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29/05/2019 | FRANCE | N°17/00430

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-4, 29 mai 2019, 17/00430


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4



ARRÊT AU FOND

DU 29 MAI 2019

J-B.C.

N° 2019/191













Rôle N° 17/00430 - N° Portalis DBVB-V-B7B-72QS







[V] [S] épouse [K]





C/



[L] [SV]

[SQ] [SV] épouse [IZ]

[JE] [SV] épouse [D]

[J] [SV] épouse [PR]

[G] [SV] épouse [R]

[U] [SV] épouse [P]

SCP [H]





















Copie exé

cutoire délivrée

le :

à :





Me Joëlle CABROL



Me Jean françois DURAN



Me Paul GUEDJ







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 14 Décembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/04446.





APPELANTE





Mad...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

ARRÊT AU FOND

DU 29 MAI 2019

J-B.C.

N° 2019/191

Rôle N° 17/00430 - N° Portalis DBVB-V-B7B-72QS

[V] [S] épouse [K]

C/

[L] [SV]

[SQ] [SV] épouse [IZ]

[JE] [SV] épouse [D]

[J] [SV] épouse [PR]

[G] [SV] épouse [R]

[U] [SV] épouse [P]

SCP [H]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Joëlle CABROL

Me Jean françois DURAN

Me Paul GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 14 Décembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/04446.

APPELANTE

Madame [V] [S] épouse [K]

née le [Date naissance 7] 1975 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 7]

représentée et assistée par Me Jean françois DURAN de la SELARL BAGNIS DURAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Shéhérazade BENGUERRAICHE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [L] [SV]

né le [Date naissance 5] 1932 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 6]

représenté et assisté par Me Joëlle CABROL, avocat au barreau de TOULON

Madame [SQ] [SV] épouse [IZ]

née le [Date naissance 2] 1934 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 8]

représentée et assistée par Me Joëlle CABROL, avocat au barreau de TOULON

Madame [JE] [SV] épouse [D]

née le [Date naissance 6] 1943 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 4]

représentée et assistée par Me Joëlle CABROL, avocat au barreau de TOULON

Madame [J] [SV] épouse [PR]

née le [Date naissance 3] 1945 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée par Me Joëlle CABROL, avocat au barreau de TOULON

Madame [G] [SV] épouse [R]

née le [Date naissance 4] 1946 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 3]

représentée et assistée par Me Joëlle CABROL, avocat au barreau de TOULON

Madame [U] [SV] épouse [P]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée par Me Joëlle CABROL, avocat au barreau de TOULON

SCP [H]

Notaires associés

[Adresse 5]

poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié.

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN - GUEDJ - MONTERO - DAVAL-GUEDJ, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE , avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me François LOUSTAUNAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN.

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Mars 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre

Mme Annie RENOU, Conseiller

Mme Annaick LE GOFF, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Mai 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Mai 2019,

Signé par M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte notarié du 25 octobre 2005, Monsieur [ZD] [SV] a fait donation de la nue-propriété d'une maison de village dont il était propriétaire à [Localité 2] (83) à Madame [V] [S], employée à son service depuis 4 ans.

.

Il est décédé le [Date décès 1] 2008, laissant pour héritiers ses frères et s'urs, à savoir Monsieur [L] [SV], Madame [SQ] [SV], Madame [JE] [SV], Madame [J] [SV], Madame [G] [SV], Madame [U] [SV], ainsi que les enfants de ses 3 s'urs décédées, Madame [C] [A], Monsieur [O] [A], Madame [F] [PM], Monsieur [B] [K], Monsieur [Y] [K], Madame [Z] [AX] et Monsieur [I] [AX].

Par courrier du 3 février 2009, les consorts [SV] ont déposé une plainte contre Madame [V] [S] pour escroquerie, abus de confiance, et abus de faiblesse. Cette plainte a été classée sans suite.

