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25/04/2019 | FRANCE | N°16/06841

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 25 avril 2019, 16/06841


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT AU FOND

DU 25 AVRIL 2019



N° 2019/



Rôle N° RG 16/06841 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6NWQ





SAS SPIE SUD EST





C/



[O] [W]

Syndicat CGT SPIE PACA

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE

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Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES - section I - en date du 25 Mars 2016, enregistré au répertoire général sous le n° F 14/00367.







APPELANTE



SAS SPIE SUD EST,...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 25 AVRIL 2019

N° 2019/

Rôle N° RG 16/06841 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6NWQ

SAS SPIE SUD EST

C/

[O] [W]

Syndicat CGT SPIE PACA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARTIGUES - section I - en date du 25 Mars 2016, enregistré au répertoire général sous le n° F 14/00367.

APPELANTE

SAS SPIE SUD EST, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [O] [W], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Syndicat CGT SPIE PACA, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 25 Février 2019 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Agnès MICHEL, Président

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Mme Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Avril 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Avril 2019.

Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [O] [W] a été engagé par la société S.L.E, le 02 mai 1973, suivant contrat à durée indéterminée, en qualité d'ouvrier électricien qualification OQ1. Le 1er juillet 1977, il a été promu ouvrier qualifié niveau 2, dans le cadre d'un nouveau contrat à durée indéterminée conclu avec la société TRINDEL, aux droits de laquelle se présente désormais la société SPIE SUD EST.

En 1981, le salarié a bénéficié de la qualification d'ouvrier qualifié niveau 3.

A compter de l'année 1983, Monsieur [O] [W] a été détenteur de mandats au sein de la délégation du personnel, du comité d'entreprise (notamment en qualité de représentant syndical entre 2006 et 2010) et du CHSCT.

En 1989, dans le cadre de l'évolution de la classification conventionnelle, Monsieur [O] [W] a été repositionné comme ouvrier d'exécution niveau 1 position 2, coefficient 110. En 1991, il a été classé ouvrier professionnel niveau 2 position 1 coefficient 125. En 2002, il a été promu au niveau 2 position 2, au coefficient de 140.

Le 09 janvier 2010, Monsieur [O] [W] a adressé un courrier à son employeur pour lui signaler que son évolution de carrière : 'avait été singulièrement ralentie si on la comparait à d'autres salariés se trouvant dans une situation analogue à la sienne'. Il lui a été répondu point par point, d'abord dans le cadre d'un entretien, le 15 février 2010, puis dans un courrier en date du 1er mars 2010. Le même jour, le salarié s'est vu notifier sa promotion au niveau 3 position 1, coefficient 150 avec une rémunération mensuelle brute de 1 710 euros.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, régie par les dispositions de la convention collective des travaux publics, Monsieur [O] [W] percevait une rémunération mensuelle d'un montant brut de 1 786 euros.

Le 19 janvier 2011, Monsieur [O] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Martigues pour se plaindre d'une discrimination et d'une inégalité de traitement, solliciter un rappel de salaire à ce titre et une indemnisation de son préjudice économique et de son préjudice moral.

Le syndicat CGT SPIE PACA s'est joint volontairement à l'instance en demandant à ce que soit sanctionnée la situation d'inégalité de traitement discriminatoire dont a été victime Monsieur [O] [W] et en sollicitant l'octroi d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le 19 janvier 2012, le conseil de prud'hommes de Martigues, a ordonné une mesure d'expertise afin de déterminer si Monsieur [O] [W] avait été victime d'une inégalité de traitement, et dans cette hypothèse pour en chiffrer le montant.

L'expert a déposé son rapport le 27 novembre 2012 dans lequel il est mentionné que l'employeur a produit les bulletins de salaires des 13 membres constituant le panel mais uniquement pour la période de 2002 à 2010, en raison de son incapacité à retrouver des pièces plus anciennes.

L'expert a conclu que Monsieur [O] [W] a subi un écart de rémunération à son détriment sur ladite période pour une somme totale qu'il a chiffrée à 54 758, 47 euros.

Le 18 décembre 2014, l'affaire a été renvoyée devant la formation de départage.

A cette date, la relation de travail avait pris fin puisque Monsieur [O] [W] a fait valoir ses droits à la retraite le 1er février 2014.

