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13/06/2019 | FRANCE | N°17/21260

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 13 juin 2019, 17/21260


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT AU FOND

DU 13 JUIN 2019



N° 2019/269













Rôle N° RG 17/21260 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBRDY







Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Adresse 4]





C/



[W] [E]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me VIRY

Me GUEDJ













cision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 19 Octobre 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2015F00111.





APPELANTE



CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Adresse 4], représentée par son gérant,

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée et assistée de Me Martial...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 13 JUIN 2019

N° 2019/269

Rôle N° RG 17/21260 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBRDY

Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Adresse 4]

C/

[W] [E]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me VIRY

Me GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 19 Octobre 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2015F00111.

APPELANTE

CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Adresse 4], représentée par son gérant,

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée et assistée de Me Martial VIRY de la SCP PLANTARD ROCHAS VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Julie ROUILLIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [W] [E]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 26 Février 2019 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Anne DUBOIS, Conseiller, magistrat rapporteur

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 13 Juin 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2019,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS :

Suivant acte sous seing privé du 16 janvier 2013, la SARL Pro-Eco a ouvert un compte courant professionnel dans les livres de la caisse de Crédit Mutuel de [Adresse 4] (Crédit Mutuel).

Par acte sous seing privé du 31 janvier 2014, son gérant, [W] [E], s'est porté caution solidaire de tous engagements de sa société, à hauteur de 34.080 euros.

Le 23 septembre 2014, le Crédit Mutuel a dénoncé à la SARL Pro-Eco l'ensemble de ses concours à durée indéterminée consentis à titre professionnel, à l'issue d'un délai de 60 jours, et rendu ainsi exigible le solde débiteur du compte courant à hauteur de 52.189,12 euros, non compris les agios du trimestre en cours.

Par courrier du même jour, il a invité la caution à prendre toutes dispositions pour régulariser ce solde débiteur.

Par jugement du 19 décembre 2014, le tribunal de commerce de Fréjus a placé la SARL Pro-Eco en liquidation judiciaire.

La banque a déclaré sa créance puis vainement mis [W] [E] en demeure d'honorer ses engagements par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 janvier 2015, avant de l'assigner en paiement devant le tribunal de commerce de Cannes par acte du 5 mai 2015.

Par jugement du 19 octobre 2017, ce tribunal :

- a dit que le Crédit Mutuel ne peut se prévaloir de 1'engagement de caution souscrit par [W] [E] le 31 janvier 2014 car manifestement disproportionné,

- l'a débouté de ses demandes,

- l'a condamné aux dépens et à payer à [W] [E] la somme de 1.500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Le Crédit Mutuel a interjeté appel le 27 novembre 2017.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 15 février 2018 et tenues pour intégralement reprises, il demande à la cour de :

- infirmer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- et statuant à nouveau,

- rejeter l'intégralité des demandes formulées par [W] [E],

- condamner ce dernier, pris en sa qualité de caution solidaire de la SARL Pro-Eco, à lui payer la somme de 27.092,36 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 janvier 2015 jusqu'à parfait paiement,

- le condamner à lui verser une indemnité de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner au paiement des entiers dépens.

Dans ses dernières écritures déposées et notifiées le 14 mai 2018 et tenues pour intégralement reprises, l'intimé demande à la cour de :

- à titre principal :

- confirmer le jugement entrepris,

- à titre subsidiaire :

- constater, au besoin, dire et juger qu'il n'est pas justifié de l'accord de la SARL Pro-Eco quant à la teneur et au montant des frais débités par la banque sur les comptes de ladite société ;

- dire et juger en conséquence que le Crédit Mutuel ne pouvait prélever de tels frais ;

- constater, au besoin, dire et juger qu'il n'est pas justifié de la stipulation écrite d'un taux d'intérêt conventionnel applicable au compte courant de la SARL Pro-Eco ;

- constater, au besoin, dire et juger qu'il n'est pas justifié de la stipulation écrite du taux effectif global qui serait appliqué au compte courant ;

