La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/06/2019 | FRANCE | N°18/07848

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-2, 13 juin 2019, 18/07848


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 13 JUIN 2019



N° 2019/517













N° RG 18/07848



N° Portalis DBVB-V-B7C-BCM3B







[B] [F]



[J] [X] épouse [F]





C/



BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me DEMARCHI



Me ROBERT




>







DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :



Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de NICE en date du 12 avril 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/00209.





APPELANTS



Monsieur [B] [F]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 1]



Madame [J] [X] épous...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 13 JUIN 2019

N° 2019/517

N° RG 18/07848

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCM3B

[B] [F]

[J] [X] épouse [F]

C/

BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me DEMARCHI

Me ROBERT

DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :

Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance de NICE en date du 12 avril 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/00209.

APPELANTS

Monsieur [B] [F]

né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 1]

Madame [J] [X] épouse [F]

née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 2]

demeurant [Adresse 1]

représentés par Me Jean-Raphaël DEMARCHI de l'ASSOCIATION CABINET DEMARCHI AVOCATS, avocat au barreau de NICE substitué par Me Lucile GASNOT, avocat au barreau de NICE, plaidant

INTIMÉE

Société anonyme coopérative à capital variable BANQUE POPULAIRE MÉDITERRANÉE

dont le siège social est [Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Pierre ROBERT de l'AARPI TRAVERT ROBERT CEYTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 7 mai 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, madame Viginie BROT, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La cour était composée de :

madame Geneviève TOUVIER, présidente

madame Sylvie PEREZ, conseillère

madame Virginie BROT, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : madame Caroline BURON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 juin 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 juin 2019,

Signé par madame Geneviève TOUVIER, présidente, et madame Caroline BURON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] [F] et Mme [J] [F] épouse [X] ont souscrit un contrat de prêt auprès de la Banque populaire Méditerranée (BPM) le 27 octobre 2006 pour un montant de 370.000 euros sur 180 mois.

Un avenant à ce contrat a été conclu entre les parties le 23 mai 2012.

Saisi par les époux [F] qui considèrent que le taux effectif global (TEG) de ce prêt semble avoir été calculé sur la base d'une année dite lombarde et non d'une année standard de 365 jours, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice les a déboutés le 12 avril 2018 de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, faute de rapporter la preuve d'un intérêt légitime à la mesure d'expertise sollicitée.

Par déclaration reçue au greffe le 7 mai 2018, les époux [F] ont interjeté appel de cette décision.

Par leurs dernières conclusions transmises le 26 juin 2018, ils demandent à la cour de :

- infirmer l'ordonnance du juge des référés du 12 avril 2018 ;

Statuant de nouveau,

- dire et juger qu'il existe un motif légitime d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige ;

- désigner tel expert qu'il plaira sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile avec mission habituelle en la matière et notamment :

- se faire remettre tous documents utiles à ses investigations et entendre les parties en leurs dires;

- analyser les stipulations contractuelles du contrat de prêt immobilier du 27 octobre 2006,

- de manière générale, vérifier la conformité des calculs opérés par la Banque Populaire Méditerranée aux stipulations contractuelles ;

- calculer les variations du taux d'intérêt selon les modalités stipulées au contrat;

- vérifier, au moyen des relevés et justificatifs produits par la Banque Populaire Méditerranée, la conformité du taux appliqué à celui contractuellement dû ;

- déterminer, au vu des sommes payées par les requérants à la date alléguée de déchéance du prêt, le montant de capital restant dû ;

- dire quels sont les éléments à retenir dans le calcul du TEG de l'acte de prêt du 27 octobre 2006 et déterminer la méthode utilisée ;

- dire si le TEG tel que calculé dans l'acte de prêt du 27 octobre 2006 est exact ;

- dans l'affirmative, procéder au calcul des intérêts indûment perçus ;

- effectuer les vérifications similaires au regard de l'avenant du 23 mai 2012 ;

- procéder à toute vérification en rapport direct avec sa mission.

- rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties,

- condamner la BPM au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens en première instance et en cause d'appel, distraits au profit de Maître Jean-Raphaël DEMARCHI

Ils font valoir que les dispositions des articles L313-1 et R313-1 du code de la consommation imposent que le taux d'intérêt soit calculé sur la base d'une année civile de 365 jours et que la jurisprudence a établi depuis de nombreuses années que le calcul du TEG est erroné lorsqu'il est basé sur une année lombarde de 360 jours.

Ils ajoutent que l'application de l'article 145 du code de procédure civile ne suppose aucune appréciation préalable du bien fondé de l'action susceptible d'être engagée et que la mesure d'expertise sollicitée a pour objet de vérifier si le TEG mentionné par leur contrat de prêt immobilier a ou non un caractère erroné, pour leur permettre d'agir en nullité de la clause de stipulation d'intérêts.

Contrairement à ce qu'a retenu le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice, M. [F] n'a pas eu selon lui connaissance et ne pouvait avoir connaissance de l'erreur de calcul à la signature de la convention. Le point de départ de la prescription n'est donc pas la date de signature du contrat de prêt et l'éventuelle action au fond n'est pas prescrite.

M. et Mme [F] estiment que la rédaction de l'avenant en date du 23 mai 2012 et les montants des primes d'assurance sollicités ne sont pas conformes aux règles applicables.

Enfin, ayant souscrit le prêt en qualité de consommateurs, les époux [F], totalement profanes en la matière, ne peuvent selon eux établir de manière précise les erreurs commises par la BPM et l'étendue exacte de leur préjudice, raison pour laquelle est sollicitée une expertise judiciaire.

Par ses dernières conclusions transmises le 18 juillet 2018, la BPM demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance querellée ;

Y ajoutant,

- condamner les appelants à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

A titre subsidiaire, à supposer que l'expertise soit ordonnée,

- dire que les frais seront intégralement supportés par les appelants.

Elle affirme que la mission sollicitée par les appelants est insusceptible de relever d'une mesure d'expertise car elle ne tend pas à établir la preuve de faits mais aurait un contenu juridique.

Elle conteste en outre tout motif légitime à la demande d'expertise dans la mesure où l'action en nullité d'une stipulation d'intérêts conventionnels tout comme l'action en déchéance seraient prescrites s'agissant d'un prêt contracté en 2006. Selon un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 31 mai 2018, le point de départ du délai de prescription est la conclusion du contrat de prêt lorsque l'erreur alléguée était décelable par la partie emprunteuse non professionnelle au moment de la souscription du prêt, peu important que cette dernière n'ait pas été en mesure de calculer elle-même l'impact de l'omission de ces différents éléments sur le TEG. En l'espèce, la prétendue erreur apparait à la lecture des conditions générales et de la clause de police d'assurance. Par conséquent, elle soutient démontrer la tardiveté de l'action au fond et dès lors l'absence de motif légitime exigé par l'article 145 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été fixée au 9 avril 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d'expertise

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Les conditions particulières du prêt du 25 octobre 2006 mentionnent uniquement que 'le TEG hors frais de réalisation des garanties réelles, le cas échéant, s'élève à 4,706720% soit un taux période de 0,392226%'. Il y est également indiqué un taux d'intérêt de 4,0 %.

Les conditions générales du prêt sont silencieuses sur les modalités de calcul des intérêts conventionnels, sur une année civile ou sur une année dite lombarde.

Le tableau d'amortissement ne permet pas à sa lecture de déterminer si les intérêts sont calculés sur une année bancaire de 360 jours ou sur une année civile.

L'avenant au contrat intégrant une franchise totale de douze mois signé le 23 mai 2012 porte mention d'un 'TEG annuel banque de 4,91 pour cent l'an' sans plus de précisions.

Le tableau d'amortissement de cet avenant ne permet pas plus de révéler les modalités de calculs des intérêts à l'année.

Enfin, le tableau annexé au courrier du conseil des appelants et établi unilatéralement par ces derniers (pièce n°4) laisse apparaître que :

- les intérêts mentionnés dans le tableau d'amortissement de la banque correspondraient à des intérêts calculés sur 360 jours alors même que la banque prétend que le calcul des intérêts aurait été effectué sur la base d'une année civile ;

- il existerait une différence de 16.116,08 euros, en défaveur des appelants, entre les sommes versées en application d'un taux d'intérêt calculé sur 360 jours et celles évaluées en application d'un taux d'intérêt calculé sur 365 jours.

