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21/05/2019 | FRANCE | N°17/13380

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 21 mai 2019, 17/13380


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 21 MAI 2019

D.D

N° 2019/













Rôle N° RG 17/13380 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BA4LN







SA EASTSIDE ESTABLISHMENT





C/



DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Joseph MAGNAN

Me Virginie ROSENFELD







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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 17 Juin 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/04525.





APPELANTE



SA EASTSIDE ESTABLISHMENT

société de droit étranger, prise en la personne de son représentant légal en exerci...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 21 MAI 2019

D.D

N° 2019/

Rôle N° RG 17/13380 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BA4LN

SA EASTSIDE ESTABLISHMENT

C/

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Joseph MAGNAN

Me Virginie ROSENFELD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 17 Juin 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/04525.

APPELANTE

SA EASTSIDE ESTABLISHMENT

société de droit étranger, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 1] - LIECHTENSTEIN

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques de Provence-Alpes- Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhone, qui élit domicile en ses bureaux, [Adresse 2]

représentée par Me Virginie ROSENFELD de la SCP F. ROSENFELD- G. ROSENFELD & V. ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Ruth RIQUELME, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 25 Mars 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme DEMONT, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mai 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mai 2019,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige

La société de droit du Liechtenstein Eastside Establishment, a acquis un appartement au prix de 448'500 € sis à [Localité 4] (06).

Jusqu'au 31 décembre 2010 la société Eastside Establishment a déposé chaque année une déclaration annuelle de taxe de 3 %, n° 2746, et acquitté le montant de la taxe, notamment celle de 2010 (14 654 €), les actionnaires n'étant pas désignés.

Suite à la signature de l'accord relatif à l'échange d'informations entre le Liechtenstein et la France le 22 septembre 2009 avec effet au 1er janvier 2010, la société Eastside a déposé des déclarations de taxe annuelles de 3 %, sans paiement, pour l'année 2011, par lettre du 24 janvier 2012, et pour l'année 2012 par lettres du 14 mai 2012 et du 31 juillet 2012.

Les associés désignés étaient MM. [W] [F] et [C] [I] [F], domiciliés à [Adresse 3] au Royaume-Uni.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 12 septembre 2012, l'administration fiscale a demandé à la société Eastside Establishment de lui transmettre les renseignements suivants :

' les statuts à jour de la société ;

' un certificat d'inscription au registre du commerce des sociétés du Liechtenstein ;

' les modifications intervenues depuis la création de la société avec les photocopies des procès-verbaux des assemblées générales, notamment sur les cessions de parts sociales intervenues ;

' et tout document émanant des autorités du Liechtenstein ayant force probante justifiant que MM. [W] [F] et [C] [I] [F] sont bien les associés de la société Eastside Establishment.

Par lettre en date du 12 décembre 2012 la société Eastside a transmis des déclarations rectificatives de taxe annuelle de 3 % pour les années 2011 et 2012 dans lesquelles les nom et adresse des actionnaires ne sont pas indiqués, et a payé le montant des taxes de 2011 et 2012 pour un montant de 14 655 € pour chacune de ces deux années.

Par lettre du 7 janvier 2013 l'administration fiscale a adressé à la société une proposition de rectification au motif que les valeurs vénales déclarées concernant le bien immobilier acquis par la société Eastside Establishment pour les années 2010,2011 et 2012 étaient insuffisantes.

Faute de réponse, les rappels complémentaires de taxe de 3 % ont été mis en recouvrement le 8 avril 2013.

Le 24 juin 2013 la société Eastside, en réponse à la demande d'information du 12 septembre 2012, a transmis :

' la photocopie des statuts de la société en date du 27 mars 1974 ;

' la photocopie d'un extrait du registre du commerce du Liechtenstein ;

' une lettre de la société Eastside Establishment datée du 17 juin 2013 signée par M. [R], sans l'indication des fonctions de ce dernier dans la société, dans laquelle il est fait état de ce que la société Eastside est détenue par un trust situé au Liechtenstein et que le bénéficiaire économique serait M. [W] [F].

Suite au rejet le 23 avril 2014 de sa réclamation du 13 février 2014, par exploit du 27 juin 2014, la société Eastside Establishment a fait assigner la direction générale des finances publiques des Alpes-Maritimes aux fins d'obtenir dégrèvement.

Par jugement en date du 17 juin 2016 le tribunal de grande instance de Grasse a débouté la société Eastside Establishment de toutes ses demandes, confirmé la décision de rejet du 23 avril 2014 de la direction générale des finances publiques et condamné la société Eastside Establishment au paiement de la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Le 11 juillet 2017 la société Eastside Establishment a relevé appel de cette décision.

