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30/04/2019 | FRANCE | N°17/10734

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 30 avril 2019, 17/10734


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 30 AVRIL 2019

L.V

N° 2019/













Rôle N° RG 17/10734 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAVAS







[E] [R]





C/



[P] [A]

[V] [K]

[Y] [F] épouse [K]

BANQUE POPULAIRE AUVERGNE ET RHONE ALPES - BP AURA





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :MePhilippe KLEIN

Me

Eric TARLET



Me BREU-LABESSE

Me MASQUELIER











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 04 Mai 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/03535.





APPELANT



Maître [E] [R]

de nationalité Française, demeuran...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 30 AVRIL 2019

L.V

N° 2019/

Rôle N° RG 17/10734 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAVAS

[E] [R]

C/

[P] [A]

[V] [K]

[Y] [F] épouse [K]

BANQUE POPULAIRE AUVERGNE ET RHONE ALPES - BP AURA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :MePhilippe KLEIN

Me Eric TARLET

Me BREU-LABESSE

Me MASQUELIER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 04 Mai 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/03535.

APPELANT

Maître [E] [R]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Philippe KLEIN , substitué par Me Pascale KLEIN, de la SCP RIBON KLEIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Madame [P] [A]

née le [Date naissance 1] 1968 à BOURG DE PEAGE (26300), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Eric TARLET de la SCP LIZEE PETIT TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [V] [K]

né le [Date naissance 2] 1948 à MOSTAGANEM (ALGÉRIE), demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Marie-laure BREU-LABESSE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Francois-xavier GOMBERT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [Y] [F] épouse [K]

née le [Date naissance 2] 1951 à MAZOUNA (ALGÉRIE), demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Marie-laure BREU-LABESSE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Francois-xavier GOMBERT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

LA BANQUE POPULAIRE AUVERGNE ET RHONE ALPES - BP AURA venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS

selon fusion avec effet en date du 7.12.2016

dont le siège social est [Adresse 4]

représentée par Me Frédéric MASQUELIER de l'AARPI MASQUELIER-CUERVO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Mars 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame VIGNON, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Avril 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Avril 2019,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte reçu par Me [E] [R] le 29 mai 2013, Mme [P] [A] a fait l'acquisition d'une maison située à [Localité 1], [Adresse 2], appartenant à M. [V] [K] et Mme [Y] [K], pour un prix de vente de 283.000 €, outre les frais de notaire, soit un montant total de 311.528,51 € frais de notaire compris.

Pour cette acquisition, elle a emprunté auprès de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS ( BPLL) une somme de 105.600 €, selon deux actes de prêts de 45.113 € et

60.487 €.

Se plaignant de ce qu'il lui aurait été vendu un espace de jardin avec abri cuisine d'été, local technique, mur de clôture qui se trouveraient édifiés sur une parcelle appartenant au domaine public de la commune ainsi qu'une piscine correspondant à une construction sauvage, Mme [P] [A] a , par acte d'huissier en date du 02 avril et 04 juin 2015, saisi le tribunal de grande d'Aix-en-Provence:

- sollicitant l'annulation de la vente à l'encontre des vendeurs sur le fondement du dol, du manquement à leur obligation de délivrance et de la garantie des vices cachés,

- recherchant la responsabilité du notaire, lui reprochant un manquement à son devoir de conseil, en n'effectuant pas les contrôles utiles qui lui auraient permis de s'apercevoir de la situation.

Par jugement contradictoire en date du 04 mai 2017, le tribunal de grande instance d'Aix-en- Provence, a:

- ordonné la résolution de la vente en date du 29 mai 2013, signée entre Mme [P] [A] et M. et Mme [V] [K] portant sur une maison à usage d'habitation avec jardin et piscine sis sur la commune de [Localité 1], les Jardins du Nord, formant le lot 319 du lotissement dénommé [Adresse 2] et figurant au cadastre sous les références section BR n°[Cadastre 1] lieudit [Adresse 5], pour une contenance de 04a 01ca formant le lot 319, enregistré et publié le 31 mai 2013 au service de la publicité foncière d'[Localité 2] 1er Bureau, Volume 2013 P, n°4893,

