introduite par M. [G] [P] recevable mais a rejeté toutes ses demandes et a fait droit à la demande de Mme [O] [D] épouse [P] de rester en possession des titres au porteur revendiqués. Il a donc ordonné la mainlevée de l'opposition faite par M. [G] [P] le 28 avril 2015.

Il a rejeté la demande de dommages et intérêts faite par Mme [O] [D] épouse [P] et a condamné M. [G] [P] à payer la somme de 2 500 euros à Mme [O] [D] épouse [P] et celle de 1 000 euros à la SA ACM Vie sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, le tout avec le bénéfice de l'exécution provisoire.

Il a retenu que l'action en revendication était recevable même si la procédure d'opposition était irrégulière.

Il a fait application de l'article 2276 du code civil et retenu que le possesseur qui prétend avoir reçu une chose en don manuel bénéficie d'une présomption en ce sens, de sorte qu'il appartient à celui qui la revendique de rapporter la preuve de l'absence d'un tel don ou de prouver que la possession dont se prévaut le détenteur n'est pas efficace. S'il est établi que les bons sont des propres de M. [G] [P] qui les a acquis avant son mariage, il apparaît que le coffre où il dit les avoir déposés a été loué au nom des deux époux auquel chacun peut accéder librement sous réserve d'être en possession de la clé, de sorte que M. [G] [P] ne peut accuser Mme [O] [D] épouse [P] de lui avoir subtilisé cette clé. Il a considéré qu'à défaut de preuve de la perte ou du vol, la possession de Mme [O] [D] épouse [P] n'était pas viciée et qu'elle bénéficiait de la présomption émanant de cette possession.

Il a ordonné en conséquence la mainlevée de l'opposition faite par M. [G] [P] et jugé que la demande faite par Mme [O] [D] épouse [P] à ce titre pour non respect de la procédure d'opposition était sans objet.

Il a considéré que le seul non respect par la SA ACM Vie de la formalité de l'accusé de réception adressé à M. [G] [P] de son opposition n'entraînait aucun préjudice pour lui puisque l'opposition a bien été mise en place et lui a permis d'intenter l'action en revendication et a donc rejeté la demande en dommages et intérêts de M. [G] [P] contre la SA ACM Vie.

M. [G] [P], assisté de Mme [S] [P] épouse [G], désignée comme sa curatrice renforcée le 16 décembre 2016, a interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 6 octobre 2017.

¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿¿

M. [G] [P], représenté par Mme [S] [P] épouse [G], désignée en qualité de tutrice par décision du 7 septembre 2018, suivant conclusions ampliatives et récapitulatives notifiées le 29 avril 2019, demande à la cour, au visa des articles L 160-1 et R 160-4 à R 160-6 du code des assurances et des articles 2276 et 1240 du code civil, de :

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- faire droit à son action en revendication des bons de capitalisation HEREDIAL CROISSANCE numéros 6B7112181 d'un montant de 31 404,50 euros, 6B7112182 d'un montant de 15 702,24 euros, 6B7112184 pour 7 851,12 euros, 6Q22120512 pour un montant de 15 702,24 et 6Q22128415 pour un montant de 7 851,10 euros, sous astreinte de 150 euros par jour de retard 8 jours après la signification de la décision à intervenir,

- condamner Mme [O] [D] épouse [P] à payer à M. [G] [P] la somme de 11 000 euros de dommages et intérêts en réparation des divers préjudices subis,

- condamner Mme [O] [D] épouse [P] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- si par extraordinaire la cour suivait l'argumentation de Mme [O] [D] épouse [P] et considérait que l'action en revendication est irrégulière, condamner la SA ACM Vie à payer à M. [G] [P] le montant des bons au porteur, soit la somme de 155 618,83 euros correspondant à la valeur de ces bons au 31 août 2016, sauf à parfaire au jour de la décision à intervenir,

- condamner la SA ACM Vie à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il fait valoir l'argumentation suivante :

¿ il a acquis les bons entre mars 1989 et avril 1996, soit avant son mariage avec Mme [O] [D] célébré le [Date mariage 1] 1998, de sorte qu'il s'agit de biens propres sur lesquels son épouse n'a aucun droit ; il les a déposés dans un coffre ouvert le 22 janvier 2007 auquel Mme [O] [D] avait accès en qualité de locataire conjointe ;

¿ Mme [O] [D] ne peut se prévaloir de l'article 2276 du code civil dès lors que la dépossession du souscripteur est celle prévue par l'article L 160-1 du code des assurances (perte, destruction ou vol déclaré à l'émetteur), sa possession étant équivoque et ne suffisant donc pas à prouver la propriété revendiquée ; Mme [O] [D] doit en conséquence démontrer l'existence d'une vente ou d'un don manuel ;

