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23/05/2019 | FRANCE | N°16/14737

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 23 mai 2019, 16/14737


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2019



N° 2019/







MA





Rôle N° RG 16/14737 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7CTH





[J] [F]





C/



Association SKEMA BUSINESS SCHOOL





Copie exécutoire délivrée

le :23 MAI 2019

à :

Me Dominique SALVIA, avocat au barreau de NICE



Me Nadège HOUDU, avocat au barreau de NICE







Décision déférée à

la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE - section AD - en date du 30 Juin 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 15/1046.







APPELANTE



Madame [J] [F], demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Domini...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2019

N° 2019/

MA

Rôle N° RG 16/14737 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7CTH

[J] [F]

C/

Association SKEMA BUSINESS SCHOOL

Copie exécutoire délivrée

le :23 MAI 2019

à :

Me Dominique SALVIA, avocat au barreau de NICE

Me Nadège HOUDU, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE - section AD - en date du 30 Juin 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 15/1046.

APPELANTE

Madame [J] [F], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Dominique SALVIA, avocat au barreau de NICE, vestiaire : 180 substitué par Me Ollivier CARLES DE CAUDEMBERG, avocat au barreau de NICE, vestiaire : 249

INTIMEE

Association SKEMA BUSINESS SCHOOL, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Nadège HOUDU, avocat au barreau de NICE substitué par Me Magali BOUTIN, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Février 2019 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Monsieur Thierry LAURENT, Conseiller

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Avril 2019, prorogé au 23 mai 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 mai 2019.

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*

FAITS ET PROCEDURE

L'association SKEMA Business School est une école de commerce, exerçant sous le statut d'association loi 1901 sans but lucratif. Elle est issue de la fusion opérée le 30 juin 2009 entre le CERAM Business School et l'ESC [Localité 3].

A compter du 2 janvier 2010, l'association a engagé Mme [J] [F] en qualité de « Chargée d'enseignement », classification C2 'B, suivant contrat de travail à durée indéterminée intermittent. Elle est rattachée à l'établissement de Sophia Antipolis.

Plusieurs avenants au contrat initial ont par suite été conclus aux fins de permettre la planification d'éventuels cours supplémentaires.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'« Enseignement privé hors contrat ».

Le 22 octobre 2014, Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Nice, aux fins d'obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet et la condamnation de l'Association SKEMA BUSINESS SCHOOL au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire et de dommages et intérêts pour préjudice moral, financier et fiscal.

L'Association SKEMA BUSINESS SCHOOL a soulevé l'incompétence territoriale du conseil de prud'hommes de NICE au profit du conseil de prud'hommes de GRASSE.

Par jugement du 15 septembre 2015, le conseil de prud'hommes de Nice s'est déclaré incompétent au profit de cette dernière juridiction.

Mme [F] a actualisé ses demandes, sollicitant la modification de sa classification et le montant des salaires en découlant.

Suivant jugement du 30 juin 2016, le conseil de prud'hommes de GRASSE a :

- dit le contrat de travail à durée indéterminé intermittent à temps partiel,

- rejeté la demande de classification en qualité de cadre catégorie C10C,

- condamné l'Association SKEMA BUSINESS SCHOOL à régler à Mme [F], la somme de 4245,54 euros, en deniers ou quittances, au titre du salaire minimum brut correspondant à l'année 2015, ce, après déduction des retenues salariales applicables,

- débouté Mme [F] de l'ensemble de ses demandes.

