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28/03/2019 | FRANCE | N°17/07097

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 28 mars 2019, 17/07097


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AU FOND

DU 28 MARS 2019



N° 2019/164













Rôle N° RG 17/07097 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BALUG







[Z] [F] épouse [H]





C/



[P] [Q]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me LADOUCE



Me JUSTON



PG











D

écision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de DRAGUIGNAN en date du 07 Mars 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2014/6000.





APPELANTE



Madame [Z] [F] épouse [H]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]



représentée et assistée de Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN





IN...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 28 MARS 2019

N° 2019/164

Rôle N° RG 17/07097 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BALUG

[Z] [F] épouse [H]

C/

[P] [Q]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me LADOUCE

Me JUSTON

PG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de DRAGUIGNAN en date du 07 Mars 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2014/6000.

APPELANTE

Madame [Z] [F] épouse [H]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée de Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIME

Maître [P] [Q]

agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARLADVANCE CONSTRUCTION,

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Laurence NARDINI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Février 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Bernard MESSIAS, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Bernard MESSIAS, Président rapporteur

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Anne CHALBOS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2019.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2019,

Signé par M. Bernard MESSIAS, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La SARL ADVANCE CONSTRUCTION a été constituée le 9 septembre 2008 et a pour associée unique la SARL AZUR CONCEPT, les deux entreprises ayant une activité dans le bâtiment, et pour gérant, respectivement [Z] [F] épouse [H] pour la première et son conjoint, [I] [H], pour la seconde ;

Le 28 juillet 2011, la SARL ADVANCE CONSTRUCTION a effectué une déclaration de cessation des paiements et, par jugement en date du 13 septembre 2011, le tribunal de commerce de DRAGUIGNAN a ouvert à son encontre une procédure de redressement judiciaire, Me [P] [Q] étant désigné en qualité de mandataire judiciaire ;

La SARL ADVANCE CONSTRUCTION a créé de nouvelles dettes à hauteur de 84 000 € durant la période d'observation ce qui a conduit à la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire par jugement du 6 décembre 2011, Me [P] [Q] étant alors nommé mandataire liquidateur de la société ;

Postérieurement à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, la SARL AZUR CONCEPT, associée unique de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION, a transféré son siège social à FREJUS et a modifié son objet social en ingénierie et étude technique mais a elle-même fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire prononcée par jugement du tribunal de commerce de FREJUS en date du 16 juillet 2012 ;

Le 10 octobre 2014, Me [P] [Q], ès-qualités, a assigné devant le tribunal de commerce de DRAGUIGNAN, [Z] [F] épouse [H] aux fins de la voir condamner à supporter la totalité de l'insuffisance d'actif de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION, soit une somme de 210 000 € ;

Au terme de 14 renvois sollicités par les parties, le tribunal de commerce de DRAGUIGNAN a, par jugement du 7 mars 2017 :

-dit recevable l'action fondée sur l'article L.651-1 à L.651-5 du code de commerce ;

-condamné [Z] [F] épouse [H] à payer la somme de 148 667 € à Me [P] [Q], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION ;

-condamné [Z] [F] épouse [H] à payer la somme de 1 00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné [Z] [F] épouse [H] aux entiers dépens ;

-ordonné l'exécution provisoire et la publicité légale en pareille matière ;

Pour statuer de la sorte, le tribunal de commerce de DRAGUIGNAN relève que la SARL ADVANCE CONSTRUCTION n'a aucun actif et a généré en trente mois un passif de 322 677,01 €, outre une somme de 84 000 € non-comptabilisée comme étant née après l'ouverture de la procédure collective ;

Il relève qu'au 31 décembre 2009, la société affichait un chiffre d'affaires de l'ordre de 119 238 € tandis que les frais de personnel atteignaient la somme de 313 244 €, soit un ratio de 262,7% alors que, dans le secteur du bâtiment, ce ratio est de 35% ;

