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20/06/2019 | FRANCE | N°14/21943

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-8, 20 juin 2019, 14/21943


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8



ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2019



N°2019/138













Rôle N° RG 14/21943 - N° Portalis DBVB-V-B66-35ER







SCI PLAYA





C/



SARL BOULANGERIE [Adresse 1]



[K] [K]



































Copie exécutoire délivrée le :

à :





Me Françoise B

OULAN



Me Guillaume BUY





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 13 Novembre 2014 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 11/10258.





APPELANTE



SCI PLAYA, prise en la personne de son représentant légal

sis [Adresse 2]



représentée et plaidant par Me Gu...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2019

N°2019/138

Rôle N° RG 14/21943 - N° Portalis DBVB-V-B66-35ER

SCI PLAYA

C/

SARL BOULANGERIE [Adresse 1]

[K] [K]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Françoise BOULAN

Me Guillaume BUY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 13 Novembre 2014 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 11/10258.

APPELANTE

SCI PLAYA, prise en la personne de son représentant légal

sis [Adresse 2]

représentée et plaidant par Me Guillaume BUY de la SCP BBLM, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SARL BOULANGERIE [Adresse 1] prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est [Adresse 1]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Aurore BOYARD, avocat au barreau de TOULON

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

Madame [K] [K]

née le [Date naissance 1] 1926 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représentée et plaidant par Me Guillaume BUY de la SCP BBLM, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente, et Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller, .

Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente

Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Agnès SOULIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2019.

Signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente et Mme Agnès SOULIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédure et prétentions

Par acte du 1er avril 1993, Monsieur et Madame [K] ont donné à bail commercial à Monsieur [F] des locaux situés [Adresse 1].

Par acte du 20 octobre 1997, Monsieur et Madame [K] ont constitué la SCI Playa en apportant la nu- propriété de l'immeuble considéré, se réservant l'usufruit du dit bien.

Par acte du 2 janvier 2001, la société 'Boulangerie [Adresse 1]' a acquis de Monsieur [F] le fond de commerce situé [Adresse 1].

Par acte du 28 février 2002, les consorts [K] ont renouvellement le bail à compter du 1er avril 2002.

Par acte du 1er octobre 2010 adressé à Monsieur et Madame [K], la société

' Boulangerie [Adresse 1] ' a sollicité le renouvellement du bail commercial.

Par acte du 31 décembre 2010, la SCI Playa acceptait le renouvellement au prix de

85 824€ par an.

Par acte du 15 décembre 2011, la SCI Playa assignait les locataires devant le juge des loyers du Tribunal de Grande instance de Draguignan qui par jugement du 22 mars 2012 ordonnait une expertise, puis par jugement contradictoire du 13 novembre 2014, déboutait la SCI Playa de ses demandes en l'absence de toute modification des facteurs locaux de commercialité ayant une influence favorable sur le commerce considéré.

Le 20 novembre 2010, la SCI Playa interjetait appel de cette décision.

Par arrêt mixe du 7 janvier 2016, la présente juridiction a infirmé la décision de première instance au motif que les travaux d'amélioration réalisés constituait un motif de déplafonnement et a ordonné une expertise afin de déterminer la valeur locative.

Le 27 septembre 2018 l'expert a déposé son rapport aux termes duquel il évalue la valeur locative à 139 600€ ou 133 500€.

Par conclusions du 29 février 2019, la SCI Playa et Madame [K] demandent à la cour au visa des articles 329 du code de procédure civile, R 145-3 et L 145-34 du code de commerce, de:

*recevoir l'intervention volontaire de Madame [K] [K],

*rejeter les fins de non recevoir soulevées par l'intimée,

Ou à titre subsidiaire: condamner l'intimée à payer aux appelantes la somme de 605 475,20€ en indemnisation du préjudice pour avoir soulevé tardivement une fin de non recevoir,

*fixer le loyer à la somme de 85 824€ à compter du 1er avril 2011, 138 500e à compter du 26 février 2014 et 140 046,84€ à compter de la notification des conclusions du 3 décembre 2018, et ce avec intérêt au taux légal à compter de chaque demande et capitalisation;

* condamner la locataire au paiement de ces sommes, de 30 000€ au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 15 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Buy, avocat.

