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20/06/2019 | FRANCE | N°17/04396

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 20 juin 2019, 17/04396


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2019



N° 2019/





MS







Rôle N°17/04396

N° Portalis DBVB-V-B7B-BAEXY







SARL TRANSPORTS AUTOMOBILES DE LA CÔTE D'AZUR ET DE LA VALLEE DU LOUP (ENSEIGNE TACAVL)





C/



[T] [Z]





























Copie exécutoire délivrée

le : 20/06/2019

à :
r>

- Me Raymond RUDIO, avocat au barreau de GRASSE



- Me Isabelle FILIPETTI, avocat au barreau de GRASSE



































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRASSE en date du 03 Février 2017 enregistré au répertoire généra...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2019

N° 2019/

MS

Rôle N°17/04396

N° Portalis DBVB-V-B7B-BAEXY

SARL TRANSPORTS AUTOMOBILES DE LA CÔTE D'AZUR ET DE LA VALLEE DU LOUP (ENSEIGNE TACAVL)

C/

[T] [Z]

Copie exécutoire délivrée

le : 20/06/2019

à :

- Me Raymond RUDIO, avocat au barreau de GRASSE

- Me Isabelle FILIPETTI, avocat au barreau de GRASSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRASSE en date du 03 Février 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 14/00257.

APPELANTE

SARL TRANSPORTS AUTOMOBILES DE LA CÔTE D'AZUR ET DE LA VALLEE DU LOUP (ENSEIGNE TACAVL), sise [Adresse 1]

représentée par Me Hugo BRUNA, avocat au barreau de MONTPELLIER et par Me Raymond RUDIO, avocat au barreau de GRASSE,

INTIME

Monsieur [T] [Z], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Isabelle FILIPETTI, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mars 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Monsieur Thierry LAURENT, Conseiller

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2019

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [T] [Z] a été engagé par la société Transports Automobiles de la Côte d'Azur et de la Vallée du loup (ci-après la société TACAVL) en qualité de conducteur-receveur, à compter du 16 mars 2001, suivant contrat à durée déterminée qui s'est poursuivi après son terme, moyennant un salaire brut moyen mensuel qui était en dernier lieu de 2 377,79 euros.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport.

La société TACAVL employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement (plus de 100).

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 décembre 2011, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé le 4 janvier 2012, auquel il s'est présenté assisté, et par lettre du 12 janvier 2012, adressée sous la même forme, il a été licencié pour faute grave.

Contestant son licenciement, M. [Z] a saisi le la juridiction prud'homale afin d'obtenir diverses indemnités et dommages-intérêts au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 3 février 2017 le conseil de prud'hommes de Grasse, statuant en sa formation de départage a :

* dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* condamné la société TACAVL à payer à M. [Z] les sommes suivantes :

- 5 415,99 euros d'indemnité légale de licenciement,

- 4 755,58 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 475,55 euros de congés payés y afférents ,

- 28 533 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes a en outre :

* ordonné à la société TACAVL de remettre à M. [Z] le dernier bulletin de salaire, son certificat de travail, l'attestation destiné au Pôle emploi et le reçu pour solde de tout compte,

*condamné la société TACAVL aux dépens,

* ordonné l'exécution provisoire,

* rejeté toute autre demande.

La société TACAVL a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 13 mars 2019, la société TACAVL, appelante critique le jugement pour avoir écarté cinq précédents disciplinaires non contestés en leur temps par le salarié, survenus en 2009 et en 2011, et pour avoir considéré que les faits fautifs n'étaient pas établis, ni dans leur matérialité ni dans leur imputabilité, alors que le 15 décembre 2011 M. [Z] a pris la liberté d'emprunter un parcours différent pour sa tournée de ramassage scolaire, et après avoir fait demi-tour et roulé à vitesse excessive, a accidenté l'autocar de l'entreprise en heurtant un rocher, inventant ensuite une collision imaginaire pour s'exonérer de sa responsabilité. Elle considère que les faits fautifs et es précédents justifiaient le licenciement pour faute grave.

