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07/05/2019 | FRANCE | N°18/07033

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 07 mai 2019, 18/07033


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AU FOND

DU 07 MAI 2019



N° 2019/237













Rôle N° RG 18/07033 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCKU3







[H] [X]





C/



MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL

S.C.P. BTSG2

Société PHARD













Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau

d'AIX-EN-PROVENCE



Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



PG









Décisions déférées à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 20 Février 2018 enregistré au répertoire général so...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 07 MAI 2019

N° 2019/237

Rôle N° RG 18/07033 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCKU3

[H] [X]

C/

MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL

S.C.P. BTSG2

Société PHARD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

PG

Décisions déférées à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 20 Février 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2017001437 et Jugement rectificatif du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 13 Avril 2018 enregistré au répertoire général sous le n°2018000840 .

APPELANT

Monsieur [H] [X],

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté par Me Albert WEIL, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMES

S.C.P. BTSG2

prise en la personne de Me [T] [Z] en remplacement de Me [I] [S] es qualité de liquidateur judiciaire de la sté LIBRAIRIE GALERIE L'ALBATROS

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Lionel PIERRI DE MONTLOVIER ROYNAC de la SELARL PIERRI DE MONTLOVIER ROYNAC - PUJOL, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Florence PUJOL, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

SOCIETE PHARD

Société de droit italien,dont le siège social est sis [Adresse 3]TALIE), prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

non représentée

Monsieur LE PROCUREUR GENERAL,

demeurant COUR D'APPEL - 20. [Adresse 4]

non représenté

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Mars 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Anne CHALBOS, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Bernard MESSIAS, Président de chambre

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Anne CHALBOS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Mai 2019.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Mai 2019,

Signé par M. Bernard MESSIAS, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La société Librairie galerie l'albatros, qui exploitait un fonds de commerce de prêt à porter hommes femmes, a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Antibes du 17 septembre 2010 et a bénéficié d'un plan de redressement par voie de continuation arrêté par jugement du 3 février 2012.

Par jugement du 12 mars 2014, le tribunal de commerce d'Antibes statuant sur la requête du commissaire à l'exécution du plan a prononcé la résolution du plan de redressement de la société Librairie galerie l'albatros, constaté la cessation des paiements de la société et ouvert à son encontre une procédure de liquidation judiciaire, Maître [S] étant désigné en qualité de liquidateur.

Par acte du 3 mars 2017, Maître [S] agissant ès qualités a fait assigner Monsieur [H] [X], gérant de la société Librairie galerie l'albatros, devant le tribunal de commerce d'Antibes, aux fins d'obtenir sa condamnation à supporter l'insuffisance d'actif de la société à hauteur de 259549,06 € sur le fondement des dispositions de l'article L651-2 du code de commerce.

La société de droit italien Phard Spa, créancier de la société Librairie galerie l'albatros, est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 20 février 2018, le tribunal de commerce d'Antibes a :

- donné acte à la SCP BTSG² prise en la personne de Maître [T] [Z] de ce qu'elle vient en remplacement de Maître [I] [S] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Librairie galerie l'albatros,

- déclaré la société Phard Spa, société de droit italien, recevable en son intervention volontaire,

- constaté que Monsieur [H] [X] a été défaillant dans la gestion et l'exploitation de la société Librairie galerie l'albatros sans pour autant avoir utilisé les procédures à des fins personnelles,

- condamné Monsieur [H] [X] à payer à la SCP BTSG² prise en la personne de Maître [H] [Z] ès qualité de liquidateur de la société Librairie galerie l'albatros désigné en remplacement de Maître [I] [S] la somme de 100000 € au titre de l'insuffisance d'actif,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné Monsieur [H] [X] à payer à la SCP BTSG² prise en la personne de Maître [H] [Z] ès qualité de liquidateur de la société Librairie galerie l'albatros désigné en remplacement de Maître [I] [S] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement rectificatif du 13 avril 2018 tribunal a ajouté au dispositif 'déclare l'action de Maître [T] [Z] ès qualités recevable'.

Monsieur [H] [X] a interjeté appel du jugement du 20 février 2018 et du jugement rectificatif du 13 avril 2018 par déclaration du 23 avril 2018.

Par conclusions déposées et notifiées le 9 janvier 2019 il demande à la cour, vu les articles L651-2 et suivants du code de commerce, 455 du code de procédure civile de :

- à titre principal, déclarer nul le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 20 février 2018 rectifié le 13 avril 2018 pour défaut de motivation et pour violation du principe du contradictoire,

- à titre subsidiaire, infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 20 février 2018 rectifié le 13 avril 2018 en toutes ses dispositions,

- en conséquence, débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes,

- à titre infiniment subsidiaire, limiter la condamnation à une somme ne pouvant excéder 25000€,

- en tout état de cause, condamner le liquidateur à verser à Monsieur [X] 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Weil Légal.

Par conclusions déposées et notifiées le 6 mars 2019, la SCP BTSG² demande à la cour, vu les articles L651-1, L651-2, R662-12, L123-12 et suivants, R123-172 et suivants du code de commerce, 910-4, 455 du code de procédure civile, de :

- sur la demande de nullité du jugement :

- à titre principal, déclarer irrecevable la demande de nullité du jugement,

- à titre subsidiaire, débouter Monsieur [X] de sa demande de nullité du jugement,

- à titre infiniment subsidiaire en cas d'annulation du jugement, constater que la nullité n'affecte pas l'assignation introductive d'instance, en conséquence statuer sur le fond,

- sur le fond :

- constater l'insuffisance d'actif de la société Librairie galerie l'Albatros,

- constater au besoin dire et juger que Monsieur [H] [X] a commis différentes fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société Librairie galerie l'Albatros, savoir la poursuite d'une activité déficitaire , l'absence de tenue de comptabilité ou à tout le moins la tenue d'une comptabilité incomplète,

- en conséquence, débouter Monsieur [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 20 février 2018 rectifié le 13 avril 2018 sauf en ce qu'il a limité le montant des condamnations prononcées à l'encontre de Monsieur [X] à la somme de 100000 €,

- infirmer le jugement du 20 février 2018 rectifié le 13 avril 2018 en ce qu'il a limité le montant des condamnations prononcées à l'encontre de Monsieur [X] à la somme de 100000 €,

- statuant de nouveau de ce chef, condamner Monsieur [X] à payer à la société BTSG² prise en la personne de Maître [T] [Z] ès qualités de liquidateur de la société Librairie galerie l'albatros la somme de 252993,06 € au titre de l'insuffisance d'actif de ladite société,

- condamner Monsieur [X] à payer à la société BTSG² prise en la personne de Maître [T] [Z] ès qualités de liquidateur de la société Librairie galerie l'albatros la somme de 4000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ceux-ci distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval-Guedj.

La société Phard n'a pas constitué avocat.

Par conclusions communiquées le 1er mars 2019, le ministère public conclut à la confirmation de la décision entreprise.

MOTIFS :

Sur la demande d'annulation du jugement dont appel :

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions, Monsieur [X] demande à la cour à titre principal de déclarer nul le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris (lire tribunal de commerce d'Antibes) le 20 février 2018 rectifié le 13 avril 2018 pour défaut de motivation et pour violation du principe du contradictoire.

La SCP BTSG² soulève l'irrecevabilité de cette prétention au regard des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile au motif que l'appelant a conclu une première fois le 25 juillet 2018 sans formuler cette prétention.

Aux termes de l'article 910-4 du code de procédure civile, 'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 783, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqué, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

Monsieur [X] a notifié le 25 juillet 2018 ses conclusions d'appelant n°1 aux termes desquelles ses prétentions étaient formulées comme suit :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 20 février 2018 rectifié le 13 avril 2018 en toutes ses dispositions, statuant à nouveau,

- à titre principal, dire et juger que les demandes du liquidateur sont irrecevables, dire et juger que l'intervention volontaire de la société Phard, société de droit italien, est irrecevable, dire et juger que les demandes de la société Phard, société de droit italien, sont irrecevables,

- à titre subsidiaire, débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes,

- à titre infiniment subsidiaire, limiter la condamnation à la somme de 25000 €,

- en tout état de cause, condamner le liquidateur et la société Phard à verser à Monsieur [X] 4000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il apparaît ainsi que par ses nouvelles conclusions déposées et notifiées le 9 janvier 2019, Monsieur [X] a abandonné toutes demandes formulées à l'encontre de la société de droit italien Phard mais a également formulé à titre principal une prétention nouvelle tendant à faire déclarer nul le jugement dont appel pour défaut de motivation et pour violation du principe du contradictoire.

