La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2019 | FRANCE | N°18/06293

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-7, 25 avril 2019, 18/06293


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

(anciennement dénommée 11ème chambre A)





ARRÊT AU FOND

DU 25 AVRIL 2019



N° 2019/ 183













Rôle N° RG 18/06293 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCIL3







[G] [M] divorcée [R]





C/



[L] [W] ÉPOUSE [B] épouse [B]

[Y] [B]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



<

br>


l'ASSOCIATION COUTELIER





Me Danielle DEOUS





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 01 Mars 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00265.





APPELANTE



Madame [G] [M] divorcée [R]

née le [Date naissance 1] 1952 à [Local...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-7

(anciennement dénommée 11ème chambre A)

ARRÊT AU FOND

DU 25 AVRIL 2019

N° 2019/ 183

Rôle N° RG 18/06293 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCIL3

[G] [M] divorcée [R]

C/

[L] [W] ÉPOUSE [B] épouse [B]

[Y] [B]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

l'ASSOCIATION COUTELIER

Me Danielle DEOUS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 01 Mars 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00265.

APPELANTE

Madame [G] [M] divorcée [R]

née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me François COUTELIER de l'ASSOCIATION COUTELIER, avocat au barreau de TOULON substituée par Me Laurent COUTELIER de l'ASSOCIATION COUTELIER, avocat au barreau de TOULON, plaidant

INTIMES

Madame [L] [W] épouse [B]

née le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 2], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Danielle DEOUS, avocat au barreau de TOULON, plaidant

Monsieur [Y] [B]

né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 3], demeurant Chez M [T] [Adresse 3]

représenté par Me Danielle DEOUS, avocat au barreau de TOULON, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Février 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Carole MENDOZA, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre

Madame Frédérique BRUEL, Conseillère

Madame Carole MENDOZA, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Avril 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Avril 2019,

Signé par Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 26 janvier 2012, Madame [G] [M] a donné à bail à Madame [L] [W] épouse [B] un local commercial situé à [Localité 4], à destination de bar, glacier, snack et crêperie.

Ce bail était mentionné bail saisonnier, par dérogation expresse aux statut des baux commerciaux, en application de l'article L 145-5 du code du commerce.

La durée du bail était fixée à un an, courant à compter du 26 janvier 2012 pour se terminer le 25 janvier 2013.

Le 28 janvier 2013, un nouveau bail intitulé 'saisonnier' a été conclu entre les mêmes parties, pour une durée de onze mois à effet rétroactif au 26 janvier 2013, pour se terminer le 25 décembre 2013.

Le 20 décembre 2013, les parties ont signé un troisième bail dit 'précaire' pour une durée de 23 mois commençant à courir le 27 décembre 2013 pour se terminer le 26 novembre 2015, avec dérogation expresse aux statuts des baux commerciaux.

Madame [W] épouse [B] a fait assigner Madame [M] devant le tribunal de grande instance par acte du 16 décembre 2015.

Par jugement contradictoire du premier mars 2018, le tribunal de grande instance de Toulon a:

- reçu Monsieur [Y] [B] en son action volontaire,

- dit que les époux [B] sont titulaires d'un nouveau bail de neuf ans à compter du 27 novembre 2015 soumis au statut des baux commerciaux,

- dit n'y avoir lieu à astreinte à l'encontre du bailleur pour la rédaction d'un nouveau bail,

- débouté Madame [M] de ses demandes ainsi que de sa demande d'expertise relative au pas de porte

- ordonné l'exécution provisoire,

* Avant dire-droit :

- ordonné une expertise et commis pour y procéder Madame [Y],

- donné sa mission à l'expert et développé cette dernière afin notamment de dire s'il y a eu une modification notable des éléments prévus à l'article L 145-33 du code du commerce de nature à écarter l'application du coefficient prévu à l'article L 145-34 du même code et de fournir tous les éléments d'appréciation sur la valeur locative des lieux loués,

- statué sur la consignation mise à la charge de Madame [M],

- fixé le loyer provisionnel dû pendant la procédure au montant du dernier terme,

- renvoyé l'affaire à l'audience du juge des loyers commerciaux du 18 octobre 2018,

- réservé les demandes relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le premier juge, disant faire application des dispositions de l'article L 145-5 alinéa 2 du code du commerce, a estimé que le preneur pouvait bénéficier des dispositions du statut des baux commerciaux, puisqu'il apparaissait que la durée des baux successifs dépassait trois ans. Il a précisé que les baux ne pouvaient être considérés comme des locations saisonnières en raison de leur continuité dans le temps et de l'occupation continue de la locataire qui avait payé sans interruption les abonnements d'eau et d'électricité. Il a écarté l'argument selon lequel le preneur aurait renoncé à l'application du statut des baux commerciaux.

Il a également jugé que les éléments pouvant caractériser une location-gérance n'étaient pas rapportés.

Il a indiqué que le bailleur ne démontrait pas les fautes qu'auraient commises le preneur relatives au changement de destination des lieux loués, à la modification des lieux et à l'absence d'exploitation personnelle du fonds.

Il a estimé qu'il n'entrait pas dans la compétence de la juridiction de statuer sur la demande de restitution de la licence IV sollicitée par le bailleur.

Il a rejeté la demande d'expertise tendant à fixer un pas de porte, précisant qu'elle n'était pas justifiée et que la contrepartie de l'application du statut des baux commerciaux n'étant pas l'allocation automatique d'un pas de porte.

Il a reçu la demande d'expertise aux fins d'estimer la valeur locative.

Le 10 avril 2018, Madame [M] a formé un appel portant sur tous les chefs de cette décision.

Madame [W] épouse [B] et Monsieur [B] ont constitué avocat.

Par conclusions signifiées sur le RPVA le 31 janvier 2019 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé, Madame [M] demande à la cour :

- d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 30 janvier 2019,

- d'accepter les conclusions n° 6 qu'elle a établies,

- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

* statuant à nouveau :

- de rejeter l'intervention volontaire de Monsieur [B],

- de dire et juger que les baux des 26 janvier 2012 et 28 janvier 2013 étaient des baux à caractère saisonnier,

- de dire et juger prescrite l'action en requalification de ces baux, le délai de prescription biennale ayant couru dès leur signature

- de dire et juger que Madame [B] ne justifie pas d'une occupation continue,

- de dire et juger que Madame [B] a expressément renoncé à se prévaloir des dispositions portant sur le statut des baux commerciaux aux termes du bail dérogatoire du 20 décembre 2013 :

* en tout état de cause :

- de dire et juger prescrite l'action en requalification du bail,

- de dire et juger que bail dérogatoire conclu pour 23 mois à compter du 27 décembre 2013 s'est terminé le 26 novembre 2015,

- de dire et juger que Madame [B] ne peut solliciter la titularité d'un bail commercial à compter du 27 novembre 2017 à défaut de justifier d'un quelconque maintien dans les lieux au-delà de la durée du bail du 20 décembre 2013,

- de dire et juger que Madame [B] est sans droit ni titre depuis le 27 novembre 2015,

- d'ordonner l'expulsion de Madame [B] et de tout occupant de son chef avec, au besoin, le concours de la force publique, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- d'ordonner la remise en état des lieux,

- de condamner Madame [B] au paiement de la somme de 2478,26 euros par mois à compter du 27 novembre 215, à titre d'indemnité d'occupation,

* à titre subsidiaire :

- de dire et juger que le contrat conclu entre les parties revêt la qualification de contrat de location gérance, Madame [B] s'étant vu mettre à disposition une clientèle, un bail commercial, les éléments corporels permettant l'exploitation du fonds de commerce et une licence IV,

- de dire et juger que ce contrat s'est terminé le 26 novembre 2015,

- de dire et juger que Madame [B] est sans droit ni titre depuis cette date,

- de dire et juger que Madame [B] ne remplit pas les conditions du droit au renouvellement,

- d'ordonner l'expulsion de Madame [B] et de tout occupant de son chef avec, au besoin, le concours de la force publique, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- d'ordonner la remise en état des lieux,

- de condamner Madame [B] au paiement de la somme de 2478,26 euros par mois à compter du 27 novembre 2015, à titre d'indemnité d'occupation.

* à titre infiniment subsidiaire :

- de dire et juger que le bail commercial court à compter du 20 décembre 2013,

- de dire et juger que Madame [B] n'a pas respecté les obligations contractuelles du bail relatives à la destination des lieux loués,

- de dire et juger que Madame [B] ne justifie d'aucune attestation d'assurance pour la période comprise entre le premier janvier et le 26 janvier 2017 et la période comprise entre le premier janvier et le 1 septembre 2018,

- de dire et juger que Madame [B] n'exploite plus directement l'activité dans le local loué,

- de dire et juger l'acquisition de la clause résolutoire et subsidiairement, de prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de Madame [B],

- d'ordonner l'expulsion de Madame [B] et de tout occupant de son chef avec, au besoin, le concours de la force publique, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- d'ordonner la remise en état des lieux,

* encore plus subsidiairement :

- de désigner un expert judiciaire avec mission de donner son avis sur la valeur locative du bien loué 'décapitalisation et réintégration des droits d'entrée' ainsi que sur le prix de la location d'une licence IV,

- de dire et juger que les frais d'expertise seront mis à la charge de Madame [B],

* en toute hypothèse :

- de condamner Madame [B] à lui restituer sa licence IV,

- de condamner Madame [B] à lui verser la somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Madame [B] aux entiers dépens.

A titre liminaire, elle souligne que Monsieur [B] ne dispose d'aucune qualité à agir, en dépit de son statut de conjoint collaborateur et de son contrat de mariage. Elle estime que ce dernier ne peut être considéré comme co-titulaire du bail.

Sur le fond, elle relève que les parties contractantes ont manifesté de façon claire et non équivoque leur intention de déroger aux statuts des baux commerciaux.

Soulignant que deux baux saisonniers ont été conclus, elle en déduit que Madame [B] ne peut se prévaloir qu'une quelconque propriété commerciale à l'issue du bail du 20 janvier 2013. Elle affirme le caractère saisonnier des locations, qui ne peut plus être discuté du fait de la prescription biennale.

Elle conteste toute occupation continue des lieux, relevant que le deuxième bail a pris fin le 25 décembre 2013 et que le troisième bail a débuté le 27 décembre 2013.

Elle soutient que Madame [B] a, dans chacun des baux, expressément renoncé au bénéfice du statut des baux commerciaux.

Elle explique n'avoir pas voulu laisser dans les lieux Madame [B] puisqu'elle lui a adressé deux courriers, les 27 et 30 octobre 2015, aux termes desquels elle lui demandait de libérer les locaux pour le 26 novembre 2015. Elle s'oppose à l'application de l'article L 145-5 du code du commerce. Elle ajoute qu'aucune requalification de bail ne peut intervenir à compter du 27 novembre 2015.

Elle indique que la demande de requalification du bail du 20 décembre 2013 formée par Madame [B] est prescrite.

A titre subsidiaire, elle demande la requalification des baux en contrat de location gérance.

Encore plus subsiiairement, elle demande l'acquisition de la clause résolutoire et, subsidiairement, la résiliation judiciair du bail. Encore plus subsidiairement, elle sollicite une expertise.

Elle demande enfin la restitution de sa licence IV.

Par conclusions signifiées sur le RPVA le 12 février 2019 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé, Monsieur et Madame [B] demandent à la cour :

- de rejeter la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 30 janvier 2019,

- d'écarter les conclusions et pièces déposées après la clôture du 30 janvier 2019,

* à titre subsidiaire :

- de dire et juger que la demande de résiliation formulée sur le défaut d'assurance est infondée,

- de dire et juger qu'en l'absence de commandement délivré par la bailleresse sollicitant la production par le locataire de attestations d'assurances et visant la clause résolutoire à ce titre, sa demande de résiliation du bail est injustifiée,

- en toute hypothèse, de constater que le fonds a bien été assuré depuis l'entrée dans les lieux jusqu'à ce jour,

* A titre principal :

- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

* ainsi :

- de donner acte à Monsieur [B] de son intervention volontaire,

- de dire et juger que le statut des baux commerciaux est applicable aux contrats de bail conclus entre Madame [B] et Madame [M] depuis le 26 janvier 2012,

- de dire et juger que Madame [W] épouse [B] et Monsieur [B], son époux commun en biens, sont titulaires d'un bail de neuf ans qui a commencé à courir le 27 novembre 2015 pour se terminer le 26 novembre 2024,

- de dire et juger que le loyer s'établit à la somme de 1652,017 euros,

- d'enjoindre Madame [M] à régulariser un nouveau bail aux mêmes conditions que le précédent et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir,

- de dire et juger que les commandements délivrés par Madame [M] sont nuls et de nul effet, faute d'établir une quelconque infraction au bail,

- de constater que Madame [B] est assurée,

* en conséquence :