- condamné M. et Mme [K] à restituer le prix de vente, soit la somme de 283.000 € à Mme [A],

- dit que Mme [A] restituera le bien immobilier dès lors que le prix de vente lui sera restitué,

- annulé les deux prêts contractés par Mme [A] auprès de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS pour l'achat du bien immobilier, à savoir le prêt n° 08635260 d'un montant initial de 45.113 € et le prêt n° 08635261 de 60.287 €,

- dit que le décompte des engagements de Mme [A] s'établit au 23 juin 2015 comme suit:

* prêt n° 08635260 : 37.606,84 €,

* prêt n° 08635261 : 61.630,99 €,

soit un total de 99.237,83 €,

- dit que Mme [A] devra rembourser à la BPLL la somme de 99.237,83 € à parfaire au jour du jugement,

- dit que Me [R] a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de Mme [A],

- condamné Me [R] à payer à Mme [A] la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

- débouté Mme [A] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- débouté Mme [A] et M. et Mme [K] de leur appel en garantie à l'encontre de Me [R],

- débouté la BPLL de sa demande tendant à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. et Mme [K] du surplus de leur demande reconventionnelle,

- condamné Me [R] à payer à Mme [A] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné M. et Mme [K] et Me [R] aux dépens.

Le tribunal a retenu une surface d'emprise sur le domaine public communal de 31 m² et un manquement du vendeur à son obligation de délivrance mais a considéré que les consorts [K] n'étaient cependant pas de mauvaise foi, la situation perdurant depuis 25 ans, d'autant qu'ils avaient revendu exactement ce qu'ils avaient acheté. Il a estimé que Me [R] avait commis une faute en ne faisant pas de vérification quant à la disparité existant entre l'implantation de la clôture actuelle et celle figurant au plan de masse ou cadastre.

Par déclaration en date du 07 juin 2017, Me [R] a interjeté appel de cette décision.

Les époux [K] ont également formé appel par déclaration en date du 15 juin 2017.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 04 février 2019, Me [E] [R] demande à la cour de:

- dire et juger que la preuve d'une faute quelconque de Me [R] n'est pas rapportée,

- dire et juger que le préjudice invoqué est injustifié et sans lien de causalité avec une faute du notaire,

- constater au surplus que la parcelle litigieuse a été définitivement déclassée du domaine public communal,

- réformer en conséquence le jugement dont appel en ce qu'il a retenu une faute de Me [R] et son préjudice en résultant,

- débouter Mme [A] de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de Me [R],

- débouter M. et Mme [K] de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de Me [R],

- débouter la BPLL de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de Me [R],

- condamner Mme [A] au paiement de la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle que la situation existe depuis 1990 sans que la commune n'ait émis la moindre contestation, qu'il existe un mur de clôture et que l'empiétement allégué se situe derrière ce mur, l'aménagement du trottoir et des voies de circulation étant fait, depuis fort longtemps, en suivant la courbe du mur de clôture. Elle souligne que la commune a décidé de régulariser l'empiétement sur le domaine public et de déclasser la parcelle litigieuse du domaine public communal au profit de son propriétaire actuel.

Elle conclut en tout état de cause à l'absence de faute de sa part, soutenant qu'il n'appartient pas au notaire de vérifier que la configuration du terrain vendu est conforme au plan de masse ou au cadastre, sachant que le plan cadastral ne constitue pas une preuve en matière de propriété, le notaire n'ayant pas à se déplacer sur les lieux, ni à vérifier la contenance réelle du bien vendu. Elle considère qu'elle n'avait aucun moyen de s'apercevoir ou de soupçonner l'empiétement argué, aucun document en sa possession ne lui permettant de présumer d'un éventuel problème de limite de propriété, d'autant que les époux [K] ont revendu exactement ce qu'ils avaient acheté.

Sur le préjudice et le lien de causalité, elle précise que Mme [A] sollicite désormais une somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts:

- 10.000 € pour les frais d'acquisition, qui n'ont pas dépassé 5.800 €, outre 660 € de frais de géomètre et 1.300 € ( évaluation) de frais de notaire, étant précisé que seuls les vendeurs peuvent être tenus au paiement de ces sommes,

- 30.000 € en indemnisation du préjudice moral et de jouissance en prétendant que le bien ne peut être aménagé alors que pourtant elle y habite.

