COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 18 JUIN 2019
D.D
N°2019/
Rôle N° RG 17/13173 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BA3YZ
SAMCV [Adresse 1]
C/
[O] [U]
Copie exécutoire délivrée le :
à :Me Frédérique GARIBALDI-RIBES
Me Françoise VEYRAC
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 27 Avril 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/02158.
APPELANTE
SAMCV [Adresse 1]
demeurant [Adresse 2] (Principauté)
représentée par Me Frédérique GARIBALDI-RIBES de la SCP M.GARIBALDI/ F.GARIBALDI, avocat au barreau de MARSEILLE,
plai dant
INTIME
Monsieur [O] [U]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Françoise VEYRAC, avocat au barreau de NICE
plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Danielle DEMONT, Conseiller, et Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, chargés du rapport.
Mme Danielle DEMONT, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anne VIDAL, Présidente
Madame Danielle DEMONT, Conseiller
Madame Laetitia VIGNON, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2019.
Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
Le 13 décembre 2014 M. [O] [U] s'est porté adjudicataire d'une 'uvre d'[D] [C], portrait de [Q] [T] sur fond noir 1978, acrylique sur panneau Lennox Muséum, 'uvre unique, 96,5 × 96,5 cm, lot n° 64 de la vente organisée par la société Hôtel des ventes de Monte Carlo au prix total, frais inclus, de 375'582 €.
Considérant que son consentement avait été vicié en l'absence de mention sur le catalogue de l'estimation de l''uvre qui aurait fait l'objet d'une précédente adjudication lors d'enchères chez Christies à Londres le 20 mars 2013 au prix de 100'000 € frais inclus, M. [O] [U] n'a pas donné suite à l'achat de l''uvre.
Après sommation demeurée infructueuse, la SAM Hôtel des ventes de Monte Carlo, par exploit en date du 24 février 2015, a fait assigner M. [O] [U] en vente forcée.
M. [O] [U] a formé des demandes reconventionnelles.
Par jugement en date du 27 avril 2017 le tribunal de grande instance de Grasse a :
' déclaré irrecevable l'intervention volontaire de [J] [O] et l'action engagée par la SAM Hotel des ventes de Monte Carlo ;
' débouté M. [O] [U] de sa demande reconventionnelle en nullité de la vente pour vice du consentement et de ses demandes subséquentes ;
' rejeté les demandes plus amples ou contraires ;
' condamné solidairement la SAM Hotel des ventes de Monte Carlo et M. [J] [O] à payer à M. [O] [U] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance et de l'incident.
Le tribunal retient essentiellement :
' que M. [O] [U] conteste la propriété de l''uvre par M. [O] et par conséquent l'intérêt à agir de ce dernier, condition nécessaire à la recevabilité de son intervention volontaire ; que si M. [O] [U] ne peut sans renverser la charge de la preuve reprocher à M. [O] de ne pas justifier de la propriété de l''uvre par la production d'une facture, d'un bordereau d'adjudication ou d'une assurance, il convient toutefois d'observer que la chaîne de propriété du tableau litigieux telle que figurant en page 80 du catalogue de la vente du 13 décembre 2014, mentionne la galerie [O]-[K] comme étant le dernier détenteur de l''uvre après [V] [W], New York, USA et [K], New York, USA ; qu'en outre la requête de vente relative à l''uvre a été établie par M. [O] pour le compte de la collection [O]-[K] ; qu'il apparaît dès lors qu'à la date de la vente litigieuse, M. [O] ne détenait pas personnellement l''uvre ; qu'il ne peut donc en revendiquer la propriété en application des dispositions de l'article 2276 al.1 du code civil et que son intervention volontaire doit être déclarée irrecevable, faute d'intérêt à agir ;
' que M. [O] [U] fait valoir exactement que la SAM Hotel des ventes de Monte Carlo est intervenue comme mandataire du vendeur et qu'elle n'est pas partie au contrat de vente qui relie le vendeur à l'acquéreur ; que les termes du mandat sont définis à la requête de vente laquelle mentionne in fine « qu'à défaut de paiement par l'adjudicataire dûment mis en demeure par la société de vente dans un délai de un mois après la vente, le vendeur, informé de cette défaillance par la société des ventes donne par avance mandat à la société des ventes de notifier à l'acquéreur la résolution de plein droit de la vente. » ;
' qu'à ce mandat ne peut pas venir se substituer celui d'agir en justice établi le 24 février 2015 dans la mesure où il est contraire à la règle « Nul ne plaide par procureur » qui trouve à s'appliquer en l'espèce dans la mesure où la SAM Hotel des ventes de Monte Carlo soumet au tribunal une demande qui n'a pas vocation à satisfaire un droit qui lui serait propre, le droit invoqué étant celui d'un tiers, en l'occurrence le propriétaire de l''uvre, qui recevra le bénéfice exclusif de la réussite de l'action entreprise ; que l'action en paiement diligentée par la SAM Hotel des ventes de Monte Carlo sera déclarée irrecevable ;
' que le tribunal déclarant irrecevable l'action en paiement et l'intervention volontaire de M. [O], il y a lieu en conséquence de rejeter la demande reconventionnelle en nullité de vente pour vice du consentement ainsi que celle tendant à l'octroi de dommages intérêts et en vue des publications subséquentes formées par M. [O] [U] à titre reconventionnel, celles-ci ne pouvant être examinées qu'en présence du propriétaire de l''uvre.