L'appelante demande d'infirmer le jugement, de dire que les faits sont constitutifs de faute grave, de débouter M. [Z] de l'intégralité de ses demandes, très subsidiairement de limiter l'indemnisation à six mois de salaire, et de condamner M. [Z] au paiement d'une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 25 mars 2019, M. [Z], intimé nie avoir manqué à ses obligations en empruntant un autre itinéraire que celui habituel comme avoir circulé à vitesse excessive. Il soutient que l'itinéraire emprunté l'était habituellement et qu'il n'est pas prouvé que c'était lui qui conduisait le car lorsqu'il a été vu roulant vite et que d'autres salariés ont conduit le véhicule accidenté le jour des faits .Il soutient que les dégats causés à l'autocar sont mineurs, qu'il n'a jamais adopté de conduite dangereuse comme en attestent plusieurs parents d'élèves, et qu'il n'a d'ailleurs pas été mis à pied par l'employeur et a continué à conduire jusqu'au licenciement .Il indique subir un important préjudice car il a une famille à charge et n'a pas retrouvé d'emploi et est au RSA.

M. [Z], demande en conséquence de révoquer l'ordonnance de clôture pour répondre aux écritures et pièces tardivement communiquées par l'appelant sinon de les écarter, de confirmer le jugement, et de condamner la société TACAVL, en outre à lui payer une somme de 5.000 euros pour préjudice distinct et exécution déloyale du contrat de travail.

Il demande d'ordonner la remise des documents de fin de contrat ainsi que la capitalisation des intérêts des sommes dues et de condamner la société TACAVL au paiement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 mars 2019.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture :

Au visa des articles 16 et 784 du code de procédure civile il convient de révoquer l'ordonnance de clôture pour admettre les conclusions signifiées par l'intimée le 25 mars 2019, en réplique à celles tardives signifiées par l'appelant, le 13 mars 2019, veille de l'ordonnance de clôture.

Ladite révocation par la présente décision statuant également sur le fond du litige ne porte pas atteinte au principe de la contradiction ni à l'exercice des droits de la défense.

Sur le licenciement :

Il résulte de la combinaison des articles L. 1232-6 et L. 1332-2 du code du travail que la lettre de licenciement pour motif disciplinaire doit être notifiée au salarié dans le délai d'un mois à compter du jour fixé pour l'entretien préalable et qu'à défaut le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse . En l'espèce, convoqué à un entretien préalable fixé le 4 janvier le salarié a été licencié le16 janvier . Le licenciement a donc été prononcé dans le délai d'un mois.

La lettre de licenciement est ainsi motivée :

(...) Le jeudi 15 décembre 2011, le service de la planification vous a attribué comme à l'accoutumée la ligne CNS18 journée ( [Localité 1]-Collège [Établissement 1]) avec le véhicule immatriculé [Immatriculation 1].

Durant votre ramassage scolaire sur la route de [Localité 2]-[Localité 3] vous avez occasionné d'importants dégâts sur le véhicule qui vous était affecté dans les circonstances suivantes :

-vous avez accroché tout le côté droit et éclaté le pneu arrière droit du véhicule [Immatriculation 1] contre des rochers parce que vous rouliez à une vitesse inadaptée.

Après avoir effectué l'itinéraire normal entre [D] [Y] et le pont de la Manda, vous êtes montés comme d'habitude en direction de [Localité 2] mais vous avez oublié de prendre à droite en direction du [Adresse 3][Localité 4].

Lorsque vous vous êtes aperçu de notre erreur vous avez continué jusqu'à [Localité 2], vous êtes passé devant l'Intermarché est emprunté la D2209 route de [Localité 3] qui rejoint le [Adresse 3][Localité 4], le tout à vive allure.

Dans la descente, dans une courbe à droite mal négociée du fait de la vitesse, vous avez accroché l'autocar sur le côté droit du panneau situé après la roue avant jusqu'à l'arrière, le pneu arrière droit a même explosé du fait lui aussi d'être entré en contact avec le rocher .

Après cet accrochage vous avez continué votre ramassage scolaire jusqu'au collège [Établissement 1]. En n'arrivant au collège, après avoir laissé les élèves, vous avez appelé à 8 heures Monsieur [S] [P] votre responsable d'exploitation, pour qu'il vienne récupérer le car en lui déclarant : 'j'ai touché un rocher, j'ai croisé une voiture et avec le dos bloqué j'ai pas pu freiner, ni tourner le volant correctement, je me suis trompé ça ne va pas'.

Vous avez entre-temps appelé les pompiers qui sont venus vous chercher afin de vous conduire à l'hôpital vous en êtes sortis le jour même.