Elle s'oppose également:

- à l'appel en garantie formé par les époux [K] à son encontre, en relevant que la restitution du prix de vente ou le coût d'acquisition d'une partie du terrain ne constituent pas un préjudice indemnisable par le notaire, s'agissant d'une restitution dans un cadre contractuel, alors que le notaire n'est pas partie au contrat et que seuls les vendeurs sont tenus à une obligation de délivrance conforme,

- à la demande subsidiaire de la banque tendant à la condamnation de tout succombant à lui payer les sommes déjà prêtées à Mme [A], de telles sommes n'étant pas un préjudice indemnisable.

M. [V] [K] et Mme [Y] [K] née [F], dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 28 janvier 2019, demandent à la cour de:

- recevoir M. et Mme [K] en leurs conclusions, et y faisant droit,

- infirmer la décision rendue en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

- débouter Mme [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- dire et juger que les époux [K] ne se sont rendus coupables d'aucune manoeuvre dolosive, d'aucun manquement de quelque nature qu'il soit dans l'information donnée à l'acheteur ou dans la délivrance du bien,

- débouter Mme [A] de sa demande de dommages et intérêts compensatoires,

- dire et juger que Me [R] a commis une faute qui engage sa responsabilité à l'égard de M. et Mme [K],

- dire et juger que Me [R] garantira les consorts [K] de toute condamnation susceptible d'être prononcée à leur égard,

- condamner Mme [A] à payer à M. et Mme [K] la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour action abusive,

- condamner Mme [A] ou tout succombant, à verser à M. et Mme [K] la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils considèrent qu'à aucun moment il n'est rapporté la preuve que la propriété empiétait effectivement sur le domaine public alors que les photos produites laissent effectivement apparaître que le mur de clôture suit le tracé du trottoir arrondi, de sorte que les documents produits par Mme [A] n'ont aucune valeur probante quant aux limites réelles de la propriété qu'elle a acquise. Ils précisent qu'en tout état de cause la situation a notablement évolué puisqu'une procédure de déclassement de la surface litigieuse a été initiée par la commune afin de régulariser administrativement une situation qui existe depuis 25 ans, de sorte que le litige est sans objet et les prétentions de Mme [A] infondées.

Ils contestent avoir commis une quelconque manoeuvre dolosive, ni un manquement à l'obligation de délivrance conforme ou être à l'origine d'un vice caché, au motif qu'ils ne sont nullement de mauvaise foi, ayant vécu pendant plus de 25 ans dans le bien litigieux sans être au courant d'un quelconque problème de délimitation des limites de leur propriété, Mme [A] étant en outre parfaitement informée de tous les tenants et aboutissants de la vente, et notamment de tous les renseignements utiles intéressant la construction ainsi que les documents nécessaires. Ils rappellent qu'en outre, l'acte authentique contient une clause d'exclusion de garantie qui doit recevoir application puisqu'ils ne sont pas de mauvaise foi, que Mme [A] est malvenue à contester les limites de propriété telles qu'elles apparaissent sur les plans et dans la réalité, qu'il en est de même pour la piscine, laquelle a été commandée et réalisée depuis 18 ans, de sorte que l'absence de déclaration de cet ouvrage auprès de la mairie est sans incidence.

Ils relèvent enfin que compte tenu de la procédure de déclassement, Mme [A] ne subit aucun préjudice mais ils recherchent, en tout état de cause, la garantie du notaire si une quelconque condamnation était prononcée à leur encontre.

Mme [P] [A], dans ses dernières conclusions signifiées le 24 janvier 2019, demande à la cour de:

- condamner in solidum Me [R] et les époux [K] à payer une somme de 10.000 € en remboursement des frais d'acquisition, d'acte et de géomètre annoncés afin que Mme [A] puisse procéder au 'rachat de sa propriété' auprès de la commune de Salon-de-Provence,

- condamner in solidum Me [R] avec les époux [K] à payer à Mme [A] la somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'ensemble des préjudices soufferts, toutes causes confondues,

- condamner in solidum Me [R] et les époux [K] à payer à Mme [A] la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

Elle relate qu'une régularisation de l'empiétement a effectivement été initiée à la requête de Me [R] et des consorts [K], que les services de la mairie lui ont confirmé l'effectivité de cette régularisation, de sorte que si la résolution de la vente n'est plus d'actualité, il n'en demeure pas moins qu'elle est contrainte d'acquérir ce qui lui a été pourtant vendu par les époux [K] avec le concours de Me [R], soit un investissement de 10.000 € environ.