¿ Elle ne peut démontrer une vente au regard de ses revenus ;

¿ Elle ne peut soutenir avoir reçu les bons en donation après avoir prétendu que les bons seraient des biens communs ; ses attestations ne sont pas probantes car imprécises ;

¿ M. [G] [P] peut démontrer l'absence de don : les époux ne s'entendaient plus depuis longtemps avant la requête en divorce et M. [G] [P] avait révoqué le 31 décembre 2014 la procuration bancaire donnée à son épouse ; or, la lecture de la requête en divorce déposée le 2 février 2015 permet de constater qu'elle ne disposait pas des bons au porteur, non inventoriés dans son patrimoine personnel ; il ne peut y avoir eu de don pendant la procédure en divorce ;

¿ La possession dont se prévaut Mme [O] [D] est équivoque (en raison de la cohabitation des époux et de la colocation du coffre où les bons étaient déposés) et clandestine (puisque Mme [O] [D] l'a cachée dans sa requête en divorce) ; elle ne peut donc s'en prévaloir pour prouver sa propriété ;

¿ Il importe peu que la procédure d'opposition n'ait pas été respectée sur le plan formel, le formalisme n'étant pas exigé à peine de nullité ; à défaut, il conviendrait de retenir la responsabilité de la société ACM Vie et de la condamner à réparer le préjudice subi, celui-ci étant égal à la valeur des bons à la date de leur souscription à parfaire à la date de la décision en fonction de la valeur actuelle de ceux-ci ;

¿ le comportement fautif de Mme [O] [D] justifie sa condamnation à lui payer une somme de 11 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, M. [G] [P] ayant, du fait de ses pratiques déloyales, fait plusieurs tentatives de suicide et étant sous mesure de curatelle renforcée.

Il conteste la demande reconventionnelle de Mme [O] [D] et celle de la SA ACM Vie.

Mme [O] [D] épouse [P], en l'état de ses écritures n°2 déposées le 26 avril 2019, demande à la cour, au visa des articles L 160-1, R 160-4 à R 160-6 du code des assurances et de l'article 2276 du code civil, de :

Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- rejeté l'ensemble des demandes de M. [G] [P],

- fait droit à la demande de Mme [O] [D] de rester en possession des titres au porteur visés,

- ordonné la main-levée de l'opposition au paiement de ces bons de capitalisation,

- condamné M. [G] [P] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- déclaré recevable l'action en revendication de M. [G] [P],

- rejeté la demande en dommages et intérêts de Mme [O] [D],

Statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable l'action en revendication de M. [G] [P],

- condamner M. [G] [P] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause,

- déclarer irrecevable, mal fondée et abusive l'action en revendication introduite par M. [G] [P] contre Mme [O] [D] dès lors que les titres de capitalisation en question n'ont jamais été perdus et que le requérant savait que son épouse était la porteuse de ces cinq titres de capitalisation,

- dire que cette action en revendication ne répond pas aux impératifs des articles L 160-1 et R 160-4 à R 160-6 du code des assurances,

- faire droit à la réclamation de Mme [O] [D] de rester en possession des titres au porteur en application de l'article 2276 du code civil,

- ordonner la main-levée de l'opposition formée par M. [G] [P] sous astreinte de 150 euros par jour de retard dans le délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner M. [G] [P] à payer à Mme [O] [D] une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour réparer le préjudice financier personnel qu'elle subit du fait de l'impossibilité de pouvoir encaisser les bons restés en sa possession,

- le condamner à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle présente l'argumentation suivante :

¿ l'action en revendication de M. [G] [P] est irrecevable au regard des dispositions de l'article L 160-1 du code des assurances ; en effet les pièces sont incomplètes ou illisibles et le délai de 8 jours d'accusé de réception de l'entreprise de capitalisation n'a pas été respecté puisque la déclaration aurait été faite le 4 mai 2015 et que le retour de la SA ACM Vie est du 17 juin 2015 et n'a pas été fait en recommandé avec accusé de réception ; la date n'est donc pas certaine ; M. [G] [P] ne justifie pas avoir notifié l'introduction de son action en revendication à la SA ACM Vie, de sorte qu'il convient, au visa de l'article R 160-5 de lever l'opposition ;