Le tribunal de commerce de DRAGUIGNAN en déduit une gestion fautive qui ne pouvait conduire qu'à une insuffisance d'actif et qui se caractérisait par un système de rémunérations croisées avec la SARL AZUR CONCEPT à cause duquel la SARL ADVANCE CONSTRUCTION supportait les frais de personnel de la SARL AZUR CONCEPT qui, en revanche, encaissait le chiffre d'affaires ;

En conséquence, les capitaux propres de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION sont devenus inférieurs de moitié au capital social de sorte que, dès cette date du 31 décembre 2009, la société était en cessation d'activité, ce qui n'a pas empêché [Z] [F] épouse [H] de poursuivre l'activité de l'entreprise en 2010 et ce, sans recapitalisation ;

Les premiers juges observent que dans le bilan le poste « matériaux » pourtant essentiel à l'activité est inexistant et que, pour contourner la règlementation des contrats de construction de maisons individuelles (CCMI), la SARL AZUR CONCEPT scindait les marchés afin de faire intervenir la SARL ADVANCE CONSTRUCTION ;

Ils relèvent que les premiers impayés dont s'est rendue coupable la SARL ADVANCE CONSTRUCTION commencent à partir du 3ème trimestre 2009 et du 4ème trimestre 2010 au titre des cotisations de l'URSSAF et jusqu'à la déclaration de cessation des paiements, des deux premiers trimestres 2011 au titre de la TVA et du 4ème trimestre 2010 et des trois premiers trimestres 2011 au titre de la CAISSE PRO BTP ;

Il est précisé que la SARL ADVANCE CONSTRUCTION n'a pas obtenu de plan d'apurement de ses créanciers ou des délais de paiement ;

Outre la poursuite abusive d'une activité déficitaire pour le compte et l'intérêt personnel de l'associée unique, la SARL AZUR CONCEPT dont les dirigeants sont les époux [H], le tribunal de commerce de DRAGUIGNAN met en exergue le laxisme de [Z] [F] épouse [H] face à la situation financière de la société, laxisme qui serait la cause directe de l'insuffisance d'actif ;

Enfin, le tribunal de commerce note l'abandon de créance de la SARL AZUR CONCEPT sur la SARL ADVANCE CONSTRUCTION d'un montant de 174 000 € réduisant l'insuffisance d'actif de cette dernière à 148 677 € ;

Le 10 avril 2017, [Z] [F] épouse [H] a interjeté appel de ce jugement auprès du greffe de la Cour de céans qui l'a enregistré sous le numéro 17/06085 le 11 avril 2017 ;

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 10 juillet 2017, [Z] [F] épouse [H] demande à la Cour de :

-réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

-débouter Me [P] [Q], ès-qualités de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

-condamner Me [P] [Q], ès-qualités, au paiement d'une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui seront distraits au profit de Me Florent LADOUCE, par application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Au soutien de ses demandes, [Z] [F] épouse [H] fait valoir que, s'agissant de l'insuffisance d'actif, le mandataire liquidateur fait état d'une insuffisance d'actif de 322 677,01 € outre un passif postérieur de 84 000 €, mais que le passif en question n'a pas été vérifié et que la comptabilité de la procédure collective n'a pas été produite aux débats ;

Elle constate que l'insuffisance d'actif réelle ne correspond pas à celle qui est avancée puisque, par exemple, y figure une créance des Epoux [X] à hauteur de 96 547,44 € alors que ceux-ci ne disposent d'aucun titre exécutoire et qu'ils ont déclaré la même créance au passif de la SARL AZUR CONCEPT et que, finalement, le tribunal de grande instance de TOULON les a déboutés de leur demande ;

S'agissant des fautes de gestion, elle expose que le tribunal de commerce n'a pas démontré en quoi les faits qui lui étaient reprochés dépassaient le cadre de la simple négligence et qu'elle était gérante bénévole non associée de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION ;

