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28/03/2019 | FRANCE | N°18/09946

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 28 mars 2019, 18/09946


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2



ARRÊT

DU 28 MARS 2019



N° 2019/





Rôle N° RG 18/09946 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCTLE







SAS DHL FREIGHT FRANCE





C/





[B] [V]





















Copie exécutoire délivrée



le : 28/03/19

à :





Me Virginie HURSON-DEVALLET, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau

d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 351 )























Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 07 Juin 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° R 17/00349.





APPELANTE



SAS DHL FREIGHT FR...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT

DU 28 MARS 2019

N° 2019/

Rôle N° RG 18/09946 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCTLE

SAS DHL FREIGHT FRANCE

C/

[B] [V]

Copie exécutoire délivrée

le : 28/03/19

à :

Me Virginie HURSON-DEVALLET, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 351 )

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 07 Juin 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° R 17/00349.

APPELANTE

SAS DHL FREIGHT FRANCE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Virginie HURSON-DEVALLET, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Christine ANDREANI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [B] [V], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et représentée par Me Alexis TUPINIER avocat au barreau de DIJON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Janvier 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Agnès MICHEL, Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Agnès MICHEL, Président

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Mme Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Harmonie VIDAL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2019

Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Madame Harmonie VIDAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 1er juin 1999 Madame [B] [V] a été embauchée par la société DHL en qualité d'assistante du président directeur général France à [Localité 1];

À la suite d'une réorganisation des sièges sociaux et au transfert de son poste à Roissy, le 18 juillet 2005 dans le cadre d'un PSE elle a accepté le poste d'assistant du directeur administratif et financier basé à [Localité 1] à compter du 6 mars 2006.

Le 18 janvier 2012 la salariée a été victime d'un accident du travail. Elle a ensuite été victime d'un accident vasculaire cérébral le 14 novembre 2012 et placée en arrêt maladie.

Lors de la première visite de reprise le 1er mars 2017 le médecin du travail a conclu comme suit 'ne peut occuper son poste actuellement relève de la médecine de soins et nécessite être revue à la reprise effective du travail étude de poste à conduire avec l'employeur pour analyser les conditions professionnelles d'une reprise éventuelle'.

Après une étude de poste effectuée le 29 mars 2017 lors de la 2e visite de reprise le médecin du travail le 15 mai 2017 a conclu comme suit : ' inapte au poste selon l'article R4624 ' 42 du code du travail. Après étude de poste des conditions travail du 29 mars 2017 échanges avec l'employeur des 8 mars et 29 mars 2017 : inaptitude au poste assistante CFO; l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.

Par lettre du 31 mai 2017 la salariée a été convoquée un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 9 juin 2017, et a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 15 juin 2017.

Madame [V] a saisi le 25 octobre 2017 la formation de référé du conseil de prud'hommes de Marseille. Par ordonnance du 14 décembre 2017 le conseil de prud'hommes a ordonné une expertise confiée au Docteur [Y] et après dépôt du rapport d'expertise a statué comme suit par ordonnance du 7 juin 2018:

' dit et juge que Madame [V] est apte à un poste aménagé,

' dit et juge que l'état santé de Madame [V] ne fait pas obstacle à un reclassement dans un emploi aménagé au sein de l'entreprise ou du groupe,

' condamne la société DHL Freight à verser à Madame [V] la somme de 400 €au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' déboute Madame [V] du surplus de ses demandes,

' déboute le défendeur de ses demandes reconventionnelles,

' condamne le défendeur aux dépens en ce compris les honoraires et frais d'expertise payés par Madame [V] soit 300 € qui seront supportés par la société DHL.

Par déclaration du 15 juin 2018 la SAS Freight France a relevé appel de cette ordonnance.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 18 janvier 2019, auxquelles il est expressément référé, la société appelante demande à la cour de :

- d'infirmer l'ordonnance rendue le 7 juin 2018 par le conseil de prud'hommes de Marseille en ce qu'elle a :

- dit et jugé que Madame [V] est apte à un poste aménagé,

- dit et jugé que l'état de santé de Madame [V] ne fait pas obstacle à un reclassement dans un emploi aménagé au sein de l'entreprise ou du groupe,

- condamné la Société DHL FREIGHT à verser à Madame [V]la somme de 400 € au titre de l'article 700 du CPC,

