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21/05/2019 | FRANCE | N°17/14828

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 21 mai 2019, 17/14828


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 21 MAI 2019

D.D

N° 2019/













Rôle N° RG 17/14828 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBAE5







[I] [T]





C/



[X] [P]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Alain BOYER

Me Gilles ALLIGIER















Décision déférée à la

Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence en date du 22 Mai 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/07121.





APPELANT



Monsieur [I] [T]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Alain BOYER, avocat au barreau...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 21 MAI 2019

D.D

N° 2019/

Rôle N° RG 17/14828 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBAE5

[I] [T]

C/

[X] [P]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Alain BOYER

Me Gilles ALLIGIER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'Aix-en-Provence en date du 22 Mai 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/07121.

APPELANT

Monsieur [I] [T]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Alain BOYER, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIME

Monsieur [X] [P]

né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 2] (Liban), demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me Christine DE BENEDICTIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 25 Mars 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme DEMONT, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mai 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mai 2019,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige

Le 6 juin 2010 M. [T] a donné à bail dérogatoire d'une durée de 4 ans à M. [X] [P] une maison individuelle sise [Adresse 2] moyennant le paiement d'un loyer de 600 € par mois.

M. [P] a fait des travaux dans le bien loué.

Par lettre du 22 janvier 2014 le bailleur a donné congé au preneur pour reprise des lieux.

M. [P] a fait juger le 20 janvier 2015 par le tribunal d'instance d'Aix-en-Provence la nullité de cette procédure. Le bail s'est trouvé reconduit pour une durée de 4 ans, jusqu'au 1er août 2018. Un nouveau congé pour reprise a été délivré à M. [P] en novembre 2017.

Par exploit du 17 novembre 2015 M. [X] [P] a fait assigner M. [T] aux fins d'obtenir le remboursement d'une somme de 35'997 € au titre des travaux entrepris en invoquant un enrichissement sans cause du bailleur.

Par jugement en date du 22 mai 2017 le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a :

' condamné M. [I] [T] à restituer à M. [X] [P] la somme de 35'997 €;

' l'a condamné à lui payer la somme de 5000 € à titre de dommages intérêts et celle de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' rejeté le surplus des demandes ;

' et condamné M. [T] aux dépens.

Le tribunal retient en substance :

' que le propriétaire-bailleur, pour s'opposer à la demande, fait valoir qu'il s'agit pour partie de travaux d'entretien, et pour d'autres, de travaux réalisés sans son accord préalable ; que faute d'état des lieux entrant, bien que les lieux aient été pris « en l'état », il ressort des factures produites de l'entreprise AG BTP datées du 28 juillet et 12 décembre 2010 que l'intérieur de la maison était très dégradé ; que selon facture du 5 novembre 2010, l'entreprise Alpha Colors atteste avoir réalisé des travaux de gros 'uvre portant sur l'étanchéité de la toiture avec réalisation d'une chape en béton, travaux incombant au propriétaire du bien ;

que quand bien même le propriétaire n'aurait pas donné son accord écrit quant à la réalisation de ces travaux, il ressort des témoignages de M. [C] du 20 mars 2015 que M. [T] en a eu connaissance et qu'il y a tacitement consenti alors que son locataire disposait de faibles revenus, ce que le propriétaire ne pouvait pas ignorer en sa qualité de médecin et ami du demandeur qui savait que M. [P] avait été victime d'un grave accident à l'origine du versement d'un capital ; que M. [X] [P] s'est ainsi manifestement appauvri sans cause légitime et que M. [T] s'est enrichi au travers des travaux de rénovation importants réalisés par son locataire ; qu'il sera condamné au remboursement de la somme de 35'997 € exposée ;

' qu'en application de l'article R 4127-52 du code de la santé publique en vigueur depuis le 8 août 2004, le médecin qui traite une personne ne doit pas abuser de son influence pour obtenir un mandat ou contracter à titre onéreux dans des conditions anormalement favorables, dispositions reprises par l'article 52 du code de déontologie médicale ; qu'en application de l'article 1382 ancien du code civil tout fait quelconque de l'homme qui cause un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que M. [T] en donnant à bail à son patient dont il connaissait la vulnérabilité une maison qui n'était pas en bon état locatif et qui nécessitait des travaux de toiture importants, a pris le risque d'être soupçonné de profiter de son statut professionnel et de l'influence en découlant pour tirer un avantage matériel de la part de son patient et qu'il a à tout le moins manqué de prudence ; et qu'il a commis une faute civile et déontologique.

Le 31 juillet 2017 M. [I] [T] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions du 8 mars 2019 il demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de débouter M. [X] [P] de ses demandes, et de le condamner lui payer la somme de 3600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel avec distraction.

