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29/05/2019 | FRANCE | N°17/02346

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-4, 29 mai 2019, 17/02346


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4



ARRÊT AU FOND

DU 29 MAI 2019

J-B.C.

N° 2019/194













Rôle N° 17/02346 - N° Portalis DBVB-V-B7B-77PN







[T] [I]

[A] [I] épouse [W]

[Z] [I] épouse [Z]





C/



[R] [J] VEUVE [I] veuve [I]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

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Me Maurice DUMAS LAIROLLE











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 31 Mars 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/02179.





APPELANTS



Monsieur [T] [I],

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1] (73)

demeurant ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

ARRÊT AU FOND

DU 29 MAI 2019

J-B.C.

N° 2019/194

Rôle N° 17/02346 - N° Portalis DBVB-V-B7B-77PN

[T] [I]

[A] [I] épouse [W]

[Z] [I] épouse [Z]

C/

[R] [J] VEUVE [I] veuve [I]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON

Me Maurice DUMAS LAIROLLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 31 Mars 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/02179.

APPELANTS

Monsieur [T] [I],

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1] (73)

demeurant [Adresse 1] (96779 USA)

Madame [A] [I] épouse [W]

née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 1] (73),

demeurant [Adresse 2]

Madame [Z] [I] épouse [Z]

née le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 1] (73),

demeurant [Adresse 3]

représentés par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me Philippe MARIA et Me Marie-Sophie PHILIPPI, avocats au barreau de GRASSE, plaidant.

INTIMEE

Madame [R] [J] veuve [I],

née le [Date naissance 4] 1952 à [Localité 2] (Algérie)

demeurant [Adresse 4]

représentée et assistée par Me Maurice DUMAS LAIROLLE de la SCP DUMAS- LAIROLLE-ROUSSEL, avocat au barreau de GRASSE, plaidant.

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Mars 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre

Mme Annie RENOU, Conseiller

Mme Annaick LE GOFF, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Mai 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Mai 2019,

Signé par M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

M. [O] [I] est décédé à [Localité 3] le [Date décès 1] 2008. Il était de son vivant propriétaire et exploitant d'un établissement hôtelier de luxe à [Localité 4] qu'il a fait bâtir en 1952 . Il était marié en premières noces avec Madame [J] [H]. Cette première union a été dissoute par jugement de divorce rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Albertville le 17 septembre 1986. M. [O] [I] laissait pour lui succéder son conjoint survivant, Madame [R] [J] et ses trois enfants issus de sa première union : [Z], [A] et [T].

M. [I] était de son vivant propriétaire d'une villa de 7 pièces, situé à [Adresse 5] dont il avait fait donation par préciput et hors part, à sa seconde épouse, Madame [J], suivant acte notarié dressé en l'étude de Maître [E] le du 2 avril 1996.

Le juge des référés du tribunal de grande instance de GRASSE a par ordonnance du 16 février 2011 désigné un expert aux fins d'évaluation de ce bien. Le rapport a été déposé par l'expert [L] le 29 septembre 2011 et conclut à une valeur de 1.600.000 €.

Un premier jugement rendu par le tribunal de grande instance de GRASSE a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession. Maître [M], notaire à [Localité 5] a été désigné pour y procéder. Il a dressé procès-verbal de difficulté le 6 juin 2013.

Le défunt avait conclu un contrat d'assurance vie à terme auprès de CARDIF prenant effet au 16 novembre 2004. Il ressort d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris du 23 février 2013 que la date de valorisation de ce contrat est établie à la date à laquelle l'assureur a reçu le courrier l'informant du décès du souscripteur, soit le 2 septembre 2008. Il ressort également de cet arrêt que Madame [J] est bénéficiaire du quart en pleine propriété du capital ainsi que des trois quarts en usufruit, les enfants du défunt étant bénéficiaire des trois quarts en nue-propriété.

Par acte du 17 octobre 2013, les enfants [I] ont fait assigner Madame [J] devant le tribunal de grande instance de LYON qui s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de GRASSE par ordonnance du 27 mars 2014.

Par leurs conclusions du 4 février 2016, les consorts [I] demandaient principalement tribunal de :

-Dire et juger que ne sauraient être admises au passif successoral les créances alléguées par Madame [J] veuve [I] portant sur des dépenses antérieures au décès, en ce inclus tous frais médicaux, alors que ces sommes doivent être assumées par celle-ci en exécution de sa contribution aux charges du mariage et du devoir d'entraide entre les époux,

- Rejeter la demande de Madame [J] veuve [I] visant à faire inscrire au passif successoral " la somme qui sera déduite, au titre du compte courant débiteur, du capital d'assurance-vie souscrit auprès de CARDIF '',

- Dire et juger que le montant capitalisé de la prestation compensatoire due à Madame [J] [H] s'élève au jour du décès à 335.705,25 €,

En tant que de besoin,- Dire et juger que la capitalisation de la pension de réversion perçue par Madame [H] depuis avril 2009 s'élève à la somme de 70.784,73 €.

Par ailleurs,

- Dire et juger que la donation préciputaire consentie par Monsieur [O] [I] à Madame [R] [J] veuve [I] le 2 avril 1996 ne revêt pas un caractère rémunératoire et qu'elle sera en conséquence soumise à réduction pour remplir de leurs droits les Consorts [I], héritiers réservataires.