- débouté Madame [V] du surplus de ses demandes,

- débouté le défendeur de ses demandes reconventionnelles,

- condamné le défendeur aux dépens en ce compris les honoraires et les frais d'expertise payés par Madame [V]soit 300 € qui seront supportés par la Société DHL,

Statuant à nouveau,

Vu l'article L. 4624-7 du code du travail, dans rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 applicable en la cause,

A titre principal :

- dire et juger que le conseil de prud'hommes de Marseille ne pouvait statuer sur les demandes de Madame [V] sans excéder ses pouvoirs ;

- rejeter les demandes de Madame [V] tendant à l'annulation de l'avis d'inaptitude rendu le 15 mai 2017 ayant déclaré Madame [V] inapte à son poste avec état de santé faisant obstacle à tout reclassement, dire et juger que l'état de santé de Madame [V] ne fait pas obstacle à tout reclassement dans un emploi et à dire et juger que Madame [V] est apte au travail sur un poste adapté ;

A titre subsidiaire :

- constater que le médecin expert a déclaré que Madame [V]était inapte à son poste d'assistante CFO, apte au travail sur un poste adapté et a considéré que les conclusions du médecin du travail du 15 mai, à savoir « Inapte au poste selon art R4624-42 du code du travail, après étude de poste et des conditions de travail du 29/03/2017, échanges avec l'employeur des 8/03/2017 et 29/03/2017 : Inaptitude au poste de Assistante CFO, l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi », sont en accord avec les articles de la « Loi Travail » applicables à compter du 1er janvier 2017 ;

En tout état de cause :

- débouter Madame [V] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Madame [V] aux frais d'expertise et à 3.000€ au titre de l'article 700 du CPC.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 28 janvier 2019, auxquelles il est expressément référé, Madame [B] [V] demande à la cour de :

' débouter la société appelante de l'intégralité de ses moyens fins et prétentions,

' confirmer l'ordonnance dans l'intégralité de ses dispositions,

y ajoutant,

' condamner la SAS DHL Freight France aux entiers dépens d'appel et la condamner au paiement de la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au visa de l'article 905 du code de procédure civile le dossier a été fixé à l'audience du 12 décembre 2019, renvoyé à l'audience du 30 janvier 2019, date à laquelle il a été retenu.

MOTIFS DE LA DECISION

Il ne ressort pas des pièces du dossier d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.

Selon l'article L 4624-7 du code du travail, en sa rédaction applicable au litige,

I.-Si le salarié ou l'employeur conteste les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4, il peut saisir le conseil de prud'hommes d'une demande de désignation d'un médecin-expert inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel. L'affaire est directement portée devant la formation de référé. Le demandeur en informe le médecin du travail,

II.-Le médecin-expert peut demander au médecin du travail la communication du dossier médical en santé au travail du salarié prévu à l'article L. 4624-8, sans que puisse lui être opposé l'article 226-13 du code pénal.

III.-La formation de référé ou, le cas échéant, le conseil de prud'hommes saisi au fond peut en outre charger le médecin inspecteur du travail d'une consultation relative à la contestation, dans les conditions prévues aux articles 256 à 258 du code de procédure civile.

IV.-La formation de référé peut décider de ne pas mettre les frais d'expertise à la charge de la partie perdante, dès lors que l'action en justice n'est pas dilatoire ou abusive.

L'article R4624-45 précise en cas de contestation portant sur les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail mentionnés à l'article L. 4624-7, la formation de référé est saisie dans un délai de quinze jours à compter de leur notification. Les modalités de recours ainsi que ce délai sont mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail. La formation de référé statue dans les conditions prévues à l'article R. 1455-12. Sa décision se substitue aux éléments de nature médicale mentionnés au premier alinéa qui ont justifié les avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés. Le médecin du travail informé de la contestation n'est pas partie au litige. Il peut être entendu par le médecin-expert.

Liminairement, il est observé que:

- la salariée n'a eu connaissance de l'avis contesté que le 13 octobre 2017,

- statuant dans le cadre de la contestation d'un avis d'inaptitude, la cour ne saurait se prononcer sur une situation de harcèlement moral ou sur la nature de l'inaptitude de la salariée.

