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04/04/2019 | FRANCE | N°16/04061

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 04 avril 2019, 16/04061


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE


Chambre 4-2





ARRÊT AU FOND


DU 04 AVRIL 2019





N°2019/





Rôle N° RG 16/04061 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6G2F











H... U...








C/








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le : 04/04/19


à :








Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE





Me Stéphanie BAGNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE


(vestiaire 87)











Décision déférée à la Cour :





Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section C - en date du 18 Février 2016, enregistré au répertoire général sou...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 04 AVRIL 2019

N°2019/

Rôle N° RG 16/04061 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6G2F

H... U...

C/

SAS TRANSPORTS F...

Copie exécutoire délivrée

le : 04/04/19

à :

Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Stéphanie BAGNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(vestiaire 87)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section C - en date du 18 Février 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 14/1140.

APPELANT

Monsieur H... U..., demeurant [...]

représenté par Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jérôme AUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS TRANSPORTS F..., demeurant [...]

représentée par Me Stéphanie BAGNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 30 Janvier 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Agnès MICHEL, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Agnès MICHEL, Président

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Mme Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Harmonie VIDAL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2019.

advenant cette date les parties ont été avisées par écrit de la prorogation du délibéré et de son motif, et que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Avril 2019 ;

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Avril 2019

Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Madame Harmonie VIDAL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Après avoir travaillé en intérim pour la société transports F... du 20 septembre au 30 novembre 2011, Monsieur H... U..., reconnu travailleur handicapé depuis le 21 novembre 2006, a été embauché par contrat à durée indéterminée du 1er décembre 2011 par ladite société, en qualité de conducteur poids-lourds, qualification groupe 6, coefficient 138 pour une rémunération brute mensuelle de 1733,80 euros pour un temps de travail de 175,22 heures.

Lors de la visite médicale d'embauche qui s'est déroulée le 16 février 2012, établie pour six mois, le médecin du travail a déclaré le salarié apte au poste de chauffeur poids-lourds avec les restrictions suivantes: 'port de chaussures de sécurité montantes, pas de marche prolongée, pas de manutention manuelle de production, pas de contrainte physique, type déchargement au delà de 2-3 palettes en utilisant surtout des transpalettes motorisées'.

Le 5 juin 2012, le salarié a été victime d'une rechute d'un accident du travail survenu le 18 août 2005 et placé en arrêt de travail jusqu'au 27 juin 2012.

Lors de la visite de reprise à cette date, le médecin du travail a conclu comme suit :' attention, séquelles reconnues d'AT de 2005......apte avec aménagement de poste indispensable au maintien de l'emploi. Contre indication médicale à la manutention manuelle (portages divers et tractations de palettes) et de déchargement. Seule la pulsion de déchargement à contraintes physiques modérées est compatible avec sa santé (exemple boxe à roulettes)'.

Le 3 avril 2014 le salarié a été victime d'un accident du travail et a été placé en arrêt de travail jusqu'au 11 juin 2014.

Lors de la première visite de reprise le 14 mai 2014, le médecin du travail a conclu comme suit: 'Inapte temporaire au poste de travail. Apte à la conduite de poids lourds. Ne peut pas porter de charges lourdes (sup à 5kgs°) ni les tractations (RQTH) 2-3 clients par tournée possible. H et M possible, poste à aménager'.

Le 12 juin 2014 au cours de la 2e visite médicale de reprise le médecin du travail a déclaré le salarié : « inapte au poste, apte à un autre poste. Peut conduire à poids-lourds ou super poids-lourds sans manutentions lourdes et répétitives ».

Au dernier état de la relation contractuelle, régie par la convention collective des transports routiers, M. U... percevait une rémunération mensuelle moyenne brute de 1736,66 €.