¿ elle reprend la motivation du jugement sur l'application de l'article 2276 du code civil et ajoute que M. [G] [P] ne produit pas les contrats en débat et ne justifie pas de la date de leur souscription ; si M. [G] [P] a souscrit des bons au porteur, c'est pour pouvoir en disposer librement et son intention était de les donner à son épouse, ce qui a été évoqué devant un tiers pendant le mariage ; c'est ainsi qu'il lui a donné un bon dont elle a demandé le rachat le 14 novembre 2014 sans qu'il fasse opposition ;

¿ les bons n'ont jamais été ni perdus ni volés et M. [G] [P] a fait une fausse déclaration ; il déclare qu'ils ont été mis dans le coffre mais ne le démontre pas ; en tout état de cause, les bons ne pouvaient être perdus s'ils avaient été mis dans le coffre ;

¿ en réalité, les bons ont été financés par la communauté et lui ont été donnés de longue date ; leur existence n'avait pas à être invoquée devant le juge conciliateur mais seulement si elle avait demandé une prestation compensatoire ;

¿ Mme [O] [D] a été privée d'une source de revenus en l'état de l'opposition de M. [G] [P] et cela justifie la condamnation de celui-ci à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

La SA ACM Vie, suivant conclusions n°3 déposées et notifiées le 5 octobre 2018, demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147 et 1382 du code civil, ainsi que des articles L 160-1 et R 160-4 à R 160-6 du code des assurances, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la SA ACM Vie n'avait commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard de M. [G] [P],

- rejeter la demande de condamnation de la SA ACM Vie à verser à M. [G] [P] le montant des bons au porteur, soit la somme de 155 618,83 euros correspondant à la valeur de ces bons au 31 août 2016, sauf à parfaire à la date de la décision à intervenir,

- rejeter la demande de condamnation au versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [G] [P] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle indique ne pas vouloir s'immiscer dans le litige opposant M. [G] [P] à Mme [O] [D] mais donne les précisions suivantes concernant l'opposition faite par M. [G] [P] et l'action en revendication : la mise en opposition a été faite par lettre recommandée de M. [G] [P] le 28 avril 2015 (cachet de la poste sur l'avis de dépôt), courrier remis à la SA ACM Vie le 4 mai 2015 (cachet de la poste sur l'avis de réception) ; c'est par courrier du 17 juin 2015 que la SA ACM Vie a avisé M. [G] [P] de ce que les titres avaient été présentés au rachat les 29 mai et 4 juin 2015 à l'agence de [Localité 2] et cette lettre a été remise à son destinataire le 26 juin 2015 (cachet de la poste sur l'avis de réception) ; M. [G] [P] a avisé la SA ACM Vie de son action en revendication par courrier du 9 juillet 2015. Dès lors les conditions et le formalisme du code des assurances ont été respectés, peu important que l'accusé de réception de la déclaration d'opposition n'ait pas donné lieu à un courrier recommandé, cette circonstance n'étant pas sanctionnée par la nullité et étant sans emport sur l'action en revendication engagée par M. [G] [P]. Mme [O] [D] ne peut non plus s'en prévaloir pour solliciter la main-levée de l'opposition.

Il n'y a aucune faute commise par la SA ACM Vie et si le tribunal a ordonné la main-levée de l'opposition ce n'est pas en raison d'une méconnaissance de la procédure mais seulement en raison du rejet de la revendication de M. [G] [P] au fond.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 14 mai 2019.

MOTIFS DE LA DECISION :

Attendu que M. [G] [P] exerce contre Mme [O] [D] épouse [P] une action en revendication des bons de capitalisation au porteur portant les numéros 6B7112181, 6B7112182, 6B7112184, 6Q22120512 et 6Q22129415, après avoir formé opposition conformément aux dispositions des articles L 160-2 à L 160-4 du code des assurances ;

Qu'il justifie, par la production d'une attestation de CIC Assurances du 14 septembre 2015 que les bons en cause ont été acquis entre le 1er mai 1989 pour le plus ancien et le 1er avril 1996 pour le plus récent, soit avant son mariage avec Mme [O] [D] intervenu le [Date mariage 1] 1998, de sorte qu'il s'agit de biens propres ;

Que les bons de capitalisation au porteur étant considérés, en raison de l'incorporation de la créance dans le titre, comme un meuble corporel, les dispositions de l'article 2276 du code civil leur sont applicables et sont opposées par Mme [O] [D] qui invoque sa possession pour soutenir qu'elle a bénéficié d'un don manuel et qu'il appartient à M. [G] [P] de prouver l'absence de don ;