Elle ajoute qu'elle est en outre fondée à obtenir la réparation de l'intégralité des préjudices déplorés par elle compte tenu de cette situation imputable tant aux vendeurs qu'au notaire.

Elle soutient, sur le dol des époux [K]:

- le vendeur n'a pas fait tenir les autorisations d'urbanisme en ce qui concerne l'abri-cuisine d'été et le local technique, alors même qu'il est l'auteur de ces constructions et il connaissait parfaitement la situation du terrain et savait plus particulièrement que la limite de propriété présente un arc inversé au niveau du rond-point communal,

- or, les époux [K] savaient parfaitement qu'en réalité leur propriété ne formait pas un tel angle arrondi au niveau de la voirie publique, ainsi que cela ressort du plan de masse de leur permis de construire qui montre une ligne droite,

- les manoeuvres dolosives sont parfaitement caractérisées par le silence coupable des vendeurs sur la réalité de la situation.

Elle conclut en outre à l'absence de délivrance conforme dès lors qu'il est établi que le vendeur lui a remis une propriété qui est en partie édifiée sur le domaine public avec des constructions sauvages, d'autant qu'il connaissait parfaitement les limites de son lot ainsi que l'irrégularité tenant à la construction de la piscine. Elle ajoute que le vendeur a manqué à son obligation de garantie puisqu'une surface de 31 m² est illégalement occupée sur le domaine public, impactant tout ce qui fait le charme de sa propriété et qu'en tout état de cause, elle est fondée à rechercher la responsabilité du vendeur sur le fondement des vices cachés, ces derniers n'étant pas fondés, compte tenu de leur mauvaise foi, à lui opposer la clause d'exclusion de garantie contenue dans l'acte.

Elle considère que la faute du notaire est caractérisée, en ce qu'il n'a pas effectué les contrôles utiles, ne lui a donné aucun renseignement alors qu'il était en possession de l'extrait de plan cadastral qui justifie d'un bâtiment technique essentiellement construit sur le domaine public et qui vient mordre en limite la parcelle qu'elle a acquise.

Elle réclame des dommages et intérêts compensatoires aux motifs qu'elle a mobilisé une somme très importante dans ce bien qu'elle ne peut aménager, qu'elle se retrouve avec une partie de sa propriété 'gelée' et il ne lui est pas possible d'aménager le garage en studio pour une location, alors qu'elle se trouve dans une situation financière précaire, d'autant qu'il lui est impossible de renégocier le taux de son prêt immobilier pour bénéficier de la baisse des taux.

La BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES ( BP AURA), venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS, dans ses conclusions du 20 décembre 2017, demande à la cour de:

- réformer la décision de première instance en ce qu'elle a fait droit à la demande d'annulation des prêts et rejeté la demande de la banque au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- prendre acte que la BP AURA forme protestations et réserves sur la demande de résolution de la vente intervenue entre Mme [A] et les époux [K],

- rejeter la demande d'annulation des actes de prêt,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'un remboursement anticipé,

- condamner Mme [A] ou toute partie succombante à rembourser le capital restant dû, les intérêts et cotisations d'assurance correspondant aux échéances impayées et l'indemnité de remboursement anticipé, soit une somme totale de 89.068,38 € arrêtée au 26 septembre 2017, somme à parfaire au jour de la décision,

A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse d'une annulation des prêts,

- dire et juger que toutes les sommes déjà perçues par la BP AURA au titre du capital amorti, des intérêts, de l'assurance, des frais de dossier et de garantie lui resteront acquises,