Le 25 mars 2016, le conseil de prud'hommes de [Localité 1], dans sa section industrie, en formation de départage, a statué comme suit :

' dit que Monsieur [O] [W] a été victime d'une inégalité de traitement discriminatoire

' condamne la société SPIE SUD EST à payer à Monsieur [O] [W] les sommes de :

* 42'589,92 euros à titre de rappel de salaire

* 4 258,99 euros à titre d'incidence congés payés

* 150'000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique avec intérêts de droit à compter du 24 janvier 2011

' ordonne l'anatocisme

' fixe le salaire à compter du 1er janvier 2014 à la somme de 2 293,02 euros

' dit que la société SPIE SUD EST devra délivrer à Monsieur [O] [W] un bulletin de salaire récapitulatif mentionnant les rappels judiciairement fixés

' condamne la société à payer au syndicat CGT SPIE PACA la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts

' déboute les parties de plus amples demandes

' condamne la société SPIE SUD EST à payer à Monsieur la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et au syndicat CGT SPIE PACA et celle de 600 € sur le même fondement

' ordonne l'exécution provisoire

' condamne la société SPIE SUD EST à payer les dépens.

Par déclaration du 04 avril 2016, la société SPIE SUD EST a relevé appel de cette décision dont elle a reçu notification le 04 avril 2016.

Dans ses conclusions visées par le greffe et développées oralement, la société SPIE SUD EST demande à la cour d'appel de :

' infirmer le jugement rendu le 25 mars 2016 par le conseil de prud'hommes de Martigues statuant en départage, en toutes ses dispositions

' débouter Monsieur [O] [W] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions

' débouter le syndicat CGT SPIE PACA de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions

' ordonner la restitution par Monsieur [O] [W] de toutes les sommes qu'il a perçues par l'effet de la mise en 'uvre de l'exécution provisoire, et plus généralement, du jugement du conseil de prud'hommes de Martigues statuant en départage

' condamner Monsieur [O] [W] au paiement de la somme de 2000 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

' le condamner aux entiers dépens.

Dans leurs conclusions visées par le greffe et développées oralement, Monsieur [O] [W] et le syndicat CGT SPIE PACA demandent à la cour d'appel de dire Monsieur [O] [W] bien fondé en son appel incident et de :

' confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le concluant a été victime d'une inégalité de traitement discriminatoire et en ce qu'il a accueilli le syndicat CGT SPIE PACA en son action

' le confirmer en ce qu'il a condamné la société au paiement des sommes suivantes :

* 42'589,92 euros à titre de rappel de salaire

* 4 258,99 euros à titre d'incidence congés payée

* 1500 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

' dire qu'à titre d'indemnisation complémentaire, les sommes susvisées porteront intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation, en application des dispositions des articles 1231-7 et 1343-2 du Code civil

' lui enjoindre, sous astreinte de 50 € par jour de retard, passé trente jours suivant la date de l'arrêt à intervenir, d'avoir à établir et délivrer des bulletins de salaire prenant en compte, mois par mois, les rappels de rémunération judiciairement fixés

' l'infirmer et y ajouter pour le surplus

' condamner la société appelante au paiement des sommes suivantes :

* 200 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral

* 2 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme allouée de ce chef par le premier juge étant maintenue

' condamner la société appelante aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il ne ressort pas des pièces du dossier d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.

1/ sur la discrimination syndicale

Selon l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L. 2141-5 du code du travail dispose : 'Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de disciplines et de rupture du contrat de travail'.

En application de l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Monsieur [O] [W] fait valoir qu'il a connu une évolution de carrière ralentie en raison de ses activités représentatives du personnel et de son appartenance syndicale.

Au soutien de son action, il invoque le fait que :

- son évolution de carrière a été quasiment nulle comparée à celle de ses collègues de travail Messieurs [G], [O], [X], [R] et [C].

A titre d'exemple, il indique que M.[O], qui a été recruté avec une qualification identique à la sienne mais qui comptait moins d'années d'ancienneté que lui dans l'entreprise, a perçu un salaire supérieur au sien, et ce, dès l'année 1994 ;

- il s'est ému à de nombreuses reprises d'une telle disparité auprès de sa hiérarchie, notamment à l'occasion de ses entretiens d'évaluations (pièce 3) et dans un courrier en date du 09 janvier 2010. Cette dernière réclamation ayant, d'ailleurs, été reconnue comme justifiée par l'employeur puisqu'elle s'est traduite par une promotion au poste 'd'ouvrier professionnel N3P1, coefficient 150", au 1er mars 2010 ;

- l'expert désigné par le conseil de prud'hommes a confirmé, à partir de l'étude d'une panel de 13 salariés, que sa rémunération a systématiquement été inférieure à la rémunération moyenne servie aux autres salariés et il a conclu que sur la période de 2002 à 2010, il avait subi un écart total de rémunération de 54 758, 47 euros ;

- cette inégalité de traitement s'explique par la prise en compte de ses activités représentatives du personnel et son appartenance syndicale ainsi qu'en témoignent deux commentaires de l'évaluateur lors de ses entretiens annuels d'évaluation de 1998 et 2001.

