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20/06/2019 | FRANCE | N°17/05732

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 20 juin 2019, 17/05732


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE


Chambre 1-7


(Anciennement dénommée 11ème chambre A)





ARRÊT AU FOND


DU 20 JUIN 2019





N°2019/ 307




















Rôle N° RG 17/05732 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAIBR








Jonction au RG 18/2468








R... X...








C/





V... L...


Société CRISTAL











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Copie exécutoire délivrée le :


à :





SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON





Me Philippe-Laurent SIDER








Décision déférée à la Cour :





Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 07 Mars 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/13845.





...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

(Anciennement dénommée 11ème chambre A)

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2019

N°2019/ 307

Rôle N° RG 17/05732 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAIBR

Jonction au RG 18/2468

R... X...

C/

V... L...

Société CRISTAL

Copie exécutoire délivrée le :

à :

SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

Me Philippe-Laurent SIDER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 07 Mars 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/13845.

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 23 janvier 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/10691 (RG 18/2468).

APPELANT

Monsieur R... X... (intimé dans le RG 18/2468)

né le [...] à MARSEILLE, demeurant [...]

représenté par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté par Me Jean-michel Q..., avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMES

Monsieur V... L..., (appelant dans le RG 18/2468)

demeurant [...]

représenté par Me Sandra Y... de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

asssité par Me LABI Fabrice, avocat au barreau de Marseille

S.A.R.L. CRISTAL prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège sis, (appelante dans le RG 18/2468)

demeurant [...]

(défaillante dans le RG 17/5732 assignée en étude d'huissier le 14 août 2017)

représentée dans le RG 18/2468 par Me Sandra Y... de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

asssitée par Me LABI Fabrice, avocat au barreau de Marseille,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Avril 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Frédérique BRUEL, Conseillère, et Madame Carole MENDOZA, Conseillère, chargées du rapport.

Madame Carole MENDOZA, Conseillère, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre

Madame Frédérique BRUEL, Conseillère

Madame Carole MENDOZA, Conseillère,

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2019.

Signé par Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 15 septembre 1977, Monsieur R... X... a donné à bail commercial à Madame W... X... un local sis 91 promenade de la plage à Marseille (13008).

Le bail été conclu pour une durée de trois ans. Un nouveau bail a été conclu le 16 août 1988 pour une durée de neuf années.

Par décision du 09 février 1999, le juge des loyers commerciaux a fixé à la somme de 43.447,97 euros le prix du bail renouvelé.

Par décision rendue le 14 juin 2010, le prix du bail a été fixé à la somme annuelle de 58.254 euros à compter du 29 septembre 2006. Par jugement du 03 novembre 2014, le juge des loyers commerciaux a constaté l'accord de Madame X... pour verser un loyer annuel de 69.432 euros à compter du 21 octobre 2013.

Par décision du 09 mars 2015, le juge des référés a ordonné une expertise à la demande du bailleur qui faisait état de travaux réalisés sans son autorisation.

Dans la nuit du 29 au 30 mars 2015, un incendie a détruit une partie du local. La mission d'expertise a été étendue aux désordres résultant de l'incendie.

Madame X... a été placée en liquidation judiciaire par décision du tribunal de commerce de Marseille du 19 octobre 2015 et Maître T... a été désigné en qualité de liquidateur.

Le 19 février 2016, le fonds de commerce a été vendu à Monsieur V... L..., qui s'est porté adjudicataire pour le compte de la société CRISTAL en formation.

Monsieur X... a assigné à jour fixe la société CRISTAL et Monsieur L... par actes des 24 et 25 novembre 2016 en résiliation du bail.

Par acte des 28 et 29 novembre 2016, Monsieur X... a délivré à Monsieur L... et à la société CRISTAL un congé avec refus de renouvellement pour le 30 juin 2017, sans offre d'indemnité d'éviction.

Il les a, par la suite, assignés devant le tribunal de grande instance, en validation de son congé.