Mme [F] a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 24 mars 2017, [F], appelante, à la cour de :

réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

constater l'existence d'un contrat à durée indéterminée à temps plein depuis le 14 avril 2010, toujours en cours à ce jour,

requalifier son contrat de travail en contrat à durée lndéterminée à temps complet à compter du 01/01/2010, au vu des justifications juridiques et factuelles fournies,

voir ordonner à l'Association Groupe SKEMA Business School de revoir sa classification et la changer en C10C (au lieu de T10A), avec le salaire correspondant à cet échelon dans le cas où celui-ci serait plus élevé que celui dont elle bénéfice aujourd'hui, et rétroactivement depuis le 14 avril 2010,

condamner l'Association Groupe SKEMA Business School à lui payer les sommes suivantes, dans un délai maximum de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour :

. un rappel de salaires de 618 444,89 euros couvrant la période d'avril 2010 à mai 2016 (mois présumé du jugement), constitué de 475 726,84 euros. plus 30 % pour compenser l'erreur de classification,

un rappel de 54 272,15 euros au titre du 13ème mois pour les années 2010 à 2015 (6 années), composé de (6 957,96 euros x 6) +30 % = 41 747,80 euros + 30 % = 54 272,15 euros,

. un rappel de 67 271,60 euros au titre de l'indemnité de congés payés pour les années 2010 à 2015 incluses, soit 10 % des rappels de salaires et 13ème mois,

. un rappel de 3600 euros au titre des primes de vacances pour les années 2010 à 2015 incluses,

. un ajustement de 213 602 euros correspondant à l'incidence fiscale du paiement tardif et non échelonné par SKEMA des salaires dus,

. une somme de 99 058 euros, représentant les dommages et intérêts pour préjudice moral et financier (hors préjudice fiscal) ayant duré 6 ans (d'avril 2010 à avril 2016),

dire que toutes les sommes dues produiront intérêts au taux légal, avec capitalisation, à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Nice, et ce jusqu'à parfait paiement,

voir ordonner à l'Association Groupe SKEMA Business School, dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 100 euros par jour:

de délivrer les feuilles de paie rectifiées pour les années 2010 à 2016 incluses,

payer les organismes de retraite,

mettre à jour ses droits à la retraite et à la formation et lui en justifier,

voir ordonner à l'Association Groupe SKEMA Business School de lui payer à compter du mois du « jugement » et à la fin de chaque mois, un salaire correspondant à 35 heures de travail hebdomadaires sur la base de 54,43 euros par heure + 30 %, soit 70,75 euros par heure, base de son salaire actuel, sous astreinte de 100 euros par jour, de même qu'un 13e mois et une indemnité de congés payés conforme à celle des autres salariés de son échelon et de son ancienneté, ainsi que tous les autres avantages habituels,

condamner l'Association Groupe SKEMA Business School à lui payer la somme de 6,000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, en ceux compris la citation par huissier devant le conseil de prud'hommes de l'employeur en première instance.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 24 janvier 2019, l'Association SKEMA BUSINESS SCHOOL intimée, demande à la cour de :

confirmer le jugement rendu le 30 juin 2016 par le conseil de prud'hommes de Grasse dans l'ensemble de ses dispositions,

constater qu'elle a procédé au paiement la somme de 3.791,15 euros net au titre de 78 heures de cours de l'année 2015,

constater que le contrat de travail de Mme [F] est un contrat de travail à durée indéterminée intermittent,

débouter Mme [F] de sa demande de requalification de son contrat de travail,

débouter Mme [F] de ses demandes de rappel de salaire,

débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes,

A titre reconventionnel :

condamner Mme [F] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux entiers dépens et frais de procédure.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS

Sur la requalification du contrat à durée indéterminée intermittent en contrat à durée indéterminée à temps complet

Mme [F] expose qu'entre 1999 et 2009, elle a travaillé pour le CERAM en qualité de professeur vacataire, signant pas moins de 114 contrats à durée déterminée, le nombre d'heures effectuées avoisinant un temps plein, que la fusion entre le CERAM et le SKEMA a été opérée sans qu'elle n'en ait été informée, un nouveau contrat avec des modifications non explicitées ayant été mis en place, qu'elle perdait ainsi des droits conséquents à l'issue du transfert d'employeur, puisque le contrat à durée indéterminée intermittent conclu en janvier 2010 ne lui permettait plus de recevoir la moindre allocation chômage pendant ses périodes d'inactivité.