Dans le premier on peut ainsi lire, en réponse à la demande du salarié de repositionnement à la qualification N2P2 : 'Je pense aujourd'hui que par ton expérience,, tu as les compétences d'un élect OP22. Toutefois, il nous est difficile de te confier une mission spécifique normalement suivi par un OP22 compte tenu des absences dûes à tes obligations'

Trois ans plus tard, alors que le salarié est amené à reformuler la même demande de reclassification, à laquelle il n'a pas été fait droit, l'évaluateur lui objecte, à nouveau :

'Je pense en effet que tu as les compétences nécessaires pour être N2P2, il nous est toutefois difficile de te confier des missions complètes que suivent généralement les ouvriers de ce niveau du fait des absences dûes à tes mandats de représentants du personnel'( Pièce 3) ;

- cette situation a été dénoncée par les délégués du personnel, notamment lors d'une réunion qui s'est déroulée le 21 février 2002, où il été noté : 'Depuis le 03 mai 1973, Monsieur [O] [W] est salarié dans la société. En 1993, il obtient un CAP d'électrotechnique dans le cadre de la formation professionnelle.M [W] demande son passage de la qualification N2P1 à la qualification N2P2. (....) Les évaluations obligatoires (...) font ressortir que M.[W] a les compétences d'être à qualification N2P2. C'est en rapport à ses mandats électifs de représentant du personnel et syndical que la Direction ne lui reconnaît pas cette qualification.' (Pièce 23).

En considération de l'ensemble de ces éléments, au vu des constatations de l'expert et alors que la référence à des activités syndicales est en elle-même discriminatoire, le salarié apporte à la juridiction des éléments suffisants susceptibles de laisser supposer l'existence d'une discrimination liée à un mandat représentatif et à une activité syndicale. Il appartient, par conséquent, à la société SPIE SUD EST de justifier d'éléments objectifs étrangers à toute considération d'appartenance syndicale justifiant le déroulement de carrière du salarié.

En réponse, l'employeur objecte que l'expertise réalisée à la demande du conseil de prud'hommes ne présente aucune pertinence, dès lors que pour déterminer un salaire médian, l'expert a : 'fondu les salaires d'un cadre responsable d'affaire, avec ceux de conducteurs de travaux , ceux de responsable de chantier, qu'il mixte avec ceux de monteurs électriciens ou d'agents MGT' . L'employeur relève, également, que l'expert a comparé la rémunération de Monsieur [O] [W] avec celles de salariés bénéficiant, pour certains, d'indemnités de déplacement, pour d'autres, d'indemnités pour travaux insalubres, travaux de caisse, d'heures supplémentaires, alors qu'aucune conclusion utile ne peut être retirée de cette comparaison puisque Monsieur [O] [W] ne pouvait pas prétendre à certains de ces accessoires de salaires en raison de ses missions et affectations.

La société appelante fait valoir que si le salarié a connu une évolution de carrière plus lente que celle de ses collègues M.[R], M.[G] et M.[O] c'est parce qu'il a obtenu son certificat d'aptitude professionnelle électrotechnique bien après eux et que, s'il est vrai que Monsieur [O] [W] a perçu une rémunération annuelle 'légèrement inférieure' à celle des autres salariés classés au coeffficient 150, dans la même catégorie d'âge, c'est parce qu'il a été positionné à ce coefficient plus tardivement.

Enfin, la société SPIE SUD EST conteste l'existence d'un ralentissement dans l'évolution de la rémunération du salarié à compter du moment où il a bénéficié de mandats réprésentatifs et elle précise qu'entre 1985 et 2010, son salaire a connu une augmentation moyenne de 17, 50 % tous les 5 ans, en tout point comparable à celle des autres salariés qu'ils soient titulaires de mandats de représentation ou non.