Le 7 juillet 2017 la SAM Hotel des ventes de Monte Carlo a relevé appel de cette décision qui lui a été signifiée le 23 juin 2017 sans intimer M. [O].
Par conclusions du12 avril 2019 elle demande à la cour :
' de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
' de dire qu'elle a qualité pour agir, de rejeter l'exception de nullité soulevée par M. [O] [U] ;
' de déclarer parfaite la vente de l''uvre d'[D] [C], portrait de [Q] [T], adjugée le 13 décembre 2014 à l'hôtel des ventes de Monte-Carlo au prix de 375 580 € comprenant les frais de la vente ;
' de condamner M. [O] [U] à lui payer en sa qualité de mandataire le montant de 375'580 € outre les intérêts de retard à compter du 23 décembre 2014 à compter de la sommation ;
' de condamner M. [O] [U] à lui payer la somme de 10'000 € en réparation du préjudice causé par la désorganisation de sa trésorerie, l'atteinte à son image et l'obligation d'engager une procédure en France ;
' et de condamner M. [O] [U] à lui verser la somme de 10'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Par conclusions du 29 mars 2019 M. [O] [U] demande à la cour :
' de confirmer le jugement entrepris ;
' de débouter la SAM Hotel des ventes de Monte Carlo de toutes ses demandes ;
reconventionnellement, formant appel incident
' de constater la nullité de la vente aux enchères du lot n° 64 ;
' de condamner la SAM Hotel des ventes de Monte Carlo à lui payer la somme de 50'000 € à titre de dommages intérêts et à supporter les frais de 3 publications nationales et internationales ;
' et de la condamner à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.
*
Par ordonnance en date du 18 décembre 2018 le conseiller de la mise en état a déclaré irrégulière l'intervention de M. [O] devant la cour, tant en qualité d'intervenant volontaire que d'appelant, dit qu'il n'a pas qualité à conclure dans le cadre de la présente procédure et réservé les dépens, motif pris de ce que M. [O] n'avait pas personnellement relevé appel dans le délai requis et qu'il n'avait pas qualité pour intervenir volontairement à la procédure d'appel.
Le jugement déféré est donc devenu définitif à l'égard de M. [O].
Motifs
Attendu que la société Hôtel des ventes de Monte Carlo fait valoir au soutien de son appel que M. [O] lui a donné mandat spécial d'agir en justice, alors qu'elle a déjà le mandat du vendeur en sa qualité d'organisateur de vente aux enchères ; qu'une société des ventes les organise entre les vendeurs et les acquéreurs ; qu'elle est commissionnée à l'occasion de ces ventes et que bien évidemment, elle-même n'est pas le vendeur ; qu'elle a qualité pour récupérer le prix de vente car c'est son rôle et qu'elle a été mandatée par M. [O] à cette fin ; qu'il ne s'agit pas de 'plaider par procureur', mais bien de l'action d'un mandataire pour son mandant, ce qui est parfaitement recevable ; que M. [O] est bien le propriétaire de cette 'uvre ; qu'il est connu de l'hôtel des ventes de Monte-Carlo et que c'est l'un des collectionneurs les plus importants d'[D] [C] dans le monde; qu'il a fourni sa pièce d'identité et son titre de propriété et que le tableau provient bien de sa collection, ce qui lui donne davantage de valeur ;
Mais attendu qu'il est de règle coutumière du droit français, en l'absence de texte spécifique, que pour assurer la sécurité et la loyauté entre les plaideurs, nul ne peut se faire représenter par un mandataire qui figurerait seul dans l'instance, et que le mandant doit toujours être en nom dans les actes de procédure et dans la rédaction d'une décision de justice ;
Que seul l'avocat dans le cadre d'un mandat ad litem peut introduire valablement une action en justice pour le compte de son mandant, le faisant d'ailleurs au nom de ce dernier, et non en son nom propre ;
Attendu que M. [O] [U] ajoute exactement que la société Hôtel des ventes de Monte Carlo est intervenue comme mandataire du vendeur, et non comme une partie au contrat de vente, ce qu'elle n'est pas, et que de plus fort, M. [O] ayant été déclaré irrecevable à conclure par le conseiller de la mise en état, il ne peut conférér quelque mandat que ce soit pour pallier cette impossibilité ;
Que de surcroît le jugement déféré en ce qu'il a déclaré M. [O] irrecevable à agir, motif pris de ce qu'il n'avait pas qualité de propriétaire de l'oeuvre d'[D] Wharol, est devenu définitif ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Attendu qu'aucun abus du droit d'ester en justice n'est suffisamment caractérisé ; qu'au surplus M. [O] [U], qui invoque une atteinte à réputation, ne justifie pas avoir subi un préjudice distinct de celui d'avoir dû plaider ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant
Déboute M. [O] [U] de sa demande reconventionnelle tendant à l'octroi de dommages intérêts,
Condamne la société Hôtel des ventes de Monte Carlo (HVMC) à payer à M. [O] [U] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT