La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2019 | FRANCE | N°17/16080

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-3, 25 avril 2019, 17/16080


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3



ARRÊT AU FOND

DU 25 AVRIL 2019



N° 2019/ 178













N° RG 17/16080



N° Portalis DBVB-V-B7B-BBDMQ







[M] [G] [R]





C/



Compagnie d'assurances BPCE



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, a

vocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



- Me Renaud ESSNER de la SELARL CABINET ESSNER, avocat au barreau de GRASSE

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 28 Juillet 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2016/01215.





AP...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 25 AVRIL 2019

N° 2019/ 178

N° RG 17/16080

N° Portalis DBVB-V-B7B-BBDMQ

[M] [G] [R]

C/

Compagnie d'assurances BPCE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

- Me Renaud ESSNER de la SELARL CABINET ESSNER, avocat au barreau de GRASSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 28 Juillet 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2016/01215.

APPELANT

Monsieur [M] [G] [R]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE

Compagnie d'assurances BPCE

dont le siège social est [Adresse 2]

représentée par Me Renaud ESSNER de la SELARL CABINET ESSNER, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Janvier 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Anne DUBOIS, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2019 prorogé au 25 Avril 2019

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Avril 2019

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Lydie BERENGUIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Selon acte sous seing privé du 13 mai 2009, la Banque Populaire Côte d'Azur a consenti à la SAS AMC Group, représentée par M. [M] [R] en sa qualité de président, un prêt professionnel, destiné à financer partiellement l'acquisition de 95 % des actions de la SAS Air Assistances, d'un montant de 800.000 euros, au taux de 5,90% l'an, remboursable en 72 mensualités de 13.220,58 euros chacune.

En garantie de ce prêt, M. [M] [R] s'est porté caution personnelle et solidaire des engagements de la SAS AMC Group envers la banque, dans la limite de la somme de 240.000 euros, et pour la durée de 72 mois.

Par jugement du 2 juillet 2014, le tribunal de commerce d'Antibes a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la SAS AMC Group, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 20 janvier 2015.

La Banque Populaire Côte d'Azur a déclaré sa créance au passif de ladite procédure collective pour, au titre du prêt du 13 mai 2009, en dernier lieu la somme, à titre privilégié, de 150.971,06 euros, outre intérêts.

Par acte du 8 mars 2016, la Banque Populaire Côte d'Azur a fait assigner, en sa qualité de caution de la SAS AMC Group, M. [M] [R] en paiement devant le tribunal de commerce d'Antibes.

Par jugement du 28 juillet 2017, ce tribunal a :

' débouté M. [M] [R] de sa demande de sursis à statuer,

' débouté M. [M] [R] de sa demande de défaut de mise en garde de la Banque Populaire Méditerranée venant aux droits de la Banque Populaire Côte d'Azur,

' débouté M. [M] [R] de sa demande de disproportion,

' débouté M. [M] [R] de sa demande de délais au titre de l'article 1244-1 du code civil,

' condamné M. [M] [R] à payer à la Banque Populaire Méditerranée venant aux droits de la Banque Populaire Côte d'Azur la somme de 150.971,06 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2015,

' dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire,

' condamné M. [M] [R] à payer à la Banque Populaire Méditerranée venant aux droits de la Banque Populaire Côte d'Azur la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' rejeté comme inutiles et non fondés tous autres moyens et conclusions contraires des parties,

' condamné M. [M] [R] aux entiers dépens.

Suivant déclaration du 21 août 2017, M. [M] [R] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions notifiées et déposées le 13 novembre 2017, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'appelant demande à la cour de :

' le dire recevable et bien fondé en son appel,

en conséquence,

' infirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions,

statuant à nouveau,

à titre principal,

' constater que son engagement de caution était, au jour où il a été souscrit, manifestement disproportionné à ses biens et revenus,

' dire que la Banque Populaire Méditerranée est en conséquence privée du droit de s'en prévaloir,

' dire que la Banque Populaire Méditerranée n'apporte pas la preuve qui lui incombe que son patrimoine lui permet, au moment où sa caution est appelée, de faire face à son obligation,

' la débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire,

' dire qu'il n'avait pas la qualité de caution avertie,

' dire que le prêt consenti à la société AMC Group était manifestement excessif au regard de ses capacités financières,

' dire que la Banque Populaire Méditerranée n'apporte pas la preuve qu'elle s'est acquittée de son obligation de mise en garde,

' la condamner à lui payer à titre de dommages-intérêts une somme égale au montant des condamnations qui pourront être prononcées contre lui au titre de son engagement de caution,

' ordonner la compensation entre le montant de la condamnation prononcée contre la Banque Populaire Méditerranée au titre de son manquement à son obligation de mise en garde et celles qui pourraient être prononcées contre lui au titre de son engagement de caution,

à titre très subsidiaire,

' reporter le paiement des sommes dues par lui de deux années,

' dire que les sommes dues par lui ne porteront intérêt qu'au taux légal durant deux années,

en tout état de cause,

' condamner la Banque Populaire Méditerranée à lui verser la somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux la concernant au profit de la société civile professionnelle Paul et Joseph Magnan, avocats.

Par conclusions notifiées et déposées le 18 décembre 2017, auxquelles il convient de se reporter par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Banque Populaire Méditerranée, venant aux droits de la Banque Populaire Côte d'Azur, demande à la cour de :

' dire l'appel recevable mais non fondé,

' confirmer en tous ses points la décision entreprise,

' lui donner acte de son intervention volontaire comme venant aux droits de la Banque Populaire Côte d'Azur,

' débouter M. [R] de toutes ses demandes fins et conclusions reconventionnelles,

' condamner le requis au paiement de la somme de 150.971,06 euros augmentée des intérêts au taux contractuel majoré de 3 points soit 8,90 % l'an sur la somme de 144.782,62 euros à compter du 20 janvier 2015 et jusqu'à parfait règlement dans la limite de la somme de 240.000 euros,

' ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

' condamner le requis aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur le grief de disproportion :

Invoquant les dispositions de l'article L341-4 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au présent litige, l'appelant fait valoir que son engagement était, au moment où il a été souscrit, manifestement disproportionné à ses biens et à ses revenus, et que la banque n'apporte aucun élément de preuve permettant d'établir que son patrimoine actuel lui permet de faire face à son engagement.

La Banque Populaire Méditerranée réplique que, même à prendre la seule valeur de son patrimoine immobilier, l'engagement de M. [M] [R] n'était nullement disproportionné, que la consistance, qu'il ne conteste pas, de son patrimoine immobilier actuel, alors qu'il n'est poursuivi que pour la somme de 150.971,06 euros outre intérêts, fait que son engagement reste proportionné.

Sur ce, il sera rappelé que, pour l'application du texte précité, aux termes duquel « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation », c'est à la caution qu'il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue, et au créancier qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s'apprécie au regard, d'un côté, de l'ensemble des engagements souscrits par la caution, d'un autre côté, de ses biens et revenus, sans tenir compte, contrairement à ce que prétend l'intimée, des revenus escomptés de l'opération garantie.

S'agissant de la situation de la caution à la date de souscription de son engagement, le 13 mai 2009, il est effectif que, comme il le soutient, la fiche de renseignement signée par M. [M] [R] le 16 février 2011, et donc postérieure de près de deux ans, que verse aux débats la Banque Populaire Méditerranée ne saurait en justifier.

Les renseignements qui figurent sur ce document ne sont pas pour autant à exclure dès lors que l'appelant y atteste de la consistance d'un patrimoine qui, au regard des indications par lui fournies quant aux prêts immobiliers contractés, existait bien antérieurement à la conclusion du cautionnement litigieux.

Ceci étant, à l'examen des pièces que produit M. [M] [R], auquel incombe donc la charge de la preuve de la réalité de ses biens et revenus à la date du 13 mai 2009, il ne peut qu'être constaté que ne sont pas même versés aux débats ses avis d'imposition sur les revenus des années 2008 et 2009.

Ainsi, et sans qu'il soit besoin de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, il apparaît que, faute de justifier de sa situation financière et patrimoniale à la date de conclusion du contrat, l'appelant n'est pas fondé à se prévaloir du caractère prétendument manifestement disproportionné de son engagement.

Dès lors, et la situation de la caution au moment où elle a été appelée n'ayant donc pas lieu d'être examinée, le moyen tiré de l'application des dispositions de l'article L341-4, devenu L332-1, du code de la consommation est écarté.

Sur le devoir de mise en garde :

M. [M] [R], exposant qu'il ne saurait être regardé comme une caution avertie et que l'emprunt consenti à la SAS AMC Group était excessif au vu de sa situation financière, fait valoir que l'intimée ne s'est pas acquittée de l'obligation de mise en garde qu'elle avait à son égard, et demande qu'elle soit en conséquence condamnée à lui payer, à titre de dommages-intérêts, une somme égale au montant des sommes par lui dues au titre de son engagement de caution.

La Banque Populaire Méditerranée répond que la situation personnelle et professionnelle de l'appelant et les circonstances qui ont présidé à l'octroi des crédits telles que développées par ce dernier dans ses écritures démontrent parfaitement que celui-ci était une caution avertie, et que de plus les conditions dans lesquelles le prêt a été accordé ne sont pas de nature à engager sa responsabilité.

Sur ce, le banquier dispensateur de crédit est tenu envers la caution, lors de la conclusion du contrat, d'une obligation de mise en garde, à la double condition qu'il s'agisse d'une caution non avertie et qu'il existe, au regard de ses capacités financières ou, ce qui est invoqué en l'espèce, de celles du débiteur principal qu'elle garantit, un risque d'endettement né de l'octroi du prêt.

Comme le soutient M. [M] [R], le caractère de caution avertie ne saurait certes se déduire de la seule qualité de dirigeant de la société emprunteuse.

Cependant, au vu des éléments aux débats, il apparaît que l'appelant, âgé de 49 ans à la date de souscription du cautionnement litigieux, exerçait, depuis mars 2005, les fonctions de président de la SAS AMC Group, laquelle avait pour activité la « prise de participation ou d'intérêts dans toutes entreprises commerciales industrielles financières mobilières ou immobilières le tout directement ou indirectement pour son compte ou pour le compte de tiers par voie de création de sociétés nouvelles d'apport de souscription d'achat de titres droits sociaux fusions alliances de toutes sociétés toutes activités de conseil assistance », et que ladite SAS AMC Group, société holding, qui avait pour principal actif des participations dans plusieurs filiales, soit cinq sociétés d'assistance aéroportuaire, une société de location de matériel et une société de catering-nettoyage, était alors valorisée pour un montant de neuf millions d'euros.

Et, des pièces produites, il résulte notamment que, au 31 décembre 2008, M. [M] [R] attestait exercer les fonctions de président de la SAS AMC Groupe, président de la SAS MAP Handling Nice, président de la SAS MAP Handling Toulouse, gérant de la SARL MAP Handling Logistic, président de la SAS MAP Handling Marseille, gérant de la SARL MAP Training, gérant de la SARL NCL, président de la SAS MAP Handling Lyon et directeur de la SAS Encore MAP.

Ainsi, au regard de ses diverses activités et responsabilités, l'appelant, rompu à la vie des affaires, disposait d'une compétence et d'une expérience en matière économique et financière lui permettant de mesurer les risques attachés à ses engagements, alors d'ailleurs que l'opération garantie était en l'espèce dénuée de toute complexité.

M. [M] [R] était donc une caution avertie.

En conséquence, et sauf à démontrer, ce qui n'est pas même prétendu, qu'elle aurait eu sur la situation de la débitrice principale des informations dont il ne disposait pas, la Banque Populaire Méditerranée n'était pas tenue envers l'appelant d'un devoir de mise en garde.

La demande en paiement de dommages et intérêts formulée par M. [M] [R] est rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur la demande de délais :

Faisant valoir qu'il se trouve dans une situation d'extrême précarité, l'appelant sollicite le bénéfice des dispositions de l'ancien article 1244-1 du code civil.

Cependant, faute de justifier de la réalité de sa situation financière et patrimoniale actuelle, M. [M] [R], qui au surplus ne précise pas la manière dont il entend, à l'expiration du délai sollicité, s'acquitter de sa dette, doit être débouté de sa demande à ce titre.

Le jugement est dès lors confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais irrépétibles :

Au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'exposer en cause d'appel, il sera alloué à l'intimée la somme sollicitée de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [M] [R] à payer à la Banque Populaire Méditerranée la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne M. [M] [R] aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-3
Numéro d'arrêt : 17/16080
Date de la décision : 25/04/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8B, arrêt n°17/16080 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-25;17.16080 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award