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02/05/2019 | FRANCE | N°18/02404

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 02 mai 2019, 18/02404


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

(anciennement dénommée 11ème chambre A)



ARRÊT AU FOND

DU 02 MAI 2019



N° 2019/ 220













Rôle N° RG 18/02404 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB5ZN







[U] [R]





C/



SARL BELVIT

Syndicat des copropriétaires [Adresse 1]

SCP [L]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :


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br> SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON







SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE





l'ASSOCIATION DEPLANO-SALOMON-JACQUEMIN-MIGNONE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 12 Décembre 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 1...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

(anciennement dénommée 11ème chambre A)

ARRÊT AU FOND

DU 02 MAI 2019

N° 2019/ 220

Rôle N° RG 18/02404 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB5ZN

[U] [R]

C/

SARL BELVIT

Syndicat des copropriétaires [Adresse 1]

SCP [L]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON

SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE

l'ASSOCIATION DEPLANO-SALOMON-JACQUEMIN-MIGNONE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 12 Décembre 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/05333.

APPELANT

Monsieur [U] [R], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Karine TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Charles ABECASSIS, avocat au barreau de NICE

INTIMEES

SARL BELVIT représentée par ses 3 co-gérants en exercice, domiciliés en

cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Alain LUCIANI, avocat au barreau de GRASSE

Syndicat des copropriétaires [Adresse 1] représenté par son Syndic en exercice, la S.N.C AGENCE DU PORT, inscrite au RCS de NICE sous le n° 402 532 436 , dont le siège social est sis [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Julien SALOMON de l'ASSOCIATION DEPLANO-SALOMON-JACQUEMIN-MIGNONE, avocat au barreau de NICE

SCP [L] représentée par Maître [I] [L] prise en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL BELVIT, désignée à cet effet par jugement du Tribunal de Commerce de NICE du 23 novembre 2017, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Alain LUCIANI, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Février 2019 en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre

Madame Frédérique BRUEL, Conseillère

Madame Carole MENDOZA, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2019,

Signé par Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 03 août 2007, la société CANAILLE, qui s'était substituée aux consorts [U], a cédé son fonds de commerce à la société GEORGIA, qui l'a cédé par acte du 06 février 2009 à la société BELVIT. Cette dernière y exploite ainsi un restaurant, dans des locaux sis [Adresse 1], du fait d'un bail commercial du 22 juin 2006 dont le loyer a été fixé à la somme annuelle de 38.400 euros hors charge, taxes et impôt foncier.

Par acte du 30 mars 2015, Monsieur [U] [R] est devenu propriétaire de trois lots dépendant d'un bien immobilier situé à cette adresse dont le local commercial en question.

Ce local comporte un rez-de-chaussée où se trouvent la salle de restaurant, l'office, la cuisine et la plonge ainsi qu'un sous-sol divisé en plusieurs pièces.

Le 09 septembre 2015, Monsieur [R] a fait délivrer à sa locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire.

Par acte du 09 octobre 2015, la SARL BELVIT a fait assigner Monsieur [R] pour le voir déclarer irrecevable à se prévaloir de la clause résolutoire en raison des fautes qu'il aurait commises et le voir condamner à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi.

A la suite d'une audience du 14 novembre 2017, par jugement contradictoire du 12 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Nice a :

- débouté la SARL BELVIT de sa demande de préjudice de perte de chiffre d'affaires,

- condamné Monsieur [R] à payer à la SARL BELVIT la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts pour la perte de jouissance des locaux loués ainsi que celle de 10.000 euros pour résistance abusive, source de retard dans l'exécution des travaux d'étanchéité,

- débouté Monsieur [R] de ses demandes tendant au constat du jeu de la clause résolutoire du bail, à l'expulsion de la société BELVIT et à sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle,

- condamné la SARL BELVIT à verser à Monsieur [R] la somme de 60.130 euros correspondant aux loyers et charges impayés à la date du 30 juin 2016,

- ordonné la compensation des sommes dues par le locataire avec le montant des condamnations prononcées à l'encontre de Monsieur [R],