Par acte du 18 avril 2013, Monsieur [L] [SV], Madame [SQ] [SV], Madame [JE] [SV], Madame [J] [SV], Madame [G] [SV], et Madame [U] [SV], ci-après dénommés les consorts [SV], ont assigné Madame [V] [S] devant le Tribunal de grande instance de Draguignan aux fins de prononcer la nullité de la donation entre vifs faite par Monsieur [ZD] [SV] le 25 octobre 2005 au bénéfice de Madame [K], pour insanité d'esprit.

Par acte du 30 octobre 2014, Madame [V] [S] a assigné la SCP [H], étude ayant reçu l'acte de donation, en intervention forcée devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins de joindre les deux instances, être soutenue quant à la parfaite validité de l'acte de donation, et subsidiairement condamner la SCP [H] à la relever et garantir de l'intégralité des condamnations qui seraient prises à son encontre.

Par ordonnance du 25 novembre 2014, les deux instances ont été jointes.

Les consorts [SV] demandaient au tribunal :

- à titre principal, de prononcer la nullité de la donation faite par Monsieur [ZD] [SV] le 25 octobre 2005 au profit de Madame [S],

- de condamner celle-ci à leur verser la somme de 5000 euros en réparation de leur préjudice financier et 5000 euros en réparation de leur préjudice moral ;

- à titre subsidiaire, il sollicitaient une expertise aux fins de déterminer l'état de santé de Monsieur [ZD] [SV] à la date du 25 octobre 2005 ;

- en toute hypothèse, de condamner Madame [S] à leur verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction à Maître [M], avocat.

Au soutien de leurs prétentions, les consorts [SV] invoquent les articles 901 et 414-1 du Code civil pour demander la nullité de l'acte de donation au motif que Monsieur [ZD] [SV] n'était pas sain d'esprit au moment de conclure celui-ci. Ils exposent subir un préjudice financier du fait qu'ils auraient pu louer le bien litigieux pendant le temps où Madame [S] l'a occupé indûment. Ils font également valoir qu'ils subissent un préjudice moral résultant du comportement de Madame [S], celle-ci leur ayant interdit l'accès à la maison dans laquelle se trouvent les documents administratifs du défunt, et du fait qu'ils ont été contraints de financer l'enterrement, les comptes bancaires du de cujus étant tous débiteurs à son décès.

À titre subsidiaire, ils se fondent sur les articles 143 et 144 du Code de procédure civile pour solliciter une expertise aux fins de rechercher et décrire l'état de santé de Monsieur [ZD] [SV] à la date du 25 octobre 2005.

Madame [V] [S] sollicitait du tribunal :

-à titre principal, le rejet des demandes formulées par les consorts [SV] ;

-à titre subsidiaire, la limitation de sa condamnation au paiement du prix du bien immeuble lors de son acquisition et la condamnation de la SCP [H] à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations éventuellement prononcées à son encontre ;

-en tout état de cause, la condamnation de tous succombants à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de Maître [W] [Q].

Elle considère que les consorts [SV] ne démontrent pas une grave altération des facultés mentales de Monsieur [ZD] [SV] de nature à vicier son consentement. Elle souligne que s'il n'est pas contesté que celui-ci était invalide et souffrait de problèmes de santé, rien ne permet de démontrer que son consentement était altéré par un trouble mental au jour de la donation.

À titre subsidiaire, elle invoque la jurisprudence de la Cour de cassation pour demander, en cas de condamnation, la limitation de celle-ci au prix de l'immeuble lorsqu'elle l'a reçu, étant précisé que si elle occupe aujourd'hui le 1er étage de ladite maison, le rez-de- chaussée a été vendu le 27 octobre 2010 pour un prix de 80 000 euros. Elle expose par ailleurs que dans le cas où une insanité d'esprit du de cujus serait retenue, le notaire ayant procédé à l'acte de donation verrait sa responsabilité engagée pour n'avoir pas pris les mesures nécessaires pour s'assurer de la validité du consentement et de la capacité des parties.