Par jugement contradictoire du 07 mars 2017, le tribunal de grande instance de Marseille a :

- déclaré Monsieur X... irrecevable en sa demande de résiliation du bail pour faute de Madame W... X...,

- débouté Monsieur X... de ses demandes dirigées contre Monsieur L... et la SARL CRISTAL,

-condamné Monsieur X... à faire procéder aux travaux de remise en état du bien loué selon les préconisations de l'expert S... soit :

* la reconstruction complète de la couverture après dépose et évacuation de la couverture existante, la démolition du mur en agglo et la reconstruction d'un nouveau mur avec fondations et raidisseurs pour un montant de 179.597, 55 euros TTC,

* outre la reprise des faux plafonds, de l'installation éelctrique et des embellissements dans la zone incendiée évaluée à 11.000 euros TTC

- ordonné la diminution provisoire du prix du loyer dont est redevable Monsieur L... à la somme de 40.000 euros par an, jusqu'à la fin des travaux,

- déclaré la SARL CRISTAL irrecevable en ses demandes en l'absence de justification de sa personnalité morale,

- condamné Monsieur X... à payer à Monsieur L... la somme de 1300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur X... aux dépens,

- rejeté les autres demandes plus amples ou contraires.

S'appuyant sur le rapport d'expertise déposé par Monsieur S... le 31 août 2016, les premiers juges ont retenu que le bien loué n'avait été que partiellement détruit par l'incendie du 30 mars 2015 et relevé que les autres désordres rendant le local inexploitable résultaient des travaux réalisés par l'ancien preneur.

Les premiers juges ont estimé que seul le preneur pouvait se prévaloir du caractère inexploitable des locaux.

Ils ont également débouté le bailleur de sa demande de résiliation du bail au visa de l'article 1728 du code civil, relevant qu'aucune faute ne pouvait être reprochée au preneur actuel et que Madame X... n'avait pas été appelée en la cause. Ils ont ajouté que Monsieur X... était forclos à solliciter la résiliation du bail à raison des fautes de l'ancien preneur survenues antérieurement au jugement de liquidation judiciaire, en application de l'article L 641-12 du code du commerce.

Ils ont relevé que la preuve de la personnalité morale de la SARL CRISTAL n'était pas rapportée si bien qu'ils ont déclaré irrecevables les demandes de cette dernière.

Ils ont condamné le bailleur, tenu contractuellement aux grosses réparations, à faire réaliser les travaux nécessaires à la destination convenue au bail et ont fait droit à la demande de diminution provisoire du loyer sollicité par Monsieur L....

Le 23 mars 2017, Monsieur X... a formé un appel total de cette décision.

Monsieur L... a constitué avocat.

La SARL CRISTAL, assignée par procès-verbal de recherches infructueuses, n'a pas constitué avocat.

Par conclusions signifiées le 17 novembre 2017 sur le RPVA et signifiées à l'intimé défaillant le 20 novembre 2017 auxquelles il convient de se reporter, Monsieur X... demande à la cour:

- de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- de dire résilié de plein droit le bail concernant le lcal sis 91 promenade de la plage à Marseille à compter de la date de l'incendie survenu dans la nuit du 29 au 30 mars 2015, en application de l'article 1722 du code civil,

- de condamner Monsieur L... et la société CRISTAL in solidum au paiement d'une indemnité d'occupation de la date de résiliation jusqu'à la libération des lieux,

* subsidiairement :

- de prononcer la résiliation du bail en application de l'article 1728 du code civil,

- d'ordonner l'expulsion de la société CRISTAL et de Monsieur L... sans délai ainsi que de tous occupants de leur chef avec, au besoin, le concours de la force publique,

- de condamner in solidum Monsieur L... et la société CRISTAL au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer impôts fonciers en sus juqu'à la libération totale des lieux, soit la somme de 6596 euros,

* très subsidiairement :

- de dire que le principe de proportionnalité s'oppose à imposer la reconstruction d'un bâtiment sans aucune prise en charge par la compagnie d'assurances en l'état de frais très lourds, alors que le local, du fait de l'évolution de l'envisonnement, ne pourra plus être exploité conformément à la destination de bar dancing,

- de prononcer la résiliation du bail et de condamner la SARL CRISTAL et Monsieur L... au paiement d'une indemnité d'occupation égale au dernier loyer fixé jusqu'à la libération totale des lieux, soit 6596 euros par mois,

- de condamner Monsieur L... au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur L... aux entiers dépens.