A cet égard,

- Homologuer purement et simplement le rapport d'expertise judiciaire déposé par Madame

[H] [L] le 29 septembre 2011,

-Dire et juger que l'indemnité de réduction sera calculée sur la valeur des biens et droits immobiliers ainsi évalués par l'expert judiciaire à la somme de 1.600.000 €

-Dire et juger que la vocation successorale de Madame [J] porte sur un quart en pleine propriété à l'exclusion de tout usufruit

Par ses conclusions du 16 février 2016, Madame [J] demandait notamment de :

- principalement, surseoir à statuer jusqu'à ce que la cour d'appel de Paris ait rendu son arrêt dans la procédure opposant les parties à la compagnie CARDIF et à la société EUROCAPI

Subsidiairement,

- dire et juger que la créance de madame [J], d'un montant de 12.959,48 €sera inscrite au passif de la succession

- dire et juger que la somme qui sera déduite, au titre du compte courant débiteur, du capital d'assurance-vie souscrit auprès de CARDIF et revenant à Madame [I] sera inscrite au passif de la succession

- dire et juger que la créance de Madame [H] au titre de la prestation compensatoire est de 264.722,52 €, déduction faite de sa pension de réversion

- dire et juger que la donation faite le 2 avril 1996 par le défunt a un caractère rémunératoire et n'est donc pas sujet à réduction

- subsidiairement si la demande ci-dessus était rejetée, dire et juger que la valeur de référence du bien, pour le calcul de l'indemnité de réduction est de 1.100.000 €

Par jugement du 31 mars 2016, le tribunal de grande instance de GRASSE a rendu sa décision dont le dispositif est le suivant :

"- Prononce la révocation de l'ordonnance de clôture du 1er février 2016 ;

- Admet les conclusions et pièces signifiées postérieurement à l'ordonnance de clôture du 1er février 2016 ;

Prononce la clôture de l'instruction au 22 février 2016 ;

- Rejette la demande de sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Paris dès lors que celui-ci a été rendu le 23 février 2016 ;

- Dit que la créance de Mme [R] [J] veuve [I] d'un montant de 12.959,48 euros sera inscrite au passif de la succession;

- Déboute Mme [R] [J] veuve [I] de sa demande tendant à dire que la somme qui sera déduite, au titre du compte courant débiteur, du capital d'assurance vie souscrit auprès de CARDIF et revenant à Mme [J] veuve [I] sera inscrite au passif de la succession ;

- Dit que la créance de Mme [H] au titre de sa prestation compensatoire est de 264.920,52 euros, déduction faite du montant de la pension de réversion ;

- Dit que la donation mise le 2 avril 1996 par [O] [I] au profit de Mme [R]

[J] veuve [I] a un caractère rémunératoire et n'est donc pas sujet à réduction ;

- Dit que la valeur des biens et droits immobiliers est de 1.600.000 euros ;

- Dit que la vocation successorale de Mme [R] [J] veuve [I] porte sur un quart en pleine propriété à l'exclusion de tout usufruit ;

-Renvoie les parties devant le Notaire chargé de la liquidation successorale ;

-Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

-Emploie les dépens qui comprendront les frais d'expertise ainsi que les frais et honoraires du Notaire liquidateur en frais privilégiés de partage, avec distraction au profit des avocats de la cause,

-Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

Le tribunal a considéré :

Sur la créance de Madame [J], que les dépenses antérieures au décès exposées par cette dernière sont :

- un scanner abdomino-pelvien pratiqué le 17 juillet 2008

- les honoraires versés au chirurgien le 29 juillet 2008 soit la somme totale de 3.518,47 euros payée par Mme [J].

Que ces dépenses ont été faite dans le seul intérêt de [O] [I] et qu'elles ne peuvent être considérées comme étant une contribution aux charges du mariage ni relevant du devoir d'entraide entre les époux.

Sur le compte courant débiteur CARDIF, que Madame [J] agit par voie d'affirmation sans rapporter la preuve de ses prétentions faute de production de pièces.

Sur la prestation compensatoire, que le montant capitalisé de cette dernière est de 335.507,25€ duquel il faut déduire le montant capitalisé de sa pension de réversion qui s'élève à la somme de 70.784,73 €

Sur la donation rémunératoire, que :" Madame [J] rapporte la preuve par la production de très nombreuses pièces d'un investissement en temps et en travail dans l'établissement hôtelier de son époux. Ainsi elle justifie avoir contribué de façon constante par des apports financiers, par du management, la gestion, la décoration de l'hôtel, l'accueil des clients, l'approvisionnement en produits..." qu'il en résulte que la donation dont Mme [R] [J] a bénéficié avait un caractère rémunératoire et qu'elle ne saurait dès lors être soumise à réduction.

Que ce bien doit être évalué conformément à l'avis de l'expert judiciaire, l'avis de valeur soumis par Madame [J] n'ayant pas été soumis au contradictoire des parties.

Sur la vocation successorale du conjoint survivant, que cette dernière n'a pas la possibilité d'opter pour la totalité en usufruit.

Monsieur [T], ainsi que Mesdames [A] et [Z] [I] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 6 février 2017.