La SCP [H] sollicitait le rejet des demandes formulées par Madame [S] et sa condamnation au paiement d'une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Loustaunau forno. Elle exposait que le donateur n'était soumis à aucun régime de protection, et que l'acte ne comportait aucune anomalie de nature à laisser présumer une altération de ses facultés mentales. Elle souligne en outre que Madame [S], qui sollicitait leur garantie en cas de condamnation, était plus à même que les notaires d'avoir connaissance d'un trouble mental de Monsieur [SV].

Le 14 décembre 2016 le tribunal a rendu la décision suivante :

Annule la donation de [ZD] [SV] à madame [V] [S] du 25 octobre 2005, passée en l'étude de maître [T] [H].

Ordonne la restitution en nature du bien immobilier situé à [Adresse 7], cadastré section AB n°[Cadastre 1], et consistant dans le premier étage de la maison à monsieur [L] [SV], madame [SQ] [SV] épouse [IZ], madame [JE] [SV] épouse [D], madame [J] [SV] épouse [PR], madame [G] [SV] épouse [R] et madame [U] [SV] épouse [P]

Rejette la demande en indemnisation du préjudice financier

Condamne madame [V] [S] à verser la somme de 5.000 euros à monsieur [L] [SV], madame [SQ] [SV] épouse [IZ], madame [JE] [SV] épouse [D], madame [J] [SV] épouse [PR], madame [G] [SV] épouse [R] et madame [U] [SV] épouse [P] en réparation du préjudice moral

Condamne la SCP [H] à relever et garantir madame [V] [S] à hauteur de 2.500 euros

Rejette la demande en garantie de la condamnation à restitution

Ordonne la réouverture des débats uniquement sur le montant de la restitution en valeur du rez de chaussé et révoque l'ordonnance de clôture

Renvoie les parties à la mise en état du 7 avril 2017

Enjoint aux consorts [SV] de conclure sur le montant de la restitution en valeur du rez de chaussée de la maison

Réserve le surplus des demandes et les dépens

Le tribunal a considéré qu'il résultait des éléments soumis à son appréciation que [ZD] [SV] était une personne vulnérable, atteint d'une débilité a minima légère qui le rendait gentil et acceptant tout avec le sourire; il a estimé que l'idée d'une donation en nue propriété au profit d'une personne qu'il connaissait depuis 11 mois apparaissait incompatible avec cette personnalité

Il a donc retenu l'insanité d'esprit au jour de la donation;

Il a considéré que la restitution du premier étage pouvait se faire en nature mais que celle du rez-de-chaussée devait se faire en valeur puisqu'il avait été vendu et qu'il convenait que les parties s'expliquent sur cette valeur.

Sur le préjudice financier il a considéré qu'il n'était qu'hypothétique.

Il a estimé le préjudice moral à 5.000 euros.

Il a considéré que, bien qu'il ne soit pas le notaire de famille, Me [H] a commis une faute dès lors qu'il devait instrumenter une donation «entre un homme affaibli et une dame, sans que ceux ci aient un lien de parenté ou conjugal; qu'un simple entretien avec le donateur dans ces conditions aurait pu suffire à éveiller des soupçons sur la sanité d'esprit de celui-ci».

S'agissant de la demande en relever et garantie des restitutions il a considéré qu'elles ne constituaient pas un préjudice indemnisable ;

En revanche, concernant la garantie du préjudice moral il a estimé que le notaire avait contribué à moitié à ce dommage;

Mme [S] a fait appel de cette décision.