Il explique que le contentieux qui l'oppose à son ancien preneur, Madame X..., date d'avant l'ouverture de la procédure collective dont a bénéficié cette dernière et qu'il s'est poursuivi par la suite à l'encontre du mandataire judiciaire. Il note qu'il avait introduit, avant l'ouverture de la procédure collective, et poursuivi par la suite, ses demandes de résiliation de bail. Il expose qu'il reprochait à Madame X... un défaut de paiement des loyers, une sous-location et des travaux non autorisés effectués par le sous-locataire. Il souligne que le liquidateur judiciaire, Maître T..., pourtant régulièrement mis en cause dans ces procédures, a fait procéder à la vente aux enchères du fonds de commerce, en dépit de procédures pendantes devant le tribunal de grande instance relatives à des oppositions faites par Madame X... à des commandements de payer qui lui avaient été délivrés.

Il soutient que le local a été entièrement détruit à la suite de l'incendie puisque le locataire ne pouvait plus jouir de la chose louée ou ne pouvait plus en user conformément à sa destination. Il estime que le locataire répond de l'incendie lorsque son origine n'a pu être déterminée. Il rappelle que l'expert a noté que les travaux réalisés par le sous-locataire ont porté atteinte à la solidité de l'ouvrage.

Subsidiairement, il fait état des nombreuses infractions au bail pour solliciter la résiliation judiciaire du bail (sous-location et travaux non autorisés). Il soutient que les motifs de résiliation du bail sont opposables à Monsieur L... qui ne peut revendiquer plus de droits que le titulaire du bail dont il est cessionnaire.

Il ajoute que les premiers juges ne pouvaient lui imposer la reconstruction des locaux.

S'il était retenu par la cour que la destruction des locaux n'est que partielle, il indique que c'est au preneur de procéder à ses frais à la reconstruction du local, sous réserve d'obtenir les autorisations nécessaires.

Très subsidiairement, il sollicite l'application du principe de proportionnalité, relevant les multiples fautes de son premier locataire, l'absence actuel de paiement de tout loyer à son profit, l'absence d'occupation du local par le nouveau preneur et la présence de sans-abris dans ce dernier.

Par conclusions signifiées le 11 août 2017 sur le RPVA auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, Monsieur L... demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré sauf en ce qui concerne ses demandes 'supplémentaires'

* à titre principal :

- de débouter Monsieur X... de ses demandes,

* à titre subsidiaire :

- de constater qu'il n'a commis aucune faute et de débouter Monsieur X... de ses demandes,

* en tout état de cause :

- de dire et juger qu'il appartient aux bailleurs d'effectuer les travaux de remise en état du local commercial en l'état d'une destruction partielle,

- de condamner Monsieur X... à effectuer les travaux de remise en état du local commercial sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

- d'ordonner la diminution du loyer annuel à hauteur de 40.000 euros,

- de condamner Monsieur X... à lui verser la somme de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur X... aux entiers dépens.

Il relève que le local n'a pas été intégralement détruit à la suite de l'incendie et soutient que le montant des travaux de l'immeuble n'excède pas sa valeur.

Il indique qu'aucune faute contractuelle ne peut lui être reprochée.

Il demande la remise en état des locaux sous astreinte ainsi que la diminution du loyer annuel.