De plus, elle affirme avoir convoqué une assemblée générale le 28 octobre 2010 et avoir proposé la dissolution de la société, ce qu'a refusé la SARL AZUR CONCEPT qui a décidé de poursuivre l'exploitation malgré la perte de plus de la moitié du capital ;

Elle indique que les résultats se sont améliorés en 2010 avec un bénéfice de 5 119 € et l'obtention de délais de paiement de la part de l'URSSAF. Elle a, de plus, commandé au cabinet comptable une situation du 1er janvier au 30 juin 2011 qui a révélé un arrêt de la croissance de la société aussi, dès le 28 juillet 2011 a-t-elle décidé de déclarer l'état de cessation des paiements ;

S'agissant du grief de déclaration tardive de l'état de cessation des paiements, elle relève que jamais il n'a été demandé un report de la date retenue initialement, soit le 28 juillet 2011. Or, selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements nécessite qu'un jugement du tribunal fixe avec certitude la date réelle de cessation des paiements. Dans ces conditions, il ne s'est même pas écoulé un jour entre la survenance de l'état de cessation des paiements et sa déclaration, de sorte que cette faute de gestion n'est pas démontrée ;

Au visa de ses dernières écritures déposées et notifiées le 8 septembre 2017, Me [P] [Q], ès-qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL ADVANCE CONCEPT, sollicite la Cour de :

-confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé que [Z] [F] épouse [H] avait poursuivi une activité déficitaire de manière abusive pour le compte et dans l'intérêt personnel de son associé unique, la SARL AZUR CONCEPT et des dirigeants des deux sociétés, à savoir les Epoux [H] et en ce qu'il a retenu une faute de gestion à l'encontre de [Z] [F] épouse [H] ayant contribué à l'insuffisance d'actif ;

-constater l'existence d'un passif certain de 220 000 € ;

-constater l'existence d'une insuffisance d'actif de 220 000 € ;

-infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a limité la participation de [Z] [F] épouse [H] à l'insuffisance d'actif à un montant de « 146 667 € » (sic) ;

Statuant à nouveau sur le quantum,

-condamner [Z] [F] épouse [H] à payer à Me [P] [Q], ès-qualités, la somme de 210 000 € correspondant à l'insuffisance d'actif à laquelle a contribué la faute de gestion de [Z] [F] épouse [H] ;

-condamner [Z] [F] épouse [Q] au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

A l'appui de ses demandes, Me [P] [Q], expose que [I] [H], gérant de la SARL AZUR CONCEPT, a été condamné à participer à l'insuffisance d'actif de la SARL AZUR CONCEPT à hauteur de 50 000 € suivant arrêt de la Cour de ce siège en date du 10 novembre 2016 ;

S'agissant de la notion de négligence exclusive de la mise en 'uvre de la faute de gestion dans l'insuffisance d'actif, il rappelle qu'elle renvoie à une faute non intentionnelle, ce qui ne saurait correspondre à la nature et l'importance des fautes imputables à [Z] [F] épouse [H] ;

Il précise que dans le calcul de l'insuffisance d'actif, il n'a pas incorporé les dettes nées après l'ouverture de la procédure collective et rappelle que ne disposant d'aucun actif disponible, il a le souci de réduire les frais de la procédure et à ce titre, comme l'article L.641-4 du code de commerce l'y autorise, il n'est pas tenu à vérifier les créances pourvu que le passif ne soit pas discutable et soit supérieur à l'actif même s'il n'est établi que partiellement ou ne peut être définitivement fixé. A ce titre, seule la créance des Epoux [X] est litigieuse de sorte que l'insuffisance d'actif est certaine pour 220 000 € ;

En cause d'appel, Me [P] [Q] a abandonné devant les premiers juges la faute de gestion relative à la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements ;

S'agissant de la poursuite abusive d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel, il souligne la distorsion flagrante entre le chiffre d'affaires et les charges d'exploitation dès la première année d'activité de la société ce qui établit le défaut de viabilité de l'entreprise. Sur ce point, il écarte l'argument présenté par l'appelante rappelant la convocation de l'assemblée générale en vue de la dissolution de la société dès lors que l'associée unique n'est autre que la SARL AZUR CONCEPT dont le dirigeant est son mari ;