Elle fait grief au conseil de prud'hommes d'avoir retenu que la répartition des heures de travail à l'intérieur des périodes travaillées était définie au contrat initial signé le 2 janvier 2010, alors que ledit contrat ne précise pas la durée du temps de travail au-delà du 13 avril 2010.

Elle lui fait encore grief d'avoir retenu que l'Association SKEMA BUSINESS SCHOOL avait respecté un délai de prévenance et qu'elle avait apporté la preuve de la remise des plannings de cours, au motif que ceux-ci étaient distribués aux élèves, alors que ses horaires de cours n'étaient pas fixes et étaient systématiquement modifiés, et que la loi prévoit, en particulier à l'article 731 ' 18 du code de l'éducation, que le contrat de travail intermittent doit préciser les périodes travaillées et celles qui ne le sont pas ainsi que la répartition des heures de travail au sein de ces périodes et alors que le contrat de travail à temps partiel non écrit est présumé conclu pour un temps plein, la jurisprudence décidant que le défaut de ces précisions entraîne la requalification du de travail à durée indéterminée intermittent en de travail à durée indéterminée à temps plein.

Elle ajoute que les agissements répétés de l'Association SKEMA BUSINESS SCHOOL ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail qui ont porté atteinte à ses droits à sa dignité et d'altérer sa santé physique et mentale, situation de harcèlement moral accentuée en 2015 après sa saisine du conseil de prud'hommes, par sa mise au placard, plus aucune mission ne lui étant confiée, en contradiction avec le contrat le contrat initialement signé qui prévoit un minimum annuel, qu'elle a ainsi été placée à trois reprises en arrêt de travail entre octobre 2014 et décembre 2014.

Elle explique qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes de Nice d'une action visant le CERAM géré par la Chambre de Commerce d'Industrie, son ancien employeur jusqu'en 2009, lequel a fait droit à ses demandes de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet et condamné la Chambre de Commerce et d'Industrie à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaires et de dommages et intérêts pour le préjudice moral et financier.

Mme [F] fait valoir qu'elle a travaillé sans contrat à partir de fin décembre 2009, ayant eu à préparer, planifier et coordonner ses cours dispensés en janvier 2010, et au-delà jusqu'en 2014, s'agissant des temps de préparation,

qu'à partir du 14 avril 2010, elle a travaillé sans qu'aucun avenant ne vienne préciser ses dates et horaires de travail,

que les avenants, lorsqu'ils étaient établis ne l'étaient, que postérieurement aux prestations,

que l'Association SKEMA BUSINESS SCHOOL ne déclarait et ne rémunérait qu'une petite partie des heures travaillées, ses feuilles de paie ne rendant pas compte de la réalité, mais retranscrivant seulement les heures de cours donnés sans prise en compte, entre autres, de la planification des cours, de la préparation des sujets, des descriptifs des cours, de l'évaluation de chaque élève la réalisation du travail administratif, du traitement du courrier aux étudiants...et de sa participation régulière à des réunions de présentation ou de coordination à la demande de l'Association SKEMA BUSINESS SCHOOL,

que ses éléments démontrent qu'elle était en réalité occupée à temps plein par l'Association SKEMA BUSINESS SCHOOL, la sollicitant notamment à des périodes non prévues contractuellement,

que ses salaires étaient en outre régulièrement réglés avec un décalage de deux mois.

Elle ajoute que le contrat initial prévoyait une durée maximale de travail annuel de 78 heures avec une amplitude de la durée du travail hebdomadaire ou mensuel compris entre plus et moins un tiers du temps de travail contractuel, comme prévu à l'article 4-4-3 de la convention collective, que la durée maximale de 104 heures n'a jamais été respectée, de sorte que le contrat de travail devra être requalifié en ce que les heures de travail accomplies au-delà du temps contractuellement fixé étaient rendues nécessaires par les missions confiées par l'employeur.