****

Par jugement contradictoire du 23 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Marseille a :

- dit que les motifs graves et légitimes invoqués par le bailleur dans le congé délivré les 28 et 29 novembre 2016 sont injustifiés,

- constaté que le congé continue à produire ses effets quant au refus de renouvellement du bail,

-dit que les preneur n'étaient pas inscrits au registre du commerce et des sociétés à la date du congé

- dit que les preneurs n'ont pas droit au paiement d'une indemnité d'éviction,

- fixé l'indemnité d'occupation due par le preneur à compter du 30 juin 2017 à la somme mensuelle de 6596 euros jusqu'à son départ effectif des lieux loués,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- dit que les dépens seront partagés par moitié entre Monsieur R... X... d'un côté et Monsieur V... L... et la SARL CRISTAL de l'autre.

Les premiers juges ont retenu que le motif grave et légitime permettant au bailleur de ne pas proposer une indemnité d'éviction ne pouvait être invoqué que contre le locataire sortant . Ils ont noté que le bailleur ne pouvait invoquer des manquements imputables au prédécesseur du locataire dès lors que la cession du bail est intervenue avant le refus de renouvellement. Ils en ont conclu que les manquements commis par Madame X... ne pouvaient donc être invoqués dans le congé délivré à la SARL CRISTAL et à Monsieur L....

Ils ont noté que le congé qui a été délivré a les effets d'un congé avec refus de renouvellement comportant l'obligation de payer une indemnité d'éviction. Néanmoins, relevant que ni Monsieur L... ni la SARL CRISTAL n'étaient immatriculés au registre du commerce et des sociétés à la date du congé, les premiers juges ont déclaré qu'ils ne pouvaient prétendre au renouvellement du bail et par voie de conséquence, au paiement d'une indemnité d'éviction.

Ils ont fixé le montant de l'indemnité d'occupation.

Le 12 février 2018, la SARL CRISTAL et Monsieur L... ont formé un appel portant sur tous les chefs de cette décision.

Après dépôt d'une requête en omission de statuer, le tribunal de grande instance de Marseille a, par jugement contradictoire du 27 mars 2018 :

- complété le jugement rendu le 23 janvier 2018 par la tribunal de grande instance de Marseille,

- ordonné l'expulsion de la SARL CRISTAL et de Monsieur V... L... et de tout occupant de leur chef du local commercial situé 91 promenade de la plage [...] ,

- dit que cet ajout sera mentionné en marge de la minute du jugement rendu le 23 janvier 2018.

Le 28 avril 2018, la SARL CRISTAL et Monsieur L... ont formé appel de l'ensemble des chefs du jugement du 27 mars 2018.

Les deux procédures ont fait l'objet d'une jonction.

Monsieur X... a constitué avocat et formé un appel incident.

Par conclusions notifiées sur le RPVA le 24 octobre 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, La SARL CRISTAL et Monsieur L... demandent à la cour :

- de constater la nullité du congé,

- de constater que les motifs invoqués à l'occasion du congé avec refus de renouvellement ne concernent que le précédent exploitant et ne sauraient être imputables au nouveau locataire

- de constater que le nouveau locataire n'a commis aucune faute et que le bailleur ne peut invoquer un nouveau motif au bénéfice d'un refus de renouvellement sans indemnité d'éviction

- de constater que l'absence d'immatriculation ne peut prospérer, ce motif n'ayant jamais fait l'objet d'une quelconque mise en demeure préalable et n'ayant pas été évoqué dans le congé

* en conséquence

- de dire nul et de nul effet le congé,

- de débouter Monsieur X... de ses demandes,

- de débouter Monsieur X... de sa demande d'expulsion,

* à titre subsidiaire :

- de dire qu'ils peuvent prétendre à une indemnité d'éviction,

- de désigner un expert avec mission de fixer l'indemnité d'éviction,

- de condamner à titre provisionnel Monsieur X... à verser à Monsieur L... et à la SARL CRISTAL la somme de 100.000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de leur préjudice,

- de condamner Monsieur X... à leur verser la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur X... aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP BADIE.