Il résulte du raport d'expertise que Mme [V], 'en arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif en rapport avec le contexte professionnel et des problèmes personnels a été victime d'un accident du travail dans les suites duquel elle a présenté un accident vasculaire cérébral dont elle garde les séquelles. Hospitalisée pendant plusieurs mois, elle a ensuite bénéficié d'un suivi neurologique régulier et d'une rééducation soutenue (poursuivie jusqu'à ce jour) qui lui a permis de retrouver une certaine autonomie. Elle a été reconnue travailleur handicapée depuis le 23 janvier 2014 et qu'elle a été déclarée en invalidité catégorie 2 le 1er mars 2015. Le médecin expert conclut: Compte tenu des éléments médicaux en sa possession, de l'examen clinique et de la fiche de poste de la salariée, que:

- Mme [V] est inapte à son poste d'assistante CFO,

- apte au travail sur un poste adapté,

- les conclusions du médecin du travail du 15 mai 2017, si les échanges déclarés avec l'employeur des 8 et 29 mars 2017 ont mis en évidence qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation de poste de travail occupé n'est possible à l'intérieur de la société DHL, sont en accord avec les dispositions de la loi travail applicables au 1er janvier 2017".

L'article L 4624-4 du code du travail décrit la conduite que doit tenir le médecin du travail avant de rendre l'avis d'inaptitude, dans les termes suivants: « Après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l'équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l'employeur, le médecin du travail, qui constate qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n'est possible et que l'état de santé du travailleur justifie un changement de poste, déclare le travailleur inapte à son poste de travail. L'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d'indications relatives au reclassement du travailleur'.

L'article L 4624-5 précise 'Pour l'application des articles L. 4624-3 et L. 4624-4, le médecin du travail reçoit le salarié, afin d'échanger sur l'avis et les indications ou les propositions qu'il pourrait adresser à l'employeur. Le médecin du travail peut proposer à l'employeur l'appui de l'équipe pluridisciplinaire ou celui d'un organisme compétent en matière de maintien en emploi pour mettre en 'uvre son avis et ses indications ou ses propositions'.

Selon l'article R 4624-42, l'avis d'inaptitude n'est rendu par le médecin du travail que:

'' s'il a réalisé au moins un examen médical de l'intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ;

' s'il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ;

' s'il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d'entreprise a été actualisée ;

' s'il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l'employeur.

Ces échanges avec l'employeur et le travailleur permettent à ceux-ci de faire valoir leurs observations sur les avis et les propositions que le médecin du travail entend adresser.

S'il estime un second examen nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, le médecin réalise ce second examen dans un délai qui n'excède pas quinze jours après le premier examen. La notification de l'avis médical d'inaptitude intervient au plus tard à cette date.

Le médecin du travail peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.

L'avis contesté est conforme dans sa rédaction aux dipositions des articles L 1226-16-2 et R 4624-42 tels qu'ils résultent de la loi du 8 août 2016 et de son décret d'application, en ce qu'il permet au médecin du travail de mentionner que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, qui se s'entend pas uniquement 'dans l'entreprise' contrairement à ce que soutient la société DHL. Cette mention a pour conséquence de dispenser l'employeur de toute recherche de reclassement et suppose l'absence de capacité restante de travail pour le salarié.

Or, selon les conclusions du médecin expert, la salariée, dont il n'est pas établi qu'elle a échangé avec le médecin du travail dans les conditions ci-dessus, est apte à un poste adapté.

Cependant, c'est manifestement par une interprétation erronée de ces conclusions que le conseil de prud'hommes en a conclu que 'l'état de santé de Mme [V] ne fait pas obstacle à un reclassement dans un emploi aménagé au sein de l'entreprise ou du groupe'.

En l'état de l'ensemble de ces éléments, les éléments médicaux relevés par le médecin expert justifient l'avis du médecin du travail en ce qu'il conclut que Mme [V] est inapte à son poste d'assistante CFO, mais ne le justifient pas en qu'il indique 'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi', alors que l'expert conclut que Mme [V] est apte au travail sur un poste adapté.

L'ordonnance déférée sera infirmée en ce sens.

Les dépens seront supportés par la SAS DHL Freight France. L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant en la forme des référés,

Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que les éléments relevés par le médecin expert justifient l'avis du médecin du travail en ce qu'il conclut que Mme [V] est inapte à son poste d'assistante CFO, mais ne le justifient pas en ce qu'il indique 'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi',

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SAS DHL Freight France aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-2
Numéro d'arrêt : 18/09946
Date de la décision : 28/03/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°18/09946 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-28;18.09946 ?
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