Au terme de leurs dernières écritures du 26 février 2019 auxquelles il est renvoyé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un complet exposé de leurs moyens et prétentions, Monsieur [T] [I] ainsi que Mesdames [A] et [Z] [I] demandent à la cour de :

- Dire et juger [A] [I] épouse [W], [Z] [I] épouse [Z] et [T] [I] recevables et fondés en leur appel du jugement rendu le 31 Mars 2016

Statuant à nouveau,

- Infirmer la décision critiquée en ce qu'elle a dit que la donation consentie le 2 Avril 1996 par Monsieur [O] [I] à son épouse, Madame [R] [J] - [I], avait un caractère rémunératoire et retenu l'inscription au passif de la succession la somme de 12.969,48€,

En conséquence,

- Ordonner le rapport à la succession de la somme de 1.600.000 €, valeur estimée du bien immobilier, objet de la donation,

- Dire et juger que dans le cadre du règlement des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Monsieur [O] [I], il y aura lieu de reconstituer par application des règles de la réduction les droits des consorts [I], héritiers réservataires,

A titre subsidiaire,

Si le caractère rémunératoire de la donation était retenu, en constater le caractère manifestement excessif,

En conséquence,

Dire et juger qu'un tel caractère rémunératoire n'est acquis qu'à hauteur de 50.000 € au plus et ordonner le rapport et la réduction des sommes excédant la rémunération de Madame [R] [J] - [I] dans les mêmes conditions, mais pour la somme de 1.550.000 €,

- Dire et juger que Madame [J] - [I] n'est pas fondée à demander l'inscription au passif de la succession la somme de 12.969,48 €, statuant à nouveau, débouter Madame [J] - [I] de sa demande de ce chef.

Pour le surplus,

- Confirmer la décision en ce qu'elle a :

- débouté Madame [R] [J] Veuve [I] de sa demande tendant à dire que la somme qui sera déduite au titre du compte courant débiteur du capital d'assurance-vie souscrit auprès de la CARDIF et revenant à Madame [J] Veuve [I] sera inscrite au passif de la succession,

- dit que la créance de Madame [H] au titre de sa prestation compensatoire est de 264.920,52 €, déduction faite du montant de la pension de réversion,

- dit que la valeur des biens et droits immobiliers est de 1.600.000 €,

- dit que la vocation successorale de Madame [R] [J] Veuve [I] porte sur un quart en pleine propriété, à l'exclusion de tout usufruit.

- Dire et juger Madame [R] [J] veuve [I] irrecevable et infondée en ses fins, demandes et prétentions en cause d'appel, En conséquence, l'en débouter,

- Condamner Madame [R] [J] veuve [I] à payer aux consorts [I] la somme de 41.219,37 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile,

- La condamner en outre au paiement des entiers dépens, en ce compris les dépens de première instance, ceux d'appel étant distraits au profit de la SCP BADIE - SIMON - THIBAUD - JUSTON du Barreau d'AIX EN PROVENCE.

Ils soutiennent :

Sur l'absence de caractère rémunératoire de la donation du 2 avril 1996 :

Que les critères définissant la donation rémunératoire ne sont pas réunis en l'espèce, cette notion se caractérisant par le fait que la collaboration de l'époux doit excéder la simple contribution aux charges du mariage et que doit être établi un appauvrissement du donataire ainsi qu'un enrichissement corrélatif du donateur.

En effet, Madame [J] exerçait pendant le mariage la profession de clerc d'huissier. Que l'emploi du temps qu'elle fournit ne démontre pas la réalité du temps de travail passé au sein de l'établissement de son mari et invite tout au plus à s'interroger sur la possibilité matérielle d'exercer en même temps son activité professionnelle à temps plein et d'occuper un emploi du temps de 62 heures par semaine au sein de l'hôtel ; que l'attestation de Madame [D] [Q] n'est pas probante en ce que cette dernière n'a été salariée que durant une saison ; qu'il est démontré par les attestations produite par les concluants que Madame [J] re résidait à l'hôtel que les fins de semaines, qu'elle arrivait le vendredi soir ou le samedi matin après son travail et repartait le dimanche en fin de soirée ; que Madame [J] ne conteste pas cet état de fait ; qu'elle ne pouvait se rendre à [Localité 4] pour travailler à l'hôtel en dehors des périodes d'ouvertures, que par conséquent le critère de constance exigé par la jurisprudence manque à la collaboration de cette dernière ; qu'à ce titre, l'exercice par Madame [J] d'une activité professionnelle à temps plein doit exclure la qualification de donation rémunératoire.

Que Madame [J] échoue à démontrer que sa collaboration excède sa contribution aux charges du mariage ; que la prétention de l'intimée allant en ce sens se fonde sur une facture datée du 1er avril 1997, postérieure à la donation prétendument rémunératoire ; qu'elle fait état d'un chèque de 85.000 F qui aurait servi à couvrir le découvert bancaire du défunt sans démontrer pour autant l'affectation réelle de cette somme.

Que Madame [J] n'a jamais agi gratuitement, en effet, la vente des murs et du fonds de commerce de l'hôtel en 1999 pour un prix de 6.717.557,25 € qui à permis d'apurer les dettes du défunt, notamment à l'égard de Madame [J], comme l'atteste une reconnaissance de dette au profit de cette dernière d'un montant de 600.000 F outre 81.363 F d'intérêts pour un total de 681.363 F, soit 104.024,89 €.

Qu'il ressort de l'ensemble des éléments du dossier que la donation litigieuse était motivée par la volonté d'écarter le bien qui en est l'objet de l'éventuel gage de son ex-épouse.

Qu'il ressort de différentes pièces versées au débat que Madame [J] n'a en rien contribué au succès de l'entreprise du défunt ; que sa participation aux travaux de rénovation de l'hôtel n'est nullement établie ; qu'il en est de même comme le démontrent les attestations versées au débat de l'approvisionnement de l'établissement en produits frais ; qu'elle a tout au plus réalisé des courses d'appoint en n'a pas assuré l'approvisionnement de l'établissement, comment le démontrent les attestations fournies par les différents fournisseurs professionnels de l'hôtel.

Qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait excédé sa juste contribution aux devoirs du mariage en assistant son époux lors de la vente de l'hôtel; qu'au surplus les opérations ont été conduites par Maître [E] [S], avocat au barreau de LYON ; qu'en tout état de cause la vente est postérieure à la donation et ne peut servir d'élément d'appréciation du caractère rémunératoire de la donation.

Que Madame [J] n'a en rien consenti à un quelconque sacrifice professionnel par sa collaboration ponctuelle ; qu'elle n'a au surplus en rien contribué à l'enrichissement de son mari ; qu'au contraire, elle a bénéficié avec sa famille d'un accueil gracieux et régulier au sein de l'établissement.

Qu'en tout état de cause la donation litigieuse n'était motivée que par la seule intention libérale du donateur ; qu'il est démontré par un testament du 1er décembre 1989 que la volonté de gratifier Madame [J] existait dès le commencement du mariage ; que l'acte de donation ne comporte en lui-même aucun élément accréditant un quelconque caractère rémunératoire ; que cette prétention n'est apparue que tardivement lorsque Madame [J] a eu connaissance du fait que sa vocation successorale devait se limiter au quart en pleine propriété.

Subsidiairement sur le caractère excessif de la rémunération :

Que cette demande ne peut être déclarée irrecevable en raison de l'article 564 du code de procédure civile, en vertu des articles 553 et 555 du même code, cette demande tendant rigoureusement aux mêmes fins que la demande contestant le caractère rémunératoire de la donation.

Que la jurisprudence applicable en la matière ouvre droit à restitution dès lors que le caractère excessif est établi ; qu'il n'est en rien justifié que la collaboration de l'épouse puisse être évaluée à la somme de 1.600.000 € ; qu'elle ne peut en effet soutenir avoir collaboré pendant sept ans, de 1989 à 1996, année de la donation, pour un travail se limitant aux fins de semaines à hauteur de 228.571 € par an. Ils estiment que la rémunération de Madame [J] Doit être évaluée à 50.000 €.

Sur la créance de 12.969, 48 € revendiquée par Madame [J].

Que les dépenses objet de ses prétentions relèvent du devoir de secours entre époux et de la contribution aux charges du mariage.

Que les frais d'obsèques sont à la charge du conjoint survivant.

Sur l'appel incident de Madame [J] :

- Concernant la valeur du bien en litige :

Qu'elle ne conteste pas utilement la valeur retenue par l'expertise judiciaire, ne produisant qu'une évaluation issue d'un rapport privé ; qu'en outre cette évaluation ne concerne pas le bien en litige, mais un autre bien situé sur le territoire de la commune.

- Concernant la demande d'admission au passif de la succession de la somme de 731.995,97 €:

Que, suite à la vente de l'hôtel, les sommes restant après apurement du passif ont été investies dans une première série de contrats d'assurance vie au profit de son épouse et de ses trois enfants auprès de la compagnie EAGLE STAR VIE; que le défunt a par la suite procédé à des rachats partiels entre 2000 et 2004 pour un montant de 899.451 € ; qu'en 2004 il a résilié ces différents contrats et a placé la totalité de son patrimoine dans un contrat d'assurance vie CARDIF ; que le contrat souscrit lui offre parallèlement à l'ouverture de son contrat d'assurance-vie, l'ouverture d'un compte courant avec autorisation de découvert et chéquier ; que le règlement du découvert est effectué par délégation de créance au profit de CARDIF sur le contrat de placement; qu'il s'agit donc d'un seul et même contrat d'assurance-vie fonctionnant et débit et en crédit ; qu'entre 2004 et 2008, le défunt a dépensé les fonds ainsi placés à hauteur de 731.995,97 € ; Qu'il n'existe en réalité aucun compte débiteur ; que le défunt s'était réservé par ce contrat l'usage et la jouissance des fonds placés ; qu'il ressort des conditions du contrat, expressément formulées en page 3 de la plaquette de présentation, que le découvert ne peut constituer un passif successoral puisqu'il est soldé au décès du débiteur

Au terme de ses dernières écritures du 12 février 2019 auxquelles il est renvoyé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un complet exposé de ses moyens et prétentions, Madame [R] [J] demande à la cour de :

Sur l'appel principal :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

-Dit et jugé que la créance de Madame [J]-[I], d'un montant de 12.959,48 € sera inscrite au passif de la succession,

- Dit et jugé que la créance de Madame [H] au titre de sa prestation compensatoire est de 264.722,52 €, déduction faite de sa pension de réversion,

- Dit et jugé que la donation faite le 2 avril 1996 par Monsieur [O] [I] au profit de Madame [R] [J]-[I] a un caractère rémunératoire, et n'est donc pas sujet à réduction,

- Déclaré irrecevable, par application de l'article 564 du code de procédure civile, la demande des appelants visant à voir déclarer excessive la donation faite par [O] [I] à [R] [J].