Lors de notre entretien du 4 janvier 2012 vous avez reconnu que vous vous étiez trompés d'itinéraire bien que vous assuriez ce même circuit de ramassage scolaire depuis un an et demi

vous avez reconnu avoir aperçu à des tiers à l'arrêt de bus Inter marché puisque vous avez déclaré : je n'ai pas eu le réflexe de vous saluer

Vous avez aussi dit vous être bloqué le dos après l'accrochage. Vous avez aussi expliqué que ' c'est parce qu'à la sortie du virage il y avait une benne de chantier stationnée que j'ai mal négocié mon virage'.

Ces deux déclarations ne correspondent pas à ce que vous avez affirmé à M. [S].

Dans un souci de connaître au plus près la réalité des faits nous avons demandé aux adolescents à bord de l'autocar au moment de l'accident s'ils avaient vu un autre véhicule ; ils nous ont déclaré « n'avoir rien vu en face, ils étaient assis côte à côte dans les premiers rangs et que le conducteur avait fait ça tout seul ».

Concernant votre vitesse anormale j'ai pu constater moi-même la vitesse à laquelle vous étiez passés devant l'arrêt [Localité 2] et la vitesse à laquelle vous aviez emprunté la descente du D2209.

Mme [X] [V], contrôleur assermenté, travaillant pour le compte du conseil général un de nos principaux donneurs d'ordre, était à mes côtés quand vous êtes passés à [Localité 2]. Elle a été fort désagréablement surprise par votre conduite à tel point qu'elle nous a relaté les faits par écrit :

'Notre attention a été attirée par l'arrivée d'un autocar au rond-point. En effet, la vitesse de l'autocar m'a semblée excessive pas adaptée par rapport à la configuration des lieux : circulation de voitures, traversée d'élèves notamment à cet endroit' Quand l'autocar est passé devant l'arrêt nous étions positionnés, Monsieur [C] s'est alors interrogé concernant le passage de ce service sur cet itinéraire.

J'ai dit à Monsieur [C] que son conducteur n'avait pas un comportement d'une personne responsable et professionnelle au volant d'un véhicule de transport public ; de plus hormis le danger qui peut être généré par une conduite agressive l'image de la société des autocars TACAVL est dégradée par le comportement de ce conducteur en service ».

Je me permets de rajouter que lors de l'entretien vous nous avez précisé 'que vous avez passé une mauvaise nuit et que vous aviez 40 de fièvre ». Quand je me suis étonnée que l'on ne vous est pas gardé à l'hôpital car 40 de fièvre ce n'est pas rien vous avez déclaré que « lorsqu'il vous arrive ce genre de problème tout disparaît. »

Je rajoute aussi qu'il n'y avait aucune directive, ni travaux quelconques qui auraient pu être à l'origine de votre chanson itinéraire .

Fort heureusement aucun collégien que vous avez transporté ce jour-là n'a été blessé durant l'accrochage !

Dans cette éventualité, si une enquête avait été diligentée conformément à la législation, qu'elles en auraient été les conséquences '

De plus le jour de notre entretien je vous ai lu le courrier électronique que nous avons reçu le 14 décembre 2011 à 15 heures 31 de notre autorité de contrôle [Localité 5] Côte d'[Localité 6] qui nous retransmet un message du même jour émanant de Monsieur [N] [F] signalant le comportement dangereux d'un chauffeur de transport scolaire, ce même jour vers 8h45 dans la montée [Localité 2]-La Gaude, service que vous assurez :

'Suite à notre conversation téléphonique de ce jour, je tiens à signaler par ce mail le comportement dangereux et irresponsable d'un de vos chauffeurs de transport scolaire.

Aujourd'hui mercredi 14/12 vers 8h45 dans le sens de la montée [Localité 2] La Gaude, sur le [Adresse 3][Localité 4], ce chauffeur a failli provoquer un accident par sa vitesse excessive.

Malgré le fait que ce [Adresse 3][Localité 4] soit par endroits très étroit ce chauffeur ne marque aucun ralentissement lors du croisement de véhicules et oblige les autres conducteurs à prendre des risques, sans parler dans ce cas de la mise en danger des enfants transportés.

Ce constat est d'autant plus regrettable qu'apparemment cette situation est déjà connue de nos services.

Je vous remercie donc de prendre contre mon message pour éviter qu'un drame ne se produise prochainement.'