Le mandataire liquidateur relève encore que le poste « matières premières » du bilan est inexistant alors que toute entreprise de bâtiment a besoin de matériels pour 'uvrer et que, la partie basse du même bilan est tout aussi inexistante ;

Il considère que le rapprochement des comptabilités de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION et de la SARL AZUR CONCEPT permet de comprendre le fonctionnement des sociétés intimement liées, à savoir que la première supportait les charges de la seconde, notamment en ce qui concerne les personnels tandis que la seconde s'appropriait les recettes clients de la première. Ainsi, [Z] [F] épouse [H] versait en tant que gérante de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION une rémunération de 3 500 € par mois à son conjoint et [I] [H], gérant de la SARL AZUR CONCEPT reversait un salaire

de 3 500 € à son épouse ;

En outre, la SARL ADVANCE CONCEPT assurait le paiement des frais de location d'un véhicule de marque PORSCHE et d'autres avantages en nature au profit d'[I] [H] ;

Sur l'argument tiré de la réactivité de l'appelante, notamment par la demande faite à son cabinet comptable de faire une situation financière de la société à la fin du premier semestre 2011, le mandataire liquidateur observe qu'un gérant qui ne peut reverser la TVA qu'il collecte depuis plus de six mois sait parfaitement qu'il se trouve en état de cessation des paiements. Or, outre la TVA, il existait des impayés dès 2009 pour l'URSSAF et dès 2010 pour la CAISSE PRO BTP. Enfin, n'est pas rapportée la preuve de l'octroi d'un échéancier par les créanciers de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION ;

Sur le lien de causalité, il est mentionné que sans trésorerie, sans recapitalisation du capital de la société, sans prise de mesure sérieuse en matière de gestion pour redresser la société, [Z] [F] épouse [H] a créé après le 31 décembre 2009, un passif né directement de la poursuite d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel ;

Par conclusions écrites en date du 7 décembre 2018, le parquet général demande à la Cour de cour confirmer la décision entreprise dans son principe, l'insuffisance d'actifs étant certaine et le nombre et la gravité des fautes de gestion imputables à la dirigeante justifiant pleinement sa condamnation à la somme de 200 000 € sollicitée ;

Par ordonnance présidentielle en date du 18 juillet 2018, les parties ont été avisées que la procédure étant traitée dans les conditions prescrites à l'article 905 du code de procédure civile, l'affaire serait appelée à l'audience du 12 décembre 2018 ;

SUR CE

Sur l'insuffisance d'actif

Aux termes de l'article L.651-2 du code de commerce tel que modifié par la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016, postérieurement aux faits mais d'application immédiate pour les procédures en cours, « lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée. » ;

Attendu que le 28 juillet 2011, [Z] [F] épouse [H] a effectué la déclaration de cessation des paiements de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION, dont elle est la gérante, en vue de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire (pièce n°8 de l'appelante) ;

Qu'elle y indique l'absence totale de créances à recouvrer pour la société et un actif de 22 716€ pour l'exercice 2008/2009, ce qui est censé correspondre au résultat de l'activité de l'entreprise mais en aucun cas à l'actif disponible de cette dernière ;

Attendu en revanche qu'il s'évince d'un procès-verbal de carence établi par Me [H] [R], commissaire-priseur judiciaire, le 18 novembre 2011, que la SARL ADVANCE CONSTRUCTION ne dispose d'aucun actif, [Z] [F] épouse [H] expliquant cette situation par le fait que son activité consistait à des prestations de main d''uvre ne nécessitant aucun matériel, biens ou objet mobiliers constituant d'ordinaire un patrimoine (pièce n°5 de l'intimé) ;