Sur la recevabilité de l'action, elles exposent que l'action en justice est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, que le nu-propriétaire d'un bien a un intérêt légitime à voir fixer le loyer à la valeur locative compte tenu de la nature temporaire de l'usufruit, que le nu-propriétaire a le droit d'agir seul, que l'absence de l'usufruitier ne constitue pas une nullité de fond ni une fin de non recevoir

Sur la validité du renouvellement, elles soutiennent que l'article 595 du code civil qui interdit à l'usufruitier de consentir seul un bail commercial est la conséquence du caractère temporaire de l'usufruit, mais qu'aucun texte ne limite les pouvoirs du nu-propriétaire, que de surcroît, le preneur ne peut soulever une quelconque irrecevabilité ou nullité, seul l'usufruitier dont les droits auraient été lésés peut s'en prévaloir, qu'il s'agit d'une nullité relative qui est une action personnelle qui ne peut être invoquée que par l'usufruitier, qu'enfin, l'action de la locataire est prescrite.

Elles font valoir que de surcroît, Madame [K] a par acte du 3 janvier 2008 donné mandat à la SCI Playa pour agir en son nom dans le cadre des relations avec les locataires de sorte que la SCI Playa a agi également en son nom, que de surcroît, Madame [K] en intervenant volontairement à la procédure la régularise, qu'aucune prescription ne peut lui être opposée puisque les actes effectués par la SCI Playa ont interrompu la prescription et qu'en tout état de cause, le délai de prescription n'a pas couru en l'attente du dépôt du rapport d'expertise.

Elles s'opposent à la jurisprudence évoquée par le preneur puisqu'elles concernent des espèces où l'usufruitier avait agi seul ou avait été seul destinataire des demandes de renouvellement du preneur, que tel n'est pas le cas en l'espèce où le nu propriétaire est parfaitement informé de la situation, que dans les espèces citées, l'action est engagée non par le preneur mais par le nu propriétaire dont les droits ont été lésés;

Elles font valoir enfin que lors de l'acquisition du fond de commerce, le notaire a donné connaissance à la société Playa d'une note d'urbanisme qui a permis de porter à la connaissance du locataire, le démembrement de propriété, que le 31 décembre 2010, la SCI Playa répondait au preneur qui avait de facto connaissance de son existence, que de surcroît, les statuts de la SCI Playa sont publiés et déposés au greffe de sorte que le preneur pouvait en avoir connaissance, qu'elle connaissait la situation juridique du bailleur depuis au moins le 23 octobre 2012 date de la communication du K bis qu'elle a visé ces difficultés dans ses conclusions du 7 novembre 2017 mais en laissant l'expertise se prolonger, qu'elle a réglé les loyers soit à l'usufruitière soit à la nu propriétaire démontrant sa parfaite connaissance de la situation, qu'elle s'est abstenue de soulever les exceptions de procédures dans un but purement dilatoire.

Sur le loyer, elles exposent que l'expert désigné par la cour d'appel a fixé le loyer à la somme de 139 600€ HT et HC, que l'expert a retenu des références sur la commune et a étendu son étude à la commune voisine conformément aux dispositions de l'article L145-33 du code de commerce, qu'en revanche, il convient d'écarter le références postérieures à 2011, faute de connaître la date des baux, que concernant l'appartement l'expert a omis de prendre en considération la terrasse, que la valeur globale est de

140 046,84€ HT.

Elles s'opposent aux critiques du preneur en faisant valoir que l'expert a retenu 11 références de comparaison pour la partie habitation, qu'il a repris avec raison les métrés des précédentes expertises et ce avec l'accord du preneur, que l'expert a apporté les correctifs adaptés aux références retenues.

Par conclusion du 13 mars 2019, la Société Boulangerie [Adresse 1] demande à la cour au visa des articles 122 et 123 du code de procédure civile, 329 du même code et 31, 595 et 599 du code civil, de:

*dire et juger la SCI Playa irrecevable en son action pour défaut de qualité à agir,

* dire Madame [K] prescrite en son intervention volontaire,

à titre subsidiaire: * rejeter le rapport d'expertise,

*débouter les appelantes de leurs demandes,

* fixer la valeur locative au loyer plafonné,

En tout état de cause: condamner la SCI Playa à lui payer la somme de 12 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction.