Par conclusions du 22 février 2018 elle demande à la cour, au visa des articles 990 D et 900 E et 63 du traité de fonctionnement de l'Union européenne de réformer le jugement entrepris, de déclarer non fondée la décision de la direction générale des finances publiques, d' accorder à la société Eastside le dégrèvement des droits et des intérêts de retard sur la taxe annuelle de 3 % sur les immeubles appartenant à des sociétés étrangères, et de condamner la direction générale des finances publiques à lui rembourser les dépens et à lui verser la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 17 juillet 2018 le directeur régional des finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de dire que l'administration fiscale pouvait légitimement effectuer un rappel d'imposition à la taxe de 3 % pour les années 2010,2011 et 2012, de dire que l'imposition à la taxe de 3 % est légitime du fait de l'absence de désignation des associés de la société à l'administration fiscale, et de condamner la société Eastside Establishment à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.

Motifs

Attendu que la société Eastside soutient qu'elle remplissait l'ensemble des conditions pour bénéficier de l'exonération en application des dispositions de l'article 990 E 3° e) du code général des impôts puisqu'elle a son siège au Liechtenstein qui a signé une convention d'assistance avec la France ; qu'elle a souscrit annuellement la déclaration n° 2746, et qu'elle a communiqué à l'administration fiscale les renseignements afférents aux bénéficiaires effectifs; que l'administration soutient à tort que la taxe de 3 % constitue une option irrévocable une fois qu'un contribuable a opté pour son paiement ou pour son exonération sous condition, alors que l'option est annuelle en vertu de la libre gestion du patrimoine des contribuables ; que l'administration semble retenir l'existence d'une fraude, ce qui n'est pas le sujet de la procédure de rectification contradictoire, et semble avoir changé de fondement juridique en invoquant l'existence d'un trust qui n'avait jamais été soulevée durant la phase administrative puis contentieuse de la procédure ; que selon une décision récente de la cour d'appel de Paris, les seules sanctions pour le dépôt tardif de la déclaration de taxe sur la valeur vénale des immeubles sont celles prévues aux articles 1727 et 1528 du code général des impôts ; qu'en application de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ; que dans la mesure où le retard de production d'une déclaration de taxe sur la valeur vénale des immeubles des entités juridiques n'entraîne pas le paiement de la taxe de 3 % elle-même, il serait disproportionné de considérer qu'une déclaration rectificative valable, produite à la suite d'une déclaration déposée dans les délais, aurait pour conséquence le paiement de la taxe sur la valeur vénale des immeubles des entités juridiques ; et que la sanction est manifestement hors de proportion avec le comportement réprimé et porte atteinte au principe de proportionnalité pour des contribuables de bonne foi qui régularisent leur situation dans le délai de 30 jours ;

Mais attendu que l'administration fiscale répond exactement qu'en ce qui concerne l'atteinte prétendue au principe de la libre circulation des capitaux par la taxe de 3 % , celle-ci a été instituée pour lutter contre la fraude fiscale ; qu'à l'origine la taxe ne visait que les personnes morales étrangères qui détenaient des immeubles en France puis la Cour de cassation estimant que la loi du 29 décembre 1982 opérait une discrimination au détriment des sociétés étrangères, le législateur est intervenu à deux reprises pour la modifier en 1989 et en 1992 pour étendre le champ d'application de la taxe à toutes les personnes morales, françaises ou étrangères, puis par la loi du 27 décembre 2007, applicable à compter du 1er janvier 2008, pour permettre ensuite aux entités européennes d'être exonérées dans les mêmes conditions que les entités françaises et rendre le dispositif compatible avec le principe de la libre circulation des capitaux entre les Etats membres de l'Union européenne, et entre les Etats membres et les pays tiers ; qu'il a déjà été jugé par la Cour de justice des communautés européennes que l'article 40 de l'accord sur l'Espace économique européen qui pose le principe de la libre circulation des capitaux ne s'oppose pas à une réglementation nationale qui peut légitimement refuser l'octroi d'un avantage s'il s'avère impossible d'obtenir des renseignements d'un État tiers qui n'a pas souscrit une obligation conventionnelle de fournir des informations ; et que la taxe de 3 % est justifiée à l'égard de l'État partie à l'accord de l'Espace économique européen par des raisons impérieuses d'intérêt général tenant à la lutte contre la fraude fiscale ;

Attendu que la société Eastside Establishment ne peut prétendre être victime de discrimination en contravention avec l'article 12 du traité de la Communauté européenne dès lors que les textes régissant la taxe visent toutes les entités juridiques qui possèdent directement ou par entité interposée un bien immobilier en France, sans distinguer selon leur nationalité ;