- autorisé la SARL BELVIT à se libérer de sa dette résiduelle de loyers et de charges après compensation en 24 mensualités égales s'ajoutant aux loyers et aux charges courantes,

- suspendu le jeu de la clause résolutoire pendant ce délai sous réserve d'un paiement intégral et à bonne date du loyer et charges courantes et de l'arriéré faisant l'objet du règlement échelonné,

- condamné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à relever et garantir Monsieur [R] des condamnations prononcées par le tribunal à son encontre au bénéfice de la société BELVIT,

- condamné Monsieur [R] et la SARL BELVIT, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de six mois suivant la signification du présent jugement à faire réaliser les travaux nécessaires pour que cessent les infiltrations et l'humidité affectant les parties communes telles que constatées par huissier de justice par acte du 11 septembre 2015,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté les demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [R] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le premier juge, expliquant quels avaient été les travaux nécessaires à la réhabilitation des locaux en raison de l'affaissement des planchers du sous-sol, a retenu que la SARL BELVIT avait subi une perte de jouissance (chiffrée à 30.000 euros) occasionnée par la longueur des travaux et la mise en sécurité de ses arrières-salles rendues peu ou difficilement utilisables. Il a rejeté sa demande au titre de la perte de son chiffre d'affaires. Il a condamné Monsieur [R] à verser à sa locataire la somme de 10.000 euros au titre de la réticence et du retard pris par ce dernier à prendre à sa charge les travaux d'étanchéité du sol du rez-de-chaussée de sa locataire. Il a également condamné le syndicat des copropriétaires à relever et garantir Monsieur [R] des condamnations prononcées à son encontre.

Le premier juge a estimé que les fautes du bailleur l'empêchent de solliciter l'acquisition de la clause résolutoire, l'expulsion de sa locataire et la condamnation de cette dernière à une indemnité d'occupation.

Il a constaté que la SARL BELVIT était débitrice d'un arriéré de loyers et charges et l'a condamnée au versement de cette somme, sous déduction des condamnations dont elle profite, avec le bénéfice de délais de paiement et d'une suspension des effets de la clause résolutoire.

S'appuyant sur les constatations d'un huissier de justice en date du 11 septembre 2015, il a condamné sous astreinte Monsieur [R] et la SARL BELVIT à faire effectuer les tavaux nécessaires pour que cessent les infiltrations et l'humidité affectant les parties communes.

Le 23 novembre 2017, le tribunal de commerce de Nice a placé la SARL BELVIT sous sauvegarde.

Le 12 février 2018, Monsieur [R] a formé un appel de cette décision.

Le 19 février 2018, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] a formé un appel partiel de cette décision.

La SARL BELVIT et son mandataire judiciaire, la SCP [L] ont constitué avocat et formé un appel incident.

Par conclusions signifiées sur le RPVA le 09 mai 2018, Monsieur [R] demande à la cour:

- de réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamné à payer à la société BELVIT les sommes de 30.000 euros et de 10.000 euros de dommages et intérêts,

* reconventionnellement, vu la procédure de sauvegarde :

- d'entendre inscrire sur l'état des créances de la société BELVIT à la procédure de sauvegarde :

* la somme de 85.041 euros, montant des loyers restant dus au 23 novembre 2017,

* la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive

** subsidiairement :

- de confirmer la décision en ce qu'elle a condamné le syndicat des copropriété, représenté par son syndic, la société AGENCE DU PORT à le relever et le garantir de toutes condamnations qui pourraient être ordonnées par le tribunal au bénéfice de la SARL BELVIT,

- d'infirmer la décision déférée du chef de la condamnation à effectuer des travaux sous astreinte relatifs au second sinistre,

- de condamner la SARL BELVIT à lui verser la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en ce compris les frais de commandement et d'assignation.

Il soulève la mauvaise foi de son preneur et conteste toute responsabilité dans la gestion des travaux. Il ajoute que sa locataire n'a subi aucun préjudice.

Il avance ainsi que les travaux de mise en sécurité, ceux de confortement et ceux de reprise des planchers étaient des travaux affectant les parties communes qui étaient à la charge exclusive du syndicat des copropriétaires. Il déclare avoir régulièrement mis en demeure le syndicat des copropriétaires afin qu'il intervienne pour remédier aux graves désordres affectant les parties communes et en avoir régulièrement informé son locataire.

