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09/05/2019 | FRANCE | N°17/16999

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 09 mai 2019, 17/16999


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT AU FOND

DU 09 MAI 2019



N° 2019/207













Rôle N° RG 17/16999 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBGFJ







SAS TWIN JET





C/



SAS AVIAPARTNER





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me ARNAUD

Me MAGNAN













Décision déférée à la

Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 06 Septembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2017F00024.





APPELANTE



SAS TWIN JET, prise en la personne de son président,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Vincent ARNAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 09 MAI 2019

N° 2019/207

Rôle N° RG 17/16999 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBGFJ

SAS TWIN JET

C/

SAS AVIAPARTNER

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me ARNAUD

Me MAGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 06 Septembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2017F00024.

APPELANTE

SAS TWIN JET, prise en la personne de son président,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Vincent ARNAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Jean-Michel GALLARDO, avocat au barreau de PAU

INTIMEE

SAS AVIAPARTNER prise en la personne de son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Cyril BOURAYNE, avocat au barreau de PARIS substituant Me Sigrid PREISSL, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 29 Janvier 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme GERARD, président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Anne DUBOIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 09 Mai 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mai 2019,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Twin Jet et la SAS Map Handling Nice ont conclu en 2011, puis en 2013 à effet au 1er septembre 2013 un contrat de handling c'est-à-dire de prestation de services aéroportuaire en escale.

La SAS Map Handling Nice a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Antibes du 2 juillet 2014.

Par jugement du 5 décembre 2014, ce même tribunal a retenu l'offre de reprise formée par la SAS Aviapartner, cette reprise incluant toutes les immobilisations incorporelles et le transfert de tous les contrats clients et des contrats de téléphonie liés aux sociétés reprises.

Des difficultés sont apparues entre les parties dès janvier 2015 à propos de l'utilisation d'un logiciel de contrôle des départs ou DCS « departure contrôle system », la SAS Twin Jet soutenant que la SAS Aviapartner devait lui fournir le logiciel prévu au contrat « Altea GH DCS » et la SAS Aviapartner soutenant que le contrat prévoit qu'il appartient à l'opérateur de handling d'organiser et faire fonctionner un équipement permettant l'accès au système de la société d'assistance aéroportuaire et qu'elle a proposé son propre logiciel, ce qu'a refusé la SAS Twin Jet.

La SAS Twin Jet a vainement mis en demeure la SAS Aviapartner de lui fournir le logiciel Altea qu'elle utilisait jusqu'alors et a émis quatre factures les 10 juin et 14 décembre 2015, 27 janvier et 8 juin 2016 d'un montant total de 225 288 euros correspondant à un coût de 45 euros par escale.

La SAS Aviapartner a refusé de régler et résilié le contrat par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 mai 2016 à effet au 1er septembre 2016.

La SAS Twin Jet a fait assigner la SAS Aviapartner devant le tribunal de commerce de Nice pour avoir paiement des factures précitées et réparation de son préjudice.

Par jugement du 6 septembre 2017, le tribunal de commerce de Nice a statué en ces termes :

- dit que les 4 factures de la SAS Twin Jet pour "non fourniture du DCS Altea" sont non fondées, et par conséquent frappées de nullité,

- déboute la SAS Twin Jet et la SAS Aviapartner du surplus de leurs demandes, 'ns et conclusions,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamne la SAS Twin Jet à payer à la SAS Aviapartner la somme de 3.000,00 € (trois mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la SAS Twin Jet aux dépens.

La SAS Twin Jet a interjeté appel le 13 septembre 2017.

Par conclusions du 5 juin 2018, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SAS Twin Jet demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, notamment en ce qu'il rejette la demande de condamnation indemnitaire,

- condamner la société Aviapartner à régler :

- une indemnité de 225.288 € au titre des prestations non réalisées ;

- une indemnité de 486.000 € au titre des préjudices financiers et organisationnels ;

- une indemnité de 50.000 € au titre du préjudice résultant de la résistance abusive à l'exécution d'un contrat,

- une indemnité de 30.000 € au titre du préjudice moral et de réputation,

- condamner la société Aviapartner à régler à la société appelante une indemnité d'un montant de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- la condamner aux entiers dépens.

Par conclusions du 24 décembre 2018, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SAS Aviapartner demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nice le 6 septembre 2017 (RG 2017F00024) en toutes ses dispositions.