Au terme de ses dernières écritures du 15 avril 2017 auxquelles il est renvoyé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un complet exposé de ses moyens et prétentions, Elle demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL, sur la validité de la donation du 25 octobre 2005

REFORMER le Jugement entrepris en ce qu'il a annulé la donation consentie par Monsieur [ZD] [SV] à Madame [V] [S], reçue par la SCP [H] le 25 octobre 2005,

statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER que Monsieur [ZD] [SV] jouissait de l'intégralité de ses facultés mentales lorsqu'il a consenti ladite donation,

En conséquence,

DIRE ET JUGER parfaitement valable ladite donation, En conséquence,

DIRE n'y avoir lieu à restitution en nature ou en valeur du bien immobilier objet de la donation

DIRE ET JUGER n'y avoir lieu à condamnation de Madame [V] [S] à indemnisation des consorts [SV]

A TITRE SUBSIDIAIRE, en cas de confirmation de l'annulation de la donation du 25 octobre 2005

CONFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts [SV] de leur demande d'indemnisation de leur préjudice financier

REFORMER le Jugement entrepris en ce qu'il a condamné Madame [S] à verser aux consorts [SV] la somme de 5 000 euros en indemnisation de leur préjudice moral

DIRE ET JUGER que les consorts [SV] ne justifient d'aucun préjudice moral,

DIRE ET JUGER n'y avoir lieu à condamnation de Madame [S] de ce chef,

CONFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il a dit que le Notaire rédacteur de l'acte de donation avait une obligation s'agissant de la vérification de la capacité à conclure un acte notarié,

En conséquence,

REFORMER le Jugement entrepris en ce qu'il a limité la garantie de Madame [S] par la [H] à la somme de 2 500 euros au titre de l'indemnisation du préjudice moral des consorts [SV]

CONDAMNER la [H] à relever et garantir Madame [V] [S] de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, en ce compris l'obligation de restitution, l'intégralité des dommages et intérêts mis à sa charge, les frais irrépétibles et les dépens.

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

CONDAMNER solidairement les consorts [SV] et la SCP [H] à verser à Madame [V] [S] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux-ci distraits au profit de Maître Jean-François Duran sur ses affirmations de droit.

DEBOUTER les consorts [SV] et la [H] de l'ensemble de leurs fins, moyens et prétentions.

Au terme de leurs dernières écritures du 02 juin 2017 auxquelles il est renvoyé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un complet exposé de leurs moyens et prétentions, les consorts [SV] demandent à la cour de :

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a annulé la donation entre vifs par préciput et hors part faite par Monsieur [ZD] [SV], le 25 octobre 2005, en l'étude de Maître [T] [H], Notaire à [Localité 3] (83), en faveur de Madame [S],

EN CONSÉQUENCE,

ORDONNER la restitution en nature du bien immobilier situé à [Adresse 7] cadastré section AB n° [Cadastre 1], et consistant dans le premier étage de la maison, à Monsieur [L] [SV], Madame [SQ] [SV] épouse [IZ], Madame [JE] [SV] épouse [D], Madame [J] [SV] épouse [PR], Madame [G] [SV] épouse [R] et Madame [U] [SV] épouse [P].

ORDONNER la restitution en valeur, dont le montant sera fixé ultérieurement, concernant le rez-de-chaussée de ladite maison.

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Madame [S] à verser aux consorts [SV] la somme de 5 000 € en réparation du préjudice moral.

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande en indemnisation du préjudice financier subi par les consorts [SV].

EN CONSÉQUENCE

CONDAMNER Madame [S] à verser à Monsieur [L] [SV], Madame [SQ] [SV] épouse [IZ], Madame [JE] [SV], Madame [J] [SV] épouse [PR], Madame [G] [SV] épouse [R], Madame [U] [SV] épouse [P] la somme de 5 000 € de dommages intérêts, en réparation de leur préjudice financier.

DIRE ET JUGER que les attestations adverses de Mme [FV] [CM] et de Mme [MI] [N] sont irrecevables.

EN CONSÉQUENCE,

Les écarter purement et simplement des débats.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

Ordonner une expertise sur pièces et désigner tel Expert qu'il plaira à la Cour avec pour mission de rechercher et de décrire l'état de santé de Monsieur [ZD] [SV] à la date du 25 Octobre 2005, date de la donation de sa maison de village détenue à [Localité 2] (83) entre vifs par préciput et hors part faite en faveur de Madame [S].