- condamner Mme [A] et tout succombant à rembourser à la BP AURA le capital restant dû, les intérêts et cotisations d'assurance correspondant aux échéances impayées, soit une somme totale de 89.068,38 € arrêtée au 26 septembre 2017, sommes qui devront être actualisées au jour de la décision à intervenir selon tableau d'amortissement, ainsi que des dommages et intérêts équivalent au montant de l'indemnité de remboursement anticipé,

En tout état de cause,

- condamner tout succombant à payer à la BP AURA la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sollicite la réformation du jugement déféré en ce qu'il a considéré que l'annulation du contrat de vente entraînait l'annulation des prêts contractés, et indique que Mme [A] se fondant sur les dispositions de l'article L 312-16 du code de la consommation lesquelles prévoient que la nullité du contrat de vente emporte annulation du prêt, sa demande ne peut qu'être rejetée.

Si la cour devait prononcer l'annulation des prêts, elle sollicite l'indemnisation de ses préjudices financiers, les manquements du vendeur et du notaire ne lui étant pas imputables, d'autant que pour sa part, elle a parfaitement respecté ses obligations. Elle précise qu'elle n'a donc pas à supporter les conséquences financières de l'annulation des prêts et qu'elle est fondée à obtenir le paiement de l'indemnité prévue en cas de remboursement anticipé.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 19 février 2019.

MOTIFS

En l'état de la procédure de déclassement initiée auprès de la commune de [Localité 1] et qui est aujourd'hui terminée, la parcelle ne fait plus partie du domaine public communal et Mme [P] [A] ne sollicite plus la résolution de la vente mais uniquement l'indemnisation des différents préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des manquements reprochés tant aux vendeurs qu'au notaire.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a:

- ordonné la résolution de la vente en date du 29 mai 2013, signée entre Mme [P] [A] et M. et Mme [V] [K] portant sur une maison à usage d'habitation avec jardin et piscine sis sur la commune de [Localité 1], les jardins du Nord, formant le lot 319 du lotissement dénommé [Adresse 2] et figurant au cadastre sous les références section BR n°[Cadastre 1] lieudit [Adresse 5], pour une contenance de 04a 01ca formant le lot 319, enregistré et publié le 31 mai 2013 au service de la publicité foncière d'[Localité 2] 1er Bureau, Volume 2013 P, n°4893,

- condamné M. et Mme [K] à restituer le prix de vente, soit la somme de 283.000 € à Mme [A],

- dit que Mme [A] restituera le bien immobilier dès lors que le prix de vente lui sera restitué,

- annulé les deux prêts contractés par Mme [A] auprès de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS pour l'achat du bien immobilier, à savoir le prêt n° 08635260 d'un montant initial de 45.113 € et le prêt n° 08635261 de 60.287 €,

- dit que le décompte des engagements de Mme [A] s'établit au 23 juin 2015 comme suit:

* prêt n° 08635260 : 37.606,84 €,

* prêt n° 08635261 : 61.630,99 €,

soit un total de 99.237,83 €,

- dit que Mme [A] devra rembourser à la BPLL la somme de 99.237,83 € à parfaire au jour du jugement.

Mme [A] réclame désormais la condamnation in solidum des époux [K] et Me [R] à lui payer:

- la somme de 10.000 € en remboursement des frais pour qu'elle puisse procéder au ' rachat de sa propriété' auprès de la commune de Salon-de-Provence,

- la somme de 40.000 € pour l'ensemble des préjudices soufferts.

Elle reproche aux vendeurs des manoeuvres dolosives et un manquement à l'obligation de délivrance ou à titre subsidiaire, que soit retenue leur responsabilité au titre de la garantie des vices cachés.

Elle impute au notaire une absence de vérification et la non communication à l'acquéreur de renseignements indispensables.

Sur les manquements reprochés aux vendeurs

Les parties sont en l'état d'un acte notarié reçu par devant Me [E] [R] aux termes duquel Mme [A] a acquis de M. et Mme [K] sur la commune de [Localité 1], le lot n° 319 du lotissement Les Jardins du Bonheur consistant en une maison à usage d'habitation comprenant un salon/séjour, une cuisine, trois chambres, une salle-de-bains, un water-closet, une véranda et un garage attenant et une piscine, figurant au cadastre section BR n°[Cadastre 1] pour une contenance de 4a 1ca et moyennant un prix de vente de 283.000 €.

