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26/04/2019 | FRANCE | N°17/02575

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 26 avril 2019, 17/02575


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND



DU 26 AVRIL 2019



N°2019/ 140



RG 17/02575

N° Portalis DBVB-V-B7B-BAAEO







[Z] [C]





C/



GIE TRANSGOURMET MANAGEMENT





































Copie exécutoire délivrée

le :



à :



- Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON
r>

- Me Romain CHERFILS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES en date du 23 Janvier 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F 15/00390.





APPELANT



Monsieur [Z] [C], né le [Date naissance 1] 1976 à [Loc...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 26 AVRIL 2019

N°2019/ 140

RG 17/02575

N° Portalis DBVB-V-B7B-BAAEO

[Z] [C]

C/

GIE TRANSGOURMET MANAGEMENT

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

- Me Romain CHERFILS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARLES en date du 23 Janvier 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F 15/00390.

APPELANT

Monsieur [Z] [C], né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 1] (13200), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

INTIMEE

GIE TRANSGOURMET MANAGEMENT, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et Me Charlotte ILTIS, avocat au barreau de LYON (plaidant)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Corinne HERMEREL, Président, et Madame Hélène FILLIOL, Conseiller, chargées du rapport.

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Corinne HERMEREL, Président

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Avril 2019.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Avril 2019.

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur [Z] [C] est régulièrement appelant d'un jugement rendu le 23 janvier 2017 par le conseil de prud'hommes de Marseille qui :

- a dit que la résiliation judiciaire est sans objet,

- a considéré que la prise d'acte de rupture s'analyse en une démission,

- l'a condamné à payer à le GIE TRANSGOURMET MANAGEMENT les sommes de 30.900€ pour non respect du préavis suite à la démission et de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

- a débouté les parties du surplus de leurs demandes principales ou reconventionnelles.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 novembre 2018.

A l'audience collégiale du 5 mars 2019, à laquelle l'affaire a été appelée, Monsieur [Z] [C] demande à la cour le bénéfice de ses conclusions du 28 février 2017 :

'- Recevoir l'appel du concluant comme étant régulier en la forme et juste au fond';

- Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions';

Vu les dispositions de l'article 1134 du Code civil';

- Condamner la SAS TRANSGOURMET MANAGEMENT au paiement de la somme de 32.000 € à titre de solde de prime annuelle 2014, outre incidence congés payés à hauteur de 3.200 €.

- Condamner la SAS TRANSGOURMET MANAGEMENT au paiement de la somme de 40.000 € au titre de la prime variable annuelle 2015, outre la somme de 4.000 € à titre d'incidence congés payés.

- Dire et juger que le concluant a subi un déclassement professionnel et a été évincé de commandes de la direction commerciale nationale.

- Dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Monsieur [C], du 19 novembre 2015, s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

- Condamner la SAS TRANSGOURMET MANAGEMENT au paiement des sommes suivantes':

40.900 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, représentant trois mois de salaire';

4.090 € à titre d'incidence congés payés sur préavis,

7.999 € 80 à titre d'indemnité de licenciement, sauf à parfaire';

160.000 € à titre de dommages intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- Ordonner la remise d'un certificat de travail et d'une attestation POLE EMPLOI conformes aux prescriptions de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard, à compter de sa notification.

- Condamner la SAS TRANSGOURMET MANAGEMENT au paiement de la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC.

- dire et juger que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter la saisine du Conseil de Prud'hommes et seront capitalisés.'

Le GIE TRANSGOURMET MANAGEMENT demande à la cour, aux termes du dispositif de ses conclusions du 21 avril 2017, de :

'- Dire et juger que la demande de résiliation judiciaire formulée par Monsieur [Z] [C] est sans objet.

- Dire et juger que la prise d'acte du contrat de travail aux torts exclusifs de la société TRANSGOURMET MANAGEMENT GIE formulée par Monsieur [Z] [C] est infondée et doit être rejetée.

- Constater qu'il n'existe aucune modification unilatérale des fonctions de Monsieur [Z] [C].

- Constater l'absence de dégradation des conditions de travail de Monsieur [Z] [C].

- Constater qu'aucun reliquat n'est dû à Monsieur [C] au titre des primes annuelles variables de 2014 et 2015.

En conséquence':

- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes d'ARLES du 23 janvier 2017, en toutes ses dispositions,

- Débouter Monsieur [Z] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

- Condamner Monsieur [Z] [C] aux entiers dépens de l'instance.