- de débouter Madame [M] de ses demandes,

** à titre subsidiaire :

- de dire et juger que le statut des baux commerciaux est applicable aux contrats de bail conclus entre Madame [B] et Madame [M] depuis le 26 janvier 2012,

- de dire et juger que Madame [W] épouse [B] est titulaire d'un nouveau bail de neuf ans qui a commencé à courir le 27 novembre 2015 pour se terminer le 26 novembre 2024 ou subsidiairement, du 27 novembre 2013 au 26 novembre 2022,

- de dire et juger que le loyer d'établit à la somme de 1652,017 euros,

- d'enjoindre Madame [M] à régulariser un nouveau bail aux mêmes conditions que le précédent et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir,

- de dire et juger que les commandements délivrés par Madame [M] sont nuls et de nul effet, faute d'établir une quelconque infraction au bail,

- de constater que Madame [B] est assurée,

* en conséquence :

- de débouter Madame [R] de ses demandes,

* subsidiairement, si la cour venait à considérer que le locataire a commis des infractions:

- de suspendre les effets de la clause résolutoire,

- d'accorder à Madame [B] un délai pour régulariser les infractions que la cour pourrait relever,

- de dire n'y avoir lieu à expertise,

- de condamner Madame [M] au paiement de la somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Ils indiquent que Monsieur [B], inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité de conjoint collaborateur de son épouse, est bien fondé à intervenir volontairement.

Ils déclarent qu'à la date de sa renonciation au statut des baux commerciaux, Madame [B] ne disposait pas d'un droit acquis à ce statut, si bien que cette renonciation ne peut être prise en compte.

Ils contestent tout caractère saisonnier aux deux premiers baux conclus avec Madame [M] divorcée [R]. Ils soulignent que leur action n'est pas prescrite.

Ils s'opposent à toute requalification en location-gérance.

Ils soutiennent n'avoir commis aucune faute dans l'exploitation du commerce donné à bail.

L'ordonnance de clôture a été prononcée à l'audience du 13 février 2019.

MOTIVATION

Il a été procédé à la révocation de l'ordonnance de clôture et la cour statue sur les dernières conclusions signifiées par l'appelante, sur les dernières pièces qu'elle a communiquée et sur les dernières conclusions et pièces signifiées par Monsieur et Madame [B].

Sur la qualité à agir de Monsieur [B]

Les époux [B] se sont mariés le [Date mariage 1] 2009 sous le régime de la communauté réduite aux acquêts.

Un fonds de commerce est commun aux deux époux à défaut de preuve de l'antériorité de sa création par rapport au mariage.

Dès lors, Monsieur [B], conjoint collaborateur de sa femme régulièrement immatriculée, a qualité à agir et c'est par de motifs pertinents que le premier juge a déclaré recevable son intervention volontaire.

Sur la prescription

En application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue un fin de non-recevoir tout moyen tendant à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, notamment en raison de la prescription.

En vertu de l'article 123 du même code, la fin de non-recevoir peut être proposée en tout état de cause.

Elle peut donc être soulevée la première fois en cause d'appel.

Les modifications apportées à l'article L 145-5 du code du commerce par la loi du 18 juin 2014 sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du premier septembre 2014. Aucun contrat n'a été conclu ou renouvelé entre les parties à compter de cette date. Dès lors, c'est l'ancienne version de l'article L 145-5 qui s'applique.

Dans cette version, l'article L 145-5 du code du commerce, énonce les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre, à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans.

Si, à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.

Il en est de même , à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local.

Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'une location à caractère saisonnier que ''.

L'article L 145-60 du code du commerce dispose que toutes les actions résultant du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.

L'action en requalification d'un contrat en bail commercial se prescrit par deux ans à compter de sa signature.

L'action de Monsieur et Madame [B] en requalification des baux saisonniers en baux commerciaux jouissant du statut est prescrite.

En revanche, l'action tendant tendant à faire constater l'existence d'un bail soumis au statut né de l'article L. 145-5 du code de commerce, n'est pas soumise à la prescription biennale.

Il convient de constater, sans qu'il s'agisse d'une requalification en baux soumis aux statuts, que les deux premiers contrats signés par Madame [B] ne peuvent s'analyser en des baux saisonniers. En effet, leurs durées respectives, le fait que Madame [B] ait conservé la jouissance des lieux durant la période couvrant les deux premiers baux, le fait qu'elle ait réglé sans interruption l'abonnements d'électricité, témoignent qu'ils ne s'agissaient pas de baux saisonniers mais de baux dérogatoires.