Par requête du 27 juin 2014, Monsieur H... U... a saisi le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence aux fins principalement de voir prononcer la résiliation du contrat de travail torts exclusifs de l'employeur.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 2 juillet 2014, l'employeur a convoqué le salarié un entretien préalable au licenciement fixé le 10 juillet 2014. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 5 août 2014 le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement, rédigée comme suit: '.......Nous avons tout mis en oeuvre afin de vous proposer un poste de travail au sein de l'entreprise compatible avec votre état de santé et les prescriptions du médecin du travail; Ainsi, par courrier recommandé avec accusé de réception du 18 juillet 2014, nous vous avons proposé un poste d'agent administratif, ce courrier contenait toutes les caractéristiques de ce poste. Le médecin du travail a été informé de cette proposition de reclassement qu'il a jugé compatible avec ses préconisations. Cependant, vous n'avez jamais répondu à cette proposition de poste de reclassement. Nous avons malgré tout, tout mis en oeuvre pour rechercher une solution de reclassement au sein de notre entreprise mais également auprès d'autres entreprises. Or, il s'avère compte tenu notamment de la taille de notre société, que nous ne pouvons malheureusement pas vous proposer d'autres postes compatibles avec votre état de santé et l'avis médical émis le 12 juin 2014 par le médecin du travail. Dès lors, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour inaptitude médicalement constatée par le médecin du travail et impossibilité de reclassement. Du fait, de votre impossibilité de travailler compte tenu de votre état de santé, vous ne percevrez aucune indemnité de préavis....'.

Par jugement du 18 février 2016 le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, dans sa section commerce, a statué comme suit :

' dit que la société transports F... a respecté son obligation en matière de reclassement et de sécurité,

' dit le licenciement pour inaptitude de Monsieur H... U... bien-fondé,

' déboute Monsieur H... U... de l'intégralité de ses demandes,

' déboute la société transports F... de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamne Monsieur H... U... aux dépens.

Par déclaration du 7 mars 2016, Monsieur H... U... a relevé appel de ce jugement

Dans ses dernières conclusions déposées et soutenues à l'audience par son conseil, Monsieur H... U... demande à la cour de:

' réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

' dire et juger à titre principal qu'il a été victime de violations graves et réitérées de la société employeur à ses obligations légales, conventionnelles et contractuelles,

' prononcer en conséquence la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur laquelle produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date de notification du licenciement pour cause d'inaptitude,

' juger à titre subsidiaire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de la violation de l'obligation de reclassement régissant les salariés victimes d'un accident du travail et du comportement fautif de l'employeur à l'origine de l'inaptitude,

en conséquence,

' condamner la société transports F... au paiement de la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution gravement fautive et déloyale du contrat de travail et violation de l'obligation de sécurité de résultat ,

en cas de résiliation judiciaire :

* 5209,98 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 520,99 euros à titre d'incidence congés payés,

* 25'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

subsidiairement cas d'illégitimité du licenciement,

* 3473,32 euros à titre d'indemnité spéciale équivalente à l'indemnité de préavis,

* 1050,57 euros à titre de solde sur l'indemnité spéciale de licenciement équivalent ou double de l'indemnité légale de licenciement,

* 25'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

' la condamner au paiement de la somme de 2000 €au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' ordonner la fixation des intérêts de droit à compter de la demande justice avec capitalisation.

Dans ses conclusions déposées et soutenues à l'audience par son conseil, la SAS Transports F... , demande à la cour de:

- dire et juger qu'elle a tenté de reclasser le salarié eu égard aux restrictions médicales formulées par le médecin du travail,

- dire et juger que, n'ayant trouvé aucune possibilité de reclassement, elle a été contrainte de procéder au licenciement,

- dire et juger que l'employeur n'a, en aucun cas, eu un comportement fautif à l'origine de l'inaptitude, qu'il a respecté les préconisations du médecin du travail et n'a pas manqué à son obligation de sécurité,

En conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- dire qu'elle a respecté la procédure de licenciement, que le licenciement pour inaptitude est parfaitement fondé,

- débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et de ses conséquences,

En tout état de cause,

- débouter M. U... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- le condamner au paiement de la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Parallèlement, M. U... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur. Il a été débouté de son action par jugement du 16 mai 2018, dont il a relevé appel, affaire pendante devant la présente cour.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Il ne ressort pas des pièces du dossier d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.

L'article 1224 du code civil du code civil permet au salarié de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisament graves de ce dernier à ses obligations contractuelles.

Il appartient à M. U... d'établir la réalité des manquements reprochés à son employeur et de démontrer que ceux-ci sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle. La résiliation prononcée produit les mêmes effets qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs si, ayant engagé l'instance en résiliation de son contrat de travail, le salarié est licencié ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

La juridiction prud'homale est toujours compétente pour statuer sur le bien fondé de la rupture du contrat de travail et indemniser la perte injustifiée de l'emploi, qu'elle que soit la partie à l'initiative de la rupture.