Attendu que s'agissant du passif exigible de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION, [Z] [F] épouse [H], a évalué au 19 avril 2013, le passif de la société à 322 677,01 € dont 198 790,36 € à titre privilégié et 123 886,65 € à titre chirographaire ;

Attendu qu'au 20 juillet 2017, l'état succinct des créances établi par Me [P] [Q], ès-qualités, indique un total de créances déclarées pour un montant de 323 105,39 € dont 199 218,74 € à titre privilégié et 123 886,65 € à titre chirographaire ;

Attendu que parmi ces créances figurent celles de la MAAF, de la Caisse du BTP, du Cabinet IMERT-REBOUL, de la CFTG, trois créances de la Caisse PRO BTP, de la Direction générale des finances publiques, de l'AIST 83, de l'URSSAF du Var, deux créances au titre de la CGEA, une créance [A] [V] et une créance d'un montant de 96 547,44 € déclarée à titre chirographaire par les Epoux [X] (pièce n°26 de l'intimé) ;

Attendu que par jugement en date du 24 juin 2013, le tribunal de grande instance de TOULON a débouté les Epoux [X] de l'action qu'ils avaient entreprise à l'égard de la SARL AZUR CONCEPT en paiement de deux factures d'un montant total d'environ 22 500 € ;

Attendu que [Z] [F] épouse [H], se fondant sur ce jugement, conteste l'intégration de la créance déclarée des Epoux [X], dans la totalité du passif de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION ;

Mais attendu que, d'une part, le litige tranché par le tribunal de grande instance de TOULON concerne les Epoux [X] et la SARL AZUR CONCEPT qui est une société juridiquement distincte de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION laquelle n'est intervenue sur le chantier des Epoux [X] que parce que la SARL AZUR CONCEPT lui a confié le lot « toiture » ;

Que d'autre part, le montant des sommes en jeu devant le tribunal de commerce de TOULON porte sur 22 500 € alors que la créance déclarée par les Epoux [X] au passif de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION est de 96 547,44 € ;

Attendu que dans ces conditions, il est inexact de soutenir comme le fait l'appelante que la créance des Epoux [X] déclarée au passif de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION est rejetée et qu'elle est tout au plus contestée par elle ;

Attendu que si la contestation de cette créance émise par [Z] [F] épouse [H], ès-qualités de gérante, prospérait, le passif admis de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION serait de 323 105,39 € - 96 547,44 €, soit 226 557,95 € ;

Attendu que l'actif disponible étant inexistant, le montant de l'insuffisance d'actif de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION est de 226 557,95 € ;

Attendu qu'aux termes de l'article L.641-4 alinéa 2 du code de commerce, « Il n'est pas procédé à la vérification des créances chirographaires s'il apparaît que le produit de la réalisation de l'actif sera entièrement absorbé par les frais de justice et les créances privilégiées, à moins que, s'agissant d'une personne morale ou d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée, il n'y ait lieu de mettre à la charge des dirigeants sociaux de droit ou de fait ou de cet entrepreneur tout ou partie du passif conformément à l'article L.651-2. » ;

Attendu en conséquence que c'est à tort que [Z] [F] épouse [H] fait grief au mandataire liquidateur de n'avoir pas procédé à la vérification des créances alors que le montant déclaré à titre chirographaire atteint la somme de 123 886,65 € et que l'actif est inexistant ;

Sur les fautes de gestion reprochées à [Z] [F] épouse [H]

Attendu qu'il convient de donner acte à Me [P] [Q] de ce qu'il renonce à soutenir à l'encontre de [Z] [F] épouse [H] l'existence d'une faute de gestion caractérisée par la tardiveté de la déclaration de l'état de cessation des paiements ;

*S'agissant de la poursuite abusive d'une activité déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale

Attendu que [Z] [F] soutient que pour retenir cette faute à son encontre, le tribunal de commerce de DRAGUIGNAN ne démontre pas en quoi elle aurait été commise dans son intérêt personnel et aurait été autre chose qu'une simple négligence ;