Ces seuls éléments justifient la vérification de la conformité des intérêts appliqués par la BPM au prêt litigieux et son avenant au regard des règles d'ordre public fixées aux articles L. 313-1 et R. 313-1 du code de la consommation complété de son annexe.

S'agissant de la prétendue prescription des actions en nullité ou en déchéance, la cour relève que le contrat de prêt est taisant sur la référence à l'année dite lombarde ou l'année civile et que la seule mention '4,91 pour cent l'an' dans l'avenant ne permettait manifestement pas aux époux [F], emprunteurs non professionnels, de déceler une quelconque erreur de calcul des intérêts de sorte qu'il n'est pas démontré, avec l'évidence requise en référé, qu'à la lecture des actes l'erreur de calcul invoquée pouvait être constatée et que l'action susceptible d'être exercée au fond est prescrite.

Dans ces conditions, M. et Mme [F] qui produisent un tableau établi non contradictoirement et qui contestent la régularité des intérêts appliqués au prêt ont un motif légitime d'obtenir à leur frais la désignation d'un expert judiciaire dont la mission sera détaillée au dispositif de la présente décision.

L'ordonnance querellée sera dès lors infirmée en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et a laissé aux parties la charge de leurs dépens.

Sur les autres demandes

Il y a lieu à condamnation de la BPM à payer aux appelants la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et laissé aux parties la charge de leurs dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Ordonne une expertise et désigne en qualité d'expert M. [P] [G] ([Adresse 3]) avec mission de :

- se faire remettre tous documents utiles à ses investigations et entendre les parties en leurs dires;

- de manière générale, vérifier la conformité des calculs opérés par la Banque Populaire Méditerranée aux stipulations contractuelles du contrat du 25 octobre 2006 et de l'avenant du 23 mai 2012 ;

- indiquer si le taux effectif global est erroné au regard des prescriptions légales applicables;

- dans l'affirmative, dire en quoi il est erroné, donner des éléments chiffrés ;

- dire s'il existe d'autres anomalies dans le calcul des intérêts ;

- en cas d'anomalies, dire si elles ont entraîné la facturation de sommes indues aux époux [F] et chiffrer le montant des sommes indûment comptabilisées ou prélevées;

- au vu des éléments fournis par les parties se prononcer sur l'incidence financière d'une substitution d'un intérêt au taux légal au taux conventionnel ;

- rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties.

Dit que l'expert devra explicitement et précisément, dans le cadre de ces chefs de mission, aux dires des parties après leur avoir fait part, dans un pré-rapport, de ses premières conclusions et leur avoir imparti un délai pour présenter ces dires, délai qui ne pourra être inférieur à un mois;

Dit que, pour exécuter la mission, l'expert sera saisi et procédera conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile ;

Dit que l'expert pourra, s'il le juge nécessaire recueillir l'avis d'un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne ;

Désigne le magistrat chargé du contrôle des expertises du tribunal de grande instance de Nice pour contrôler l'expertise ordonnée ;

Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe du tribunal de grande instance de Nice dans les quatre mois de l'avis de consignation, sauf prorogation du délai dûment sollicitée auprès du juge du contrôle en temps utile ;

Dit que conformément à l'article 173 du code de procédure civile, en le mentionnant dans l'original, l'expert devra remettre aux parties et aux avocats copie de son rapport;

Dit que M. et Mme [F] devront consigner dans les deux mois de la présente décision la somme de 3.000 euros à la Régie d'Avances et de Recettes du tribunal de grande instance de Nice destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l'expert;

Rappelle qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités imparties, la désignation de l'expert est caduque, à moins que le magistrat chargé du contrôle de la mesure, à la demande d'une des parties se prévalant d'un motif légitime, ne décide une prorogation du délai ou un relevé de caducité ;

Condamne la Banque populaire Méditerranée à payer à M. [B] [F] et Mme [J] [F] épouse [X] la somme 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Banque populaire Méditerranée aux dépens d'appel.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-2
Numéro d'arrêt : 18/07848
Date de la décision : 13/06/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1C, arrêt n°18/07848 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-13;18.07848 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award