A titre préliminaire, ils indiquent que la procédure diligentée par Monsieur X..., qui se refuse à remettre le bien en l'état, a uniquement pour objectif de permettre à ce dernier de récupérer ce dernier sans avoir à verser d'indemnité d'éviction.

Ils exposent que le congé délivré par Monsieur X... est nul puisqu'il fait état de griefs qui ne leur sont pas imputables.

Ils ajoutent que leur bailleur s'est saisi d'un nouveau grief (absence d'immatriculation), sans que ce dernier ne soit visé dans son congé.

Ils relèvent que le congé est également nul puisqu'il a été délivré au cours de sa période contractuelle d'exécution, alors qu'un jugement rendu le 03 novembre 2014 fixant le prix du bail, entraînait la reconduction du bail. Ils en concluent que ce n'est pas la date du 29 septembre 2006 qu'il faut prendre en compte mais celle du 03 novembre 2014.

S'agissant toujours de l'absence d'immatriculation, ils indiquent n'avoir été destinataires d'aucune mise en demeure.

Ils expliquent que Monsieur L... est immatriculé mais que la société CRISTAL n'est toujours pas en activité, en raison de la carence du bailleur. Ils soutiennent qu'un preneur non commerçant peut bénéficier du statut des baux commerciaux au moyen d'une extension du statut, par convention.

A titre subsidiaire, ils sollicitent une expertise afin d'évaluer le montant de l'indemnité d'éviction à laquelle ils estiment avoir droit. Ils demandent une indemnisation provisionnelle.

Par conclusions signifiées sur le RPVA le 04 décembre 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, Monsieur X... demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que les motifs graves et légitimes invoqués dnans le congé étaient injustifiés,

* statuant à nouveau :

- de dire graves et légitimes les motifs invoqués et opposables à la société CRISTAL et à Monsieur L...

* subsidiairement :

- de prononcer la résolution judiciaire du bail,

* en toute hypothèse :

- de condamner in solidum Monsieur L... et la société CRISTAL à payer la somme de 79.237,31 euros correspondant aux débours,

- de débouter les appelants principaux de leurs demandes,

- de condamner in solidum Monsieur L... et la SARL CRISTAL au versement de la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il expose que le bail a été renouvelé à compter du 29 septembre 2006 et qu'il s'est poursuivi par tacite reconduction à l'échéance du 30 septembre 2015. Il en déduit que le congé a été régulièrement délivré.

Il estime bien fondé son congé, soulevant les fautes commises par le précédent preneur (non-paiement des loyers; sous-location non autorisée; travaux non autorisés et non conformes aux règles de l'art; refus de prise en charge de l'incendie par la compagnie d'assurance) sont opposables à l'adjudicataire qui connaissait les procédures judiciaires en cours par le biais du cahier des charges.

Il expose avoir engagé une procédure de résiliation du bail avant l'ouverture de la procédure collective, indique que la procédure a été poursuivie par assignation délivrée avant l'adjudiciation et qu'en conséquence, l'adjudicataire a acquis le fonds sans pouvoir écarter les procédures en cours.

Il souligne qu'il n'avait pas besoin de procéder à une mise en demeure s'agissant des fautes qu'il reprochait à son précédent preneur, puisque les infractions au bail étaient irrémédiablement avérées.

Il ajoute que la société CRISTAL ne peut prétendre à une indemnité d'éviction puisqu'elle n'établit pas son immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Il précise que Monsieur L... fait état d'une immatriculation ans rapport avec l'exploitation du fonds exploité à l'adresse des locaux.

Il rejette l'argument d'une soumission volontaire aux statuts des baux commerciaux, relevant qu'il n'existe aucune convention entre les parties à ce sujet.

Subsidiairement, il sollicite la résiliation judiciaire du bail. Il fait état de l'absence de versement de loyer par les appelants depuis le 19 février, de l'absence par ces derniers du paiement des impôts fonciers, de l'absence de sécurisation du site qui reste ouvert et de l'état d'abandon des locaux.

Il déclare avoir repris les locaux suivant procès-verbal d'huissier du 23 mai 2018 et avoir dû débourser des travaux de mise en sécurité et des frais complémentaires dont il demande le remboursement à la société CRISTAL et à Monsieur L....

MOTIVATION

Sur la jonction des procédures

En application de l'article 367 du code de procédure civile, il convient d'ordonner la jonction des deux instances enregistrées sous les numéros RG 17/05732 et RG 18/02468, compte tenu du lien existant entre les litiges.

Sur la résiliation du bail en application de l'article 1722 du code civil

L'article 1722 du code civil dispose que si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement.

Est assimilée à une perte totale de la chose louée l'impossibilité absolue et définitive d'en user conformément à sa destination ou la nécessité d'effectuer des travaux dont le coût excède sa valeur.

Le bail commercial a pour destination un usage de 'restauration-bar-dancing'.

Il ressort du rapport d'expertise que l'incendie, dont la cause est indéterminée et qui s'est déclaré au cours de la nuit du 29 au 30 mars 2015, a détruit deux fermes de la charpente de la couverture du local, fortement détérioré une troisième et détruit les faux-plafonds de la piste de danse. Ce même rapport indique que le local est en l'état inexploitable et ne peut être loué, par l'effet combiné de l'incendie qui s'est déclaré dans le local et de malfaçons liés à des travaux effectués par un sous-locataire non autorisé de l'ancien preneur en liquidation judiciaire.

Dès lors, il convient de considérer que les locaux ont été détruits par cas fortuit en totalité, compte tenu de l'impossibilité absolue et définitive d'user du local conformément à sa destination, alors que le coût des travaux de la remise en état du bien, qui ne peuvent s'analyser en de simples réparations, chiffré à une somme supérieure à 180.000 euros, excède très largement le montant du loyer annuel qui s'élevait à la somme de 69.432 euros.

En conséquence, et en application de l'article 1722 du code civil, il y a lieu de dire que le bail est résilié de plein droit. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Le bail étant résilié de plein droit, le jugement du 24 janvier 2017 sera infirmé en ce qu'il a condamné Monsieur X... à effectuer des travaux de remise en état du local et en ce qu'il a ordonné une diminution du loyer.

Sur les demandes de la SARL CRISTAL

Ainsi que l'ont relevé les premiers juges dans leur décision du 07 mars 2017, Monsieur L... ne justifie pas de la création et de l'immatriculation au registre du commerce et des société de la SARL CRISTAL, si bien que les demandes de cette dernière sont irrecevables.

En l'absence de démonstration de la personnalité morale de la société CRISTAL, il n'y a pas lieu de prononcer de condamnation à son encontre.

Sur la demande d'indemnité d'occupation et d'expulsion

Le bail étant résilié à la date du sinistre (soit le 30 mars 2015), il convient de condamner Monsieur L... à verser une indemnité d'occupation pour la période courant du 19 février 2016 (date de la vente du fonds de commerce) jusqu'à la restitution des lieux, intervenue le 23 mai 2018 (selon les écritures du 04 décembre 2018 de Monsieur X... dans l'affaire enregistrée sous le RG n° 18.02468).

Monsieur X... ne chiffre pas le montant de l'indemnité d'occupation qu'il sollicite.

Cette indemnité, déterminable, est destinée à réparer le préjudice du bailleur lié à la privation de son local. Ce dernier a récupéré les lieux loués le 23 mai 2018. Les locaux ne pouvaient permettre à un locataire commercial d'exercer un commerce depuis l'incendie du 30 mars 2015. Le préjudice du bailleur est donc uniquement constitué par son impossibilité d'avoir pu reprendre son local afin, le cas échéant, d'y faire des travaux de remise en état.

Lorsque Monsieur L... est devenu adjudicataire des lieux loués en février 2016, le local commercial était déjà sinistré. Dès lors, l'indemnité d'occupation sera justement réparée par la somme de 2000 euros à laquelle sera condamné Monsieur L....

La demande d'expulsion est désormais sans objet puisque Monsieur X... a récupéré son local depuis le 23 mai 2018.

Sur le congé avec refus de renouvellement sans offre d'éviction délivré les 28 et 29 novembre 2016 et les demandes subséquentes

Le bail est résilié de plein droit en application de l'article 1722 du code civil, à une date antérieure à la délivrance du congé sans offre de renouvellement.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement du 23 janvier 2018 en ce qu'il a statué sur le sort du congé délivré les 28 et 29 novembre 2016, dit n'y avoir lieu à indemnité d'éviction et fixé l'indemnité d'occupation due par le preneur à compter du 30 juin 2017 à la somme mensuelle de 6596 euros jusqu'à son départ effectif des lieux loués.

Les demandes en lien avec la délivrance du congé sans offre de renouvellement sont sans objet.

Pour les mêmes motifs et alors que les locaux ont été repris par Monsieur R... X..., le jugement rendu le 27 février 2018 qui ordonne l'expulsion de la SARL CRISTAL ainsi que celle de Monsieur L... du local sis 91 promenade de la plage à Marseille sera infirmé.

Sur la demande formée par Monsieur R... X... tendant à voir condamner in solidum Monsieur L... et la société CRISTAL à lui verser la somme de 79.327, 31 euros

Monsieur X... justifie avoir déboursé diverses sommes pour entretenir son bien et le sécuriser. Il ne peut non plus solliciter le remboursement de ces travaux à l'encontre de Monsieur L... et de la société CRISTAL (dont la personnalité morale n'est de surcroît pas démontrée), puisque le bail est résilié de plein droit depuis le 30 mars 2015, soit antérieurement à la date de l'acquisition du fonds de commerce par Monsieur L.... Monsieur X... ne justifie pas d'une faute délictuelle dont se serait rendu coupable Monsieur L... qui aurait justifié les travaux qu'il a fait effectuer et dont il demande le remboursement. Il sera en conséquence débouté de cette prétention.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, qu'il s'agisse des frais irrépétibles exposés par les parties en première instance que devant la cour d'appel.

Les parties seront en conséquence déboutées de leurs demandes sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

ORDONNE la jonction des deux instances enregistrées sous les numéros RG 17/05732 et RG 18/02468,

INFIRME le jugement rendu le 07 mars 2017, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la société CRISTAL,

INFIRME le jugement rendu le 23 janvier 2018, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement rendu le 27 mars 2018,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT

PRONONCE au 30 mars 2015 la résiliation du bail concernant le local situé 91 promenade de la plage à Marseille en application de l'article 1722 du code civil,

DEBOUTE Monsieur R... X... de ses demandes formées à l'encontre de la société CRISTAL,

CONDAMNE Monsieur V... L... à verser à Monsieur R... X... une somme de 2000 euros au titre de l'indemnité d'occupation due à compter du 19 février 2016 et jusqu'au 23 mai 2018,

DIT n'y avoir lieu à prononcer l'expulsion de la société CRISTAL et de Monsieur L... des lieux sis 91 promenade de la plage à Marseille, les locaux ayant été repris par Monsieur R... X... le 23 mai 2018,

DIT sans objet la demande de résiliation du bail sur le fondement de l'article 1728 du code civil,

DEBOUTE Monsieur V... L... tendant à voir condamner Monsieur R... X... à effectuer des travaux de remise en état du local,

DIT sans objet les demandes en lien avec la validation du congé sans offre de renouvellement,

DEBOUTE Monsieur R... X... de sa demande tendant à voir condamner in solidum Monsieur L... et la société CRISTAL à lui verser la somme de 79.237,31 euros,

DEBOUTE Monsieur V... L... de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE Monsieur R... X... de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de Monsieur V... L....

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 17/05732
Date de la décision : 20/06/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence A1, arrêt n°17/05732 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-20;17.05732 ?
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