En application de l'article L 145- 5 du code du commerce dans sa version applicable, les parties ne pouvaient plus signer un nouveau bail dérogatoire portant sur les mêmes locaux dont le terme se situait au-delà du délai de deux ans à compter du 26 janvier 2012.

Le droit au bénéfice du statut naît à l'expiration du délai de deux ans. Ce n'est qu'à partir de ce moment que le locataire peut exprimer valablement sa renonciation. Toute renonciation antérieure à l'expiration du bail est nulle. Ainsi, lors de la signature du bail dit 'précaire' le 20 décembre 2013, Madame [B], qui ne bénéficiait pas encore du droit au statut, n'était pas en mesure de renoncer à ce droit. La mention selon laquelle 'le présent contrat de bail ne confère aucun droit au bénéfice du statut des baux commerciaux' est nulle.

Dès lors, le bail du 20 décembre 2013 doit être soumis au statut. Les clauses de ce bail, à l'exception de celles contraires aux dispositions d'ordre public du statut, sont maintenues.

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a indiqué que les époux [B] étaient titulaires d'un nouveau bail de neuf ans à compte du 27 novembre 2015 alors que le bail soumis au statut dont ils disposent prend effet au 27 décembre 2013.

Sur la demande formée par Monsieur et Madame [B] tendant à obtenir sous astreinte la rédaction d'un nouveau bail aux conditions de celui signé le 20 décembre 2013, sous astreinte.

S'il convient d'enjoindre à Madame [M] divorcée [R] d'établir un nouveau bail aux mêmes conditions que celui du 20 décembre 2013, il n'est toutefois pas nécessaire de fixer une astreinte. Monsieur et Madame [B] seront déboutés de cette demande.

Sur la location-gérance

Il y a location-gérance et non bail si le contrat transfère la jouissance d'une clientèle. Madame [M] divorcée [R], qui sollicite la requalification des baux en contrat de location-gérance (sans que les époux [B] ne soulèvent à ce sujet une éventuelle prescription), est radiée du registre du commerce depuis le mois de juin 2003 et ne démontre pas avoir transféré sa propre clientèle aux époux [B] lors de la rédaction des baux litigieux. Même si elle justifie avoir multiplié les baux précaires en qualité de bailleur, ilne peut en déduit que les époux [B] n'auraient pas développé leur propre clientèle et auraient en réalité bénéficié d'une location d'un fonds de commerce préexistante (avec sa clientèle, son droit au bail et ses éléments matériels).

Comme l'indique avec pertinence le premier juge, le bailleur ne démontre pas avoir lui-même exploité un fonds puis l'avoir loué à Madame [B], le fonds appartenant bien à cette dernière et à son conjoint. Madame [M] divorcée [R] sera donc déboutée de sa demande tendant à voir dire que le contrat conclu entre les parties revêt la qualification de contrat de location-gérance.

Sur la clause résolutoire

Aux termes du bail du 20 décembre 2013 il est visé une une clause résolutoire du bail : 'à défaut de paiement à son échéance exacte d'un seul terme de loyer ainsi que des frais de commandement et autres frais de poursuites ou encore d'inexécution d'une seule des conditions du présent bail (...).

Sur la demande d'acquisition de la clause résolutoire ou de résiliation judiciaire du bail formée par Madame [M] divorcée [R] pour changement de destination des lieux

Le 24 août 2017, Madame [M] a délivré à Madame [B] un commandement visant la clause résolutoire, au motif que son preneur aurait changé la destination des lieux en exerçant, non une activité de snack, mais une activité de 'grande restauration', puiqu'étaient proposés à la clientèle les plats du jour suivants : 'bavette sauce échalote, légumes et frites maison; moules frites à volonté; paëlla; des viandes et des tartares'.

Les deux constatations d'huissier de justice des 17 et 25 novembre 2017, qui détaillent la carte des mets proposée par le commerce de Monsieur et Madame [B] ne permettent pas de dire que la destination du bail commercial liant les parties de 'bar-glacier-crêperie-snack' serait violée. Les plats proposés entrent dans le cadre d'une activité de 'snack'. Ceux-ci, tout comme ceux visés dans le commandement du 24 août 2017, n'exigent pas de technicité particulière et correspondent à des repas rapides à prix modérés. Il ne peut être déduit du site internet du fonds de commerce, qui mentionne une 'cuisine savoureuse' permettant aux consommateurs de goûter la spécialité 'moules/frites à volonté', qu'il ne s'agirait plus d'un snack et que Monsieur et Madame [B] auraient donc violé la destination du bail.