Le drame aurait pu se produire le lendemain !

Comment pouvons-nous garder la confiance de notre client le conseil général ou [Localité 5] Côte d'[Localité 6] lors de prochains appels d'offre si des parents d'élèves se plaignent de la conduite rapide et dangereuse d'un conducteur de la TACAVL qui transporte leurs enfants ' Cela porterait un certain préjudice moral voire financier à l'entreprise

Votre attitude nuit fortement à l'entreprise et tous les événements vous concernant peuvent amener les diverses autorités organisatrices, pour lesquelles nous travaillons, à reconsidérer notre capacité d'assurer correctement les services qui nous sont confiés.

Vous respectez pas et vous ne suivez donc pas toutes les instructions et consignes émanant de votre supérieur hiérarchique, de la direction, car vous avons déjà signalé dans le passé à quel point une conduite rapide comme la vôtre peut être dangereuse

Outre le préjudice financier important subi par l'entreprise en lien avec la remise en état de ce récent véhicule (première mise en circulation le 7 mai 2009 mais première mise à la disposition de la société depuis le 7 septembre 2010) qui ne seront pas pris en charge par notre compagnie d'assurances dès lors qu'ils sont à 100 % à tort et sans tiers identifié s'ajoutera un préjudice lié à l'immobilisation rendue nécessaire pour sa remise en état (pertes de chiffre d'affaires perte d'exploitation).

Vos seules explications que vous avez exposées sont les suivantes :

'J'avais passé une mauvaise nuit.

Je roulais vers La Manda, il y avait un bouchon à Lidl. Les enfants perturbés par le comportement.

J'ai loupé l'intersection pour le [Adresse 3][Localité 4] et j'ai continué sur [Localité 2].

Je n'ai pas eu le réflexe de vous saluer.

Dans la descente, j'ai pris le virage, j'ai trouvé une benne stationnée sur le chantier en face.

Je me suis bloquée du dos après l'accrochage. Je me suis faite amener à l'hôpital.

Je ne suis pas fièr de ce qui m'est arrivé. Cela fait deux ans que je passe par là avec les élèves. Je demande qu'on ne soit pas trop sévère envers moi.'

Malgré vos explications sur les faits reprochés nous ne sommes pas en mesure de modifier notre appréciation sur la manière dont vous avez exécuté vos obligations professionnelles et contractuelles, et nous sommes au regret de vous informer de notre décision de procéder à votre licenciement pour faute grave en raison des défis pris au regard des derniers faits qui vous ont été reprochés :

Votre comportement nuit considérablement à la bonne marche de l'entreprise lorsque vous roulez vite ne respecter pas vous éventuel passager, ni le matériel et la sécurité de chacun, la vôtre comme celle des autres usagers de la route.

Les dégâts importants occasionnés aux véhicules n'ont pu être que le résultat d'une vitesse importante sur l'itinéraire que nul n'était censé emprunté et sur lequel n'apporte aucune preuve. Pour accrocher le véhicule AA232 LL de 10 m, sur toute la longueur (tout le côté droit du début à la fin) c'est que la vitesse n'était pas adaptée.

Vous ne respectez pas vos obligations contractuelles qui nous lient : c'est-à-dire que le conducteur doit emprunter un itinéraire et pas un autre.

Vous ne respectez pas vos obligations professionnelles : votre vitesse non adaptée aux circonstances de la circulation et de surcroît sur l'itinéraire qu'il aurait pas dû être emprunté.

Il s'avère que vous n'avez toujours pas pris conscience de l'impérieuse nécessité qu'il y avait pour vous de changer radicalement de comportement dans le cadre de l'exécution de vos obligations tant professionnelles que contractuelles.

Nous devons vous rappeler que ce n'est malheureusement pas la première fois que nous sommes amenés au cours de notre relation contractuelle à vous notifier les problèmes de comportement poste de travail et relevé de votre égard l'inexécution dans obligations professionnelles contractuelles, notamment un avertissement (LRAR n°.. du 25 mars 2009) des sanctions avec des jours de mise à pied (LRAR n°.. Du 29 octobre 2009 et une deuxième sanction avec un courrier de remise en main propre du 18 août 2011) une absence irrégulière (6 novembre 2010) des retards dans vos services (02/2010,11/06/2011) et de multiples accrochages qui se sont traduits par des réductions et/ou retrait de primes(19/04/2011,23/04/2010 14/09/2010 22/06/2011).