Cependant, la cour retient que s'agissant de la contestation des opérations d'expertise, le panel de 13 salariés fourni à l'expert a été établi, exclusivement, par l'employeur sur la base de critères définis conjointemement par les parties : à savoir des salariés embauchés de mai 1973 à fin 1978, ayant une qualification à l'embauche OQ1 et travaillant dans l'établissement de [Établissement 1] ou à défaut dans la région PACA. Il ressort, en outre, du rapport d'expertise que lorsque le conseil du salarié a voulu contester la composition du panel, l'employeur a certifié que 'les métiers sélectionnés étaient comparables à celui de M.[W]', il ne peut donc être fait grief à l'expert d'avoir 'mixté' des emplois de salariés qui ne présentaient aucun caractère commun.

Concernant le fait qu'il aurait été comparé des situations de salariés qui ne bénéficiaient pas tous des mêmes accessoires de salaire. L'expert a, à juste titre, pris en compte le 'salaire brut à la sortie' c'est à dire tous avantages compris. En effet, si le versement personnalisé de primes et autres accessoires au regard de l'activité réelle d'un salarié est légitime, encore faut-il qu'il soit démontré que le salarié demandeur n'a pas été tenu à l'écart de certaines tâches pour raison discriminantes.

En l'espèce, il ressort de l'étude des évaluations annuelles du salarié que celui-ci a toujours été très bien noté mais qu'en dépit de ses compétences reconnues et de son expérience, il a été 'difficile' pour l'employeur de faire droit à ses demandes de repositionnement ainsi qu'à ses demandes de formation, ' du fait des absences dûes à mandats de représentants du personnel'.

L'employeur ne peut se prévaloir du fait que Monsieur [O] [W] est passé plus tardivement que d'autres au coefficient 150 pour justifier de sa différence de rémunération, dès lors qu'il a été établi que ce n'est qu'au terme de revendications répétées et d'un courrier du salarié à sa hiérarchie qu'il a obtenu cette élévation tardive d'échelon.

Enfin, quand la société appelante affirme que l'évolution de la rémunération de Monsieur [O] [W] a été en tout point comparable à celle d'autres salariés, elle ne produit aucun élément objectif, comme des bulletins de salaire, permettant de vérifier ses tableaux de comparaison. Au demeurant, on peut relever que si la rémunération du salarié à augmenté de 17, 50 % tous les 5 ans à partir de 1985, la lecture des éléments produits par l'employeur permet de constater que son salaire a augmenté de 47 % entre 1980 et 1983, soit antérieurement à son premier mandat représentatif.

En cet état, la société SPIE SUD EST échoue à démontrer que le ralentissement et la stagnation de carrière établis par les pièces du dossier, et que le salarié est seul à avoir subi parmi les salariés ayant la même ancienneté, sont étrangers à toute discrimination justifiant la disparité constatée.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont dit que Monsieur [O] [W] avait été victime d'une inégalité de traitement discriminatoire et qu'ils lui ont alloué la somme de

42 589, 92 € à titre de rappel de salaire, pour la période non couverte par la prescription quinquennale, soit de 2006 à 2013, en se fondant sur les calculs effectués par le salarié en retenant un écart de rémunération annuel moyen de 6 084, 27 euros (correspondant à l'écart annuel total relevé par l'expert de 2002 à 2010, soit 54 758, 47 euros, divisé par le nombre d'années). Il sera, également alloué, au salarié la somme de 4 258, 99 euros à titre d'incidence congés payés sur le rappel précité.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que la société SPIE SUD-EST devra délivrer à Monsieur [O] [W] un bulletin de salaire récapitulatif mentionnant les rappels judiciairement fixés.

2/ sur le préjudice économique

L'article L. 1134-5 alinéa 3 du code du travail dispose que les dommages et intérêts servis au salarié doivent réparer : 'L'entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée'.

La société appelante a indiqué qu'elle ne pouvait fournir d'éléments de comparaison et de bulletins de salaire antérieurs à l'année 2002 car elle n'avait pas conservé d'archives ce qui a contraint l'expert judiciaire à limiter son étude à la période de 2002 à 2010.

Pour autant, dès lors qu'il a été retenu que Monsieur [O] [W] a été victime d'une discrimination liée à son appartenance syndicale, il convient de faire remonter l'origine de la discrimination à compter de l'événement qui a permis à l'employeur de connaître l'activité syndicale du salarié, soit son premier mandat électif de 1983. Les éléments produits par l'employeur viennent d'ailleurs confirmer que les augmentations de salaire de l'intéressé ont connu un fléchissement très important à compter de cette date.