Attendu que l'article 2276 du code civil dispose : 'En fait de meubles, possession vaut titre', sauf la possibilité pour celui qui les a perdus ou auquel ils ont été volés d'agir en revendication dans le délai de trois ans à compter de la perte ou du vol contre celui qui les détient  ; que ce dernier bénéficie d'une présomption de bonne foi et peut invoquer contre le revendiquant une présomption de don manuel, de sorte qu'il appartient à celui-ci de rapporter la preuve de l'absence d'un tel don ou de prouver que la possession dont se prévaut le détenteur de la chose ne réunit pas les conditions légales pour être efficace, à savoir une possession publique, à titre de propriétaire et non équivoque ;

Que des règles spéciales ont été mises en place s'agissant des titres au porteur, en l'état des dispositions des articles L 160-1 et suivants du code des assurances relatives aux bons de capitalisation égarés, détruits ou volés qui permettent au propriétaire des bons au porteur qui se prétend dépossédé par perte, destruction ou vol d'en faire la déclaration à l'entreprise d'assurance émettrice par lettre recommandée avec accusé de réception et de frapper ainsi les bons d'opposition, de sorte que s'ils viennent à être présentés au paiement, cette entreprise s'en saisit et en demeure séquestre jusqu'à ce qu'il ait été statué par décision de justice sur la propriété du titre ;

Attendu que Mme [O] [D] conteste la recevabilité de l'action en revendication de M. [G] [P] en soutenant que la procédure d'opposition des articles L 160-1 et suivants du code des assurances n'a pas été menée de manière régulière en ce qu'il n'a pas été adressé par l'assureur, la SA ACM Vie, à M. [G] [P], suivant courrier recommandé, d'accusé de réception de sa déclaration d'opposition, ce qui priverait celle-ci de date certaine ;

Mais que si l'article L 160-1 prévoit en effet que l'entreprise destinataire de la déclaration de perte ou vol, doit en accuser réception par lettre recommandée avec avis de réception, dans les huit jours au plus tard de la remise, force est de constater que cette formalité n'est pas prévue à peine de nullité de la déclaration d'opposition et que l'absence d'envoi du courrier d'accusé de réception de la SA ACM Vie ne prive pas la déclaration faite par M. [G] [P] de date certaine ; qu'en effet, il est justifié, au regard des pièces communiquées par la SA ACM Vie, que M. [G] [P] lui a adressé un courrier d'opposition portant sur les 5 bons au porteur litigieux en date du 28 avril 2015, que ce courrier a été envoyé sous pli recommandé le 28 avril 2015, ainsi qu'en atteste le cachet figurant sur l'avis de dépôt, et qu'il a été remis à la SA ACM Vie le 4 mai 2015, ainsi qu'en atteste le cachet CIC Assurances porté sur l'accusé de réception ; que le tribunal a donc justement considéré que la procédure n'était entachée d'aucune cause de nullité et que M. [G] [P] était recevable à agir en revendication en se prévalant des dispositions du code des assurances ;

Qu'il doit être ajouté que, contrairement à ce que prétend Mme [O] [D] dans ses écritures devant la cour, M. [G] [P], ayant été informé par courrier recommandé de la SA ACM Vie en date du 17 juin 2015 de ce que les titres avaient été présentés pour remboursement par Mme [O] [D], a engagé son action en revendication le 6 juillet 2015 et a avisé la SA ACM Vie de son action par courrier recommandé en date du 9 juillet 2015 à l'initiative de son conseil, Me Yves BOYER, en indiquant, comme le prescrit l'article R 160-5, la date de l'assignation et le nom de huissier l'ayant délivrée ;

Attendu que la cour considère que Mme [O] [D] est mal fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 2276 du code civil pour opposer à M. [G] [P] une présomption de don manuel de ses bons au porteur en l'état :

- d'une part, de l'opposition régulièrement formulée par M. [G] [P] le 4 mai 2015, avant qu'elle ne présente ceux-ci à l'encaissement, le 10 mai 2015,

- d'autre part, du caractère équivoque et non public de sa possession, celui-ci ressortant de la propre déclaration de patrimoine faite par elle au moment de sa requête en divorce du 2 février 2015 auprès du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Draguignan, puisqu'elle ne déclarait à son actif qu'une pension mensuelle de 881,69 euros et une pension d'invalidité trimestrielle de 329 euros, sans faire état des bons au porteur, alors qu'elle faisait une présentation exhaustive du patrimoine de son époux, sans d'ailleurs citer non plus les bons au porteur ;

- enfin, que Mme [O] [D] avait annoncé à son époux, en novembre 2014, qu'elle entendait divorcer, que ceux-ci vivaient déjà séparément à la date de la requête en février 2014 et que l'épouse a porté plainte contre son époux le 7 avril 2015 en indiquant qu'il avait mal pris l'annonce de sa volonté de divorcer et lui faisait des menaces permanentes, tous éléments permettant de considérer que M. [G] [P] n'a pu donner les bons au porteur à son épouse après le dépôt de la requête en divorce du 2 février 2015 ;