Ce n'est pas première fois que les clients nous signalent votre comportement dangereux lié à votre vitesse excessive. De plus nous avons reçu un avis de contravention le 17 septembre 2011 et vous êtes l'auteur de cette infraction. M. [Z] vous avez été contrôlé à 65 km pour une vitesse limitée autorisée à 50 km direction [Localité 3] vers [Localité 7] [Localité 2].

C'est pourquoi, et de tout ce qui précède après avoir longuement mûri notre décision de la décision de procéder la rupture immédiate de votre contrat de travail laquelle repose sur un ensemble de faits caractérisant la faute grave.

À compter de la date de première présentation de cette lettre à votre domicile vous ne ferez plus partie du personnel de l'entreprise.

(...)

Sur la matérialité des faits et leur imputabilité au salarié

Dans ses dernières écritures devant la cour le salarié explique les faits qui lui sont reprochés de la manière suivante :

Le 15 décembre 2011 alors qu'il assurait le trajet des collégiens de [Localité 1] au Collège [Établissement 1] il a emprunté comme cela était d'usage une route de délestage afin d'éviter les embouteillages sur l'axe principal.

Il était régulièrement amené à emprunter cet axe secondaire et ce avec l'autorisation de son employeur afin de ne pas déposer les élèves avec du retard.

Or ce jour-là il a malheureusement été victime d'un accident de la circulation sans gravité en voulant éviter un autre véhicule arrivant en sens inverse.

Souffrant de gros problèmes de dos il n'a pas été en mesure d'effectuer la man'uvre comme il l' aurait souhaité et ainsi touché la paroi rocheuse avec le côté droit du bus entraînant de purs dégâts matériels.

Aussi après avoir déposé les élèves au collège il a par précaution appelé sont responsable Monsieur [S] afin de l'avertir qu'il se rendait chez son médecin suite à l'accident et ses problèmes de dos. Il a également informé ce dernier qu'il laissait le véhicule sur place par mesure de sécurité.

En tout état de cause il apportait toutes les explications utiles au cours de l'entretien préalable destiné à envisager son éventuel licenciement.

Dans ces conditions il était particulièrement surpris de recevoir le 16 janvier 2012 soit un mois après les faits et alors qu'il n'avait jamais fait l'objet d'aucune mise à pied à titre conservatoire une lettre de licenciement pour faute grave.

Le salarié soutient qu'il était affecté à une ligne de ramassage scolaire (CNS18 journée) reliant [Localité 1] au Collège [Établissement 1] et que la seule obligation qu'il avait était de collecter les élèves à des arrêts définis et à des horaires prédéfinis. Il prétend qu'il avait toute latitude pour se rendre d'un point à un autre à condition de respecter les horaires et les arrêts à marquer d'autant plus qu'il partageait le trajet avec le CNS10 de M.[A]. Dans ce contexte il prétend qu'il ne peut lui être reproché une faute contractuelle dans le fait d'avoir emprunté une autre route alors même que la route principale était encombrée par un éboulement.

La cour ne retient pas comme probantes les pièces 15, 16 de l'employeur, (historique ligne M. [Z] et planning affectation) dont le salarié observe sans être sérieusement contredit qu'elles ne sont pas semblables à celles produites en première instance et comportent des râtures. Il n'y a pas lieu non plus de se fonder sur un rapport d'expertise réalisé par le cabinet Alpin expertises, plus de six ans après les faits, à la demande de l'employeur, de manière unilatérale et non contradictoire (pièce 17).

Pour se convaincre de l'obligation qu'avait le conducteur de se conformer à un trajet qu'il n'a pas emprunté le jour des faits, il suffit de consulter l'avenant au marché 10437 pour l'attribution et l'exploitation de circuits de transports scolaires signé entre la société TACAVL et la communauté urbaine Nice Côte d'Azur le 23 mai 2011,aux termes duquel le trajet [Localité 1]/ [Localité 8] - Collège [Établissement 1] qui est celui attribué à M. [Z] est précisé tant dans sa longueur (14,4 km) que dans sa durée approximative (30mn) avec le nom des arrêts desservis: exemple : [Adresse 4] 7h15 et 8h15/ [Localité 1]/[Adresse 4]/ [Adresse 5][Localité 7]/[Adresse 6]/[Adresse 3] etc...)