Madame [M] sera donc déboutée de sa demande tendant à voir acquise la clause résolutoire à la suite de son commandement visant la clause résolutoire délivré le 24 août 2017 et de sa demande subsidiaire de résiliation judiciaire du bail. Le commandement visant la clause résolutoire délivré le 24 août 2017 sera déclaré nul et de nul effet.

Sur la demande d'acquisition de la clause résolutoire ou de résiliation judiciaire du bail du fait de réalisation de travaux en infraction avec les clauses du bail

Le 15 novembre 2017, Madame [M] a délivré à Madame [B] un commandement visant la clause résolutoire aux motifs que son preneur avait violé l'article 5 de son bail du 20 décembre 2013.

Cet article mentionne que le locataire 'ne pourra faire dans les locaux loués, sans le consentement exprès et par écrit du bailleur, aucune démolition, ni percement de murs, de cloisons, ni aucun changement de distribution'.

Aucun état des lieux d'entrée n'est produit au débat. Le bailleur ne démontre pas que sa locataire aurait, dans les locaux loués, sans son autorisation, procédé à des démolitions, à des percements de murs ou de cloisons ou aurait procédé à des changements de distribution. La seule attestation de Madame [I] [F], qui indique avoir loué en 2010 à Madame [M] les locaux dans le cadre d'un bail précaire et qui souligne que la salle de réception était d'un seul tenant, n'est pas une pièce suffisante pour établir que Madame [B], qui a signé le premier bail saisonnier en janvier 2012, aurait modifié les lieux loués.

Madame [M] veuve [R] ne démontre pas que Madame [B], qui dit avoir réalisé une chape de béton sur le domaine public, aurait violé les obligations du bail précédemment visées. Il en est de même pour des travaux liés à un 'agenda d'accessibilité programmée' autorisée par la commune.

S'agissant de la mise en place de la hotte dans la cuisine, elle a été sollicitée par l'autorité administrative et n'est donc pas fautive.

En conséquence, il n'est pas démontré d'infractions aux clauses du bail et Madame [M] veuve [R] ne peut en conséquence solliciter l'acquisition de la clause résolutoire à la suite de la délivrance du commandement du 15 novembre 2017 ni demander la résiliation judiciaire du bail. Le commandement délivré le 15 novembre 2017 sera déclaré nul et de nul effet.

Sur l'assurance des locaux

La bailleresse ne démontre pas que l'attestation produite par Madame [B], pièce notant que cette dernière est assurée pour la période du premier janvier 2017 au 31 décembre 2018, serait un faux. Elle sera déboutée de sa demande de résiliation judiciaire du bail au motif d'une absence d'assurance des locaux pour les périodes comprises ente le premier janvier 2017 et le 26 janvier 2017, et les période comprises entre le premier janvier 2018 et 13 septembre 2018.

Sur le défaut d'exploitation personnelle

Monsieur et Madame [B] sont tenus d'exploiter effectivement le fonds de commerce, conformément aux stipulations contractuelles du bail de décembre 2013 (paragraphe 8° page 6 du bail).

Madame [M] ne démontre pas que ce fonds ne serait pas exploité. Elle démontre uniquement que Madame [B] est ponctuellement absente du local loué et que cette dernière et son mari s'étaient absentés de leur commerce le 15 novembre 2017, jour auquel l'huissier a voulu délivré un acte. Il ressort en réalité de ces pièces que ce fonds est effectivement exploité par les époux [B].

Sur les autres violations aux clauses du bail soulevées par la bailleresse

La bailleresse ne démontre pas aucune autre pièce l'existence de violations des clauses du bail qui justifieraient la résiliation de ce contrat.