A l'appui de sa demande de résiliation judiciaire, M. U... soutient que l'employeur n'a pas respecté les préconisations du médecin du travail, ni au jour de l'accident, ni précédemment. Il affirme que les fiches de transport et bordereaux de tournées qu'il verse aux débats démontrent qu'il était amené à manier des colis sur palettes ou en vrac. Il ajoute que le 3 avril 2014, il a du décharger une plaque de verre de 100 kgs avec pour seul matériel un petit diable manuel. Il soutient que l'employeur n'a pas respecté les mesures de prévues par les articles L 4121-2, R 4541-3 et R 4541-4 du code du travail et souligne que l'employeur avait connaissance de son statut de travailleur handicapé.

La société transports F... réplique qu'elle n'a eu connaissance du statut de travailleur handicapé du salarié qu'après la visite médicale d'embauche, alors que pendant les mois précédant cette embauche, où le salarié était intérimaire, aucune restriction médicale n'avait été portée à sa connaissance. Elle soutient que dès qu'elle a eu connaissance de l'avis du médecin de travail, elle a mis en oeuvre ses préconisations, Elle produit à ce titre le rapport de la SAMETH 13, intervenue à la demande du médecin du travail en octobre 2013 et ajoute que les véhicules étaient équipés de hayon et de matériel d'aide au déchargement.

Il est rappelé que, selon l'article L 4121-1 du code du travail:

« L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

· Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail

· Des actions d'information et de formation ;

· La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes »

Pour la mise en oeuvre des mesures ci-dessus prévues, il doit s'appuyer sur les principes généraux suivants visés à l'article L.4121-2 du code du travail:

'· Eviter les risques

· Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

· Combattre les risques à la source ;

· Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

· Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

· Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

· Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis par l'article L. 1142-2-1 ;

· Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

· Donner les instructions appropriées aux travailleurs'.

S'agissant des activités de manutention manuelle les articles R 4541-3 et R 4541-4 du code du travail précisent que:

- l'employeur prend les mesures d'organisation appropriés et notamment les équipements mécaniques afin d'éviter le recours à la manutention manuelle de charges pour les travailleurs,

- lorsque la nécessité d'une manutention manuelle de charges ne peut être évitée..... l'employeur prend les mesures d'organisation appropriées ou met à la disposition des travailleurs les moyens adaptés, si nécessaire en combinant leurs effets de façon à limiter l'effort physique et réduire le risque encourru lors de cette opération.

Il appartient à l'employeur d'établir qu'il a assuré l'effectivité de ces mesures. En l'espèce, la visite médicale d'embauche du 16 février 2012 comportait des restrictions et notamment quant à la manutention manuelle. L'employeur a eu connaissance du statut de travailleur handicapé de M. U... dans le même temps ainsi que le confirme la déclaration annuelle obligatoire d'emploi des travailleurs handicapés pour l'année 2011, adressée à la Directe avant fin février 2012. Après le premier accident du travail du 5 juin 2012, rechute d'un précédent accident du travail survenu le 18 août 2005, les restrictions médicales ont été accentuées : 'Contre indication médicale à la manutention manuelle (portages divers et tractations de palettes) et de déchargement. Seule la pulsion de déchargement à contraintes physiques modérées est compatible avec sa santé (exemple boxe à roulettes)'.

Afin d'établir qu'elle a respecté ces restrictions, la société intimée produit le compte rendu de la Sameth ( handicap et entreprises solutions actives pour le maintien dans l'emploi) intervenu à la demande du médecin du travail, duquel il résulte qu'après une réunion en entreprise pour une étude de poste le 21 octobre 2013 en présence de M. F..., directeur, M. D..., le médecin du travail et le salarié, il est conclu 'Vous avez selon les préconisations du médecin du travail réduit au maximum le port de charges; les aménagements mis en place lui permettent de continuer son activité, toutefois M. U... doit penser à se reconvertir sous peine d'aggraver à plus ou moins court terme son handicap; Dans cette perspective, ce salarié souhaite passer la formation transport de voyageurs; une session est prévue en janvier chez Promotrans, comme nous l'avons évoqué M. U... peut mobiliser le DIF et un co-financement Agefiph pour la somme restant à charge....

Plan d'action:

- maintien des aménagements mis en place,

- formation en janvier 2014 en vue d'un reclassement externe'.