À titre reconventionnel':

- Condamner Monsieur [C] à verser à la société TRANSGOURMET MANAGEMENT GIE une indemnité pour non-respect du préavis de rupture d'un montant de 30.900 €.

- Condamner Monsieur [Z] [C] à verser la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner Monsieur [Z] [C] aux entiers dépens.'

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats :

- que Monsieur [Z] [C] a été embauché par la société TRANSGOURMET MANAGEMENT GIE à compter du 19 octobre 2012, en qualité de 'Directeur National Ventes et Marketing RHF et BP', statut cadre supérieur, niveau 9 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet ; que le contrat précisait que ses fonctions seraient 'notamment exercées au sein des locaux du site groupe transgourmet' à [Localité 2] et que sa rémunération mensuelle forfaitaire brute était fixée à 10.300 € à laquelle s'ajoutaient une prime annuelle dite 13ème mois et 'une prime variable annuelle brute pouvant atteindre 40.000 € dont les critères d'attribution (objectifs ainsi que les plans d'actions individuels) vous seront notifiés par écrit et payable sur le 1er quadrimestre de l'année A+1 ' ; que le contrat indiquait en outre que le salarié bénéficierait d'un véhicule de fonction, constituant un avantage en nature, assujeti aux cotisations sociales ;

- que les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de gros et de détail à prédominance alimentaire ;

- que dans le cadre de ses fonctions il avait notamment en charge de''développer auprès des différents acteurs externes et collaborateurs de l'enseigne, la politique nationale de TRANSGOURMET en matière de ventes et marketing RHF et BP...'

- que par courrier remis en mains propres du 2 septembre 2014 dont l'objet était 'positionnemment géographique', Monsieur [Z] [C] a informé son employeur de son souhait d'être transféré sur l''entrepôt' TRANSGOURMET MEDITERRANNEE pour des raisons personnelles et familiales en ces termes ':

' Je fais suite à nos échanges sur le sujet et je souhaite par la présente vous confirmer mon besoin de pouvoir être basé sur notre entrepot de transgourmet Méditerrané.

«En effet, pour ma situation familiale et la garde de mes enfants, je dois me localiser en matière de résidence principale près de la résidence de ces derniers.

Dans l'attente d'un retour favorable de votre part, je vous prie d'agréer'» ;

- par courrier en réponse du 18 septembre 2014, la directrice des ressources humaines de le GIE TRANSGOURMET MANAGEMENT a répondu au salarié ce qui suit :

«En premier lieu nous vous rappelons que vous assumez à ce jour, les fonctions de Directeur National des Ventes et Marketing RHF et BP. EN raison de votre mission professionnelle, vous avez des liens fonctionnels incontournables et réguliers avec la Direction Commerciale, Marketing et Communication de l'enseigne Transgourmet, ainsi qu'avec les différents services du siège.

Aussi, après avoir pris en compte et analysé les missions de vos fonctions, il nous apparaît donc difficile à ce que votre poste soit basé sur un établissement autre que le siège Transgourmet, où sont situés les bureaux de la Direction Commerciale.

Toutefois, afin de tenir compte de votre situation personnelle et familiale particulière, il pourrait être envisagé, à titre dérogatoire, que vous réalisiez votre mission professionnelle alternativement sur l'établissement Transgourmet Méditerranée et sur le siège Transgourmet, lequel à partir du mois d'octobre 2014 sera situé à [Localité 3] (94).

La détermination des jours de la semaine travaillés sur Transgourmet Méditerranée et sur le Siège sera définie, par votre hiérarchie, afin d'intégrer au mieux les obligations de votre mission professionnelle. Dans le cadre de cette répartition hebdomadaire, il est entendu dès à présent que cette alternative de lieu d'emploi pourrait être supprimée dès lors qu'il serait constaté que «'cet aménagement organisationnel'» qui vous a été consenti, viendrait à générer des dysfonctionnements, soit dans le cadre des liens fonctionnels réguliers avec les différents services, soit au sein du service dont vous assurez le management.

Pour la bonne règle, nous vous demandons de nous retourner le double de la présente, revêtu de votre signature, précédée de mention manuscrite Lu et Approuvé' ;

- que Monsieur [Z] [C] a signé cette lettre en y apposant la mention «Lu et approuvé, Bon pour accord» suivie de sa signature ;

- qu' à compter du mois d'octobre 2014 Monsieur [C] a réalisé sa mission de directeur national des ventes et marketing RHF et BP, alternativement sur l'établissement TRANSGOURMET MEDITERRANEE et sur le siège TRANSGOURMET ;

- que par courrier du 18 février 2015 ayant pour objet ' votre mission professionnelle temporaire' le GIE TRANSGOURMET MANAGEMENT a informé Monsieur [Z] [C] de ce qui suit : ' ... De par vos fonctions de Directeur National des Ventes et Marketing RHF et BP, vous avez des liens fonctionnels incontournables et réguliers avec la Direction Commerciale, Marketing et Communication de l'enseigne TransGourmet, ainsi qu'avec les différents services du Siège.