Sur l'action, elle soutient que seul le propriétaire a le droit d'agir dans le cadre d'une procédure en déplafonnement, que la SCI Playa est irrecevable à agir sans le concours de l'usufruitier conformément aux dispositions de l'article 595 et 599 du code civil, que le propriétaire du bien est composé de l'usufruitier et du nu-propriétaire, que la jurisprudence prononce la nullité des actes accomplis par l'usufruitier seul, qu'une telle sanction doit être appliquée pour les actes accomplis par le nu-propriétaire seul, que la demande judiciaire en fixation du loyer est irrecevable en l'état.

Elle s'oppose à l'intervention volontaire de Madame [K] comme étant prescrite, elle soutient que cette dernière devait agir dans le délai de prescription biennale à compter de la date de renouvellement du bail, qu'en raison de l'absence d'acte de procédure en son nom, la prescription la concernant n'a pas été interrompue.

Elle s'oppose au mandat donné par Madame [K] en faisant valoir que la SCI Playa a toujours agi en son nom personnel et non au nom de la SCI alors que celui qui agit es qualité de mandataire doit le mentionner dans ses actes.

Elle fait valoir qu'elle a qualité pour soulever l'irrecevabilité des actes, que l'article 595 du code civil restreint la possibilité de solliciter la nullité au seul nu-propriétaire dans le cadre d'un acte passé en fraude de ses droits, mais que ce texte ne vise que l'acte juridique mais pas les actes judiciaires et que concerne que le cas du nu-propriétaire lésé, qu'il n'existe aucun texte limitatif pour l'usufruitier.

Elle réfute toute intention dilatoire en soutenant qu'elle a été induite en erreur par la nu-propriétaire qui s'est comportée en nouvelle propriétaire en répondant à sa demande de renouvellement et en acceptant le paiement des loyers.

Sur le loyer, elle critique le rapport d'expertise au motif qu'il s'est fondé notamment pour les métrés sur les rapports d'expertises précédents qui avaient été écartés par la juridiction, que la juridiction ignore la surface exacte puisque l'expert après avoir réfuté les mesures prises par son prédécesseur les a finalement reprises, que le courrier de son conseil n'est pas de nature a constituer un accord pour le faire, que les références ne sont pas pertinentes, que les corrections apportées aux références locatives ne sont pas pertinentes, que l'expert a retenu des références pour des habitations situées sur des communes voisines, sans apporter de correctifs.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 mars 2019.

Sur ce:

Sur la fin de non recevoir:

Attendu que les parties sont en l'état d'un bail conclu 1er avril 1993 portant sur des locaux situés [Adresse 1]; qu'après une demande de renouvellement adressée le 31 décembre 2010 par la locataire, acceptée par la SCI Playa à l'exception du prix, le juge des loyers du tribunal de grande instance de Draguignan a débouté la SCI Playa de ses demandes de voir fixer le loyer du bail renouvelé à la valeur locative par un jugement du 13 novembre 2014 à l'encontre duquel appel a été interjeté par la SCI Playa;

Attendu que par arrêt mixte du 7 janvier 2016 dans le litige opposant la SCI Playa à la société Boulangerie [Adresse 1], la cour a infirmé le jugement de première instance aux motifs que les travaux d'amélioration entrepris par le preneur dans les lieux loués constituaient un motif de déplafonnement lors du deuxième renouvellement et a ordonné une expertise afin de déterminer la valeur locative;

Attendu que par conclusions du 7 novembre 2017, la société Boulangerie [Adresse 1] faisait valoir que la SCI Playa était irrecevable à agir seule en déplafonnement du loyer puisqu'elle ne bénéficie que de la qualité de nu propriétaire alors que le concours de l'usufruitier lui était indispensable pour agir;

Mais attendu qu'une fin de non-recevoir ne peut plus être opposée par une partie après une décision au fond passée en force de chose jugée tranchant dans son dispositif la contestation prétendument irrecevable, même dans le cas d'une poursuite d'instance, et que la révélation d'un moyen propre à fonder la fin de non-recevoir n'est pas de nature à permettre la remise en cause de la chose ainsi jugée sur le fond (Cass chambre commerciale 17 juillet 2001 98-18751);