Il est constant que le vendeur est tenu à une obligation de délivrance conforme et doit à ce titre livrer à l'acquéreur la chose vendue, en lui permettant de prendre possession des lieux dès la livraison, qui s'entend non seulement de l'immeuble lui-même mais aussi de tous ses accessoires, à savoir toutes les choses nécessaires à son utilisation.

Il ressort des pièces produites que la parcelle litigieuse jouxte le domaine public à la jonction de la [Adresse 6], qu'au niveau du rond-point créé à cette jonction, il a été édifié une clôture en arrondi ainsi qu'un abri de jardin et que par ailleurs, la commune a réalisé, elle-même, un trottoir qui longe la propriété acquise par Mme [A], en suivant la courbe du mur de clôture.

Il résulte cependant du plan de masse de la propriété ainsi que du plan du lot n°319 joint à la constitution du dossier de permis de construire qu'une partie du mur de clôture, de l'espace piscine et des diverses constructions ( abri cuisine d'été, local technique) sont implantés sur le domaine public communal.

La réalité de cette emprise est corroborée:

- par l'état des lieux dressé par M. [Z] [O], géomètre-expert, en application du plan du lot n°319 de 1989 du lotissement [Adresse 2], qui révèle un empiétement de 31 m² sur le domaine public,

- par la procédure de régularisation de cet empiétement initiée par le notaire auprès de la commune de [Localité 1], qui a entraîné l'ouverture d'une enquête publique et qui a reçu un avis favorable de la part de la commune, qui a accepté de procéder au déclassement de la partie du terrain concernée.

Il s'ensuit que M. et Mme [K] ne sont pas fondés à contester l'existence de cet empiétement et qu'en remettant à Mme [A] une propriété en partie édifiée sur le domaine public communal, ils ont manqué à leur obligation de délivrance conforme, leur bonne ou leur mauvaise foi étant indifférente dans l'appréciation de cette obligation.

Mme [A] se retrouve contrainte d'acquérir auprès de la commune de Salon-de- Provence ce qui lui a pourtant été vendu par les consorts [K]. Elle est donc fondée à solliciter la condamnation des vendeurs à lui régler le coût du rachat de cette emprise, incluant les frais qui en découlent inéluctablement et qui correspond à ce qui ne lui pas été livré.

Elle réclame une somme de 10.000 € à ce titre.

Il ressort des pièces produites que le coût d'acquisition de la parcelle a été évalué par le service des domaines à la somme de 5.800 € à laquelle s'ajoutent 660 € au titre des frais du géomètre, M. [O], pour procéder à la division parcellaire selon facture du 21 janvier 2019 et les frais de notaire évalués à 1.300 € , soit un total de 7.760 €, Mme [A] ne justifiant d'aucune autre dépense à engager.

La mauvaise foi des époux [K] n'est pas démontrée en l'état d'une situation ayant perduré pendant plus de 20 ans sans que la commune de Salon-de-Provence n'émette la moindre contestation. Les photographies qui sont produites établissent que l'aménagement du trottoir et des voies de circulation a été fait en suivant la courbe du mur de clôture de la propriété litigieuse, peu importe que celle-ci soit la seule à former un angle arrondi au niveau de la voirie publique, puisque tous les ouvrages publics ont été édifiés en longeant très exactement la courbe du mur de clôture d'enceinte de la maison édifié depuis l'origine. Il en résulte que les vendeurs ont légitimement pu croire que les limites de leur propriété correspondaient à la réalité de la clôture.

Quant à la piscine qualifiée de ' construction sauvage', Mme [A] a indiqué dans l'acte en avoir parfaitement connaissance mais en faire son affaire personnelle, décidant de réitérer son consentement à la vente en dépit de l'absence de déclaration de cet ouvrage auprès de la mairie.

Dans ces conditions, en l'absence de mauvaise foi des vendeurs et de manoeuvres dolosives de leur part, Mme [A] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts complémentaires présentée à l'encontre des vendeurs.

Sur la faute du notaire

Le notaire, professionnel du droit et officier ministériel, est tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il instrumente.