Aussi, après avoir pris en compte et analysé les missions de votre fonction, il nous apparaît donc difficile que votre poste de travail soit basé sur un établissement autre que le Siège Transgourmet, où sont situés les bureaux de la Direction Commerciale Nationale.

Toutefois, afin de tenir compte de votre situation personnelle et familiale particulière, il vous a été proposé pour l'année 2015, de réaliser la mission spécifique de Directeur des Ventes de l'établissement TransGourmet Méditerranée, lequel à ce jour est situé à Saint Martin de Crau (13).

Cette mission temporaire est prévue sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 inclus.

Vous trouverez en annexe, la définition de fonction de Directeur de Ventes d'Etablissement TransGourmet.

Dans le cadre de cette mission temporaire de Directeur de Ventes d'Établissement, pour cette même période, vous seriez alors hiérarchiquement rattaché au Directeur de l'établissement TransGourmet Méditerranée.

Nous analyseront conjointement en fin d'année 2015 la pertinence de prolonger ou non cette mission temporaire. Pour la bonne régle nous vous demandons de nous retourner le double de la présente revêtu de votre signature, précédée de la mention ' lu et approuvé bon pour accord ..». ;

- que ce courrier lui a été transmis par son employeur, par courrier électronique du 20 février 2015, accompagné du message suivant : «Comme vous pouvez le lire, durant cette période de détachement fonctionnel, vous demeurez rattaché administrativement à la Direction Commerciale du Siège TransGourmet à [Localité 3], et vos conditions actuelles d'emploi ne sont pas modifiées. Pour la bonne tenue de votre dossier administratif au service RH, vous voudrez bien éditer ce courrier en double exemplaire et retourner à la DRH à [Localité 3] un exemplaire ... sur lequel vous aurez porté votre signature ..» ;

- que par courrier électronique du 15 avril 2015 Monsieur [Z] [C] a interrogé son employeur sur le montant du ' bonus 2014" ;

- que par courrier électronique du 26 août 2015 ayant pour objet ' objectifs individuels 2014" Monsieur [Z] [C] a réitéré ses interrogations en ces termes : ' nous avons eu l'occasion de reparler de vive voix de ce sujet lors de ta venue sur SMC le 2 juillet.

Tu m'as demandé de te renvoyer les éléments concernant mon incompréhesion sur le montant octroyé

Tu trouveras ci-dessous le point que je t'ai envoyé le 15 avril 2015 faisant référence à la grille remplie en PJ le 19 mars 2015;

Pour synthétiser sur les 2 objectifs que tu as validés :

- tu m'as informé par mail le 7 avril de mon bonus avec réussite de 2 critères

- les critères réussis étant:

. Atteindre un taux de masse salariale de 4.2% objectif n°2 de la grille

. Garantir le bon positionnement tarifaire et une marge pilotée :objectif n°4 de la grille

la grille est composée de 5 objectifs chacun pesant pour 20% de l'objectif

tu as donc validé comme réussi l'objectif n°2 et l'objectif n°4 il s'agit donc de 2 critères à 20ù soit un global de 40% J'ai un écart de bonus perçu de 20% sur la première partie puisque je n'ai reçu que 20% au global au lieu des 40% validés.

Sur les autres critères :

comme nous avons eu l'occasion d'échanger sur les réalisations de 2014 je considère avoir réalisé 2 des 3 critères considérés comme non atteints que je me permets d'argumenter ci-dessous et avec les quelques illustrations de réalisation en pièce jointe..';

- qu'il a saisi le 13 octobre 2015, le conseil de prud'hommes d'[Localité 1] d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur ;

Attendu qu'il est également établi que :

- que par courrier du 3 novembre 2015 Monsieur [Z] [C] a dénoncé ses conditions de travail rendant 'impossible l'exercice de sa mission au sein de l'entreprise' se plaignant en particulier de son 'niveau d'information très parcellaire' et 'du mode de fonctionnement appliqué' relevant une attitude harcelante de la part du site de Méditerranée ;