A la suite de ces travaux de confortement de planchers, alors qu'il avait été constaté des désordres d'humidité et d'infiltration, Il expose avoir exécuté les travaux d'étanchéité du sol qui ne ressortissaient pas de ses obligations mais de celles de son preneur, du fait des stipulations contractuelles. Il en conclut que son preneur ne peut exciper d'une inexécution contractuelle pour ne pas payer ses loyers et charges. Il ajoute que sa locataire ne justifie d'aucun préjudice. A ce titre, il indique que la pose d'étais dans les sous-sols existait antérieurement à l'acquisition du fonds de commerce par la SARL BELVIT. Il fait valoir que les travaux de confortement des planchers, qui se sont déroulés de février 2014 jusqu'au 25 mars 2014, ont été exécutés dans les réserves du restaurant, sans aucune entrave à l'exploitation de ce dernier. Il déclare que sa locataire ne justifie pas du préjudice qu'elle aurait subi à la suite de la fermeture de l'établissement du 05 janvier 2015 au 13 février 2015, prédioe durant laquelle ont été effectués les travaux d'étanchéité des sols. Il conteste avoir résisté abusivement à l'exécution de ses obligations.

Il fait état de l'arriéré locatif. Il soutient que sa locataire ne verse plus aucun loyer depuis le premier octobre 2015.

Il demande l'inscription de sa créance à hauteur de 85.041 euros. Il estime le comportement de sa locataire fautif et sollicite des dommages et intérêts.

Subsidiairement, il demande la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné le syndicat des copropriétaires à le relever et le garantir de toutes condamnations prononcées au bénéfice de la SARL BELVIT.

Il s'oppose à sa condamnation à effectuer des travaux, relevant qu'en tout état de cause, les travaux évoqués ont été réalisés en cours de procédure.

Par conclusions signifiées sur le RPVA le 08 février 2019 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, la SARL BELVIT et la SCP [L] demandent à la cour :

- de recevoir la SARL BELVIT en son appel incident

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [R] de sa demande tendant au constat du jeu de la clause résolutoire et à son expulsion, en ce qu'il a ordonné la compensation des sommes dues, en ce qu'il a suspendu les effets de la clause résolutoire et lui a accordé des délais de paiement,

- d'infirmer le jugement déféré pour le surplus :

* statuant à nouveau :

- de débouter Monsieur [R] de ses demandes dirigées contre la SARL BELVIT,

- de débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] de ses demandes dirigées contre la SARL BELVIT,

- de dire et juger que le commandement de payer visant la clause résolutoire a été signifié le mauvaise foi,

- de condamner Monsieur [R] à verser à la SARL BELVITles sommes suivantes:

*30.960 euros correspondant à une diminution du loyer (30%) du 16 avril 2012 à janvier 2014, période où la réserve de 140 m² était 'envahie' d'étais la rendant inexploitable,

*30.000 euros correspondant au chiffre d'affaires perdu pour la période du 03 janvier au 13 février 2015,

*30.000 euros correspondant à la réparation du préjudice distinct subi par le locataire du fait des agissements du bailleur durant ces quatre années.

- de prononcer la compensation des sommes éventuellement dues par la locataire avec les sommes 'ordonnées par le tribunal à l'encontre du bailleur',

- de condamner Monsieur [R] ou tout succombant à régler à la SARL BELVIT la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE AIX-EN-PROVENCE.

A titre liminaire, elles indiquent que par jugement du 12 décembre 2018, le tribunal de commerce de Nice a arrêté le plan de sauvegarde de la SARL BELVIT et désigné Maître [K] [L] en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

La SARL BELVIT fait valoir qu'elle n'a plus en mesure d'utiliser la réserve de 140m², en raison de la pose d'une multitude d'étais. Elle expose avoir attendu 30 mois pour obtenir les travaux nécessaires à la réhabilitation des loaix.

S'agissant des travaux d'étanchéité à effectuer sur les sols, elle relève qu'ils ne sont que la conséquence directe de l'affaissement du plancher et qu'ils ne relèvent donc pas de sa responsabilité. Elle en conclut que le commandement de payer a été délivré de mauvaise foi puisque son bailleur a failli à son obligation de délivrance..

Elle s'oppose aux demandes formées contre elle par le syndicat des copropriétaires, relevant que les travaux sollicités ont été réalisés par son bailleur et qu'elle n'avait pas à en supporter la charge.

Elle fait état des préjudices qu'elle estime avoir subi. Elle conteste que la 'forêt d'étais' ait été posée avant la prise de possession des lieux. Elle demande ainsi une diminution du loyer et l'indemnisation au titre d'une perte de son chiffre d'affaires. Elle sollicite également une indemnisation en raison du comportement dilatoire de son bailleur.

Subsidiairement, elle demande la confirmation du jugement déféré s'agissant de la suspension des effets de la clause résolutoire et des délais de paiement.

Enfin, elle estime que les travaux évoqués par le syndicat des copropriétaires ne peuvent être mis à sa charge. Elle relève qu'en tout état de cause, ces travaux ont été effectués.

Par conclusions signifiées sur le RPVA le 31 octobre 2018, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] demande à la cour :

- de réformer le jugement entrepris en ce que des condamnations ont été prononcées à son encontre,

-de débouter Monsieur [R] de ses demandes à son encontre

* à titre subsidiaire :

- de limiter le quantum des indemnités octroyées à la SARL BELVIT aux seuls préjudices 'effectivement démontrés par cette dernière comme ayant été subis par la faute exclusive du syndicat des copropriétaires',

- de confirmer la décision entreprise pour le surplus, notamment en ce que Monsieur [R] et la SARL BELVIT ont été condamnés sous astreinte à faire réaliser les travaux nécessaires pour que cessent les infiltrations et l'humidité affectant les parties communes constatées par huissier de justice le 11 septembre 2015,

- de condamner tout succombant à lui verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Il conteste toute responsabilité et estime avoir été diligent pour la mise en oeuvre des travaux de confortement qui la concernaient.

Il ajoute qu'aucun préjudice ne peut lui être imputé à compter du 25 mars 2014, date de réception des travaux qu'il a financés. Il précise n'avoir été avisé des doléances du locataire qu'en mars 2012.

Il estime que la locataire ne démontre pas l'étendue de son préjudice. Il soulève que le premier juge aurait dû s'interroger sur la faute de la victime limitant de ce fait son droit à indemnisation.

Reconventionnellement, il demande la confirmation du jugement déféré s'agissant des travaux nécessaires pour que cessent les infiltrations et l'humidité affectant les parties communes constatées par huissier de justice le 11 septembre 2015, relevant que les infiltrations provenaient des locaux de la cuisine du restaurant exploité par la SARL BELVIT.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2019.

MOTIVATION

Sur l'appel incident de la SARL BELVIT

Cet appel incident est recevable.

Sur le fond

En application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes. Il est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.

En application de l'article 1719 du code civil, le bailleur doit délivrer au preneur la chose louée, entretenir celle-ci en état de servir à l'usage pour lequel elle été louée et en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

L'article 1720 du même code énonce que le bailleur doit délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce et y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives.

Il n'est pas contestable qu'il a fallu procéder à des travaux de confortement de l'immeuble, achevés et réceptionnés le 25 mars 2014, travaux dont était responsable le syndicat des copropriétaires chargé de la conservation de l'immeuble.

Ces travaux n'ont pas été suffisants pour remédier aux infiltrations dans le plancher de la cuisine du local commercial. Des travaux complémentaires d'étanchéité des sols du rez-de-chaussée du local commercial ont été effectués et réceptionnés le 09 février 2015.

* s'agissant de la réserve

La SARL BELVIT sollicite la somme de 30.960 euros correspond à une diminution de son loyer de 30% pour la période du 16 avril 2012 au mois de janvier 2014 durant laquelle elle affirme que la réserve, envahie d'étais, aurait été impraticable.

Monsieur [R] s'est vu délivrer par sa locataire un procès-verbal d'huissier du 22 septembre 2011 qui constatait l'implantation, au sous-sol du restaurant, de plusieurs poutres d'acier IPN portant des traces d'humidité pour pallier le fléchissement d'anciens éléments de bois et l'affaissement du sol au rez-de-chaussée du local commercial. Il était indiqué à l'huissier que ces poutres d'acier existaient déjà lors de la prise de possession des locaux par la SARL BELVIT (qui a acquis son fonds de commerce le 06 février 2009). La SARL BELVIT fait partir sa demande d'indemnisation à compter du 16 avril 2012, soulignant que la pose d'étais supplémentaires aurait rendu cette réserve impraticable.

Elle ne démontre pas en quoi cette pièce, qui est une réserve, serait devenue impraticable, étant précisé quà l'époque, l'huissier mandaté le 22 septembre 2011, n'indiquait pas à quoi servait cette partie du sous-sol, dite 'première réserve'.

La société BELVIT ne rapporte la preuve ni de la réalité ni de l'étendue du préjudice qu'elle estime avoir subi à compter du 16 avril 2012. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande.

* sur la perte alléguée du chiffre d'affaires pour la période du 03 janvier au 13 février 2015

La SARL BELVIT fait état d'une perte de chiffre d'affaires liées à la fermeture de son établissement du 05 janvier au 13 février 2015, afin que les travaux d'étanchéité des sols puissent être effectués.

Il ressort d'un courrier du 12 mars 2014 de l'architecte chargé de la surveillance des travaux de confortement que les travaux d'étanchéité des sols étaient nécessaires pour assurer le caractère pérenne des travaux de confortement de l'immeuble. Dès lors, ces travaux d'étanchéité des sols dans le local commercial font clairement partie de l'obligation de délivrance du bailleur qui ne ne peut, par le biais d'une clause contractuelle du bail relative à l'exécution des travaux ( de convention expresse entre les parties, le preneur s'engage à exécuter aux lieu et place du bailleur toutes les réparations qui pourraient être nécessaires dans les lieux loués (...)'s'affranchir de son obligation de délivrer les lieux loués.

Ces travaux incombaient bien à Monsieur [R].

Contrairement à ce qu'indique ce dernier qui ne le démontre d'ailleurs pas, ces travaux d'étanchéité des sols des cuisines et dépendances ont rendu nécessaire la fermeture de l'établissement. Il ressort des propres pièces produites par Monsieur [R] ( 50; 53; 54) qu'il a fallu procéder à la dépose et au déplacement du matériel de cuisine, à la démolition du carrelage et à la pose d'un nouveau carrelage.

Toutefois, la SARL BELVIT, dont il est démontré qu'elle a été à l'initiative d'un report dans la date de réalisation de ces travaux, ne justifie pas de son préjudice. La seule production d'un bilan (pièce 21) qui ne concerne que l'exercice de l'année 2013, ne démontre rien, en tout cas pas l'existence d'une perte de chiffre d'affaires, faute de produire, comme l'a justement indiqué le premier juge, l'ensemble de ses bilans d'activité sur les exercices antérieurs et contemporains au sinistre permettant de confronter les données et les résultats et donc de chiffrer son gain manqué.

Elle sera déboutée de sa prétention et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

* sur le préjudice allégué par la locataire du fait des agissements du bailleur

Il est établi que Monsieur [R], avisé, en mars 2014 par Monsieur [Y], architecte, de la nécessité de procéder à des travaux d'étanchéité des sols des surfaces techniques du local commercial, a estimé dans un premier temps que ceux-ci devaient être effectués par sa locataire. Ce n'est qu'en octobre 2014 que le bailleur a accepté de prendre en charge ces travaux. La SARL BELVIT ne justifie toutefois pas du préjudice qu'elle aurait subi du fait du refus initial par son bailleur de prendre en charge ces travaux. Elle ne rapporte pas non plus la preuve d'un comportement dilatoire autre de son bailleur puisque ce dernier a saisi régulièrement le syndicat des copropriétaires pour que les travaux de confortement puissent être effectués.