L'Association SKEMA BUSINESS SCHOOL observe à titre liminaire que Mme [F] a parallèlement saisi la juridiction prud'homale d'une action à l'encontre du CERAM pour la période courant jusqu'au 31 décembre 2009, lui reprochant d'avoir eu recours à des contrats à durée déterminée, alors que dans le cadre de la présente action, elle lui fait le reproche d'avoir organisé la relation de travail suivant le régime du contrat à durée indéterminé intermittent au motif que le régime du contrat à durée déterminée lui serait plus favorable.

Elle se prévaut des termes du contrat signé entre les parties en 2010 qui régit l'intégralité de la période de travail de la salariée, faisant valoir que celle-ci était parfaitement informée de la répartition de ses horaires de travail, que rien, du reste, n'impose à l'employeur de porter à la connaissance de ses salariés leurs horaires de travail par un avenant à leur contrat, dès lors qu'ils sont avertis suffisamment à l'avance,

que la Cour de cassaition considère que le contrat intermittent n'est pas à temps plein s'il est établi que le salarié connaissait ses jours de travail et ses horaires et qu'il n'est pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur,

que Mme [F] reconnaît elle-même n'avoir jamais travaillé à temps plein pour l'association,

qu'elle ne peut encore prétendre que la durée minimale de son temps de travail a été dépassée, dès lors que le travail d'enseignant induit un certain nombre d'heures de préparation en dehors des heures de cours, dont la rémunération est prévue au contrat de travail,

que Mme [F] n'a en outre formulé aucune demande au titre d'heures complémentaires qu'elle aurait éventuellement effectuées à la demande de son employeur,

que Mme [F] ne peut prétendre par ailleurs à la classification en tant que cadre, au regard des dispositions conventionnelles.

Il résulte des pièces du dossier que la relation contractuelle entre les parties s'inscrit dans le cadre d'un contrat de travail intermittent à durée indéterminée signé le 2 janvier 2010, sous l'égide des dispositions de l'article L 731-18 du code de l'éducation, lequel prévoit la possibilité pour les établissements d'enseignement supérieur privé de conclure des contrats de travail intermittents pour des missions d'enseignement, de formation et de recherche comportant une alternance de périodes travaillées et non travaillées.

Cette disposition précise que le contrat doit être écrit et mentionner notamment :

- la qualification du salarié

- son objet

- les éléments de la rémunération

- les périodes à l'intérieur desquelles l'employeur peut faire appel au salarié moyennant un délai de prévenance de sept jours, le salarié pouvant refuser les dates et horaires de travail proposés s'ils ne sont pas compatibles avec des obligations familiales impérieuses, le suivi d'un enseignement scolaire supérieur, avec une période d'activité fixée chez un autre employeur ou une activité professionnelle non salariée, auquel cas le refus du salarié ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement,

- la durée minimale annuelle, semestrielle, trimestrielle ou mensuelle du travail du salarié. 

Aux termes dudit contrat prenant effet à compter du 11 janvier 2010, il est indiqué que Mme [F] est embauchée en qualité de chargée d'enseignement, qu'elle dispensera au sein de l'établissement des cours de « marketing principles » et de « production et opérations management », moyennant une rémunération brute de 54 euros par heure de cours, étalés sur l'année universitaire.

Il est en outre indiqué au titre de la durée minimale de travail : « 78 heures sur l'année. Le salarié accepte dès à présent que le nombre d'heures complémentaires effectuées puisse éventuellement être supérieur au tiers de cette durée » et au titre des périodes d'intervention du salarié « l'employeur, au cours de l'année universitaire, devra faire appel à l'intervenant moyennant un délai de prévenance minimum de sept jours. Toutefois, afin de permettre à chacune des parties la meilleure organisation possible, un planning sera établi en début d'année universitaire avec des projets de date d'intervention. »

Au titre de la rémunération, il est précisé « la rémunération sera versée au fur et à mesure du travail effectué par le salarié et au plus tard à la fin du deuxième mois suivant le mois de réalisation dudit travail. Outre les cours, cette rémunération inclut l'élaboration des sujets d'examen, la correction des copies et la présence au jury d'examen ».