- que par courrier du 9 novembre 2015 il a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur en invoquant :

° Une' modification unilatérale des missions confiées et retrait des responsabilités en comparaison au contrat de travail initialement conclu',

° une 'absence de rattachement hiérarchique clair et effectif et disparition des organigrammes de l'entreprise',

° Une'absence de grille d'objectif de rémunération variable sur l'année 2015 en lien avec la mission unilatéralement confiée',

° une 'absence totale d'explications concernant la prime sur objectif de l'année 2014 malgé les multiples relances effectuées et de par l'absence d'entretien individuel, alors que des explications auraient pu être données lors de l'audience de conciliation du 16/11/2015",

° La 'privation de la possibilité de bénéficier de la prime sur objectif 2015 du fait de la modification de mes fonctions',

° L''absence de réponse à mon courrier du 4/11/2015 concernant mes conditions de travail',

° La 'parution d'une annonce de recrutement le 13/11/2015 sur la mission actuellement opérée sans information préalable quand au devenir sur ma contituation dans l'entreprise..

De par ces faits une privation des prérogatives d'organisation et d'action me permettant de pouvoir opérer librement dans un objectif de résultat ma fonction en tant que cadre dirigeant ' ;

- par courrier circonstancié en réponse en date du 24 novembre 2015, le GIE TRANSGOURMET MANAGEMENT a contesté chaque grief précité ;

- que c'est dans ces circonstances qu'a été rendu le jugement du 23 janvier 2017 ;

Sur le solde de la prime variable 2014 et le paiement de la prime variable 2015

Attendu que le salarié réclame les sommes de 32.000€ au titre du solde de la prime variable 2014 en invoquant l'absence de fixation par l'employeur d'objectifs individuels 2014 et de 40.000€ au titre de la prime variable 2015 en faisant valoir que la grille d'objectifs qui lui a été notifiée en janvier 2015 était rattachée à sa fonction initiale de directeur des ventes nationale qu'il n'occupait plus depuis février 2015;

Attendu que si le contrat de travail prévoit une rémunération variable dépendant d'objectifs fixés annuellement par l'employeur, comme c'est le cas en l'espèce, ce dernier ne peut pas invoquer sa propre carence pour s'opposer au paiement ;

Attendu que l'employeur est en outre tenu à une obligation de transparence concernant les paramètres de la détermination de la rémunération variable, qui le contraint à communiquer au salarié les éléments servant de base de calcul à son salaire et en particulier les éléments sur lesquels il se fonde pour déterminer le niveau d'atteinte des objectifs ;

Qu'en cas de litige sur le montant de la partie variable de la rémunération lorsque son calcul dépend d'élément détenu par l'employeur, c'est à ce dernier, comme le relève justement le salarié, de justifier des éléments permettant de déterminer si les objectifs fixés ont ou non été atteints ;

*

Attendu qu'aux termes du contrat de travail rappelés ci-dessus, le montant de la prime variable annuelle brute, qui pouvait atteindre 40.000 €, dépendait de critères d'attribution (objectifs ainsi que les plans d'actions individuels) qui devaient être notifiés au salarié ' par écrit et payable sur le 1er quadrimestre de l'année A+1 ' ;

Attendu sur le solde de la prime 2014 que l'employeur ne produit aucun élément justifiant de la notification par écrit au salarié de ses objectifs 2014, ni du contenu de l'entretien annuel individuel d'évaluation 2014 dont il se prévaut, au cours duquel aurait été discutée la grille de réalisation des objectifs de l'année 2014, laquelle dument remplie, n'est pas produite aux débats ;

Attendu dans ces circonstances, au regard des principes précités, que c'est à bon droit que le salarié réclame le paiement du solde restant du, soit la somme de 32.000€, l'employeur ne pouvant s'opposer au paiement de celle-ci ;

Attendu sur la prime annuelle 2015, que c'est à bon droit que le salarié relève que la grille d'objectifs qui lui a été notifiée le 15 janvier 2015 était rattachée à la fonction de directeur national vente et marketing, poste qu'il n'a plus occupé à compter de janvier 2015 de sorte que cette grille d'objectifs ne lui est pas opposable, peu importe qu'il y ait apposé sa signature ; que l'argument soulevé par l'employeur tiré de ce que la totalité des objectifs pouvait 's'appliquer au seul périmètre de l'établissement' est inopérant;

Attendu qu'il s'ensuit que le salarié est bien fondé à réclamer le montant intégral de la prime variable annuelle 2015 ; que l'employeur doit être condamné à lui payer ladite somme en deniers ou quittances, ce dernier soutenant qu'il lui a déjà réglé la somme de 4000€ ;