Attendu qu'il a été définitivement jugé par l'arrêt mixte du 7 janvier 2016 que le loyer du bail renouvelé devait être déplafonné en raison des travaux entrepris dans les lieux loués, que cette décision tranche une question de principe en recevant l'action de la SCI Playa, en s'expliquant dans le dispositif sur les motifs du déplafonnement et en infirmant la décision qui l'avait refusé, que l'arrêt en infirmant le jugement de première instance s'est nécessairement prononcé sur le bien fondé de l'action en déplafonnement engagée par le seul nu-propriétaire, même si la valeur locative ne pouvait être déterminée à ce stade de la procédure, que dans ces dernières conclusions datées du 12 mars 2019, la SCI Playa ne conteste plus le principe du déplafonnement, considérant qu'au vu de l'arrêt du 7 janvier 2016, 'il n'y avait plus de difficulté sur ce point' démontrant bien la nature mixte de cette décision et qu'il n'y a donc plus lieu de statuer sur la recevabilité de l'action engagée par la SCI Playa et sur sa qualité à agir seule;

Sur la nullité du bail:

Attendu que par acte du 1er octobre 2010, la locataire a sollicité le renouvellement du bail, demande acceptée dans son principe le 31 décembre 2010 par la SCI Playa, que la société Boulangerie [Adresse 1] argue de la nullité de cet acte en raison de la qualité de nu propriétaire de la SCI Playa;

Attendu que le renouvellement du bail a été consenti alors que le démembrement du droit de propriété existait, que le nu-propriétaire n'avait pas effectivement la possibilité de renouveler le bail, seul l'usufruitier qui bénéficie de la jouissance du bien, peut, en vertu de son pouvoir d'exploitation, passer les actes d'administration;

Attendu toutefois, que seul l'usufruitier, dont les droits ont été niés, peut faire valoir cette nullité, que les parties au renouvellement ne peuvent l'invoquer; que même lorsque le nu-propriétaire ne dispose pas des pouvoirs pour louer le bien, le preneur ne pourra se prévaloir de ce défaut de pouvoir, qu'il convient alors de considérer qu'il y a bail sur la chose d'autrui, que le bail de la chose d'autrui est valable dans les rapports entre le bailleur et le preneur, tant que celui-ci a la jouissance paisible, que donc si le bailleur ne dispose que de la nue-propriété, il peut parfaitement, dès lors qu'il n'y a pas d'opposition de l'usufruitier, mettre le bien à disposition du preneur que ce dernier, dont la jouissance n'est pas troublée, ne peut se plaindre du défaut de qualité du bailleur;

Sur la recevabilité de l'intervention de Madame [K]:

Attendu que par conclusions du 29 février 2019, Madame [K] intervient volontairement à la procédure en sa qualité d'usufruitière du bien donné à bail; que toutefois, son action en déplafonnement du prix du bail renouvelé est soumise au délai de prescription biennale de l'article L145-60 du code de commerce, que ce délai a commencé à courir au jour du renouvellement du bail soit en l'espèce le 1er avril 2011;

Attendu qu'il résulte de l'article 2245 alinéa 1er du code civil, que l'interpellation faite à l'un des débiteurs solidaires, par une demande en justice ou par un acte d'exécution forcée ou la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, interrompt le délai de prescription contre tous les autres; qu'il n'existe aucune solidarité entre la SCI Playa et Madame [K] de sorte que cette dernière ne peut se prévaloir de l'interruption de la prescription résultant des actes de procédure accomplis par la SCI Playa; que son intervention volontaire par conclusions du 29 février 2019 pour la fixation d'un loyer à la valeur locative suite au renouvellement du bail intervenue le 1er avril 2011est irrecevable car prescrite

Sur le fond:

Attendu que Monsieur [H], expert judiciaire a le 27 septembre 2008 déposé un rapport,

que la société Boulangerie [Adresse 1] critique aux motifs que l'expert n'a pas mesuré lui-même les surfaces louées, se contentant de reprendre les mesures relevées par Monsieur [Q], expert désigné par la juridiction de premier ressort;