La cour relève la conformité du contrat de travail de la salariée aux dispositions de l'article L 731-18 du code de l'éducation, que sont par suite venus modifier des avenants successifs planifiant des cours complémentaires. Les dits avenants ajoutant au contrat signé en 2010.

C'est donc à tort que Mme [F] soutient avoir travaillé sans contrat.

Mme [F] prétend que les avenants ne mentionnent pour la plupart, ni les horaires, ni les dates de travail pour la période concernée. Cependant en indiquant que l'employeur lui communiquait les avenants après que la prestation a été réalisée, il s'en évince nécessairement qu'elle avait préalablement connaissance de ses jours et horaires de travail de sorte qu'elle n'était pas tenue de se maintenir constamment à la disposition de l'employeur. Du reste, elle déclare avoir effectué des heures qui ne correspondent pas à un temps complet ( 297 heures en 2010, 270 en 2011, 222 en 2012, 174 en 2013 et en 2014).

L'Association SKEMA BUSINESS SCHOOL justifie en outre, de l'information donnée à la salariée quant à ses heures d'intervention et de ce qu'elle l'interrogeait régulièrement sur ses disponibilités, plusieurs mois à l'avance.

Sur le dépassement de la durée minimale du temps de travail, en application de l'article L 3123-35 du code du travail « les heures dépassant la durée annuelle minimale fixée au contrat de travail intermittent ne peuvent excéder le tiers de cette durée sauf accord du salarié ». Cette disposition est reprise dans presque les mêmes termes à l'article L731- 18 du code de l'éducation, relatif au contrat de travail intermittent.

Or, précisément aux termes de son contrat de travail, Mme [F] a accepté que le nombre d'heures complémentaires effectuées puisse éventuellement être supérieur au tiers de cette durée, étant précisé que l'article 4-4-3 b de la convention collective relatif à la modulation du temps partiel inapplicable au contrat intermittent.

Le contrat de travail signé par Mme [F] indique encore que la rémunération inclut les « activités induites », telles que la préparation des sujets, la correction des copies et l'assistance aux réunions de pré rentrée.

Ainsi, conformément à l'article 4-4-1 de la convention collective « l'activité normalement attendue d'un enseignant comprend les heures d'enseignement et, forfaitairement, les activités induites déployées à l'intérieur ou à l'extérieur de l'établissement durant les semaines de cours ou en dehors de celle-ci.

Les modalités de la rémunération sont définies à l'article 7-6. Les activités induites comprennent :

La préparation des cours

La proposition et/ou la rédaction des sujets...

La réunion de pré rentrée

Les réunions pédagogiques dans la limite de trois réunions par année scolaire

L'élaboration des carnets scolaires et des dossiers d'examen...

Les conseils de classe...

Les réceptions individuelles des parents et des élèves

La participation au jury interne...

Les activités relatives aux formations en alternance...

Les éventuels conseils de discipline

La remise des prix et diplômes ».

Selon ladite convention, les heures d'activité induites découlent forfaitairement et proportionnellement des heures d'activité de cours effectués, cette proportionnalité étant calculée sur la base des seules activités de cours, l'annexe 2-A prévoyant que le pourcentage d'activités induites pour un enseignant supérieur non chercheur se fixe à 51,11 % pour 48,89 % d'activité de cours.

Mme [F] ne produit par ailleurs aucun élément de nature à justifier d'heures complémentaires qu'elle aurait éventuellement accomplies en dehors des heures induites prévues au contrat.

La salariée sera donc déboutée de sa demande de requalification du contrat de travail intermittent à durée indéterminée en contrat à durée indéterminée à temps complet, ainsi que de ses demandes subséquentes et le jugement sera ainsi confirmé.

Sur la classification

Mme [F] a été embauchée en qualité de chargée d'enseignement, classée T10A. Elle sollicite la revalorisation de sa classification au niveau C10C, ainsi que celle de son échelon, conformément aux articles 6.5.1 et 6.5.3 de la convention collective.