Sur le déclassement professionnel et l'éviction des commandes de la direction commerciale nationale

Attendu comme le rélève justement l'appelant, que toute modification unilatérale du contrat, même temporaire, requiert l'accord exprès du salarié qui ne peut se déduire de la seule poursuite de son contrat de travail sans protestation, ni réserve ;

Attendu que le déclassement professionnel consiste notamment à placer un salarié dans une position inférieure à celle qu'il occupait ;

*

Attendu que tel apparaît avoir été le cas en l'espèce ; qu'en effet, il ressort des éléments de la cause que la modification du contrat de travail, qui lui a été notifiée par lettre du 18 février 2015 précitée, le plaçait dans une position inférieure à celle de directeur des ventes qu'il occupait au niveau national, ayant été affecté temporairement du 1er décembre au 31 janvier 2015 sur le même poste de directeur des ventes au niveau de l'établissement de SAINT MARTIN DE CRAU (13) ; qu'il a ainsi notamment disparu de l'organigramme national et n'a plus été destinataire des informations intéressant ses fonctions initiales, l'employeur ne produisant aucune pièce démontrant le contraire ; que cette lettre n'a pas été retournée par le salarié avec sa signature et la mention 'lu et approuvé' de sorte qu'il ne peut être valablement soutenu par l'employeur, en application des principes précités, que le salarié avait accepté cette modification temporaire de son contrat de travail, l'attestation de Monsieur [F] ou la 'présentation de son service du 12 mars 2015" n'ayant aucun valeur probante sur ce point;

Attendu qu'il importe donc peu que cette mission lui ait été proposée en raison de son souhait de rester dans le sud pour des raisons familiales et qu'il n''ait émis aucune réserve quant à l'exécution de celle-ci qu'il était libre de refuser' ou encore que cette mission ait été temporaire puisque la fin de celle-ci était fixée à la date du 31 décembre 2015 ;

Attendu qu'il importe également peu qu'il ait attendu 8 mois pour saisir le conseil de prud'hommes, son inaction durant cette période ne le privant pas de la possibilité de saisir ka juridiction prud'homale ;

Attendu que c'est encore vainement que l'employeur invoque le fait qu'il a fait partie durant cette période du comité de direction de l'Etablissement de SAINT MARTIN DE CRAU comme en attestent les convocations qui lui ont été envoyées le 5 mai et le 29 octobre 2015, le déclassement professionnel temporaire de ce dernier sans son accord étant établi par les éléments précités ;

Sur la rupture

Attendu que dans le cas d'une prise d'acte de la rupture en cours d'instance, pour les mêmes faits ou d'autres faits, postérieure à une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, comme c'est le cas en l'espèce, la prise d'acte de la rupture entraînant la cessation immédiate du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire devient comme le relève justement l'employeur, sans objet, le juge devant examiner l'ensemble des griefs invoqués par le salarié ;

Attendu que Monsieur [Z] [C] reproche à son employeur, reprenant pour partie les termes de son courrier du 19 novembre 2015 :

- une modification de ses fonctions consistant en une rétrogradation ayant été chargé d'exercer les fonctions de directeur commercial d'établissement alors qu'il avait en charge cette fonction sur le plan national, ayant disparu des organigrammes de l'entreprise et tenu à l'écart des informations intéressant son lieu d'affectation ;

- l'absence de notification de ses objectifs individuels 2014 et de justification au refus du paiement de l'intégralité de la prime due ;

- l'absence de grille d'objectifs de rémunération variable sur l'année 2015 en lien avec la mission unilatéralement confiée et la privation de la possibilité d'en bénéficier du fait de la modification de ses fonctions ;

Attendu qu'il résulte des développements qui précèdent que les manquements susvisés de l'employeur sont établis et sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ;

Qu'il s'ensuit que la prise d'acte de la rupture à l'initiative de ce dernier le 19 novembre 2015 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur les conséquences de la rupture

Attendu que la moyenne des trois derniers mois de salaire complets, précédant la rupture, était de 13.633€, prime variable incluse et non comme le soutient l'employeur de 12.024€;

Attendu sur la demande d'indemnité de préavis et congés payés y afférant que l'indemnité compensatrice de préavis est égale au montant du salaire brut assujetti au paiement par l'employeur des cotisations sociales que le salarié aurait perçu s'il avait travaillé pendant la durée du délai congé, incluant les primes et indemnités dues ou versées au salarié durant cette période ;