Attendu qu'il convient de noter que le rapport de Monsieur [Q] a été écarté par l'arrêt du 7 janvier 2016 au motif que ce dernier avait appliqué un coefficient de pondération à la surface habitable pour l'inclure dans la surface totale et déterminer ainsi la valeur locative alors qu'il convenait de fixer la valeur locative de la partie habitation en procédant à une comparaison avec des prix pratiqués pour des locaux d'habitation similaires; qu'en revanche, les relevés objectifs de mesures des lieux loués effectués par Monsieur [Q] n'ont pas été invalidés par l'arrêt, que s'agissant de données mathématiques objectives, l'expert n'a pas à les apprécier personnellement; que de surcroît, Monsieur [H] précise qu'il a tenu compte du descriptif des locaux tel qu'il l'a établi et de l'état des lieux tels qu'il les a visités, de sorte que Monsieur [H] pouvait valablement reprendre ces données;

Attendu que Monsieur [H] a critiqué dans son rapport, non pas le relevé des surfaces opéré par Monsieur [Q] dans la précédente expertise, mais uniquement la modification de la distribution interne de certaines pièces, le total restant inchangé (page 116 de son rapport ), qu'ainsi, c'est sans se contredire qu'il a pu, à raison, retenir les surfaces d'ors et déjà mesurées et ce d'autant que durant l'expertise, elles n'ont pas été critiquées par les parties qui y avaient adhéré notamment dans le courrier adressé à l'expert par le conseil de la société boulangerie [Adresse 1], que cet accord a été repris dans l'expertise par Monsieur [H] qui en fait expressément état, 'les parties se sont clairement le jour de l'accèdit accordés auprès de moi sur le fait que je devais utiliser les plans fournis au dossier; que les affirmations de la locataire sur l'existence d'erreurs dans les métrès de Monsieur [Q] ne sont nullement étayées par les éléments du dossier; que Monsieur [H] a valablement repris les métrès tels qu'ils figuraient dans les précédentes expertises pour la surface de chacune des pièces et a affecté des coefficients de pondération qui ne sont pas contestées par les parties;

Attendu que l'expert a pris en compte les terrasses en les affectant soit au commerce soit au logement, que pour celles afférentes à la partie commerciale, il a constaté qu'elles n'apportaient aucune plus value à la commercialité des lieux mais servaient uniquement d'espace de circulation interne, qu'il a exclu les terrasses inaccessibles constituées de toits, que concernant la surface de terrasse affectée au logement qui permet un accès direct à l'habitation sans passer par le commerce et donc une utilisation conforme à un logement indépendant, elle valide une comparaison utile avec d'autres logements situés dans les environs; qu'en revanche, il n'est pas tenu compte pour déterminer la surface habitable de la superficie des caves et des terrasses et autres dépendances du logement conformément aux dispositions de l'article R111-2 du code de la construction et de l'habitat;

Attendu qu'il est constant que la méthode de comparaison est difficile à mettre en oeuvre car il est rare de trouver des locations portant sur des locaux similaires à des époques suffisamment rapprochées, qu'à défaut d'équivalence, les logements de comparaison peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence;

Attendu, que Monsieur [H] a noté une surface de 128,62m² pour le logement qui jouit de deux terrasses dont l'une lui permet une entrée indépendante depuis la rue du 8 mai 1945, distincte de celle du commerce, qu'il a déterminé la valeur locative d'une telle habitation en comparaison avec les prix pratiqués dans le voisinage recueillis par ses soins, que cette méthode adéquate n'est pas remise en cause dans son principe par les parties ; que l'expert relève enfin que les nuisances apportées par la proximité du commerce sont largement compensées par les dimensions conséquentes du logement dans un secteur dépourvu de ce type de bien, qu'il a opté pour une absence de minoration de ce fait;

Attendu qu'il a ainsi pu examiner 10 références portant sur des logements présentant des surfaces de 60 à 105m², auxquelles il a appliqué des coefficients de correction en tenant compte à la fois de la surface et de la situation géographique par rapport au centre ville, qu'il a ainsi obtenu une valeur de 8,91€ le m² en 2016, c'est à dire après application de l'indice IRL pour actualiser la valeur en 2011, 8,38€ le m² soit une valeur locative de

13 871,24€ pour le bien considéré;