Par conclusions du 22 février 2019 M. [X] [P] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, statuant sur son appel incident, de condamner l'appelant à lui payer la somme de 10'000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil, de dire que les condamnations porteront intérêts à compter de l'assignation du 17 novembre 2017, et de condamner M. [T] aux dépens et à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.

Motifs

Attendu que M. [T] fait valoir qu'il a vécu dans la maison litigieuse avec toute sa famille avant de déménager et de la mettre à disposition de M. [P] qui se trouvait provisoirement sans logement, alors qu'il voulait en acquérir un à l'aide du capital perçu ; que des photographies montrent qu'à Noël 2004 et Noël 2006 la maison, qui était en cours de remboursement d'emprunt, était en l'état tout à fait habitable et que les enfants de M. [T] étaient scolarisés à proximité ; qu'il n'y avait aucune nécessité d'effectuer des travaux pour la rendre conforme à sa destination ; que des travaux mêmes réalisés en urgence, doivent faire l'objet d'une demande d'autorisation préalable auprès du bailleur ; que le tribunal a considéré à tort que le descriptif des travaux démontre la nécessité de les accomplir ; et que faute de mise en demeure d'effectuer les travaux préalables adressés au bailleur et en l'absence de décision de justice autorisant le locataire à effectuer les travaux, le bailleur n'est aucunement tenu d'en supporter la charge ;

Attendu que M. [P] soutient que la maison individuelle était à l'état de ruine non habitable (toiture à refaire, cloisons à reprendre, plafonds à refaire) ; que si les documents adverses indiquent que les époux [T] ont occupé la maison de fin 2004 à début 2007, date à laquelle elle a été mise en vente jusqu'en 2010, date à laquelle le bail litigieux a été signé, et si des attestations décrivent un logement confortable, c'est sans préciser à quel étage ; que M. [T] lui a proposé cette maison en lui demandant d'effectuer les travaux nécessaires pour rendre la maison habitable, en le persuadant de réhabiliter ce bâtiment et de s'y installer ; qu'il a effectué ces travaux sur ses deniers avant de s'installer ;qu'il dispose de témoins ( sa femme et M. [C] ) qui affirment que M. [T] est venu au moment des travaux et qu'il ne peut pas prétendre les avoir ignorés ; que les accords sur les travaux sont évidents, mais ce que ce n'est pas sur ce fondement qu'il demande le remboursement mais bien sur le fondement de l'enrichissement sans cause ; et que les factures de travaux concernent bien des travaux qui n'incombaient pas au locataire ;

Mais attendu que les factures de la société AGBTP du 28 juillet 2010 pour des travaux au rez-de-chaussée et du 12 décembre 2010 pour le premier étage correspondent à des travaux de décroutage des murs, pose d'enduit et peinture dont la nécessité ne ressort d'aucun élément probant ;

Que les lieux ont été pris 'd'un commun accord entre les parties en l'état' lors de la signature du contrat de bail par M. [X] [P] sans qu'aucun état des lieux-entrant n'ait été dressé, de sorte qu'ils sont présumés pris en bon état d'usage et de réparation ; qu'il ne peut être exclu que M. [P], qui n'a pas davantage fait procéder à un constat d'huissier avant travaux, ait accompli des travaux de confort et d'embellissement ;

Qu'en ce qui concerne la facture Alpha Colors du 5 novembre 2010 pour des 'travaux d'étanchéité de la toiture' avec réalisation d'une chape bitume et pose d'un produit imperméabilisant, facturés 13'345 € TTC, ces derniers, pas plus que les précédents, n'ont fait l'objet d'un signalement au propriétaire de ce que des travaux de réparation du gros oeuvre lui incombant seraient à diligenter ;

Attendu que faute de toute doléance et a fortiori, faute d'autorisation préalable par le propriétaire-bailleur, ces impenses dont l'utilité n'est pas établie sont à la charge exclusive du preneur ; que M. [X] [P] a pris le risque d'effectuer des travaux spontanément sans l'accord du bailleur ce qui est à l'origine de l'appauvrissement allégué; qu'en l'état des relations contractuelles, les dispositions de l'article 1371 ancien du code civil ne peuvent être invoquées et doivent donc être écartées ;

Attendu que M. [T] n'a commis aucun manquement à ses obligations de bailleur et qu'il n'est pas établi qu'il aurait commis un manquement déontologique ; qu'il ne peut dès lors être sanctionné par la mise à sa charge de dommages intérêts ;

Attendu qu'il s'ensuit la réformation intégrale du jugement déféré ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau et ajoutant

Déboute M. [P] de toutes ses demandes,

Condamne M. [P] à payer à M. [T] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 17/14828
Date de la décision : 21/05/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°17/14828 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-21;17.14828 ?
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