Attendu qu'au regard de ce principe que l'employeur ne peut valablement affirmer que le salarié percevait au dernier état de la relation contractuelle une rémunération mensuelle brute de 10.300€, sans y inclure les autres éléments du salaire et en particulier la prime variable à laquelle il avait droit ;

Qu'en tenant compte d'une rémunération mensuelle brute de de 13.633€ que c'est à bon droit que le salarié réclame la somme de 40.900€ correspondant à 3 mois de salaire (article 7 de l'annexe III 'cadres' de la convention collective) outre les congés payés y afférents ;

Attendu sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que le salarié ne produit aucun élément permettant à la cour d'apprécier les conséquences financières de la rupture à son égard ;

Attendu que l'employeur justifie que depuis le 9 juin 2016 Monsieur [Z] [C] est président, administrateur, directeur général de la SA BERARD DISTRIBUTION ;

Qu'en considération des éléments de la cause, de son salaire mensuel brut lors de son licenciement de 13.633€, de son âge (il est né en 1976) il y a lieu en application de l'article L.1235-3 du code du travail et compte tenu du préjudice subi, de lui allouer la somme de 81.800€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu sur l'indemnité de licenciement, que le décompte produit par l'employeur ne peut être retenu, celui-ci se basant pour la fixer à la somme de 7430.83€ sur une rémunération mensuelle brute de 12.024€ ; que sur le fondement de l'article 8.1.1 de la convention collective ('.. cadre ayant de 1 à 5 ans de présence ininterrompue dans l'entreprise au moment du licenciement : 1/5ème de mois par année de présence') il y a lieu d'accueillir la demande à hauteur du montant réclamé de 7999.80€ ;

Attendu compte-tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise de documents de rupture conformes est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte ;

Sur le 'non respect du préavis suite à la démission'

Attendu au regard des développements qui précèdent que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné le salarié à payer à l'employeur la somme de 30.900€ pour non respect du préavis suite à la démission ;

Sur les intérêts et leur capitalisation

Attendu que les intérêts des créances de nature salariale courent à compter de la réception par l'employeur de la convocation initiale, soit en l'espèce à partir du 23 octobre 2015 ;

Que les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire; qu'en l'espèce, il ne convient pas de faire remonter, à titre de complément d'indemnisation, le point de départ du cours des intérêts au jour de la demande en justice ;

Attendu que les intérêts sur les sommes allouées seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, étant précisé que cette capitalisation est réservée pour les intérêts dus au moins pour une année entière.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Attendu que le jugement doit être infirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Attendu qu'aucune considération d'équité ou d'ordre économique ne justifie en l'espèce application de l'article 700 du code de procédure civile;

Attendu que les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de l'employeur qui succombe ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que la demande de résiliation judiciaire était devenue sans objet.

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau ;

Condamne le GIE TRANSGOURMET MANAGEMENT à payer à Monsieur [Z] [C] les sommes de :

- 32.000€ au titre de la prime annuelle variable 2014,

- 3200€ au titre des congés payés y afférents,

- 40.000€ en deniers ou quittances au titre de la prime annuelle variable 2015,

- 4000€ au titre des congés payés y afférents,

Constate le déclassement professionnel temporaire de Monsieur [Z] [C], sans son accord sur la période du 1er décembre au 31 janvier 2015.

Dit que la prise d'acte du 19 novembre 2015 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne en conséquence le GIE TRANSGOURMET MANAGEMENT à payer à Monsieur [Z] [C] les sommes de :

- 81.800€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 40.900€ à titre d'indemnités compensatrice de préavis,

- 4090€ à titre d'incidences congés payés,

- 7999.80€ à titre d'indemnité de licenciement.

Dit que les sommes de nature salariale produiront intérêts au taux légal à partir du 22 octobre 2015 et les sommes de nature indemnitaire à compter du présent arrêt.

Dit que ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, étant précisé que cette capitalisation est réservée pour les intérêts dus au moins pour une année entière.

Condamne le GIE TRANSGOURMET MANAGEMENT à remettre à Monsieur [Z] [C] un certificat de travail et une attestation pôle emploi conformes ;

Rejette la demande d'astreinte.

Déboute le GIE TRANSGOURMET MANAGEMENT de sa demande au titre du 'non respect du préavis suite à la démission'.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne le GIE TRANSGOURMET MANAGEMENT aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 17/02575
Date de la décision : 26/04/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°17/02575 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-26;17.02575 ?
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