EN TOUTE HYPOTHESE

CONDAMNER Madame [S] à verser à Monsieur [L] [SV], Madame [SQ] [SV] épouse [IZ], Madame [JE] [SV], Madame [J] [SV] épouse [PR], Madame [G] [SV] épouse [R], Madame [U] [SV] épouse [P] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Joëlle Cabrol, Avocat sous sa due affirmation de droit.

Ils font valoir :

Au terme de ses dernières écritures du 18 mai 2017 auxquelles il est renvoyé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un complet exposé de ses moyens et prétentions, la SCP [H] demande à la cour de :

Infirmer s'il échet le jugement au principal.

Réformer celui-ci sur les fins de l'appel en garantie de Madame [S] épouse [K].

Dire et juger que Maître [H] n'a pu percevoir les indices d'une vulnérabilité et d'une insanité d'ailleurs établie par l'observation quotidienne de proches de Monsieur [SV].

Débouter Madame [S] épouse [K] de l'ensemble de ses demandes.

La condamner au paiement de la somme de 4.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamner aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval-Guedj avocats

SUR QUOI

SUR LA VALIDITÉ DE LA DONATION:

Aux termes de l'article 901 du code civil , pour faire une libéralité il faut être sain d'esprit.

Ainsi que l'a relevé le premier juge les éléments produits par les parties apparaissent contradictoires. Mme [S] produit les attestations de personnes qui ont eu des contacts avec M. [ZD] [SV] et qui n'ont pas constaté qu'il souffrait d'un handicap évident, soulignant notamment qu'il faisait seul ses courses et s'exprimait normalement. Ces témoignages émanant de tiers qui n'ont rencontré qu'occasionnellement l'intéressé sont cependant en contradiction avec divers éléments produits par les consorts [SV].

Il s'agit en premier lieu d'éléments objectifs :

Dans sa jeunesse M. [ZD] [SV] souffrait déjà d'un handicap puisqu'il a été réformé avec le qualificatif largement signifiant de «débile mental irrécupérable» ce qui suppose nécessairement une altération visible des facultés.

Il a été victime en mars 2001 d'un AVC qui a notamment entraîné une aphasie temporaire.

Le 17 févier 2006 un scanner révélait une atrophie bi temporale-frontale et une lacune frontale droite.

Dans un courrier du 27 octobre 2007 adressé à un confrère le Dr [E] indique « Ce patient est handicapé mental de naissance donc de discours peu cohérent»

En 2008 un compte rendu d'hospitalisation mentionne « l'interrogatoire est difficile chez un patient limité intellectuellement».

Ces éléments objectifs conduisent à penser que le handicap mental dont souffrait M. [ZD] [SV] était facilement décelable et que les attestations produites ne reflètent pas la réalité de l'attitude et du comportement de l'intéressé.

Ces attestations ont également contredites par les déclarations de deux témoins privilégiés du comportement de M. [SV]: Mme [X] qui s'est occupé de lui comme infirmière à domicile de 1996 à 2008 et le Dr [E] qui était son médecin traitant de 2003 jusqu'à son décès;

La première indique que M. [SV] était un enfant dans un corps d'adulte et elle le qualifie de «simplet» soulignant qu'il était très gentil et naïf et qu'il était «toujours d'accord sur tout».

Le second évoque «un retard mental congénital sévère aggravé par un accident vasculaire cérébral».

Certes aucun de ces deux attestant n'est un expert en psychiatrie ou en neurologie mais à la différence de ce que pourrait constater un expert ne travaillant que sur dossier ils ont connu et fréquenté M [SV] et sont parfaitement à même de décrire son comportement et d'apporter à la présente juridiction les éléments nécessaires à sa décision.