Que l'exonération de la taxe annuelle de 3 % relève d'un régime dérogatoire de droit commun ; que le principe applicable est que toutes les entités juridiques quel que soit le lieu de situation de leur siège social sont redevables de la taxe annuelle de 3 %, à l'exception de celles qui peuvent prétendre au bénéfice de l'une ou l'autre des exonérations prévues à l'article 990 E du code général des impôts ;

Que la société Eastside Establishment peut bénéficier d'une exonération totale de la taxe de 3 % si elle communique chaque année dans sa déclaration modèle n° 2746 les renseignements requis ou si elle prend et respecte l'engagement de communiquer à l'administration fiscale sur sa demande, ces mêmes renseignements ;

Attendu que la société Eastside Establishment a finalement choisi d'acquitter la taxe de 3 % pour chacune des années 2010,2011 et 2012 et de ne pas faire connaître à l'administration fiscale ses bénéficiaires économiques ;

Attendu que l'administration n'a jamais soutenu que la taxe de 3 % serait une taxe à déclarer indéfiniment et sans condition ;

Attendu que la société prétend a posteriori remplir les conditions requises pour une exonération, de sorte que l'application de la sanction serait, selon elle, disproportionnée à ce qui ne serait qu'un revirement tardif dans son droit d'exercer son option ;

Attendu cependant que la société Eastside a déposé plusieurs déclarations annuelles dont le contenu est de nature à créer une incertitude sur l'identité réelle du ou des détenteurs du capital, en désignant d'abord MM. [W] [F] et [C] [I] [F] comme actionnaires, puis en annulant dans ses déclarations rectificatives cette information et en interposant dans la chaîne de détention une entité de type « trust » en indiquant que les actions ont été portées dans ce trust, dont le bénéficiaire unique serait M. [W] [F], alors qu' elle avait indiqué auparavant que les actions étaient détenues par M. [W] [F] et M. [C] [I] [F] ;

Qu'elle a nécessairement fait une fausse déclaration dans l'une ou l'autre de ces déclarations puisque celles-ci se contredisent ; que de surcroît la consistance du trust n'a pas été révélée à l'administration fiscale qui ne dispose d'aucune information sur cette entité ;

Attendu que l'administration fiscale fait donc valoir à juste titre qu'elle n'a pas pu prendre en compte les renseignements donnés par la société Eastside à l'appui du dépôt des imprimés du fait de la confusion des titulaires des droits dans cette société ;

Que l'administration n'a jamais fait mention d'un abus de droit ou même d'une fraude de la part de la société Eastside, mais seulement soutenu que la présence d'un trust, signalée ex abrupto par la requérante, justifie de plus fort son refus d'exonération de la taxe de 3 % au motif de l'incertitude sur les éléments qui sont fournis dans les déclarations contradictoires qui ont été successivement déposées par la société ;

Attendu que la société Eastside Establishment qui ne peut prétendre, même a posteriori, au bénéfice de l'exonération de la taxe de 3 %, puisqu'elle ne respecte pas les conditions prévues aux d) et e) de l'article 990 E du code général des impôts, ne subit aucune atteinte au principe de proportionnalité des pénalités en devant acquitter la taxe de 3% dont elle est en toute hypothése redevable au titre des années considérées ;

Attendu que les rehaussements de la taxe de 3 % ne constituent pas des sanctions particulières de la part de l'administration qui a calculé des intérêts de retard sur les rappels de droits issus de la revalorisation de la valeur vénale du bien possédé en France par la société Eastside ;

Attendu qu'elle n'a pas motivé son rappel de droits sur le principe de l'assujettissement à la taxe de 3 %, mais sur une insuffisance de valeur vénale déclarée, en reprochant à cette société d'avoir calculé la taxe de 3 % sur une valeur du bien immobilier estimée à 488'468 €, alors que l'administration l'estime à 1'089'000 € en 2010 et 1'155'000 € en 2011 et 2012, soit les compléments de taxe de 3 % qui ont été notifiés, s'élevant à 18'016 € en 2010 et en 2011 et 2012, à 19'195 € ;

Que l'appelante ne fait valoir aucun moyen pour s'opposer à cette appréciation fondant le refus de dégrèvement ;

Attendu que le jugement qui a rejeté la demande de dégrèvement doit être approuvé ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant

Condamne la société Eastside Establishment à payer à la direction générale des finances publiques en la personne directeur régional des finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 17/13380
Date de la décision : 21/05/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°17/13380 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-21;17.13380 ?
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