- dire et juger en conséquence que l'appelant ne pouvait appliquer au solde débiteur du compte courant de la SARL Pro-Eco que les seuls intérêts au taux légal, à l'exclusion de tous autres intérêts ;

- en conséquence et avant dire droit :

- enjoindre au Crédit Mutuel de produire :

- d'une part, l'intégralité des mouvements du compte de la SARL Pro-Eco depuis l'ouverture de celui-ci, soit le 16 janvier 2013 et jusqu'au jour de la liquidation judiciaire, soit le 19 décembre 2014,

- d'autre part, un nouveau décompte portant sur cette même période expurgé des frais et des intérêts pratiqués par la banque auxquels seront substitués les intérêts au taux légal applicable aux années considérées, en l'espèce 2013 et 2014, savoir 0,04 %,

- renvoyer en conséquence l'examen de l'affaire à telle audience qu'il plaira à la cour d'appel d'Aix-en-Provence afin qu'il soit débattu contradictoirement des pièces précitées et que soient déterminées les sommes pouvant être dues par M. [E] au titre de son engagement de caution ;

- dire et juger qu'à défaut de production des éléments précités, le Crédit Mutuel sera débouté de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- dans tous les cas :

- le condamner au paiement d'une somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens de l'instance ceux d'appel distraits au profit de la Scp Cohen Guedj Montero Daval-Guedj.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 janvier 2019.

***

**

SUR CE :

Sur le caractère disproportionné de l'engagement :

En vertu de l'ancien article L341-4 du code de la consommation applicable au litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de la caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s'apprécie au regard, d'une part, de l'ensemble des engagements souscrits par la caution et, d'autre part, de ses biens et revenus, sans tenir compte des revenus escomptés de l'opération garantie.

L'ancien article L341-4 précité devenu L 332-1 et L 343-3 du code de la consommation n'impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement. C'est à la caution qu'il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue, et au créancier qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

Une fiche patrimoniale n'étant pas obligatoire, l'existence d'un tel document certifié exact par son signataire permet simplement à la banque, sauf anomalies apparentes, de s'y fier et la dispense de vérifier l'exactitude des déclarations de son client, lequel ne peut ensuite se prévaloir de leur fausseté pour échapper à ses obligations.

[W] [E] ne peut par conséquent reprocher à la banque de s'être contentée de ce document au motif que le compte courant de la SARL Pro-Eco présentait un solde débiteur important.

Le Crédit Mutuel ne peut non plus faire grief à l'intimé d'avoir fourni des informations erronées dans la fiche remplie ultérieurement à la souscription du cautionnement querellé.

Selon la fiche de renseignements, par lui certifiée sincère et véritable lors de son engagement de caution le 31 janvier 2014, l'intimé a indiqué être divorcé, sans personne à charge, avoir perçu un bénéfice d'exploitation de 45.000 euros soit un revenu mensuel de 3.750 euros et avoir un loyer de 650 euros par mois. Il a barré la case relative aux « engagements caution ».

Il ne peut donc se prévaloir des deux cautionnements qu'il a souscrit à hauteur de 22.362,72 euros et 23.613,72 euros le 3 septembre 2010 faute de les avoir mentionnés lors de son engagement de caution litigieux.

Les avis d'imposition 2013 et 2014 établissent par ailleurs que l'intéressé a perçu des revenus annuels de 51.000 euros en 2012, de 36.000 euros en 2013 et de 45.000 euros en 2014.

Ainsi, quand bien même il doit faire face à un loyer mensuel de 650 euros soit 7.800 euros par an, aucune disproportion manifeste ne peut être retenue entre d'une part, son cautionnement de 34.080 euros du 31 janvier 2014 et, d'autre part, son revenu annuel de 36.000 euros .

La banque n'a donc pas à démontrer que le patrimoine de l'appelant lui permettait d'exécuter son engagement lorsqu'il a été poursuivi.