La société BELVIT sera déboutée de sa demande tendant à voir condamner Monsieur [R] à lui verser la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts. Le jugement, qui a condamné Monsieur [R] à verser à la société BELVIT la somme de 10.000 euros sera infirmé.

Sur la validité du commandement de payer

Ainsi qu'il l'a été exposé, la SARL BELVIT ne justifie pas du préjudice qu'elle a subi du fait de la pose d'étais supplémentaire dans sa réserve et elle ne saurait exciper d'une exception d'inexécution pour ne pas payer ses loyers. Il n'y avait pas lieu dès lors de dire que la clause résolutoire visée par le commandement de payer délivré par Monsieur [R] le 09 septembre 2015, à la suite d'impayés locatifs, ne pouvait être mise en oeuvre.

L'actuelle procédure de sauvegarde paralyse le jeu de la clause résolutoire. Dès lors, par une substitution de motifs, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [R] de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire.

Sur les sommes dues et les délais de paiement

Le seul document attestant de l'impayé locatif est le commandement de payer délivré le 09 septembre 2015 qui fait débuter l'arriéré locatif au deuxième trimestre 2015. Il n'est pas contesté par la SARL BELVIT que la dette s'est aggravée et qu'elles s'élève à la somme de 85.041 euros au titre des montant restant dus au 23 novembre 2017.

La société BELVIT qui sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il lui a accordé des délais de paiement sur deux ans, sollicite donc de la cour de tels délais.

Compte tenu du fait que cette société bénéficie d'une procédure de sauvegarde et qu'entre l'année 2009 et l'année 2015, elle s'est régulièrement acquitté de ses loyers et charges, il convient de faire droit à sa demande de délais de paiement et de confirmer le jugement de première instance sur ce point. La somme de 85.041 euros sera inscrite au bénéfice de Monsieur [R] sur l'état des créances de la SARL BELVIT.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur [R] à l'encontre de la société BELVIT

Monsieur [R] ne justifie pas que l'action en justice intentée par la société BELVIT serait abusive et il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la condamnation sous astreinte de Monsieur [R] et de la SARL BELVIT à effectuer des travaux

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point puisqu'il ressort d'un constat d'huissier du 18 décembre 2018 (pièce 27 de la SARL BELVIT) que le sinistre évoqué par le syndicat des copropriétaires n'existe plus et que les travaux de reprise ont été effectués (déclaration de la SARL BELVIT à l'huissier qui ne constate aucun sinistre et affirmations conjointes de Monsieur [R] et de la SARL BELVIT dont la preuve contraire n'est pas rapportée).

Sur la garantie du syndicat des copropriétaires

En l'absence de toute condamnation de Monsieur [R], il n'y a pas lieu de dire que le syndicat des copropriétaires lui doit sa garantie.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Pour des raisons liées à l'équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie supportera la charge des dépens qu'elle a exposés pour faire valoir ses droits.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

DECLARE recevable l'appel incident de la SARL BELVIT,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit qu'il n'y avoir lieu à faire jouer la clause résolutoire, en ce qu'il a autorisé la SARL BELVIT à se libérer de sa dette résiduelle de loyers et charges en 24 mensualités égales s'ajoutant aux loyers et aux charges courantes, en ce qu'il a débouté Monsieur [R] de sa demande de dommages et intérêts et en ce qu'il l'a condamné aux dépens de première instance,

STATUANT A NOUVEAU :

DEBOUTE la SARL BELVIT de ses demandes indemnitaires,

DIT n'y avoir lieu à appeler en garantie le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1],

FIXE à la somme de 85.041 euros le montant de la créance de Monsieur [R] à la procédure de sauvegarde de la SARL BELVIT,

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] de sa demande de condamnation sous astreinte de Monsieur [R] et de la SARL BELVIT à effectuer les travaux nécessaires pour que cessent les infiltrations et l'humidité affectant les parties communes constatées par huissier de justice le 11 septembre 2015,

Y AJOUTANT,

DEBOUTE les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile

DIT que chaque partie gardera à sa charge les dépens qu'elle a exposés dans le cadre de la présente instance.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 18/02404
Date de la décision : 02/05/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence A1, arrêt n°18/02404 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-02;18.02404 ?
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