Monsieur [O] [W] sollicite au titre de l'indemnisation de ce préjudice la somme totale de 200 000 euros correspondant à la réparation du préjudice financier subi entre 1984 et 2006 et à l'incidence du retard de rémunération sur ses droits à la retraite. Pour calculer son préjudice, le salarié fonde ses calculs sur un différentiel de rémunération annuel de 6 084, 27 euros, tel qu'il peut ressortir des opérations d'expertise réalisées sur la période de 2002 à 2010, en considérant qu'il s'agit d'une constante qui peut s'appliquer sur l'ensemble de la période de discrimination.

Mais, à défaut d'élément contraire, il convient de supposer que la croissance de l'écart de rémunération est progressive, partant d'un écart nul pour parvenir au dernier écart relevé durant la période couverte par la prescription.

Aussi, en l'état des éléments du dossier et en tenant compte:
- d'une part, d'une durée de discrimination de 22 ans, correspondant aux années s'étant écoulées entre 1984 et 2006.
- d'autre part, d'un différentiel de rémunération entre les salariés composant le panel et Monsieur [O] [W] s'élevant en 2006 à la somme de 5 084, 12 euros (soit 28736, 05 - 23 651, 93 d'après le tableau établi par l'expert en annexe à son rapport, pièce 51),
- et enfin de la progressivité de la discrimination qui conduit à diviser la somme obtenue par deux, le préjudice financier pour la période de 1983 à 2006 s'établit comme suit : [(5 084, 12 x 22) : 2] = 55 925, 32 euros.

Cette somme ainsi obtenue, augmentée du rappel de salaire pour les années 2006 à 2013, sera majorée d'un pourcentage de 30% pour la perte subie sur les droits à la retraite et l'impossibilité de rattraper le retard de carrière, ce qui correspond à 29 554, 47 euros [(42 589, 92 + 55925, 32) x 30 %].

Il sera donc alloué, la somme totale de 85 479, 89 euros (55 925, 32 + 29 554, 47) à Monsieur [O] [W] en réparation de son préjudice économique .

3/ sur le préjudice moral

Le salarié demande une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral en faisant valoir que : 'l'importance et la durée de la discrimination endurée ont nécessairement entraîné un préjudice moral majeur caractérisé par l'image d'un représentant des salariés sanctionné pour ce qu'il est, dans le dessein évident de dissuader d'autres salariés de s'engager sur cette voie'.

La cour retient que la différence de traitement financier, mise en oeuvre pour un motif de discrimination syndicale, c'est-à-dire de mauvaise foi, durant plus de 30 ans, a causé au salarié un préjudice moral qui sera réparé par l'octroi d'une somme de 3 000 euros.

4/ sur l'action du syndicat CGT SPIE PACA

Le syndicat CGT SPIE PACA demande à ce que le jugement entrepris soit confirmé en ce qu'il l'a accueilli en son action.

La situation de discrimination syndicale ci dessus retenue concernant un délégué du syndicat CGT, elle cause nécessairement un préjudice à cette organisation syndicale en pénalisant les salariés en raison de leur engagement et en décourageant les vocations, il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué au syndicat CGT SPIE PACA la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

5/ sur les autres demandes

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2011, date du bureau de conciliation, à défaut pour la cour de connaître la date à laquelle l'employeur a réceptionné sa convocation à cette audience.

Les dommages et intérêts en réparation du préjudice économique porteront intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2016, date du jugement de départage qui a reconnu leur principe. Les dommages et intérêts en réparation du préjudice moral porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Il sera ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

La SAS SPIE SUD EST supportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer à Monsieur [O] [W] la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- condamné la société SPIE SUD-EST à payer à Monsieur [O] [W] la somme de

150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique

- avec intérêt de droit à compter du 24 janvier 2011

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SAS SPIE SUD EST à payer à Monsieur [O] [W] les sommes suivantes

- 85 479, 89 euros euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

- 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2011, que la créance de dommages et intérêts pour préjudice économique portera intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2016 et que la créance de dommages et intérêts pour préjudice moral portera intérêt à compter de la présente décision,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SAS SPIE SUD EST aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 16/06841
Date de la décision : 25/04/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°16/06841 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-25;16.06841 ?
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