Elle estime qu'elle peut prétendre au niveau cadre dès lors qu'elle est titulaire d'un diplôme de niveau minimum bac + 4, qu'elle possède une expérience d'enseignement de minimum trois années scolaires complètes dans un ou plusieurs établissements relevant du champ d'application de la convention collective, et qu'elle est dotée d'une certaine autonomie dans le cadre de ses fonctions.

Elle ajoute pouvoir être reclassée à l'échelon C, compte tenu de son expérience plus de 15 ans.

En application des dispositions précitées, la classification au niveau cadre exige la réunion de quatre critères. Outre ceux cités ci-avant, il est requis une charge de travail dans l'établissement correspondant au minimum à 2/3 de la durée conventionnelle de la catégorie à laquelle appartient le salarié, la convention prévoyant en son article 4.4.2 que la durée de travail à temps plein pour un enseignement supérieur est de 1534 heures.

En d'autres termes, la charge de travail du salarié doit se chiffrer au minimum à 1022,67 heures (1534 X 2/3) pour prétendre à la qualification de cadre. Tel n'est pas le cas en l'espèce.

C'est en conséquence à juste titre que Mme [F] a été déboutée de sa demande par les premiers juges.

Sur le harcèlement moral

Mme [F] a soutenu que ses conditions de travail se sont trouvées dégradées d'une façon telle qu'elles ont porté atteinte à ses droits et sa dignité et altéré sa santé physique et mentale, que cette situation de harcèlement moral a été accentuée en 2015 après qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes.

Il convient à toutes fins de rappeler qu'aux termes de l'article L1152-1 du code du travail : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Selon l'article L1154-1 du code du travail en vigueur au moment des faits, le salarié présente des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La seule obligation du salarié est donc de faire état de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Le harcèlement moral ne saurait par ailleurs se déduire de la seule altération de la santé du salarié.

Mme [F] fait valoir qu'elle a été mise au placard, plus aucune mission ne lui étant confiée, alors même que son contrat prévoit le versement d'un minimum annuel, que cette situation a eu des répercussions sur son état de santé, qu'elle a ainsi été placée à trois reprises en arrêt de travail entre octobre 2014 et décembre 2014.

L'employeur explique avoir dispensé Mme [F] d'activité compte tenu de la nature de ses demandes, mais avoir réglé son salaire au titre de 2015 sur la base des 78 heures contractuellement prévues, ce dont il justifie. Il produit encore une lettre datée du 26 août 2016, adressée en recommandé à la salariée lui proposant de réaliser deux cours au titre de l'année scolaire 2016-2017, courrier qu'elle n'a pas réclamé.

Les éléments décrits par la salariée ne permettent pas de caractériser une situation de harcèlement moral, la cour relevant qu'elle ne formule aucune indemnisation de ce chef.

Sur le paiement des salaires courants

Mme [F] sollicite la condamnation de l'Association SKEMA BUSINESS SCHOOL au paiement de son salaire à compter du jugement à raison de 35 heures hebdomadaires sur la base de 54,43 euros par heure + 30%, pour tenir compte de la revalorisation de sa classification.

Les salaires au titre de 2015 ayant été réglés, Mme [F] a droit aux salaires au titre des années 2016 et 2017.

Il lui sera alloué les sommes suivantes :

2016 3791,15 euros

2017 3791,15 euros

Sur les dépens et les frais non-répétibles

Mme [F] qui succombe pour l'essentiel de ses prétentions dans la présente instance, doit supporter les dépens et il y a lieu de le condamner à payer à l'Association SKEMA BUSINESS SCHOOL une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 800 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne l'Association SKEMA BUSINESS SCHOOL à payer à Mme [J] [F] les sommes suivantes :

- 3 791,15 euros au titre des salaires pour l'année 2016

- 3 791,15 euros au titre des salaires pour l'année 2017

Condamne Mme [J] [F] à payer à l'Association SKEMA BUSINESS SCHOOL une somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-5
Numéro d'arrêt : 16/14737
Date de la décision : 23/05/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°16/14737 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-23;16.14737 ?
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