Attendu qu'il a expliqué son choix d'appartements de taille plus modeste auxquels il a appliqué un coefficient correcteur, par l'absence de surfaces plus importantes dans ce secteur, qu'il a également corrigé les références retenues en fonction de leur localisation; que la simple scorie sur le tableau affectant le coefficient de -35% à la référence n°9 alors qu'un coefficient de 30% est retenu dans les explications et dans le calcul n'est pas de nature à ôter toute pertinence au travail réalisé, que la superficie de la référence n°4 est comparable à celle du logement considéré ce qui aboutit à appliquer uniquement un coefficient de minoration de 5% en raison de sa localisation, ainsi que l'a pratiqué l'expert dans ses calculs, sans opérer la réduction de 35% retenue à tort dans la légende; que la référence n°10 cumule une correction en raison de sa superficie de -40% similaire a celle appliquée pour de références ayant une surface semblable et un correctif de - 10% en raison de son éloignement du centre ville d'où un correctif de -50%, qui est tout à fait justifié; que le travail accompli par Monsieur [H] est cohérent et pertinent et qu'il y a lieu de le valider;

Attendu que l'expert a retenu pour les locaux commerciaux 4 références recueillies par le précédent expert en y apportant des correctifs en fonction de la surface et de l'emplacement du local et notamment sa visibilité et sa localisation ou non dans un secteur commerçant qu'il a relevé l'adresse des locaux ainsi retenus et leur usage, que pour chaque référence il a motivé l'application des coefficients correcteurs, notamment en fonction de la commercialité du secteur d'implantation qui peut varier d'une façon importante d'une rue à l'autre; qu'il conclut à une valeur locative de 120 963,82€;

Attendu qu'il a relevé pour sa part relevé 5 références situées sur la commune de [Localité 2], commune voisine et à caractère économique comparable à celle de [Localité 3], tout en appliquant les mêmes correctifs, qu'il aboutit à une valeur locative de 241,54€ le m² soit une valeur locative pour le local de 130 482,32€ ;

Attendu enfin qu'il a obtenu 3 références sur [Localité 3] pour des loyers actuels pour lesquels il a appliqué la même méthode d'évaluation pour obtenir une valeur locative de 107 415€ qu'il a actualisé en appliquant l'indice IL afin de déterminer le loyer du en avril 2011, date du renouvellement; que la valeur locative doit être déterminée en tenant compte des loyers pratiqués dans le voisinage et en ce y compris ceux résultant du marché actuel, qu'il n'y a pas lieu d'exclure les loyers ainsi retenus;

Attendu que la valeur locative moyenne en combinant les trois séries de références retenues aboutit à une valeur locative de 119 620,38€ à laquelle il convient d'ajouter la valeur du logement soit la somme de 13 871,24€ soit une valeur locative totale de 133 491,62€ soit 133 500€ ;

Attendu qu'il convient d'allouer à la SCI Playa la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Attendu que le droit d'agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s'estime léser dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu'autant que les moyens qui ont été invoqués à l'appui de la demande sont d'une évidence telle qu'un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu'il n'a exercé son action qu'à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui; qu'en l'espèce, l'appréciation inexacte de ses droits par la locataire n'est pas constitutive d'une faute; que s'estimant lésée dans ses droits, elle a pu, sans abus, demander à ce qu'il soit statué sur leurs demandes; que la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive doit être rejetée;

Attendu que la SCI Playa ne justifie d'aucun préjudice matériel;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à la disposition des parties au greffe de la Cour, conformément à l'article 450 al 2 du Code de procédure civile.

- REJETTE les fins de non recevoir soulevées par la société Boulangerie [Adresse 1],

- DÉCLARE irrecevable l'intervention de Madame [K] comme étant prescrite,

- FIXE la valeur locative annuelle à la somme de 85 824€ au 1er avril 2011 et 133 500€ à compter du 26 février 2014, et ce avec intérêt au taux légal à compter du 1er avril 2011 pour la somme de 85 824€ et du 26 février 2014 pour la somme de 133 500€ et capitalisation annuelle;

- CONDAMNE la société La boulangerie [Adresse 1] à payer les sommes ainsi fixées,

- LA CONDAMNE aux entiers dépens y compris les frais d'expertise ainsi que la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec distraction au profit de Maître Buy.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-8
Numéro d'arrêt : 14/21943
Date de la décision : 20/06/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence B1, arrêt n°14/21943 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-20;14.21943 ?
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