- Subsidiairement, les en débouter,

- Si la donation n'était pas jugée rémunératoire, infirmer le jugement entrepris, et dire et juger que la valeur de référence du bien, pour le calcul de la réduction, est de 1.100.000 €,

Sur l'appel incident :

- Recevoir [R] [J] veuve [I] en son appel incident, infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande visant à voir inscrire au passif de la succession le solde débiteur du compte courant,

- Dire et juger que la somme de 731.995,97 €, montant du compte courant débiteur de Monsieur [O] [I] à l'égard de CORTAL CONSORS, qui a été déduite du capital d'assurance vie souscrit auprès de CARDIF et revenant à Madame [I], constitue une dette de la succession, et sera inscrite au passif de la succession à titre de créance de Madame [R] [J] veuve [I],

- Condamner les appelants en tous les dépens, et à payer à Madame [J]-[I] la somme de 40.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient :

Sur les créances qu'elle revendique :

Que les dépenses qu'elle a exposées pour un montant de 12.969,48 € étaient dans le seul intérêt du défunt ; que les frais médicaux ont été remboursés par les organismes sociaux sur les comptes de la succession alors qu'elle en avait fait l'avance ; qu'elle en est donc créancière à ce titre ; que les frais liés au décès sont à la charge de la succession

Que le compte courant et le compte de placement relèvent de deux contrats différents, consentis par deux sociétés différentes, CARDIF pour le premier et CORTAL CONSORS pour le second ; que ces comptes ne peuvent être considérés comme relevant d'un contrat unique ; qu'il ne peut s'agir d'un couplage au sens de l'article L 132-12 du code des assurance; que les sommes placées sur le contrat d'assurance-vie sont affectées en garantie du débit du compte courant ; qu'elle est créancière de la succession en ce qu'elle a financé le débit par compensation avec les sommes qui auraient dû lui revenir au titre du contrat d'assurance-vie ; qu'il résulte en effet des pièces produites que la somme de 731.995,97 €a été payée par CARDIF à CORTAL CONSORS au titre du débit en compte ; cette somme a été déduite du capital qui lui a été versé au titre du contrat d'assurance-vie ; qu'il ressort de la déclaration ISF de 2008 que le montant du contrat d'assurance-vie est de 1.396.605 €, cette somme ne faisant pas apparaître la déduction du débit du compte courant il faut en tirer la preuve qu'il ne s'agit pas d'un contrat unique ; que l'argument selon lequel les deux comptes sont gérés par le même courtier ne permet pas d'en déduire l'unicité de contrat.

Sur la donation rémunératoire :

Que l'existence d'une donation rémunératoire n'est soumise qu'à la démonstration par le gratifié qu'il a collaboré à une activité bénéficiant au donateur dans une proportion excédant sa contribution aux charges du mariage ; que le sacrifice de son activité professionnelle par le donataire n'est qu'une illustration de ce principe et non un critère de qualification ;

Qu'elle apporte la preuve d'une contribution de cette nature en démontrant :

- avoir payé en lieu et place de son époux des sommes dues par celui-ci lorsqu'il était en difficulté financière ; au titre de l'exploitation de l'hôtel, en renflouant son compte bancaire débiteur par virement et par chèque respectivement de 50.000 F le 12 juillet 1996 et de 85.000 F le 30 juillet 1990, en payant la prestation compensatoire due à son ex-épouse

- avoir pris une part très active à l'amélioration, la gestion et à la vente de l'hôtel

- En assurant l'approvisionnement de l'hôtel et des taches de manutention liées à la gestion des stocks, démontrés par la production de son emploi du temps et l'attestation fournie par Madame [Q] . Qu'il ne s'agissait pas d'approvisionnement d'appoint comme le démontrent les pièces 50 et 51

- En assurant l'accueil des clients et le management de l'hôtel

- En supervisant la rénovation de l'hôtel en vue des jeux Olympiques d'[Localité 6]

- En permettant à l'hôtel de conserver son classement relais et châteaux assurant un prix de vente élevé de l'établissement.

- Que Maître [S], s'occupant de la vente lui adressait personnellement les courriers relatifs à la vente ; que les candidats à l'acquisition s'adressaient à elle

Que la demande relative au caractère excessif de la rémunération doit être considérée comme irrecevable car nouvelle ; que subsidiairement une rémunération à hauteur de la valeur du bien se justifie compte tenu du fait que le classement en relais châteaux a été maintenu de son fait.

Que la valeur du bien doit être portée à 1.100.000 € comme l'atteste le rapport privé qu'elle produit datant du 18 août2014, tenant compte des évolutions récentes du marché immobilier.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 13 mars 2019

SUR QUOI,

SUR LA VOCATION SUCCESSORALE DE MADAME [J] :

L'ensemble des parties demandant la confirmation du jugement sur ce point, il convient de constater leur accord.

SUR LE CONTRAT D'ASSURANCE-VIE :

Il ressort des pièces versées aux débats que le défunt avait souscrit un contrat d'assurance vie auprès de la société CARDIF comportant une garantie intitulée "CARDIF ONE", parallèlement à l'ouverture d'un compte courant avec chéquier et autorisation de découvert auprès de la BANQUE FINANCIERE CARDIF (puis de la banque CORTAL CONSORS après le rapprochement des deux sociétés au sein du groupe BNP PARIBAS). L'opération se fonde sur le mécanisme de la délégation de créance: Le client qui dépose des sommes sur le contrat d'assurance vie sollicite parallèlement un crédit par découvert en compte courant et délègue sa créance à l'égard de CARDIF., au profit de la banque, délégataire. La délégation opère de plein droit à mesure de l'utilisation du découvert. Au décès du client le jeu de la délégation de créance permet à la banque d'être réglée directement par l'organisme de prévoyance. Ce règlement entraîne extinction de la créance du client à l'égard de l'organisme de prévoyance à hauteur du versement et corrélativement de la créance de la banque à l'égard du client.

Il résulte de ce qui précède que la eréance correspondant au découvert autorisé a été éteinte par le jeu de la délégation de créance et qu'elle ne peut donc constituer un passif de la succession.

Ce mécanisme est d'ailleurs clairement mentionné dans la plaquette de présentation du contrat qui mentionne: «Le découvert ne peut constituer un passif successoral puisqu'il est soldé au décès du titulaire.»

Lé décision entreprise sera donc confirmée de ce chef.

SUR LA PRESTATION COMPENSATOIRE DUE À MADAME [H] :

Les parties sollicitantant la confirmation sur ce point, il y a lieu de relever leur accord et de confirmer le jugement sur ce chef.

SUR LA CRÉANCE D'UN MONTANT DE 12.959,48 € :

Concernant le principe de l'inscription de ces dépenses au passif successoral :

Les frais funéraires, contrairement à ce que prétendent les appelants, constituent une dette de la succession. Il en est de même des dépenses exposées pour les soins du défunt qui ont incontestablement été faites à son profit et ne concerne ni la participation aux charges du

mariage ni le devoir de secours entre époux. Cependant, il appartient à Madame [J] qui en fait la demande, de démontrer la réalité des dépenses exposées.

Concernant la justification de ces dépenses :

- pour la dépense relative au scanner abdomino-pelvien d'un montant de 18,47 € représentant la part due par le patient, Madame [J] ne produit qu'une note d'honoraire au nom du défunt sans justificatif de paiement. Elle ne démontre donc pas avoir exposé cette dépense ;

-pour les honoraires du professeur [U] [G], Madame [J] produit une note d'honoraires au nom du défunt et un chèque de 3500 € qu'elle a tiré à l'ordre de ce dernier. Cependant elle ne produit aucun relevé de compte démontrant que le chèque a été encaissé et ne démontre pas en conséquence la réalité de sa dépense. ;

- il en est de même pour la demande de concession de terrain pour un montant de 507,50 € ; des chèques respectivement de 4116,51 € et 1500 € tirés au profit des POMPES FUNEBRES DES ASPRES pour lesquels Madame [J] produit deux factures à son nom mais aucun relevé permettant d'établir l'encaissement des chèques ; de la dépense relative au buffet funéraire pour laquelle la concluante ne produit qu'une facture et un chèque de 380 € sans démontrer son encaissement ;

- concernant enfin la facture de marbrerie pour un montant total de 2837 €, Madame [J] ne produit aucun justificatif de paiement démontrant qu'elle a exposé cette dépense.

Madame [J] sera donc déboutée de sa demande du chef de ces dépenses.

SUR LA DONATION DU 2 AVRIL 1996 :

Concernant le caractère rémunératoire de la donation :

Il convient en premier lieu de rechercher si les éléments caractérisant une donation rémunératoire sont réunis. La donation rémunératoire étant réclamée dans le cadre de relations entre époux séparés de bien, il faut considérer celle-ci sera caractérisée dès lors qu'il est établi que le donateur a entendu rémunérer son conjoint pour une participation aux charges du mariage excédant ses facultés contributives. Il n'est pas nécessaire contrairement à ce que prétendent les intimés, de démontrer un appauvrissement subi par le gratifié. La charge de la preuve pèse sur la partie se prévalant du caractère rémunératoire.

En l'espèce, l'intimée se fonde notamment sur diverses attestations pour établir sa collaboration à l'activité professionnelle de son époux. L'article 202 du code de procédure civile dispose: "L'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés.

Elle mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s'il y a lieu, son lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles.

Elle indique en outre qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales.

L'attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature. " Le défaut des mentions exigées par ce texte n'entraîne pas la nullité des attestations produites mais peut être de nature à en diminuer la force probante, le juge appréciant souverainement le caractère probant des attestations.

Ainsi, la pièce n° 28 de l'intimée, n'est pas signée et ne comporte aucune pièce d'identité de sorte qu'il est impossible d'attribuer formellement les déclarations qu'elle contient à son auteur, son caractère probant est alors trop faible pour être exploité. Il en est de même de la pièce n° 36 qui en outre ne comporte aucune constatation personnelle mais la restitution de faits présentés comme de notoriété publique.

La pièce numéro 39 émanant de maître [S], conseil d'[O] [I], atteste que Madame [J] s'occupait personnellement chaque semaine de la décoration florale de l'hôtel, qu'elle achetait sur le marché de [Localité 7] ; qu'elle mettait à profit sa présence à l'hôtel pour seconder son mari dans le fonctionnement de l'hôtel.

La pièce n° 74, attestation manuscrite de Monsieur [X], fleuriste, certifie des visites régulières de Madame [J] en vue de l'achat de fleurs destinées à la décoration de l'hôtel.

La pièce n° 50, émanant de Monsieur [A], grossiste en fruits et légumes sur le marché de [Localité 7], non manuscrite, mais signée et comportant une pièce d'identité de sorte que l'exactitude de son origine est établie, atteste des visites régulières de l'intimée afin d'approvisionner l'hôtel en fruits et légumes.

La pièce n° 51, émanant de Monsieur [P], fleuriste, atteste de la présence régulière de Madame [J] afin d'approvisionner l'hôtel en fleurs fraîches,

La pièce n° 73 émanant de Monsieur [O], PDG des ateliers [V] [O], atteste de la participation active de Madame [J] au projet de rénovation de l'hôtel durant les années 1990 et 1991.

La pièce n° 18 émanant de Monsieur [R], exerçant l'activité de grossiste sur le marché de [Localité 7], atteste de ce que celui-ci a eu régulièrement la visite de Madame [J] afin d'assurer l'approvisionnement de l'hôtel. L'attestation ne comporte pas de pièce d'identité, mais est assortie du cachet de l'entreprise, laissant peu de doute sur la réalité de son origine.

La pièce n° 49, émanant de Monsieur [N], grossiste sur le marché de [Localité 7], atteste de la présence régulière de Madame [J] dans le but d'approvisionner l'hôtel en fruits secs;

La pièce n° 19 émanant de Monsieur [V], grossiste à [Localité 7], n'est pas manuscrite et ne comporte pas de pièce d'identité, mais est jointe avec l'enveloppe d'envoi présentant les coordonnées de l'entreprise, laissant suffisamment de certitude sur son origine. Monsieur [V] déclare que Madame [J] a reçu régulièrement et en fin de semaine, la visite de l'intimée dans le but d'approvisionner l'hôtel.

La pièce n° 75 émanant de M. [T] est signée mais ne comporte pas de copie du recto de la pièce d'identité. M. [T], exerçant une activité de transport pour le compte de l'hôtel déclare avoir constaté la présence de Madame [J] à l'hôtel, les approvisionnements qu'elle réalisait, l'accueil qu'elle assurait vis-à-vis des clients. Il a constaté également une dégradation des prestations après la vente de l'hôtel.

La pièce n° 38 émanant de Madame [K], se présentant comme une amie du couple ne comporte aucun document d'identité. Elle fait état des relations de l'intimée avec son époux la famille de celui-ci, affirme que la collaboration de Madame [J] avec son époux a contribué à améliorer la qualité du service et que cette dernière a apporté une nouvelle clientèle. Elle fait en outre état de son sentiment selon lequel la donation avait pour motif la volonté de la remercier des changements bénéfiques qu'elle a apportés à l'hôtel. Cette pièce ne comporte pas de véritable constatation directe et personnelle mais corrobore les éléments précédents sans permettre de déterminer l'étendue réelle de la participation de Madame [J].

La pièce n° 69 émanant de Madame [B] ne peut faire état de constations faites personnellement dans la mesure où celle-ci a pris son poste de directrice après la vente de l'hôtel. Elle ne peut donc faire part que d'informations qu'elle tient d'autres personnes. Elle fait état d'informations selon lesquelles Madame [I] était présente à l'hôtel et faisait part d'un important sens de l'accueil ; qu'elle a mis à profit de l'hôtel ses talents de décoratrice ; et a assuré une part de l'approvisionnement. Ce document, s'il a une valeur probante limitée, corrobore les constatations précédentes.

La pièce n° 58 émanant de Madame [D] qui ne comporte aucun document d'identité. atteste de ce que l'intéressée a connu Mme [I] et son époux en 1993 à [Localité 4] et les a fréquentés par la suite dans le Midi de la France. Elle fait notamment état des récits que lui a fait [O] [I] au sujet de la participation de son épouse dans la gestion de l'hôtel en plus de son travail à temps plein ;

La pièce n° 29 émanant de Madame [U] qui ne comporte pas de pièce d'identité, atteste de ce que l'intéressée a rencontré [O] [I] et Madame [J] dans le cadre de sa profession de journaliste dans le domaine de la gastronomie et fait état des approvisionnements réalisés par l'intimée et de son influence sur l'accroissement de la qualité du restaurant.

Madame [J] produit en outre différents courriers émanant de clients de relatant leur séjour dans l'établissement. Ces courriers s'adressant pour la plupart à la fois à [O] [I] et à Madame [J]. Ces écrits corroborent le contenu des attestations précédemment examinées et permet d'affirmer que Madame [J] était au contact de la clientèle. De plus l'attestation de Madame [Q], n'est pas utilement contestée en ce qu'elle permet a minima d'établir une activité de l'intimée au sein de l'hôtel durant cette période, ne contredisant pas la possibilité que cette activité se soit poursuivie par la suite.

En outre, la présence de Madame [J] au sein de l'hôtel durant les périodes d'ouverture du vendredi soir ou du samedi matin, au dimanche soir n'est pas contestée. L'argument des appelants selon lequel la collaboration de Madame [J] ne peut fonder le caractère rémunératoire de la donation en raison de son absence de constance est inopérant dès lors que la présence de l'intimée durant les fins de semaine était régulière. De plus, l'activité dont il est question étant saisonnière, cela justifie que la présence de Madame [J] se limite à la période hivernale. En outre l'argument tiré d'un comportement généralement intéressé de l'intimée, n'est pas de nature à écarter l'existence d'une donation rémunératoire.

Enfin, les différentes attestations de fournisseurs locaux selon lesquelles Madame [J] n'a jamais été en contact avec eux, ou établissant que l'hôtel était approvisionné par des fournisseurs locaux, ne sont pas de nature à contredire le fait établi que cette dernière se fournissait sur le marché de [Localité 7].

Il résulte de ce qui précède que Madame [J] a collaboré à l'activité professionnelle de son époux, en assurant une partie de l'approvisionnement de l'hôtel , en participant à sa décoration, à sa promotion, en étant au contact de la clientèle, et en ayant collaboré à la rénovation de l'hôtel.

Les attestations produisent permettent de considérer que l'activité de Mme [I] excédait largement l'obligation de l'intéressée aux charges du mariage de sorte qu'elle justifiait une contrepartie de la part de son époux.

Il n'est pas contestable que celui-ci a, à plusieurs reprises manifesté son intention libérale à l'égard de Mme [I] , dans le contrat de mariage du 9 avril 1989 la gratifiant de la quotité disponible ordinaire, puis dans le testament du premier décembre 1989 et que pour une large part la donation litigieuse manifeste la persistance de cette intention. Pour autant cette volonté libérale n'exclut pas que, pour une part de la libéralité , celle-ci soit également justifiée par la volonté du donateur de rémunérer son conjoint pour une activité qui l'a enrichi. Tel est manifestement le cas en l'espèce et le caractère partiellement rémunératoire de la donation doit être retenu.