Il doit donc, au préalable, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires afin de conférer une sécurité juridique complète aux actes qu'il reçoit.

Il n'est pas contesté que n'ayant pas à se déplacer sur les lieux, le notaire ne connaît pas et n'a pas à connaître leur configuration réelle.

Il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce, Me [R] avait à sa disposition l'extrait du plan cadastral qui met en évidence la présence d'un élément de bâti qui est situé sur la ligne divisoire séparant la parcelle cadastrée n°[Cadastre 1] de la voie publique.

L'existence de cette construction qui, au regard du plan, est implantée à la fois sur la propriété objet de la vente, tout en se trouvant, pour une grande partie, sur le domaine public, ne pouvait pas échapper au notaire, qui se devait en conséquence d'interroger et à tout le moins d'alerter les parties sur cette anomalie.

Me [R] a donc manqué de prudence avec pour conséquence qu'il a reçu un acte dépourvu de sécurité juridique complète et a commis une faute engageant sa responsabilité envers Mme [A].

Les frais d'acquisition du terrain, conséquence de la procédure de déclassement, ne peuvent être mis à la charge du notaire, le paiement du prix étant la contrepartie de la valeur du bien immobilier, de sorte que seuls les vendeurs peuvent être tenus au paiement de telles sommes et non Me [R] qui n'a pas perçu le prix de vente et n'est pas davantage propriétaire du bien.

En revanche, par la faute du notaire, Mme [A] s'est retrouvée dans une situation d'insécurité juridique découlant de l'incertitude des limites de sa propriété dans l'attente de la décision de la commune de [Localité 1] autorisant le déclassement du terrain. Elle a donc subi un préjudice justifiant qu'il lui soit alloué une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts.

Au regard des développements qui précèdent, les époux [K] n'étant condamnés qu'au paiement des frais lés à l'acquisition du terrain déclassé, leur appel en garantie formé à l'encontre de Me [R] ne peut qu'entrer en voie de rejet.

En l'absence d'annulation des prêts consentis par la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES, la cour n'examinera pas les prétentions formulées à ce propos en cause d'appel.

La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par les époux [K] à l'encontre de Mme [A] ne sera pas davantage accueillie.

En définitive le jugement entrepris sera infirmé, sauf en ce qu'il a:

- dit que Me [E] [R] a engagé sa responsabilité à l'égard de Mme [P] [A] sauf pour la cour à préciser qu'il s'agit d'une responsabilité délictuelle et non contractuelle,

- débouté M. et Mme [V] [K] de leur appel en garantie à l'encontre de Me [E] [R],

- débouté la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS de sa demande tendant à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Me [R] à payer à Mme [A] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné M. et Mme [K] et Me [R] aux dépens.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence déféré sauf en ce qu'il a:

- dit que Me [E] [R] a engagé sa responsabilité à l'égard de Mme [P] [A] sauf à préciser qu'il s'agit d'une responsabilité délictuelle et non contractuelle,

- débouté M. et Mme [V] [K] de leur appel en garantie à l'encontre de Me [E] [R],

- débouté la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS de sa demande tendant à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Me [R] à payer à Mme [A] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné M. et Mme [K] et Me [R] aux dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Constate, qu'en cause d'appel, Mme [P] [A] ne sollicite plus la nullité ou la résolution de la vente en date du 29 mai 2013,

Constate, en conséquence, que les deux prêts souscrits par Mme [P] [A] auprès de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS n'ont pas à être annulés,

Condamne in solidum M. et Mme [V] [K] à payer à Mme [P] [A] la somme de 7.760 € en remboursement des frais d'acquisition, de géomètre et de notaire pour la partie de terrain, objet du déclassement communal,

Condamne Me [E] [R] à payer à Mme [P] [A] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

Déboute Mme [P] [A] du surplus de ses demandes indemnitaires,

Déboute M. et Mme [V] [K] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne in solidum Me [E] [R] et M. et Mme [V] [K] à payer à Mme [P] [A] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES, venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Me [E] [R] et M. et Mme [V] [K] aux dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 17/10734
Date de la décision : 30/04/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°17/10734 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-30;17.10734 ?
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