Sur l'expertise

Le bail signé le 20 décembre 2013 à effet au 27 décembre 2013 fixe le montant du loyer à hauteur de 38.000 euros pour onze mois, soit un loyer mensuel 1652,17 euros et il n'y a donc pas lieu d'ordonner une expertise. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de restitution de la licence IV

Madame [M] divorcée [R] était propriétaire d'une licence IV comme le montre une attestation notariée du 24 août 1993. Est versé au débat un récépissé de déclaration aux termes duquel Madame [M] divorcée [R] déclare muter sa licence IV au profit de Madame [B]. Madame [M] indique n'en être pas l'auteur. Le récépissé versé au débat mentionne pourtant la date de la précédente déclaration qui correspond au bail du 25 mars 2011 précédemment signé par Madame [M] divorcée [R]. Par ailleurs, durant les années de relations contractuelles entre cette dernière et Madame [B] qui exploite un fonds de bar-glacier-snack, n'a jamais été mis en doute que cette dernière disposait bien de la licence IV, cette licence étant attachée au fonds exploité par Monsieur et Madame [B]. Dès lors, Madame [M] divorcée [R] sera déboutée de cette demande.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur l'expertise pour un éventuel pas de porte et pour la licence IV

C'est en vain que Madame [M] veuve [R] sollicite une expertise pour un éventuel pas de poste et pour une éventuelle redevance au titre de la licence IV. Ainsi que le note avec justesse le premier juge, la contrepartie de l'application du statut des baux commerciaux n'est pas l'allocation automatique d'un pas de porte. S'agissant de la licence IV, il a été indiqué que Madame [B] bénéficiait d'une telle licence.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

S'agissant des frais irrépétibles de première instance, il n'est pas équitable de les laisser à la charge de Monsieur et Madame [B]. Madame [M] sera condamnée à leur verser la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [M] sera déboutée de sa demande sur ce fondement.

Il est en outre inéquitable de laisser à la charge de Monsieur et Madame [B] les frais irrépétibles qu'ils ont exposés dans le cadre de la présente procédure. Madame [M] divorcée [R] sera condamnée à leur verser la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de Madame [M] divorcée [R].

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe

DECLARE prescrite l'action formée par Monsieur et Madame [B] en requalification des baux saisonniers en baux commerciaux jouissant du statut

DECLARE recevable comme n'étant pas prescrite l'action formée par Monsieur et Madame [B] tendant à faire constater l'existence d'un bail soumis au statut né de l'article L 145-5 du code du commerce

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a reçu l'intervention volontaire de Monsieur [Y] [B], en qu'il a dit que les époux [B] bénéficiaient d'un bail soumis au statut des baux commerciaux, en ce qu'il a débouté Madame [M] divorcée [R] de sa demande relative à la requalification des baux en baux de location-gérance, de sa demande de résiliation judiciaire du bail, de sa demande d'expertise relative au pas-de-porte et de sa demande de restitution de la licence IV,

INFIRME pour le surplus

STATUANT A NOUVEAU

DIT que les époux [B] sont titulaires d'un bail soumis au statut, signé le 20 décembre 2013, à effet au 27 décembre 2013, pour une durée de neuf ans,

DIT que les clauses de ce bail, à l'exception de celles contraires aux dispositions d'ordre public du statut, sont maintenues

ENJOINT à Madame [M] divorcée [R] d'établir un nouveau bail, sans astreinte, aux mêmes clauses et conditions que celui signé le 20 décembre 2013 à effet au 27 décembre, obéissant au statut des baux commerciaux,

DIT n'y avoir lieu à expertise aux fins d'évaluer la valeur locative

CONDAMNE Madame [M] divorcée [R] à verser à Monsieur et Madame [B] la somme de 2500 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, s'agissant des frais irrépétibles de première instance

DEBOUTE Madame [M] divorcée [R] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, s'agissant des frais irrépétibles de première instance

CONDAMNE Madame [M] divorcée [R] aux entiers dépens de première instance

Y AJOUTANT

DEBOUTE Madame [M] divorcée [R] de sa demande de résiliation judiciaire du bail pour défaut d'assurance,

DEBOUTE Madame [M] divorcée [R] de ses demandes d'acquisition de la clause résolutoire à la suite de la délivrance des commandements délivrés le 24 août 2017 et le 15 novembre 2017

DECLARE nul et de nul effet le commandement délivré le 24 août 2017 visant la clause résolutoire,

DECLARE nul et de nul effet le commandement délivré le 15 novembre 2017 visant la clause résolutoire,

CONDAMNE Madame [M] veuve [R] à verser à Monsieur [Y] [B] et Madame [W] épouse [B] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE Madame [M] veuve [R] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE Madame [M] veuve [R] aux entiers dépens de la présente instance

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-7
Numéro d'arrêt : 18/06293
Date de la décision : 25/04/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence A1, arrêt n°18/06293 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-25;18.06293 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award