Attendu qu'il y a lieu d'observer que contrairement à l'article L.653-4 4° du code de commerce qui, à propos de cette faute, subordonne l'infliction d'une mesure de faillite personnelle à la preuve que le dirigeant a agi dans son intérêt personnel, une telle exigence n'est pas requise pour condamner le dirigeant à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif ;

Qu'une telle distinction trouve son fondement dans le caractère personnel de la mesure de faillite personnelle qui réprime le comportement du dirigeant qui fait prévaloir son intérêt propre à l'intérêt social de la société tandis que la faute de gestion punie d'une simple contribution à l'insuffisance d'actif vient sanctionner des choix de gestion faites par le dirigeant qui se sont révélés néfastes pour la société ;

Attendu qu'en l'espèce la date de cessation des paiements déclarée le 28 juillet 2011 par [Z] [F] épouse [H] a été fixée à cette date par le jugement du tribunal de commerce de DRAGUIGNAN du 13 septembre 2011 ouvrant la procédure de redressement judiciaire de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION ;

Qu'en conséquence, la poursuite d'une activité déficitaire imputée à l'appelante se situe sur la période antérieure au 28 juillet 2011 ;

Attendu que le 9 septembre 2008, les statuts de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION ont été élaborés (pièce n°1 de l'intimé) ;

Attendu qu'aux termes des déclarations de créances, les premiers impayés apparaissent dès le troisième trimestre 2009 pour l'URSSAF, à partir du quatrième trimestre 2010 pour la Caisse PRO BTP et à compter du premier trimestre 2011 au titre de la TVA pour la Direction générale des finances publiques ;

Attendu qu'il résulte de l'examen des bilans au 31 décembre 2009, au 31 décembre 2010 et au 30 juin 2011 que pour la première année d'activité, sur seize mois, la SARL ADVANCE CONSTRUCTION a réalisé un chiffre d'affaires net de 119 238 € et que les charges d'exploitation ont atteint une somme de 471 376 € dont pratiquement 50% ont été constitués par le poste « salaires et traitements » (204 431 €) ;

Attendu que dans le même temps, le poste « achats de matière premières et autres approvisionnements » se situait à 59 446 € tandis que le poste « autres achats et charges externes » était de 95 550 € ;

Qu'ainsi, dès la première année de son activité la SARL ADVANCE CONSTRUCTION a eu un chiffre d'affaires qui ne lui a pas permis de couvrir ses salaires et traitements versés ;

Que par ailleurs, le poids des charges en provenance des tiers autres que les achats, comme les frais de sous-traitance, les loyers, les redevances de crédit-bail, les primes d'assurance, a constitué un fardeau particulièrement lourd au regard du chiffre d'affaires réalisé (pièce n° 9 de l'intimé) ;

Attendu que pour l'exercice 2010, le chiffre d'affaires s'est amélioré en passant à 337 258 € et les charges d'exploitation ont été maintenues à hauteur de 332 149 €, de sorte que le résultat d'exploitation a pu être positif pour une valeur de 5 119 € ;

Attendu cependant que ce solde positif n'est dû qu'à l'absence totale d'achats de matières premières et autres approvisionnements qui avait coûté 59 446 € en 2009 (pièce n°10 de l'intimé) ;

Attendu que pour l'exercice arrêté au 30 juin 2011, il apparaît que le chiffre d'affaires est de 152 759 €, soit proportionnellement inférieur à celui de 2010 par projection sur l'année entière, et que les charges d'exploitation se situent à 234 346 € avec, à mi-exercice, un poste « salaires et traitements » représentant d'ores et déjà 76% du total pour tout l'exercice 2010 ;

Qu'il se déduit de ces éléments comparatifs que [Z] [F] épouse [H] a poursuivi abusivement une activité déficitaire dans la mesure où la productivité de l'entreprise s'est immédiatement révélée insuffisante au regard du poids des charges d'exploitation mal maîtrisées et de la faiblesse de l'investissement en achats de matières premières ou d'approvisionnement qui a constitué un obstacle à l'accroissement pérenne et substantiel du chiffre d'affaires ;