- débouter la société Twin Jet de toutes demandes formées à 1'encontre de la société Aviapartner,

Subsidiairement, réduire les demandes indemnitaires formées à l'encontre de la société Aviapartner à de plus justes proportions,

y ajoutant,

- condamner la société Twin Jet à payer à la société Aviapartner SAS la somme de 15.000 euros en application des dispositions de 1'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dont distraction faite au béné'ce de Maître Joseph-Paul Magnan, avocat au Barreau d'Aix en Provence.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La SAS Twin Jet soutient que les premiers juges se sont mépris sur l'équilibre général du contrat, que l'annexe A dudit contrat ne constitue qu'une nomenclature des prestations qui ne feront partie des prestations fournies qu'à la condition d'être validées dans l'annexe B, laquelle à l'article 6.2.1 stipule que la société de handling fournit ou assure par le biais d'un sous-traitant la communication des données électroniques relativement à l'embarquement des passagers sous le format électronique du logiciel de la société de handling qui est le format du logiciel de gestion des passagers de modèle Altea DCS.

Elle en déduit que, bien que la mention « (ALTEA DCS GH DCS) » soit placée entre parenthèses, il s'agit d'une obligation incontournable pour les parties et qu'en proposant de modifier ce logiciel, la SAS Aviapartner proposait en fait une modification substantielle du contrat. Elle affirme que toutes les indications de l'annexe B figurant entre parenthèses dans le paragraphe 1 ont un caractère obligatoire et sont déterminantes. Elle ajoute qu'en application de l'article L642-7 du code de commerce, il appartient à la SAS Aviapartner d'exécuter le contrat aux mêmes conditions que la société Map Handling sans pouvoir imposer une quelconque modification, y compris tarifaire.

La SAS Aviapartner fait valoir au contraire que l'article 6.2 de l'annexe B n'a pas le sens que veut lui donner l'appelante, qu'il convient de l'interpréter au regard des dispositions générales du contrat précisant les définitions et terminologies de cet accord et que la mention entre parenthèses a simplement une valeur informative au regard des autres mentions du texte. Elle soutient que, selon la volonté des parties exprimée dans le contrat, le seul engagement de l'opérateur de handling est de permettre l'accès à un système de DCS devant répondre aux différentes fonctionnalités et tâches prévues par le contrat d'assistance escale, qu'elle était en droit de substituer son propre logiciel au logiciel Altea, qu'elle n'a donc pas méconnu le principe d'intangibilité des conditions contractuelles au moment de la cession. Elle ajoute qu'elle avait conformément au contrat la possibilité d'augmenter la tarification pour charges, ce qu'elle a fait dans les formes imposées par le contrat.

Sur ce, le contrat liant les parties, intégralement rédigé en langue anglaise, comprend un « main agreement » soit un accord principal, une annexe A : « description of services », descriptions des services et une annexe B « location(s), agreed services and charges », emplacement(s), services convenus et frais, conforme au contrat type établi par l'Association Internationale du Transport Aérien.

Comme le souligne justement l'appelante, l'annexe A décrit les prestations ou services pouvant être convenus entre les parties, l'annexe B étant destinée à formaliser les choix opérés.

S'agissant de la section 6 « support services » services de soutien, 6.2 « automation/computer system » automatisation/ système informatique, le paragraphe 6.2.1 du contrat type stipule :

(a) Provide = fournit

or

(b) Arrange for = organise

and

(c) Operate equipment to enable access to = faire fonctionner le matériel permettant l'accès à

(1) carrier system

(2) Handling Company's system = le système de la compagnie de handling

(3) other system.

Les termes « arrange » et « provide » sont définis dans le contrat type de la manière suivante :

« arrange (or make arrangements for) arrange implies that the handling company may request an outside agency to perform the service in question. The charge of the outside agency shall be paid by the carrier. The handling company assumes no liability toward the carrier for such arrangements » ce qui peut être traduit par : organiser implique que la société de handling puisse demander à un organisme extérieur de fournir le service en question. Les frais de l'organisme extérieur sont à la charge du transporteur. La société de handling n'assume aucune responsabilité envers le transporteur pour de tels arrangements.

« provide implies that the handling company itself assumes responsibility for the provision of the service in  » ce qui peut être traduit par : fournir implique que la société de handling assume elle-même la responsabilité de la prestation du service en question.

L'annexe B, qui exprime le choix fait à cet égard par les parties au contrat, stipule :

6.2 Automation/Computer System = automatisation/ système informatique

6.2.1

(b) Arrange for and = organiser et

(c) Operate equipment to enable access to = faire fonctionner le matériel permettant l'accès à

2. Handling Company System (Althea GH DCS) = le système de la société de handling (Althea GH DCS).

Contrairement à ce que soutient la SAS Twin Jet, « arrange for » n'est pas « provide », conformément aux définitions issues du contrat rappelées ci-dessus et la société de handling doit seulement tout mettre en 'uvre pour permettre l'accès du transporteur à son système.

Cependant, le système utilisé ayant été précisé par les parties, fut-ce entre parenthèses, cette stipulation, contractualisée et qui s'impose donc aux parties, ne pouvait être modifiée que dans les conditions prévues au contrat.