Sur l'étendue du caractère rémunératoire :

Concernant en premier lieu la recevabilité de la demande contestée par Mme [I],l'article 565 du code de procédure civile dispose que : "Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent."

En l'espèce, la demande tendant à voir dire et juger que le caractère rémunératoire retenu par le premier juge porte sur une valeur excessive, tend à la même fin que celle tendant à écarter le caractère rémunératoire de la donation. Il s'agit en effet de réintégrer l'application des règles régissant la réduction d'une même libéralité, dans le contexte de l'établissement de l'existence ou de l'étendue de son caractère rémunératoire.

La demande n'étant pas nouvelle, les appelants sont recevables à formuler cette dernière en cause d'appel.

Sur le fond il convient d'apprécier l'importance de la participation de Mme [I] à l'activité de son époux. Il ne saurait être tenu compte pour ce faire de l'emploi du temps qu'elle produit, nul ne pouvant se constituer des preuves à lui-même mais il résulte des attestations évoquées plus haut que durant les fins de semaine Mme [I] s'impliquait considérablement dans l'approvisionnement puis dans l'aménagement de l'hôtel, y consacrant une grande part de son temps libre et contribuant donc au fonctionnement de l'établissement et à son prestige de 1989 à 1996.

Pour autant cette activité est demeurée saisonnière et annexe et ne peut en aucun cas correspondre à la valeur de la villa objet de la donation qui lui a été consentie. En considération des éléments versés aux débats cette contribution peut être évaluée à 300.000 euros.

Il résulte en conséquence de ce qui précède que la donation consentie à Mme [I] doit être considérée comme rémunératoire à hauteur de 300.000 euros.

SUR LA VALEUR DU BIEN OBJET DE LA DONATION :

Madame [J] estime que la valeur du bien objet de la donation doit être estimée à 1.100.000€ en raison d'une évolution à la baisse du marché immobilier dans le secteur considéré.

Elle produit pour en justifier un avis de valeur rédigé le 14 août 2014 par Madame [Y]. Cet avis de valeur ne concerne cependant pas le bien litigieux, sis à [Adresse 5], mais un autre bien, sis sur la même commune [Adresse 6].

Elle produit également diverses annonces correspondant à des ventes de villas situées sur la même localité et dont la description est similaire à celle du bien en litige. Les prix de vente affichés vont de 1.380.000 € à 1.590.000 € pour des biens de superficies respectivement égales à 263 m² et 240 m².

La production de ces seules pièces ne constitue cependant pas une étude comparative des prix du marché faute de mettre en exergue les critères de comparaison employés et de justifier du choix des biens servant d'éléments de comparaison. Ces éléments ne sauraient établir l'évolution du marché immobilier ni contredire utilement les conclusions de l'expertise judiciaire de 2011 ayant établi la valeur du bien à 1.600.000 €

Cette valeur sera donc retenue pour l'établissement de la masse de calcul des droits héréditaires ainsi que de la quotité disponible.

Les appelants demandent que soit rapportée à la succession la donation dont a bénéficié Mme [I] ou tout au moins la part non rémunératoire de celle-ci.

Cependant le conjoint survivant qui ne bénéficie pas du rapport de ses cohéritiers doit être considéré comme dispensé du rapport des donations dont il a bénéficié en considération du principe de réciprocité. Au surplus, en l'espèce le donateur a clairement dispensé la donataire du rapport.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

Succombant majoritairement en cause d'appel, il est équitable de considérer que Madame [J] supporte la charge des entiers dépens de la procédure, distraction faite de ceux d'appel au profit de la SCP BADIE - SIMON - THIBAUD - JUSTON. L'équité et la situation économique de Mme [I] justifient qu'elle soit condamnée à verser la somme de 4000 € aux consorts [I] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

DIT que la créance de Mme [R] [J] veuve [I] d'un montant de 12.959,48 euros sera inscrite au passif de la succession.

Dit que la donation faite le 2 avril 1996 par [O] [I] au profit de Mme [R] [J] veuve [I] a un caractère rémunératoire et n'est donc pas sujet à réduction.

Le confirme pour le surplus

Statuant de nouveau,

DÉBOUTE Madame [J] de ses demandes portant sur la somme de 12.959,48 € relatives aux frais concernant les derniers soins du défunt et les frais relatifs aux funérailles.

DIT que la donation du 2 avril 1996 présente un caractère rémunératoire à hauteur de 300.000€

DIT que la donation est soumise aux règles de la réduction pour atteinte à la réserve pour la fraction non rémunératoire de sa valeur, soit 1.300.000 €

Dit qu'il sera fait application à la libéralité litigieuse, dans les proportions précédemment définies, des règles de la réduction des libéralités lors de la liquidation et du partage de la succession d'[O] [I]

DIT que la libéralité consentie à Mme [J] n'est pas soumise à rapport.

CONDAMNE Madame [J] à verser à Monsieur [T] [I] ainsi que Mesdames [A] et [Z] [I] la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE Madame [J] à supporter les entiers dépens, distraction faite de ceux d'appel au profit de la SCP BADIE - SIMON - THIBAUD - JUSTON avocats au Barreau d'AIX-EN-PROVENCE.

DÉBOUTE Madame [J] de ses prétentions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-4
Numéro d'arrêt : 17/02346
Date de la décision : 29/05/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6D, arrêt n°17/02346 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-29;17.02346 ?
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