Bien que les dispositions de ce marché ne soient pas reprises dans le contrat de travail conclu en 2001 entre la société TACAVL et M. [Z], elles ont un caratère obligatoire pour le salarié s'agissant de prescriptions du marché d'attribution à la société TACAVL du circuit de ramassage scolaire dont M. [Z] était l'un des exécutants.

En ne les appliquant pas M. [Z] a commis une faute même s'il n'a pas omis de respecter des arrêts, ce que la lettre de licenciement ne lui reproche d'ailleurs pas.

Prétextant tantôt un éboulement, tantôt un trafic important, tantôt une erreur le salarié affirme avoir été dans l'obligation d'emprunter un autre itinéraire sans commettre de faute. [L] [P] un ancien conducteur de l'entreprise déclare sans cependant en avoir été personnellement témoin que le 15 décembre 2011, M. [Z] 'ne pouvait pas emprunter le chemin des carrières habituel et que ce parcours de sauvetage de passer par [Localité 2] aurait été dit verbalement à M. [Z].' M. [B] [K] retraité ne fait aussi que relater les propos qui lui ont été tenus par M. [Z] sur les raisons de l'emprunt 'd'un autre itinéraire que l'itinéraire normal et son demi tour à hauteur de [Localité 8].'

Il n'est pas d'avantage démontré que des travaux obligeaient à passer par une autre route que la 'route normale'.

A supposer qu'il ait obtenu l'autorisation d'emprunter cet itinéraire le salarié ne le démontre pas.

Or, M. [Z] a occasionné un accident matériel au véhicule qu'il conduisait, sinistre non pris en charge par la compagnie d'assurance en l'absence de tiers responsable identifié.

M. [Z] n'a jamais contesté être l'auteur de cet accident .Il a d'ailleurs été pris en charge par les services de secours après l'accident en raison d'un blocage du dos (qui selon ses déclarations fluctuantes est soit la cause soit la conséquence de l'accident) .Il a effectué un croquis de son itinéraire et celui d'un autre chauffeur Monsieur [A]. Il explique que le jour des faits l'autocar accidenté a été conduit par d'autres salariés notamment M. [X].

Même si M. [X], autre conducteur receveur de la société TACAVL, a lui aussi conduit le véhicule le 15 décembre 2011, il n'est pas discuté que le véhicule a été immédiatement remis pour réparation à Messieurs [Q] et [S] qui en témoignent et que le chauffeur était M. [Z] qui s'est entretenu téléphoniquement avec le second juste après l'accident en lui en décrivant les circonstances. Le fait que les témoins soient des subordonnés de l'employeur ne suffit pas à ôter toute crédibilité à leur récit en l'absence d'élément objectif justifiant de les écarter.

Ainsi, le doute exprimé par la décision déférée quant à l'identité du conducteur de l'accident n'est pas un doute raisonnable.

Le salarié ne produit aucun élément de nature à accréditer sa thèse selon laquelle c'est parce qu'il a voulu éviter une collision avec un automobiliste qu'il a été dévié de sa course et est entré en collision avec la paroi rocheuse.

En tout état de cause, quel que soit le fait générateur de cet accident celui ci découle directement de la décision prise par M. [Z] d'emprunter un autre itinéraire que l'itinéraire imposé par les dispositions impératives du marché.

De plus, même s'il n'est pas établi de façon certaine que c'est la personne de M. [Z] qui a été vue par M. [C] et Mme [T] roulant au rond point de [Localité 2] à une vitesse excessive et dangereuse, et s'il ne peut être fait état de l' excès de vitesse commis par le salarié le 17 septembre 2011 soit plus de deux mois avant les faits et non sanctionné disciplinairement, l'employeur est fondé à soutenir que les dégâts matériels sur tout le côté droit de l'autocar et les circonstances de l'accident survenu en descente sur une route étroite sont en faveur d'une conduite inadaptée aux circonstances de la circulation et à l'origine de l'accident.

Il en résulte que si la vitesse excessive de M. [Z] le jour des faits n'est pas démontrée les griefs visés dans la lettre de licenciement sont établis en leur matérialité sont imputables à M. [Z] et qu'ils sont constitutifs de faute.