Attendu que de surcroît, la trésorerie de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION n'a cessé de péricliter jusqu'à la date de cessation des paiements ;

Qu'en conséquence, [Z] [F] épouse [H] a poursuivi de manière abusive une exploitation déficitaire ab initio de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION, ce qui a conduit inéluctablement à l'état de cessation des paiements ;

*S'agissant de l'usage des biens ou du crédit de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION contraire à ses intérêts et favorisant la SARL AZUR CONCEPT, société dans laquelle [Z] [F] est directement ou indirectement intéressée

Attendu qu'il ressort des statuts de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION que celle-ci ne compte qu'une associée unique, la SARL AZUR CONCEPT dont le gérant est [I] [H], époux de [Z] [F] ;

Qu'il est constant que les deux sociétés 'uvraient, jusqu'à l'ouverture de la procédure collective de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION, dans le même secteur d'activité ;

Attendu que le rapprochement entre les comptes de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION et ceux de la SARL AZUR CONCEPT pour l'exercice 2009 permet de constater que pour cette dernière, avec un chiffre d'affaires net de 773 066 €, la charge des salaires et traitements n'est que de 112 364 €, soit un rapport supérieur à 7 alors que, s'agissant de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION, le rapport est inversé et est de l'ordre de -4 ;

Qu'il se déduit de ce constat le paradoxe comptable qu'ayant censément moins d'activité que la SARL AZUR CONCEPT, la SARL ADVANCE CONSTRUCTION supporte néanmoins des salaires et traitements largement plus lourds ;

Attendu que, selon l'INSEE, le poids du coût salarial qui dans le secteur du bâtiment représente normalement environ 35% du chiffre d'affaire, est pour la SARL ADVANCE CONSTRUCTION de plus de 260%, soit 204 431 € au lieu de 41 733 € ;

Attendu que dans sa déclaration de cessation des paiements du 28 juillet 2011, [Z] [F] épouse [H] précise que la société compte sept salariés dont la rémunération brute mensuelle s'échelonne de 1 800 € à 2 490 € (pièces n°8 et n°9 de l'appelante) alors que la SARL AZUR CONCEPT n'a eu que trois salariés en 2009, puis quatre en 2010 ;

Qu'un tel nombre de salariés et une telle rémunération correspondante ne peuvent justifier l'importance du poste « salaires et traitements » , soit 204 431 € avec des charges sociales de l'ordre de 108 236 €, étant précisé que, selon ses propres déclarations, [Z] [F] épouse [H] ne percevait aucune rémunération de la part de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION ;

Attendu qu'en réalité, le rapport inversement proportionnel « chiffre d'affaires/salaires et traitements » qui existe entre la SARL ADVANCE CONSTRUCTION et la SARL AZUR CONCEPT établit que la première a pris en charge la rémunération d'une partie des salariés de la seconde, avec de surcroît, le paiement des charges sociales inhérentes ;

Attendu que pour l'exercice 2010, le constat effectué en 2009, se maintient puisque, avec un chiffre d'affaires de 1 133 973 €, la SARL AZUR CONCEPT fait état d'un poste « salaires et traitements » de 180 911 €, c'est-à-dire que le rapport qui était de +7 en 2009, passe à +6 (pièce n°23 de l'intimé) ;

Attendu qu'une telle pratique mise en 'uvre par [Z] [F] épouse [H], de concert avec l'associée unique de la société, a consisté à faire du crédit de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION un usage contraire à son intérêt social puisqu'entraînant des charges supplémentaires normalement indues et un appauvrissement qui a favorisé la SARL AZUR CONCEPT, société dans laquelle elle était triplement intéressée d'abord en tant qu'elle représentait l'associée unique de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION, puis en tant qu'elle était associée de cette société dont [I] [H] son époux était le gérant, et enfin, en tant que, selon les déclarations de l'appelante, c'est la SARL AZUR CONCEPT qui la rémunérait (pièce n°22 de l'intimé) ;