Cette prétention nouvelle sera déclarée irrecevable en application de l'article 910-4 précité.

Sur la demande d'infirmation du jugement :

Aux termes de l'article L 651-2 alinéa 1er du code de commerce dans sa version issue de la loi du 9 décembre 2016 : 'Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.'

- sur l'insuffisance d'actif de la société Librairie galerie l'albatros :

Il résulte de l'état des créances produit par le liquidateur que le passif de la liquidation judiciaire a été vérifié et définitivement admis pour un montant de 253100,62 €.

Il importe peu, au stade de la détermination de l'existence et du montant de l'insuffisance d'actif, qu'une partie de ce passif provienne de la procédure antérieure de redressement judiciaire, cet élément n'étant pris en considération, si des fautes de gestion sont caractérisées, que pour l'appréciation de la proportion dans laquelle les fautes de gestion ont contribué à l'insuffisance d'actif.

La comptabilité de mandat du liquidateur fait par ailleurs apparaître que le seul actif recouvré, au titre du solde des comptes bancaires, s'élève à 107,56 €.

Il ressort des explications et pièces produites par les parties que Monsieur [H] [X], qui exploitait personnellement comme locataire-gérant un fonds de commerce de prêt à porter au [Adresse 5] appartenant à son père Monsieur [P] [X], a acquis en 1986 la société Librairie galerie l'albatros qui exploitait un fonds de commerce dans des locaux contigus sis au [Adresse 6], afin d'agrandir sa surface de vente.

Monsieur [H] [X] a ainsi exploité un fonds de commerce unique de prêt à porter à la fois en sa qualité de locataire-gérant du fonds appartenant à son père et de gérant et associé unique de la société Librairie galerie l'albatros, titulaire d'un bail commercial sur les mêmes locaux.

Par suite du décès de Monsieur [P] [X] et de son épouse, le fonds de commerce objet du contrat de location-gérance est devenu la propriété indivise de Monsieur [H] [X] et de son frère Monsieur [B] [X].

Après l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Librairie galerie l'albatros, Monsieur [H] [X] a poursuivi son exploitation personnelle du fonds en contestant auprès de Maître [S], liquidateur, par courrier de son conseil en date du 16 mars 2014, tout droit de propriété de la société Librairie galerie l'albatros sur ce fonds de commerce.

Maître [S] n'a donc pu procéder à aucune réalisation d'actif pour le compte de la société Librairie galerie l'albatros.

Monsieur [X], qui est à l'origine du montage ayant conduit à la confusion des fonds de commerce en un fonds unique et de la contestation sur la propriété dudit fonds, n'est pas fondé à se prévaloir de cette situation pour prétendre que l'insuffisance d'actif de la société Librairie galerie l'albatros serait 'tronquée' ou ne serait 'pas réelle'.

Il résulte au contraire de cette situation une insuffisance d'actif réelle et certaine de 252993,06 €.

- sur les fautes de gestion reprochées :

La SCP BTSG² reproche en premier lieu à Monsieur [X] d'avoir poursuivi, pendant la période d'exécution du plan de redressement arrêté par jugement du 3 février 2012, une activité largement déficitaire, sans prendre les mesures qui s'imposaient.

Il sera rappelé en préalable que la poursuite d'une activité déficitaire et l'état de cessation des paiements sont deux notions distinctes.

La poursuite d'une activité déficitaire constitue une faute de gestion dont la caractérisation n'est pas subordonnée à la constatation d'un état de cessation des paiements antérieur ou concomitant à cette poursuite.

C'est donc à tort que Monsieur [X] soutient que la poursuite d'une activité déficitaire ne pourrait lui être reprochée que sur la période de 45 jours précédant le jugement d'ouverture du 12 mars 2014.

