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31/05/2019 | FRANCE | N°17/12022

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 31 mai 2019, 17/12022


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 31 MAI 2019



N°2019/ 174





RG 17/12022

N° Portalis DBVB-V-B7B-BAYRD







[H] [S]





C/



CAF DES BOUCHES DU RHONE

















Copie exécutoire délivrée

le :



à :



- Me Marie-Julie CONCIATORI-

BOUCHARD, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Sabrina BOURAS, avocat au barreau de M

ARSEILLE



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 01 Décembre 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 15/3073.





APPELANTE



Madame [H] [S], demeurant [Adresse 1]



représe...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 31 MAI 2019

N°2019/ 174

RG 17/12022

N° Portalis DBVB-V-B7B-BAYRD

[H] [S]

C/

CAF DES BOUCHES DU RHONE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Marie-Julie CONCIATORI-

BOUCHARD, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Sabrina BOURAS, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 01 Décembre 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 15/3073.

APPELANTE

Madame [H] [S], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Marie-Julie CONCIATORI-BOUCHARD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

CAF DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Sabrina BOURAS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2019.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2019

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [H] [S], assistante sociale spécialisée à la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE, a saisi le 13 janvier 2015 le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins d'entendre dire que l'accident de travail dont elle a été victime avait été faussement déclaré en accident de trajet, et qu'il en était résulté un préjudice au moment de la rupture du contrat de travail survenue le 21 octobre 2014 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Après radiation de la procédure et ré-enrôlement, le conseil de prud'hommes de Marseille s'est le 1er décembre 2016, déclaré matériellement incompétent au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale et dit qu'à défaut de recours, le dossier serait transmis à cette juridiction ;

Madame [H] [S] a formé contredit à cette décision le 15 décembre 2016;

Le 26 mai 2017, un arrêt de retrait du rôle a été prononcé ;

La procédure a été ré-enrôlée le 14 juin 2017 ; appelée à l'audience du 6 septembre 2018, la procédure a été renvoyée au 12 mars 2019 pour permettre à l'employeur de répondre aux conclusions de la salariée établies le 31 août 2018 ;

Par courrier du 7 mars 2019, et selon demande reprise oralement à l'audience, la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE a sollicité le renvoi de la procédure ou que soient écartées les conclusions de Madame [H] [S] et la nouvelle pièce n°12 qui lui ont été communiquées le même jour soit 5 jours avant l'audience ;

Madame [H] [S] s'est opposée aux demandes faisant valoir que les conclusions n'avaient pas été modifiées et que la nouvelle pièce était une attestation reprenant l'argumentation développée de sorte qu'il n'existait pas de nouveauté ;

Aux termes de ses conclusions déposées le 12 mars 2019 dont le dispositif est identique à celles communiquées le 31 août 2018, reprises oralement, Madame [H] [S] demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris.

- dire et juger que le litige de Madame [S] portant sur son licenciement relevait bien de la juridiction prud'homale et que le Conseil de Prud'hommes de Marseille ne pouvait se déclarer incompétent au profit du TASS des Bouches du Rhône mettant ainsi fin de manière définitive à la demande formulée, et ce en considérant que le TASS des Bouches du Rhône n'avait pas qualité pour trancher le litige prud'homal mais simplement de se prononcer sur la qualification juridique de l'accident.

- réformer le jugement entrepris.

- dire et juger que les règles protectrices des victimes d'un accident de travail s'appliquent dès lors que l'inaptitude découle d'un accident de travail comme cela est le cas en l'espèce, le dit accident étant intervenu dans le cadre d'un déplacement professionnel.

- dire et juger que la CAF ne saurait se prévaloir de la fausse attestation établie par ses services et ne saurait donc se prévaloir de sa faute volontaire, puisqu'elle a mentionné qu'il s'agissait d'un accident domicile-travail, ce qui ne correspondait pas à la réalité puisque il s'agissait d'un déplacement professionnel, qu'elle connaissait l'heure de cet accident, porté sur le document qu'elle établissait, et de plus en mentionnant des horaires de travail inexacts et ce de manière délibérée.

- constater que les parties ayant conclu au fond il y a lieu d'évoquer et de statuer, d'autant plus que la Cour étant investie de la plénitude de juridiction, a compétence pour trancher la difficulté.

- dire et juger que les délégués du personnel auraient dû être consultés au niveau du reclassement, ce qui n'a pas été le cas et que Madame [S] peut de ce fait prétendre à son préavis, et à des dommages et intérêts égaux à 1 an de salaires.

- dire et juger que la CAF a commis une faute en déclarant son accident en accident de trajet et en tout état de cause a procédé à son licenciement en ne tentant pas de la reclasser de bonne foi et que la CAF a commis une faute en ne la licenciant pas dans le mois de son inaptitude.

- dire et juger que la CAF était tenue de tenter de reclasser la salariée au sein de l'entreprise, et ce même si le médecin du travail avait mentionné la notion de danger immédiat alors et surtout qu'il ressort des correspondances adressées au médecin du travail que des postes existaient, postes qui n'ont pas jamais été proposés à la salariée, et que de ce fait le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

- dire et juger que d'autre part la CAF était tenue de tenter de reclasser en externe, ce qui n'a pas été fait de manière loyale, ce qui confère au licenciement un caractère illégitime.

- dire et juger que dans la mesure ou le licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse, la salariée peut prétendre à l'indemnité compensatrice de préavis et ce même si elle ne peut l'effectuer.

- condamner la CAF à payer à Madame [S] les sommes suivantes :

10 437,85 € à titre de préavis de 3 mois

1043,78 € à titre de congés payés afférents

41 754,60 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans consultation des délégués du personnel.

30 000 € à titre de dommages et intérêts pour fausse déclaration à la CPAM.

14 278,08 € à titre de salaires perdus suite à l'avis d'inaptitude en ne licenciant pas la demanderesse dans le mois de l'avis d'inaptitude

1 427,80 € à titre de congés payés afférents.

40 000 € pour licenciement abusif, à raison de la violation de l'obligation de reclassement les éléments communiqués n'établissant pas que cette obligation ait été respectée tant au niveau de l'entreprise qu'en externe.

- dire et juger que ces sommes porteront intérêt à compter de la demande en justice et que les intérêts seront capitalisé.

- condamner la CAF à payer à la concluante la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- la condamner aux dépens.

Selon ses conclusions en date du 31 juillet 2018, la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE sollicite de la cour qu'elle :

Vu l'article 88 du code de procédure civile

Vu les articles L. 441-3, R. 411-10 et R411-14 du code de la Sécurité sociale

Vu l'article L. 1226-2 du code du travail

Vu les jurisprudences citées et versées

A titre principal,

- constate que la Caisse d'Allocations Familiales n'a commis aucune faute dans le cadre de la déclaration d'accident du travail.

- constate que Madame [S] refuse de produire la notification par la CPCAM de prise en charge de son accident en date du 6 juin 2011.

- constate que Madame [S] n'a pas exercé de recours à l'encontre de la décision de la CPCAM par devant la Commission de Recours Amiable et par devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale

- dise et juge que la demande formulée par Madame [S] de requalifier un accident en accident du travail relève de la compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale

- confirme le jugement du Conseil de Prud'hommes de Marseille en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale pour trancher de la demande de requalification de l'accident de trajet en accident de travail.

A titre subsidiaire,

- constate que la Caisse d'Allocations Familiales n'a commis aucune faute dans le cadre de la déclaration d'accident du travail.

- constate que Madame [S] refuse de produire la notification par la CPCAM de prise en charge de son accident en date du 6 juin 2011.

- constate que Madame [S] n'a pas exercé de recours à l'encontre de la décision de la CPCAM par devant la Commission de Recours Amiable et par devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale

- dise et juge que les délégués du personnel n'avaient pas à être consultés dans le cadre d'un accident de trajet.

- dise et juge que la Caisse d'Allocations Familiales des Bouches du Rhône a recherche des solutions de reclassement tant en interne qu'en externe alors même qu'elle ne relève pas d'un groupe.

- dise et juge que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse

- déboute Madame [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

En tout état de cause,

- condamne Madame [S] à verser à la Caisse d'Allocations Familiales des Bouches-du-Rhône 3.500 euros au titre de l'article 700 du C.P.C. .

- condamne la demanderesse aux entiers dépens.

MOTIFS

A/ sur la recevabilité des conclusions et de la pièce nouvelle n° 12

Attendu qu'il convient de rappeler que :

- le contredit a été établi le 15 décembre 2016

- la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE a conclu le 18 avril 2017

- Madame [H] [S] a conclu le 9 mai 2017, l'audience étant fixée au 16 mai 2017

- la procédure a fait l'objet d'un retrait du rôle par arrêt du 26 mai 2017

- la procédure a été enrôlée à nouveau sur demande de Madame [H] [S] en date du 12 juin 2017

- les parties ont été avisées le 5 juillet 2018 que l'affaire serait appelée à l'audience du 6 septembre 2018

- la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE a conclu le 1er août 2018

- Madame [H] [S] a conclu le 31 août 2018

- la procédure a été renvoyée le 6 septembre 2018 à l'audience du 12 mars 2019 à la demande du conseil de la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE pour lui permettre de consulter son client sur les dernières écritures de Madame [H] [S]

- Madame [H] [S] a conclu à nouveau le 7 mars 2019 soit 5 jours avant l'audience et communiqué une pièce supplémentaire constituée par une attestation ;

Attendu que s'il peut être constaté que Madame [H] [S] à plusieurs reprises, a conclu quelques jours avant l'audience, le délai court qui en résultait n'était pas de nature de priver la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE de reprendre ses écritures en y insérant ses commentaires relatifs à la portée de l'attestation qui lui était produite ; que par ailleurs les conclusions transmises par la salariée le 7 mars 2019 ne comportent aucune modification par rapport à celle établies le 31 août 2018 si ce n'est l'ajout au bordereau de la pièce n° 12 correspondant à l'attestation ; qu'il y a lieu en conséquence de retenir les conclusions et pièce communiquées ;

B/ sur la compétence

Attendu qu'il est acquis à la procédure :

- que Madame [H] [S] a eu le 10 mai 2011 un accident de la circulation en se rendant, dans le cadre d'un déplacement professionnel sur un site de la CAF situé à[Adresse 3] ;

- que cet accident a fait l'objet d'une déclaration d'accident du travail par l'employeur le 11 mai 2011

- que le 6 juin 2011, la CPCAM a adressé à la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE un courrier lui faisant connaître sa reconnaissance du caractère professionnel du sinistre en application de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale comme étant survenu par le fait ou à l'occasion du travail ;

Attendu que dans ces conditions, seul l'employeur avait intérêt à contester éventuellement devant la commission de recours amiable la qualification retenue, ce qu'il n'a pas fait ;

Attendu que par courrier du 22 avril 2013, la CPAM services des risques professionnels a notifié à la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE le taux d'incapacité permanente retenu à la suite du sinistre du 10 mai 2011, l'en-tête portant la mention suivante : 'je vous informe de la décision qui été prise concernant la réparation de l'accident du trajet désigné ci-dessus' ; que les références portaient également la mention : 'caractéristique AT/MP '; qu'enfin étaient précisées les modalités de recours possibles s'agissant d'un désaccord éventuel sur le taux d'incapacité ;

Attendu que par courrier du 9 juillet 2013, Madame [H] [S] a été avisée d'une 'notification rectificative de décision au titre de 'l'accident du travail et maladie professionnelle' concernant la 'réparation de l'accident du trajet' et ayant pour seul objet 'la modification de la rente suite à la prise en compte des nouveaux éléments relatifs à votre salaire'; que ce document n'a aucune incidence sur la qualification initiale retenue par la CPAM ;

Attendu qu'à ce stade, il n'existait donc aucune contestation élevée sur la nature d'accident du travail du sinistre subi par la salariée, étant observé que l'indemnisation par la CPAM pour le salarié victime d'un accident du travail ou d'un accident du trajet est identique, les conséquences étant à un autre niveau ;

Attendu qu'en réalité, le débat est né seulement à l'occasion de la procédure d'inaptitude ayant conduit au licenciement, quant à la procédure de reclassement et suite au désaccord des parties sur la qualification de l'origine de l'inaptitude retenue par l'employeur, le juge prud'homal étant compétent pour en connaître ; que par suite, il y a lieu d'infirmer la décision par laquelle le conseil de prud'hommes s'est reconnu incompétent pour connaître du litige ;

C/ sur la qualification de l'inaptitude

Attendu que les deux parties ont conclu au fond et sollicitent que la cour évoque le litige : que l'article 89 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable à la cause l'autorise, la cour estimant qu'il est de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive ;

Attendu que Madame [H] [S] a fait l'objet d'arrêts de travail délivrés au titre de l'accident du travail jusqu'au 31 janvier 2013 puis a été en arrêt de travail au titre de la maladie à compter du 1er février 2013 ;

Attendu que le 22 avril 2014, elle a avisé son employeur qu'elle recevait depuis le 1er mars 2014 une pension d'invalidité catégorie 2 et lui a demandé l'organisation d'une visite de reprise du travail ;

Attendu que celle-ci s'est tenue le 12 mai 2014, le médecin du travail ayant déclaré Madame [H] [S] inapte en une seule visite ;

Attendu que l'employeur ayant constaté que le médecin du travail n'ayant pas coché les cases 'accident du travail' ou 'maladie ou accident non professionnel' l'a interrogé à 3 reprises pour lui demander de se prononcer que la qualification devant être retenue au regard des règles distinctes devant s'appliquer en matière de reclassement ; que dans ses courriers successifs, le médecin du travail a indiqué :

- qu'il ne disposait pas d'éléments lui permettant de se prononcer (courriers du 22 mai et 6 juin 2014)

- qu'il 'ne comprenait pas l'insistance de la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE dans la mesure où administrativement ce cas ne relève pas de l'article L 1226-10 mais de l'article L 1226-2 puisque l'inaptitude a été constatée après plus de 15 mois d'arrêt non professionnel ; ce dossier est donc suffisamment clair, je n'ai donc pas à prendre position sur l'éventuelle origine professionnelle de cette aptitude' ;

Attendu qu'en considération de cet élément et des arrêts de maladie s'étant succédé pendant 15 mois à compter du 1er février 2013, la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE a initié une procédure de reclassement puis de licenciement et a versé à la salariée les indemnités devant être servies en cas d'inaptitude non professionnelle ;

Attendu que Madame [H] [S] qui considère que l'inaptitude prononcée devait l'être au titre d'un accident de travail, souligne que la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE aurait dû consulter les délégués du personnel ;

Attendu que la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE qui ne conteste pas sérieusement que l'accident dont a été victime Madame [H] [S] soit un accident du travail mais estime qu'elle n'avait aucun élément pour lui permettre de considérer qu'il était à l'origine de l'inaptitude ;

Attendu qu'il revient au juge prud'homal de vérifier lui-même le lien entre l'accident et l'inaptitude pour l'application des mesures protectrices étant observé que l'application du régime de protection n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la CPAM du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude et qu'il appartient au juge du fond de rechercher ce lien de causalité ;

Attendu que de fait, en présence d'un avis d'inaptitude incomplètement rempli, la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE a cherché à obtenir du médecin du travail les renseignements qui lui étaient nécessaires ;

Attendu qu'en dépit de l'avis finalement émis dans le 3ème courrier du médecin du travail, il appartenait à l'employeur de se déterminer au regard de la règle selon laquelle, les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail s'appliquent, dès lors que quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, l'inaptitude a au moins partiellement cette origine cet accident ou maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement, comme le souligne à juste titre l'appelante ;

Attendu que le juge prud'homal se prononce au regard des éléments versés au débat ;

Attendu qu'en l'espèce, il est constant que :

- Madame [H] [S] a été en arrêt de travail en suite de l'accident du travail du 11 mai 2011 au 31 janvier 2013, le certificat initial mentionnant des fractures des 1ères phalanges des 4ème et 5ème doigts de la main droite

- la déclaration d'accident du travail par l'employeur fait état de lésions à plusieurs doigts de la main droite et à l'oreille droite

- la notification en date du 22 avril 2013 porte mention du taux d'incapacité permanente retenue précise la nature des lésions : traumatisme main droite chez une droitière avec fracture extra-articulaire des bases de PI des 4ème et 5ème doigts ; entorse du 3ème doigt droit à type de défaut d'enroulement des doigts et raideur ; acouphènes parfois insomniantes associées à une perte de l'audition modérée ; anxiété à la conduite ;

- l'employeur a reçu de la salariée le 22 avril 2014 le titre de pension d'invalidité réduisant des 2/3 au moins sa capacité de travail justifiant son classement dans la catégorie 2 et l'avisant d'un pension d'invalidité à compter du 1er mars 2014 ;

Attendu que le taux d'incapacité permanente fixé à 17 % à compter du 1er février 2013 induit que Madame [H] [S] a été déclarée consolidée le 31 janvier 2013 ; qu'il y a lieu d'observer que son médecin traitant a délivré le 31 janvier 2013 un certificat ne comportant plus d'arrêt mais a coché la case : reprise du travail le 01/02/2013 ;

Attendu que le 1er février 2013 Madame [H] [S] est allée consulter un autre médecin qui lui a délivré un arrêt de travail au titre de la maladie, arrêt de travail qui a été renouvelé jusqu'au 28 février 2014 en l'état des pièces produites au débat ;

Attendu que la mise en invalidité résulte des conséquences liées à un accident ou une maladie dont l'origine n'est pas professionnelle ;

Attendu que dans son troisième courrier à l'employeur le médecin du travail a exclu l'origine professionnelle de l'inaptitude ;

Attendu que Madame [H] [S] ne verse aucun élément, notamment de nature médicale permettant de considérer que l'avis d'inaptitude du 12 mai 2014, était la conséquence de l'accident du travail survenu le 10 mai 2011 et consolidé le 1er février 2013 ;

Attendu que dans ces conditions, il y a lieu d'en conclure que l'employeur ne disposait d'aucun élément lui permettant de considérer que l'inaptitude avait un caractère professionnel de sorte que c'est à tort que Madame [H] [S] lui reproche de ne pas avoir appliqué à son égard les règles liées à une inaptitude ayant une origine professionnelle ;

Attendu qu'il convient en conséquence de la débouter de sa demande en paiement d'une 'indemnité de préavis' et des congés payés afférents étant observé que l'article L 1226-14 auquel la salariée se réfère vise une indemnité compensatrice d'un montant égale à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L 1234-5 ;

Attendu que la demande relative à l'absence de consultation des délégués du personnel en application de l'article L 1226-15 doit être également rejetée ;

D/ sur les dommages-intérêts sollicités à raison de la fausse déclaration d'accident du travail

Attendu que Madame [H] [S] sollicite l'allocation d'une somme de 20.000 € (dans le corps de ses conclusions et 30.000 € dans son dispositif) à raison de la 'fausse déclaration de l'employeur' ; qu'elle vise les mentions 'domicile-travail' et les horaires inexacts mentionnés par l'employeur dans la déclaration d'accident du travail ;

Attendu qu'elle n'invoque aucun préjudice et ce d'autant que l'accident a été reconnu comme un accident du travail par la CPAM ; qu'elle doit être déboutée de cette demande ;

E/ sur la demande de rappel de salaire

Attendu que sans invoquer de fondement précis, Madame [H] [S] indique qu'ayant été reconnue inapte le 12 mai 2014, elle aurait dû être licenciée le 12 juin 2014 et que ne l'ayant été que le 21 octobre 2014, elle peut donc prétendre au paiement des salaires du 12 juin au 21 octobre 2014;

Attendu que l'article L 1226-4 du code du travail dispose : 'lorsque à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou n'est pas licencié, l'employeur lui verse dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui occupait avant la suspension de son contrat de travail;

Attendu que la demande de Madame [H] [S] est incompréhensible dès lors qu'il résulte des bulletins de salaire versés par la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE que dès le 12 juin 2014, l'employeur a bien repris le paiement des salaires et qu'il justifie d'instructions données à cet égard ; qu'il y a lieu de débouter Madame [H] [S] de cette demande particulièrement infondée ;

F/ sur la violation de l'obligation de reclassement

Attendu qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à l'époque du licenciement, lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnel, le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités ;

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise ;

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ;'

Attendu que la preuve de l'impossibilité de reclassement incombe à l'employeur ;

Attendu qu'il appartient à l'employeur, qui peut tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte, de justifier qu'il n'a pu, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail, le reclasser dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, effectuée au sein de l'entreprise et des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;

Attendu enfin que les recherches de reclassement doivent être sérieuses et loyales ;

Attendu que pour établir qu'il a respecté loyalement son obligation de moyen, l'employeur fait valoir:

- que suite à l'avis d'inaptitude du médecin du travail ne portant aucune mention relative au possible reclassement de Madame [H] [S], il l'a interrogé précisément le 22 juillet 2014 sur cette question en lui joignant la liste des 3 postes disponibles au sein de la CAF des Bouches du Rhône

- que le médecin du travail lui a répondu le 24 juillet 2014 que les '3 postes ne convenaient pas' et qu'il 'ne sollicitait pas de reclassement ni d'aménagement ou d'adaptation de son poste dans son cas'

- que par courrier du 31 juillet 2014, l'employeur rappelant au médecin du travail la jurisprudence selon laquelle il lui revient de mettre en oeuvre son obligation de reclassement y compris dans la situation où le salarié a été déclaré inapte à son poste, insistait auprès du médecin du travail pour obtenir ses préconisations et lui joignait une liste de 6 postes disponibles dans les Bouches du Rhône

- que par courrier du même jour, le médecin du travail maintenait sa position et précisait : 'l'état de santé de Madame [H] [S] ne permet pas d'envisager un reclassement au sein de la CAF, même par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation, transformation de poste de travail ou aménagement du temps de travail'

- que le 18 septembre 2014, la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE réitérait sa demande tant auprès du directeur de la médecine du travail qu'auprès du médecin du travail rappelant les obligations du médecin fixées par l'article R 4624-23 du code du travail et sollicitant qu'il communique ' à tout le moins des indications que les caractéristiques que devraient remplir les postes susceptibles d'être proposés à Madame [H] [S] ou des indications sur l'aptitude de l'agent à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté'

- que le 22 septembre 2018, le médecin du travail maintenait toujours ses conclusions antérieures et ajoutait ' aucune indication ne peut être donnée sur les caractéristiques que devraient remplir les postes susceptibles d'être proposés à Madame [H] [S]'

- que c'est dans ces conditions que Madame [H] [S] a été licenciée le 14 octobre 2014 suivant courrier rédigé comme suit :

'Le 24 septembre 2014, vous avez été convoquée à un entretien préalable à éventuel licenciement..vous ne vous êtes pas rendue à cet entretien ;

Je vous informe qu'après réflexion, j'ai pris la décision de vous licencier pour le motif suivant:

Le 12 mai 2014 le Dr [T], médecin du travail a jugé dans le acdre d'une visite médicale de reprise que vous étiez inapte à al reprise de votre poste de travail ; ..

Comme la loi nus y oblige, notre organisme a alors interrogé le médecin du travail sur les postes susceptibles de vous être proposés au titre d'un reclassement, en envisageant l'éventualité de mesures telles que mutation, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ;

Nous avons adressé au Dr [T], à plusieurs reprises la liste des emplois qui étaient disponibles au sein de la CAF des Bouches du Rhône ; par courriers du 24 et 31 juillet 2014, le médecin du travai a précisé que vous étiez inapte aux postes disponibles et à tout emploi dans l'entreprise ; le 31 juillet 2014, nous avons également demandé au médecin du travail de nous indiquer si votre poste d'assistante sociale spécialisée employée à temps plein ou tout autre poste pouvait être transformé pour devenir adapté à vos capacités ;

Le médecin du travail a répondu à la CAF des Bouches du Rhône qu'il écartait un reclassement dans votre cas, même par la mise en oeuvre de mesures telle que mutation, transformation de poste de travail ou aménagement du temps de travail ;

Le 18 septembre 2014, nous avons demandé au Dr [T] de nous donner des indications sur les caractéristiques que devraient remplir les postes susceptibles de vous être proposés dans le cadre d'un reclassement ; nous l'avons également interrogée sur votre aptitude à bénéficier d'une formation destinée à vous proposer un poste adapté ;

En réponse par courrier du 22 septembre 2014, le médecin du travail a confirmé qu'il est impossible de vous proposer un reclassement professionnel, même par la mise en oeuvre de mesures telle que mutation, transformation de pose de travail ou aménagement du temps de travail ou bénéfice du'ne formation ;

Ainsi malgré nos efforts nous n'avons pu trouver de poste de reclassement disponible, conforme aux propositions de reclassement faites par le médecin du travail

Aussi nous sommes contraints de vous licencier, compte-tenu de l'impossibilité de reclassement qui fait suite à votre inaptitude physique ;

La rupture de votre contrat de travail interviendra à compter de la notification du présent courrier...'

Attendu que la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE communique au débat les courriers qu'elle a adressés à d'autres organismes afin de reclasser Madame [H] [S] alors qu'elle estime qu'elle n'avait aucune obligation légale à ce sujet ; que sont joints des courriers à destination de : CARSAT Sud Est, au médecin conseil régional de la direction régionale du service médical ([Localité 1]), URSSAF des Bouches du Rhône, CPAM des Bouches du Rhône, UGEACM PACA ([Localité 1]), et un mail à l'attention du directeur des 118 CAF situées sur le territoire, avisant le destinataire qu'à défaut de réponse au 15 septembre, la recherche serait considérée comme négative ;

Attendu que sont versées au débat les 46 réponses négatives reçues ;

Attendu que c'est à tort que la salariée reproche à l'employeur de ne pas lui avoir proposé les 6 postes en interne qu'il avait identifiés en l'état de l'avis du médecin du travail excluant tout reclassement sur ces postes ;

Attendu que c'est également à tort que la salariée soutient que les demandes aux CAF ne sont pas justifiées alors qu'il résulte de la plupart des réponses que les destinataires ont répondu en joignant le message qui les avaient sollicités d'où il résulte que le mail de demande avait bien été adressé à l'ensemble des CAF listées avec les adresses mails complètes ;

Attendu que Madame [H] [S] soutient que la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE aurait dû également s'adresser aux organismes soumis à la convention collective des organismes sociaux tels que URSSAF, Caisses de sécurité sociale, CARSAT que ce soit ceux des Bouches du Rhône que ceux existant sur la totalité du territoire ; qu'elle se réfère à l'UCANSS et à l'article 16 et 16 bis de la convention collective ;

Attendu que l'article 16 prévoit les dispositions en cas d'acceptation par un agent d'une offre d'emploi entraînant un changement volontaire d'organisme employeur ;

Attendu que l'article 16 bis est relatif à l'information des organismes et des agents sur les postes à pourvoir laquelle est assurée par l'UCANSS au moyen d'une bourse des emplois dans laquelle sont obligatoirement intégrées par les organismes concernés toutes les vacances de poste, quelle qu'en soit la cause ;

Attendu que si l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout poste dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de son obligation légale de recherche de reclassement au sein de cette entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel celle-ci appartient, les réponses apportées, postérieurement au constat régulier de l'inaptitude, par ce médecin sur les possibilités éventuelles de reclassement concourent à la justification par l'employeur de l'impossibilité de remplir cette obligation ;

Attendu qu'en l'espèce, dès lors qu'après la déclaration d'inaptitude, le médecin du travail avait exclu toute possibilité de reclassement, 'même par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation, transformation du poste de travail ou aménagement du temps de travail' , la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE n'était pas tenue de s'interroger sur la nécessité ou non de consulter la bourse d'emploi ;

Attendu qu'il en résulte qu'il n'existe pas de violation de l'obligation de reclassement de sorte que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et qu'il convient de débouter Madame [H] [S] de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

G/ sur les autres demandes

Attendu qu'il n'existe pas de circonstance d'équité justifiant qu'il soit fait droit aux demandes des parties sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que les dépens de deux instances seront supportés par Madame [H] [S] ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Déboute la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE de sa demande de rejet des conclusions et de la pièce n° 12 produite par l'appelante déposées à l'audience du 12 mars 2019

Infirme le jugement

Se déclare compétente pour juger du litige

Juge que l'inaptitude de Madame [H] [S] n'a pas une origine professionnelle

Juge le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse

Déboute Madame [H] [S] de l'intégralité de ses demandes

Déboute la CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES BOUCHES DU RHONE de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Madame [H] [S] aux dépens des deux instances

Déboute Madame [H] [S] de ses demandes en rappel de salaire, de paiement d'une indemnité compensatrice sur le fondement de l'article L 1226-14, de dommages-intérêts.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 17/12022
Date de la décision : 31/05/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°17/12022 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-31;17.12022 ?
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