Par conséquent, le moyen tiré de l'article L341-4 précité étant écarté, [W] [E] ne peut être déchargé de ses obligations de caution et le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les exceptions inhérentes à la dette :

Se fondant sur les dispositions de l'article 2313 du code civil permettant à la caution d'opposer au créancier toutes les exceptions appartenant au débiteur principal et inhérentes à la dette, [W] [E] discute les frais pratiqués sur le compte courant et les intérêts appliqués à ce même compte.

Le Crédit Mutuel n'apporte pas de réponse à ces contestations.

=$gt; sur les frais :

L'intimé soutient qu'il ne ressort d'aucun élément que la facturation des frais ait donné lieu à un quelconque accord de la SARL Pro-Eco quant à leur principe et leur montant de sorte que les frais, injustifiés, doivent être déduits des sommes dues.

Cependant, les conditions particulières des produits et services relatives au compte Eurocompte PRO souscrit, mentionnent expressément les frais forfaitisés qui comprennent les frais de tenue de compte et les frais d'écritures et, lorsqu'en sa qualité de gérant de la SARL Pro-Eco il a signé la convention de compte courant le 16 janvier 2013, [W] [E] a reconnu avoir pris connaissance et avoir approuvé ces conditions ainsi notamment que le recueil des tarifs des principaux produits et services dénommé la convention Clarté n°82.04.24 07/11 relative à la tarification des produits et services.

L'intimé sera donc débouté de ce chef.

=$gt; sur les intérêts :

En cas d'ouverture de crédit en compte courant, l'obligation de payer dès l'origine des agios conventionnels par application du TEG exige non seulement que soit porté sur un document écrit préalable à titre indicatif le taux effectif global, mais aussi que le TEG appliqué soit porté sur les relevés périodiques, reçus par l'emprunteur sans protestation ni réserve. À défaut de cette première exigence, les agios ne sont dus qu'à compter de l'information régulièrement reçue, valant seulement pour l'avenir, et à défaut de la seconde exigence, la seule mention indicative de ce taux ne vaut pas, s'agissant d'un compte courant, reconnaissance d'une stipulation d'agios conventionnels.

S'il n'existe pas de document préalable mentionnant un TEG à titre indicatif, l'intimé ne conteste pas que le taux effectif global a bien été précisé sur les relevés de compte de l'année 2013 comme le révèle au demeurant leur examen, sans protestation de la part de la SARL Pro-Eco. Le taux conventionnel a donc été valablement appliqué en 2013.

le Crédit Mutuel ne verse en revanche aucune pièce contredisant [W] [E] qui souligne que le TEG ne figure sur aucun des relevés de compte de 2014 de sorte que la banque ne peut prétendre à aucun intérêt conventionnel pour l'année 2014.

L'intimé fait également valoir à bon droit que faute d'un écrit fixant le taux de l'intérêt conventionnel, seul le taux légal est applicable au solde débiteur du compte courant clôturé, en application de l'article 1907 du code civil.

Par conséquent, sans qu'il soit besoin de condamner la banque à fournir l'intégralité des mouvements du compte du 16 janvier 2013 au 19 décembre 2014, la caution sera condamnée au paiement de la somme de 27.092,36 euros que le Crédit Mutuel devra expurger de tous les intérêts conventionnels comptabilisés en 2014, et qui sera assortie des seuls intérêts au taux légal à compter de la clôture du compte.

L'issue du procès conduit à condamner [W] [E] aux entiers dépens sans qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.

***

**

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition,

INFIRME le jugement rendu en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

CONDAMNE [W] [E] à payer au Crédit Mutuel la somme de 27.092,36 euros que le Crédit Mutuel devra expurger de tous les intérêts conventionnels comptabilisés en 2014, et qui sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la clôture du compte,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE le surplus des demandes,

CONDAMNE [W] [E] aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 17/21260
Date de la décision : 13/06/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8B, arrêt n°17/21260 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-13;17.21260 ?
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