Les comptes annuels de la société Librairie galerie l'albatros pour l'exercice clos au 31 janvier 2013 versés aux débats font apparaître les données suivantes :

- l'entreprise avait généré sur l'exercice 2011 (clos au 31 janvier 2012) un chiffre d'affaires de 144758 € pour un résultat d'exploitation de - 46988 € et un bénéfice de 24720 € obtenu grâce à un produit exceptionnel de 99521 €,

- sur l'exercice 2012 (clos au 31 janvier 2013) le chiffre d'affaires s'élève à 159904 € pour un résultat d'exploitation de - 64158 € et une perte de 67579 €, alors que le prévisionnel d'exploitation produit à l'appui du projet de plan faisait état d'un chiffre d'affaires attendu de 240000 €, d'un résultat d'exploitation de 16867 € et un résultat net de 16764 €.

Ainsi que le relève le liquidateur, pour une augmentation du chiffre d'affaires de 10% seulement, soit très inférieure aux prévisions fournies au tribunal, la perte d'exploitation a augmenté de 36%, le total des charges d'exploitation représente 128% du chiffre d'affaires de 2011 et 140% du chiffre d'affaires de 2012, ces données caractérisant une inadéquation entre produits et charges d'exploitation, l'absence de maîtrise de ces charges étant particulièrement caractérisée par une augmentation inconsidérée des achats de marchandises, qui représentent 40% du chiffre d'affaires en 2011 et 76% du chiffre d'affaires en 2012, soit une augmentation de 110% de ces achats alors que le chiffre d'affaires n'augmente que de 10% sur la même période.

Il importe peu que, comme le fait valoir Monsieur [X], le total des charges d'exploitation n'ait augmenté que de 4,86% entre le 31 janvier 2012 et le 31 janvier 2013 et que seuls les achats de marchandises, nécessaires à la reprise d'activité, aient augmenté tandis que d'autres charges se maintenaient ou diminuaient, dès lors que le montant total des charges d'exploitation soit 224073 € au 31 janvier 2013 dont 121521 € d'achats de marchandises était en inadéquation totale avec le chiffre d'affaires de 159904 €, l'augmentation excessive (+110%) des achats de marchandises se traduisant d'ailleurs par une augmentation de stock de 25003 €.

Il est résulté de cette insuffisance brute d'exploitation une forte dégradation des capitaux propres, déjà négatifs à hauteur de - 55408 € à la clôture de l'exercice au 31 janvier 2012 et atteignant - 122988 € au 31 janvier 2013.

Le caractère déficitaire de l'exploitation est en conséquence manifeste.

Il ressort d'autre part des pièces produites par le liquidateur que Monsieur [X] a financé sa poursuite d'activité déficitaire en s'abstenant de régler les charges sociales et fiscales.

L'examen des déclarations de créances et de l'état des créances versés aux débats révèle un passif social et fiscal définitivement admis notamment constitué par:

- une créance de l'URSSAF d'un montant total de 31673,07 € au titre de cotisations dues depuis le 3ème trimestre 2012, dont 9783,07 € de part salariale,

- des créances fiscales d'un montant total de 46362 € au titre de la TVA due pour les années 2012 à 2014 et d'un montant total de 3260 € au titre de la CFE due pour la même période.

Le liquidateur reproche en second lieu à Monsieur [X] de ne pas avoir tenu de comptabilité ou à tout le moins d'avoir tenu une comptabilité incomplète, exposant que seuls les comptes annuels de l'exercice clos au 31 janvier 2013 ont été produits, que l'expert comptable a cessé toute intervention courant 2013 en raison du non-paiement de ses honoraires, que le grand livre n'a jamais été remis et vraisemblablement jamais été tenu postérieurement au 31 janvier 2013.

Il est constant que Monsieur [X] avait l'obligation de tenir une comptabilité conformément aux dispositions des articles L123-12 et suivants et R123-172 et suivants du code de commerce, consistant en l'établissement de comptes et bilans annuels mais également en la tenue au jour le jour d'un livre journal et d'un grand livre.

Monsieur [X] prétend avoir transmis les comptes et 'l'ensemble des documents comptables pour 2011, 2012, 2014' sans préciser ce que regroupe cette expression.

Il ne produit cependant en cause d'appel aucun autre document que les comptes annuels de l'exercice clos au 31 janvier 2013 et reconnaît que pour l'exercice suivant, les comptes n'ont pu être clôturés du fait de l'ouverture de la liquidation judiciaire et de l'impossibilité de régler la facture de l'expert comptable, reprochant au liquidateur de ne pas avoir tenté de se faire communiquer les éléments manquants par l'expert comptable.