Si cette pièce établit que les aménagements étaient en place en octobre 2013, il en résulte également un état très fragilisé du salarié, d'autant qu'il est précisé que cet organisme est intervenu à la demande du médecin du travail en raison des restrictions d'aptitude pouvant à moyen terme entraîner une inaptitude et afin de prévenir la désinsertion professionnelle, le but étant de parvenir au financement d'une formation, ce qui n'a pu se mettre en place, l'inaptitude étant finalement intervenue le 12 juin 2014.

Il est établi que le deuxième accident du travail est survenu le 3 avril 2014 lors du maniement d'une plaque de verre de 105 kgs d'une dimension de 257x 107 x 6 cms livrée dans un magasin de St Paul de Vence. Est versée au dossier l'attestation de M. B... L..., employé du magasin, ainsi rédigée '...atteste avoir reçu le 3 avril 2014, un colis de plus de 150 kgs (plaque de verre pour une table Barnoldi) et de plus de deux mètres, livré et manipulé par le chauffeur M. U... et moi-même. Dans ce cas de transport, nous pensons que l'emballage et le conditionnemment n'était pas adapté; la plaque de verre n'était pas mise de chant sur une palette, aucune prise! C'est au prix de nombreux efforts douloureux que nous avons pu la descendre du camion'. Cette attestation circonstanciée, accompagnée de la carte nationale d'identité de son auteur, constitue un élément probant retenu par la cour, bien que ne reprenant pas les dispositions de l'article 441-7 du code pénal.

Certes, les pièces produites par l'employeur établissent que les véhicules de la société étaient équipés de hayons avec télécommandes, sangles et transpalettes manuels ou électriques. Cependant, en l'espèce, la plaque de verre n'étant pas posée de chant sur une palette, au surplus dans un emballage inadapté, aucune manipulation par un diable ou une transpalette n'était possible et nécessairement incompatible avec les préconisations du médecin du travail contre indiquant la manutention manuelle et de déchargement.

En conséquence, c'est à juste titre que le salarié soutient que l'employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité, étant ajouté que dans un courrier du 14 mai 2014, date de la première visite de reprise, adressé par le médecin du travail au médecin traitant du salarié, le premier relève 'Je t'adresse M. U... A....... Le poste qu'il occupe actuellement ne respecte pas les aménagements proposés par le médecin du travail et son état de santé en a pâti; Il va mieux mais s'il reprend dans le mêmes conditions, il risque de rechuter....'.

Alors que le salarié était reconnu travailleur handicapé, qu'il avait déjà était victime d'un accident du travail, rechute d'un précédent accident, à l'origine d'une fragilité de la zone cervicale, ce que l'employeur n'ignorait pas, que si des équipements de manutention étaient disponibles, aucune attention n'était portée au chargement du camion et à la disposition des objets à livrer, laquelle n'était pas compatible avec les préconisations du médecin du travail, ce que confirment les photographies constituant la pièce 20 du salarié, c'est à juste titre que ce dernier soutient que la société intimée n'a pas respecté son obligation de sécurité et que ces manquements, ayant entraîné deux accidents du travail, sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle.

Il sera fait droit à la demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, laquelle produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, à effet du 2 juillet 2014.

En conséquence, le salarié est en droit de prétendre à une indemnité compensatrice de préavis , toujours due dans la situation de l'espèce, égale à trois mois, en application de l'article L 5113-9 du code du travail, soit la somme de 5209,98 € et congés payés afférents, soit 520,99 €, montants non contestés dans leur quantum. Ces créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2014, date du bureau de conciliation, à défaut pour la cour de déterminer la date à laquelle l'employeur a réceptionné sa convocation à cette audience.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. U... qui, à la date de la rupture du contrat de travail, comptait au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 46 ans, de son ancienneté de deux ans et sept mois dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi eu égard à son expérience professionnelle, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel subi la somme de 10 420 €, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il sera ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

La demande de créance indemnitaire distincte au titre du manquement à l'obligation de sécurité relève de l'indemnisation spécifique des accidents du travail.

La SAS Transports F... supportera les dépens et sera condamnée au paiement de la somme de 1500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Prononce, à effet du 2 juillet 2014, la résiliation du contrat de travail liant les parties, laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Transports F... à payer à M. H... U... les sommes suivantes:

- 5209,98 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, soit 520,99 €, avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2014,

- 10 420 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

Dit que la demande de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité ne relève pas en l'espèce du juge prud'homal,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SAS Transports F... aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 16/04061
Date de la décision : 04/04/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°16/04061 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-04;16.04061 ?
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