La SAS Twin Jet invoque d'une part l'obligation contractuelle de formaliser la modification du contrat par un écrit et, d'autre part, l'absence de droit à la modification issue de la cession du contrat dans le cadre d'un plan de cession.

Sur ce dernier point l'article L642-7 du code de commerce impose que les contrats cédés soient exécutés aux conditions en vigueur au jour de l'ouverture de la procédure, ils peuvent donc être modifiés dans le respect des conditions contractuelles.

L'article 11.2 des conditions générales du contrat stipule « modification of, or additions to this agreement shall be recorded in annexe B » soit : les modifications ou les ajouts à la présente convention doivent être consignés à l'annexe B.

L'article 11.3 précise « any notice referred to under this article 11 given by one party under this agreement shall be deemed properly given if sent by registered letter, or by other means where proof of receipt or acknowledgment is obtained, to the respective office of the other party as recorded in the annexe B. In case of a registered letter notice shall be considered to be served on the date of receipt » soit tout avis mentionné au présent article 11 donné par une partie en vertu du présent contrat est réputé donné de manière appropriée s'il est envoyé par lettre recommandée, ou par tout autre moyen permettant d'obtenir la preuve de la réception ou de l'accusé de réception, au siège respectif de l'autre partie, tel qu'il est consigné à l'annexe B. En cas de lettre recommandée, l'avis est réputé avoir été signifié à la date de réception.

L'article 11.11 prévoit quant à lui « the handling company shall have the right at any time to vary the charges set out in the annexe B provided, however, that the handling company has given notice in writing to the carrier not less than sixty days prior to the revised charges becoming effective. The notice shall specify the revised charges which the handling company proposes to introduce, together with the date on which they are to be brought into effect » soit la société de handling aura le droit à tout moment de modifier les frais mentionnés dans l'annexe B, à condition toutefois que la société de handling en ait informé par écrit le transporteur au moins soixante jours avant que les frais révisés ne deviennent effectifs. La notification doit préciser les taxes révisées que la société de manutention se propose d'introduire, ainsi que la date d'entrée en vigueur de ces taxes.

L'argumentation de la SAS Aviapartner relative à la modification des charges du contrat (article 11.11) est inopérante dès lors d'une part, qu'elle ne conteste pas avoir déployé pour la société Twin Jet son logiciel DCS développé en interne, soit le système LCA, comme elle le rappelle en page 4 de ses conclusions et d'autre part, que l'augmentation de tarif, à hauteur de 45 euros proposée par courriel du 30 janvier 2015, n'a jamais été mise en oeuvre.

Le déploiement d'un logiciel DCS différent de celui mentionné à l'annexe B du contrat liant les parties devait faire l'objet d'une modification dans les conditions de l'article 11.3 ci-dessus rappelé et la SAS Aviapartner a failli à ses obligations contractuelles.

La SAS Twin Jet soutient que cette violation des dispositions du contrat lui a causé un préjudice qu'elle entend voir réparer par l'allocation de :

- une indemnité de 225.288 € au titre des prestations non réalisées ;

- une indemnité de 486.000 € au titre des préjudices financiers et organisationnels ;

- une indemnité de 50.000 € au titre du préjudice résultant de la résistance abusive à l'exécution d'un contrat,

- une indemnité de 30.000 € au titre du préjudice moral et de réputation.

Le montant réclamé au titre des prestations non réalisées est constitué par des factures émises par la SAS Twin Jet correspondant au montant supplémentaire de 45 euros que lui proposait la SAS Aviapartner pour conserver le logiciel Altea comme elle le souhaitait.

Il ne s'agit nullement de « prestations » mais de dommages et intérêts qui ne pouvaient faire l'objet d'une quelconque facturation et c'est à juste titre que les premiers juges ont déclaré nulles ces factures et rejeté toute indemnisation à ce titre.

La SAS Twin Jet sollicite en outre des dommages et intérêts en réparation du préjudice financier et organisationnel causé par la nécessité d'utiliser le logiciel imposé par la SAS Aviapartner en se fondant sur des attestations de son personnel. En l'absence de tout document comptable pouvant seul attester de tels préjudices, la demande a été justement rejetée par les premiers juges. Il en va de même pour le préjudice moral et de réputation allégué qui n'est justifié par aucune pièce.

Enfin, il n'est caractérisé aucun abus ou intention de nuire, lesquels ne peuvent être déduits de la seule violation d'une disposition contractuelle.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nice du 6 septembre 2017,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SAS Twin Jet à payer à la SAS Aviapartner la somme de trois mille euros,

Condamne la SAS Twin Jet aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 17/16999
Date de la décision : 09/05/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8B, arrêt n°17/16999 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-09;17.16999 ?
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