Qu'il importe peu que M. [G] [P] ait déposé les bons dans un coffre loué à la banque à son nom et au nom de son épouse, ce seul dépôt dans un coffre ouvert en colocation ne suffisant pas à démontrer une possession non équivoque de l'épouse sur les biens propres de son conjoint ; qu'il importe peu également que ces bons n'aient pas été 'volés' par Mme [O] [D] dès lors que M. [G] [P] a considéré que leur disparition du coffre avait eu lieu à son insu ;

Que les attestations des trois enfants de Mme [O] [D], Mme [P] [B], Mme [W] [D] et M. [B] [C], indiquant que M. [G] [P] les avait rassurés sur le fait qu'il mettrait leur mère à l'abri en lui donnant les bons au porteur et l'usufruit de ses biens, sont insuffisantes pour établir l'existence du don manuel des bons au porteur litigieux, en l'absence de tout élément circonstancié sur la date du don et sur la détermination des bons ainsi donnés ;

Que M. [G] [P] ne remet pas en cause le don qu'il a pu faire à Mme [O] [D] d'un bon au porteur qu'elle a présenté à l'encaissement le 14 novembre 2014 pour une somme de 2 723,30 euros, mais que l'existence de cette donation n'emporte pas présomption de don des autres bons de capitalisation postérieurement à cette date, à un moment où Mme [O] [D] lui avait annoncé son intention de divorcer, et alors qu'elle avait opéré, le 11 décembre 2014, un virement de 12 000 euros du compte personnel de M. [G] [P] sur le sien propre, à la suite de quoi ce dernier a, le 31 décembre 2014, révoqué la procuration qu'il lui avait donnée sur ce compte ;

Qu'il convient en conséquence de ces éléments de retenir que la possession de Mme [O] [D] étant équivoque et non publique, celle-ci ne peut se prévaloir utilement des dispositions de l'article 2276 du code civil et de la présomption de don manuel à son profit et qu'à défaut de démonstration par elle de l'existence d'un don portant sur les cinq bons au porteur revendiqués, il doit être fait droit à l'action en revendication présentée par M. [G] [P] ;

Que le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que Mme [O] [D] restera en possession des titres au porteur litigieux et que Mme [O] [D] sera condamnée à restituer ces bons à M. [G] [P], en nature ou en valeur au jour de la présente décision ;

Attendu que les dispositions du jugement ayant débouté M. [G] [P] de sa demande en paiement de dommages et intérêts à l'encontre de la SA ACM Vie seront confirmées, la cour constatant que cette demande est sans objet en l'état de la condamnation prononcée à titre principal contre Mme [O] [D] ;

Attendu que M. [G] [P] est défaillant à établir l'existence d'un lien de causalité entre le comportement fautif reproché à son épouse pour avoir prétendu faussement être propriétaire des bons au porteur et ses problèmes de santé, les pièces qu'il produit établissant certes son hospitalisation en psychiatrie, mais à une date antérieure à la découverte de la disparition des bons et à son opposition ; que sa demande en paiement de dommages et intérêts sera donc rejetée ;

Attendu que Mme [O] [D] qui succombe sera déboutée de ses demandes en paiement de dommages et intérêts et en versement d'une indemnité au titre de ses frais irrépétibles ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement

et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action en revendication formée par M. [G] [P] contre Mme [O] [D] recevable et en ce qu'il l'a débouté de sa demande en dommages et intérêts contre Mme [O] [D] ;

Le confirme également en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [G] [P] à l'encontre de la SA ACM Vie et en ce qu'il a débouté Mme [O] [D] de sa demande en dommages et intérêts contre M. [G] [P] ;

L'infirme pour le surplus de ses dispositions ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Fait droit à la demande en revendication par M. [G] [P] des bons de capitalisation au porteur émis par la SA ACM Vie et portant les numéros 6B7112181, 6B7112182, 6B7112184, 6Q22120512 et 6Q22129415 contre Mme [O] [D] ;

Condamne Mme [O] [D] à restituer les dits bons au porteur à M. [G] [P], en nature ou en valeur à la date de la présente décision ;

Condamne Mme [O] [D] à payer à M. [G] [P] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SA ACM Vie ;

Condamne Mme [O] [D] aux entiers dépens et dit que les dépens d'appel seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 17/18195
Date de la décision : 02/07/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°17/18195 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-02;17.18195 ?
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