Sur la gravité de la faute :

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

Aux termes de l'article L 1332-5 du code du travail aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction.

M. [Z] a reçu de l'employeur plusieurs sanctions disciplinaires, qu'il n'a pas contestées avant la présente instance et qui ne sont pas antérieures de plus de trois ans aux faits griefs :

- un avertissement le 25 mars 2009 pour conduite excessive et non adaptée au regard de la fonction occupée de conducteur de transports en commun,

- un avertissement 14 avril 2009 à titre de rappel de respecter les vitesses de conduite,

- une mise à pied le 29 octobre 2009 pour altercation avec un collègue de travail,

- un avertissement le 27 novembre 2009 pour refus de respecter les consignes d'affectation des bus,

- une mise à pied pour détérioration d'un portique de lavage des véhicules de l'entreprise le 18 aout 2011.

La poursuite par le salarié de faits fautifs autorise l'employeur à se prévaloir de faits similaires, y compris ceux ayant déjà été sanctionnés, pour caractériser une faute grave.

Et contrairement à ses dires l'examen des bulletins de salaire de M. [Z] révèle qu'il n'a pas reçu ses primes mensuelles de remplacement, conduite, entretien, assiduité, ancienneté lorsqu'il a été sanctionné.

A juste titre l'employeur souligne que le comportement de M. [Z] était susceptible de remettre en cause la pérennité du marché conclu entre la société TACAVL et le conseil général.

M. [Z] verse plusieurs attestations d'élèves et parents d'élèves attestant du comportement professionnel de M. [Z] qu'ils décrivent comme ponctuel et avec lequel ils n'ont jamais eu de problèmes de sécurité. Il explique avoir rencontré des problèmes de comportement au moment des faits à cause notamment 'd'allégations verbales le 8 novembre 2011" (Dr [K]) et parce 'qu'on ne lui confiait que des vieux bus' (Dr [R]).

Alors que les faits sont survenus le 15 décembre 2011, l'employeur n'a pas décerné de mise à pied conservatoire à M. [Z] en le laissant continuer d'assurer le ramassage scolaire jusqu'au 12 janvier 2012 d'où il suit que son maintien dans l'entreprise n'était pas impossible.

Il s'en déduit que les faits commis par le salarié justifiaient la rupture du contrat de travail, au regard notamment de leur nature et des antécédents disciplinaires mais qu'ils ne justifiaient pas sa cessation immédiate durant le préavis.

Il en résulte que le licenciement est fondé non sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement :

Le licenciement étant motivé par une cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à l'indemnité compensatrice de préavis et à une indemnité de licenciement, mais sera débouté du surplus de ses prétentions d'indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse mal fondées compte tenu de l'issue de l'appel.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice distinct :

En application de l'article 1382 devenu 1240, du code civil, M. [Z] sollicite la condamnation de la société TACAVL à lui verser des dommages intérêts compte tenu du caractère brutal et/ou vexatoire du licenciement , de l'exécution déloyale du contrat de travail par la société TACAVL et du préjudice moral ainsi subi.

La société TACAVL justifie que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et qu'il n'a été ni brutal ni vexatoire.

La demande n'est pas fondée.

Sur les intérêts :

Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 devenu 1343-2, du code civil.

Sur les autres demandes :

La cour ordonnera à la société TACAVL de remettre à M. [Z] les documents de fin de contrat rectifiés: l'attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision.

Il n'est pas nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte;

Sur les dépens et les frais non-répétibles :

La société TACAVL, qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens et il y a lieu de la condamner à payer à M. [Z] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 800 euros, en sus de celle qui lui a été allouée en première instance ; la société TACAVL doit être déboutée de cette même demande.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Révoquant l'ordonnance de clôture et déclarant recevable les dernières conclusions et pièces des parties,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il condamne la société TACAVL à payer à M. [Z] la somme de 28.533 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

L'infirmant de ce seul chef et statuant à nouveau,

Dit le licenciement fondé non sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute M. [Z] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne à la société TACAVL de remettre à M. [Z] le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi rectifiés conformes au présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte,

Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 devenu 1343-2, du code civil,

Condamne la société TACAVL à payer à M. [Z] une somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société TACAVL de sa demande d'indemnité de procédure,

Condamne la société TACAVL aux dépens.

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 17/04396
Date de la décision : 20/06/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°17/04396 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-20;17.04396 ?
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