Si la plupart des autres attestations ne peuvent être considérées comme suffisamment probantes dans la mesure où elles émanent de membres de la famille [SV] deux amis d'enfance de M. [ZD] [SV] attestent également de son retard mental.

Mme [S] fait valoir que M. [SV] n'était pas placé sous un régime de protection et qu'il avait pu acquérir le bien qu'il lui a donné ce qui démontrerait qu'il avait la capacité de contracter.

S'agissant du premier point il démontre simplement que l'entourage familial a pu en mettant en place des soins à domicile et en effectuant les démarches administratives indispensables suppléer à toute mesure de protection.

S'agissant du second point il est manifeste que les parents de M. [SV] ont souhaité le mettre à l'abri et lui faisant acquérir un bien immobilier alors qu'il n'avait peut-être pas la capacité pour le faire mais à supposer que tel ait été le cas cela n'aurait pas d'incidence sur la présente procédure.

Enfin ainsi que l'a relevé le premier juge, il n'est pas sérieusement envisageable compte tenu des troubles qui l'affectaient que M. [SV] puisse avoir eu les moyens intellectuels de comprendre ce qu'était une donation de la nue-propriété, d'appréhender les charges que cela incluait, et qu'il ait compris que cette donation était irrévocable.

Il résulte de ce qui précède qu'il doit être considéré que M. [ZD] [SV] n'était pas sain d'esprit au moment où il a consentit à Mme [S] la donation de la nue-propriété du bien immobilier dont il était propriétaire.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a annulé la donation de [ZD] [SV] à madame [V] [S] du 25 octobre 2005, passée en l'étude de maître [T] [H]

SUR LES CONSÉQUENCES DE L'ANNULATION;

Il résulte du dossier que Mme [S] a vendu une partie du bien immobilier dont elle a été donataire et que la restitution de celui-ci n'est donc possible que pour le premier étage qu'elle occupe.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné la restitution en nature du bien immobilier situé à [Adresse 7], cadastré section AB n°[Cadastre 1], et consistant dans le premier étage de la maison à monsieur [L] [SV], madame [SQ] [SV] épouse [IZ], madame [JE] [SV] épouse [D], madame [J] [SV] épouse [PR], madame [G] [SV] épouse [R] et madame [U] [SV] épouse [P]

Il sera également confirmé en ce qu'il a ordonné la réouverture des débats devant le premier juge uniquement sur le montant de la restitution en valeur du rez de chaussé et a révoqué l'ordonnance de clôture

SUR LA DEMANDE AU TITRE DU PRÉJUDICE FINANCIER :

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ;

Les consorts [SV] invoquent un préjudice financier lié à la déclaration tardive de succession et la perte de revenus locatifs.

S'agissant du premier point , ainsi que la indiqué le premier juge rien ne permet d'affirmer que l'administration fiscale retiendra des pénalités pour l'absence de déclaration d'un immeuble dans la succession alors que ce bien n'est revenu dans le patrimoine que suite à une procédure judiciaire.

La décision sera en conséquence confirmée de ce chef.

Concernant la perte de revenus locatifs, elle doit s'analyser comme la perte d'une chance et peut être justement évaluée compte tenu de la nature du bien et de sa valeur à la somme de 5.000 euros.

La décisions sera en conséquence infirmée de ce chef.

SUR LE PRÉJUDICE MORAL

Il n'est pas établi que le comportement fautif de Mme [S] ait causé aux consorts [SV] un préjudice moral susceptible de donner lieu à indemnisation.

La décision entreprise sera en conséquence infirmée de ce chef.

SUR LA DEMANDE DE GARANTIE DE MME [S] :

Mme [S] ne peut demander au notaire de la garantir des condamnations prononcées à son encontre et en particulier de la restitution du bien frauduleusement acquis. En effet le fait générateur de la restitution du bien aux consorts [SV] n'est pas une éventuelle faute du notaire mais l'état d'insanité d'esprit de M. [SV] lequel en est totalement indépendant; en effet si le notaire avait refusé d'instrumenter le bien ne serait jamais entré dans le patrimoine de Mme [S]. Au surplus, plus encore que le notaire, Mme [S] ne pouvait ignorer l'insanité d'esprit de M. [SV] et elle a incontestablement commis une faute qui exclut qu'elle puisse se retourner contre Me [H].