Contrairement à ce qu'affirme Monsieur [X], le liquidateur s'est adressé à l'expert comptable pour obtenir des éléments ainsi qu'il résulte d'un mail adressé en réponse par le cabinet d'expertise comptable In Extenso le 20 octobre 2016, confirmant un précédent courrier du 5 février 2015, dont il ressort que l'expert comptable a cessé tous travaux sur ce dossier courant 2013 pour honoraires impayés et que le dernier bilan arrêté est celui du 31 janvier 2013.

Monsieur [X] ne justifie d'aucune comptabilité tenue sur tout l'exercice 2013, clos au 31 janvier 2014, alors que la liquidation judiciaire est intervenue le 12 mars 2014.

La tenue de la comptabilité est une obligation essentielle du chef d'entreprise dont il ne peut s'exonérer en invoquant une prétendue carence de l'expert comptable dont les honoraires ne sont pas payés.

La faute de gestion est caractérisée en l'absence de toute comptabilité produite sur une période d'un an avant l'ouverture de la liquidation judiciaire.

Il apparaît ainsi qu'alors qu'il se devait d'être particulièrement vigilant sur l'évolution de la situation de l'entreprise, du fait du plan de redressement dont bénéficiait la société, des engagements pris, dans le cadre de ce plan, d'atteindre un objectif de rentabilité et de communiquer régulièrement les comptes au commissaire à l'exécution du plan, Monsieur [X] a poursuivi une activité gravement déficitaire et persisté dans cette exploitation alors même que le compte arrêté au 31 janvier 2013 faisait apparaître une capacité d'auto financement négative de 62469 € et des capitaux propres négatifs de 122988 €, finançant cette activité déficitaire en se procurant une trésorerie artificielle provenant du non-paiement des charges fiscales et sociales y compris en retenant le précompte salarial, cette exploitation déficitaire se poursuivant au surplus à l'aveugle, en l'absence de tout outil comptable de pilotage de l'entreprise.

Un tel comportement caractérise une grave incurie du dirigeant excédant la simple négligence, et est directement à l'origine de l'aggravation du passif généré entre le jugement arrêtant le plan de redressement et le jugement de liquidation judiciaire.

Il ressort de la comparaison de l'état des créances du redressement judiciaire de la société Librairie galerie l'albatros avec l'état des créances de la liquidation judiciaire que le passif né postérieurement au jugement de plan s'élève à 97198 €, dont 81295 € au titre des créances de l'administration fiscale et de l'URSSAF.

Au regard de la gravité des fautes commises et de leur incidence sur l'aggravation de l'insuffisance d'actif, le jugement sera confirmé, par motifs en partie substitués, en ce qu'il a condamné Monsieur [X] à supporter une partie de cette insuffisance d'actif, le montant mis à sa charge étant toutefois ramené à la somme de 80000 €.

Monsieur [X] n'est pas fondé à se prévaloir, pour limiter le montant de sa contribution, du projet de transaction établi entre lui-même et Maître [S] ès qualités, aux termes duquel il s'engageait à verser une somme de 25000 € à la liquidation judiciaire.

Outre le fait que Monsieur [X] indique avoir refusé cette transaction, il résulte du projet qu'il verse aux débats que l'objet de cette transaction était non pas la contribution de Monsieur [X] à l'insuffisance d'actif de la liquidation au titre de ses fautes de gestion mais le règlement du litige relatif l'indisponibilité du fonds de commerce.

Partie succombante, Monsieur [X] sera condamné aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par défaut,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 février 2018 et rectifié le 13 avril 2018, sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation mise à la charge de Monsieur [H] [X], et statuant à nouveau sur ce point,

Ramène à 80000 € le montant de la condamnation de Monsieur [H] [X] au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif de la société Librairie galerie l'albatros,

Condamne Monsieur [H] [X] à payer à la société BTSG² ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Librairie galerie l'albatros la somme de 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [H] [X] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 18/07033
Date de la décision : 07/05/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°18/07033 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-07;18.07033 ?
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