La décision entreprise sera donc infirmée à cet égard.

SUR LES DEMANDES DES CONSORTS [SV] À L'ENCONTRE DU NOTAIRE:

Il résulte des éléments déjà énoncés que les troubles dont souffrait M. [ZD] [SV] étaient apparents et qu'ils ne pouvaient échapper à la sagacité du notaire. Celui-ci chargé d'établir un acte de donation entre deux personnes non parentes dont l'une était âgée et manifestement pas en possession de toutes ses capacités et dont l'autre était son employée depuis moins d'un an aurait dû, même si M. [SV] n'était pas sous un régime de protection, refuser d'instrumenter ou exiger des garanties supplémentaires et notamment l'établissement d'un certificat médical attestant de la capacité de l'intéressé.

En ne prenant pas ces précautions indispensables le notaire a commis une faute au sens de l'article 1240 du code civil qui engage sa responsabilité à l'égard des consorts [SV].

Le préjudice de ce derniers est le même que celui qui a été indemnisé au titre de la perte d'une chance de sorte que le notaire sera condamné in solidum avec Mme [S] à payer au consorts [SV] la somme de 5.000 euros.

Il n'est pas établi que le comportement fautif de Me [H] ait causé aux consorts [SV] un préjudice moral susceptible de donner lieu à indemnisation.

SUR LES DEMANDE ANNEXES

L'instance se poursuivant devant le premier juge il ne sera pas statué sur les demandes formulées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile qui seront examinées en fin de procédure.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort.

Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a :

Annulé la donation de [ZD] [SV] à madame [V] [S] du 25 octobre 2005, passée en l'étude de maître [T] [H].

Ordonné la restitution en nature du bien immobilier situé à [Adresse 7], cadastré section AB n°[Cadastre 1], et consistant dans le premier étage de la maison à monsieur [L] [SV], madame [SQ] [SV] épouse [IZ], madame [JE] [SV] épouse [D], madame [J] [SV] épouse [PR], madame [G] [SV] épouse [R] et madame [U] [SV] épouse [P].

Rejeté la demande en garantie de la condamnation à restitution

Ordonné la réouverture des débats devant le premier juge sur le montant de la restitution en valeur du rez de chaussé et révoqué à cette fin l'ordonnance de clôture

Renvoyé les parties à la mise en état du 7 avril 2017

Enjoint aux consorts [SV] de conclure sur le montant de la restitution en valeur du rez de chaussée de la maison.

Réservé le surplus des demandes et les dépens.

L'infirme en ce qu'elle a :

Rejeté la demande en indemnisation du préjudice financier des consorts [SV].

Condamné madame [V] [S] à verser la somme de 5.000 euros à monsieur [L] [SV], madame [SQ] [SV] épouse [IZ], madame [JE] [SV] épouse [D], madame [J] [SV] épouse [PR], madame [G] [SV] épouse [R] et madame [U] [SV] épouse [P] en réparation du préjudice moral

Condamné la SCP [H] à relever et garantir madame [V] [S] à hauteur de 2.500 euros.

Et statuant à nouveau

Condamne Mme [S] in solidum avec la SCP [H] à payer à monsieur [L] [SV], madame [SQ] [SV] épouse [IZ], madame [JE] [SV] épouse [D], madame [J] [SV] épouse [PR], madame [G] [SV] épouse [R] et madame [U] [SV] épouse [P] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Déboute les consorts [SV] de leurs demandes au titre du préjudice moral.

Réserve les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-4
Numéro d'arrêt : 17/00430
Date de la décision : 29/05/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6D, arrêt n°17/00430 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-29;17.00430 ?
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