Attendu qu'en outre, les deux sociétés sont soumises à la loi du 19 décembre 1990 qui règlemente les contrats de construction des maisons individuelles et prévoit notamment que le constructeur est le seul et unique interlocuteur professionnel depuis la conception du projet de construction jusqu'à la réception du bien ;

Attendu que pour s'affranchir de cette réglementation, les sociétés ont pratiqué un système par lequel l'une d'elles, en général la SARL AZUR CONCEPT, a contracté seule avec un client, puis une fois la déclaration d'ouverture de chantier (DROC) intervenue et donc la date normale d'achèvement des travaux fixée, la société contractante fait intervenir la seconde société apparentée, en général la SARL ADVANCE CONSTRUCTION, pour l'exécution d'un des lots du marché ;

Que par ce biais, la SARL AZUR CONCEPT et la SARL ADVANCE CONSTRUCTION ont pu écarter les obligations contraignantes notamment prévues par l'article L.231-2 du code de la construction et de l'habitation ;

Attendu que, par ce mécanisme, la SARL ADVANCE CONSTRUCTION a pu non seulement supporter les charges salariales et sociales relevant normalement de la comptabilité de la SARL AZUR CONCEPT mais qu'elle a subi un transfert de ses recettes directement à la SARL AZUR CONCEPT ;

Attendu qu'ainsi, [Z] [F] épouse [H] a versé sur les fonds de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION une rémunération de 3 500 € par mois à [I] [H] alors que ce dernier, hormis son statut d'associé via la SARL AZUR CONCEPT qu'il dirige, n'occupe aucune fonction au sein de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION susceptible de justifier un quelconque salaire ;

Que ce faisant, [Z] [F] épouse [H] a encore fait un usage du crédit de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION un usage contraire à son intérêt social et de nature à accroître le montant de l'insuffisance d'actif et ce au profit de [I] [H], son époux et gérant de la SARL AZUR CONCEPT dans laquelle elle était associée ;

Attendu qu'enfin, il ressort des éléments comptables rapprochés de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION et de la SARL AZUR CONCEPT que la première assurait le paiement des frais de location d'un véhicule de marque PORSCHE au seul profit de [I] [H] ;

Attendu qu'il s'évince de l'ensemble de ces constatations que [Z] [F] épouse [H] a commis plusieurs actes de nature à appauvrir le patrimoine de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION en dehors de tout intérêt pour celle-ci et dans le seul objectif de favoriser soit la SARL AZUR CONCEPT dont elle est l'associée, soit [I] [H] dont elle est l'épouse ;

*S'agissant de l'absence de prise de décisions révélant le laxisme de la dirigeante

Attendu que, par application de l'article L.223-42 du code de commerce : « Si, du fait de pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social, les associés décident, dans les quatre mois qui suivent l'approbation des comptes ayant fait apparaître cette perte s'il y a lieu à dissolution anticipée de la société.

Si la dissolution n'est pas prononcée à la majorité exigée pour la modification des statuts, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue, de réduire son capital d'un montant au moins égal à celui des pertes qui n'ont pu être imputées sur les réserves, si, dans ce délai, les capitaux propres n'ont pas été reconstitués à concurrence d'une valeur au moins égale à la moitié du capital social.

Dans les deux cas, la résolution adoptée par les associés est publiée selon les modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.

A défaut par le gérant ou le commissaire aux comptes de provoquer une décision ou si les associés n'ont pu délibérer valablement, tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société. Il en est de même si les dispositions du deuxième alinéa ci-dessus n'ont pas été appliquées. Dans tous les cas, le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser sa situation. Il ne peut prononcer la dissolution, si, au jour où il statue sur le fond, cette régularisation a eu lieu.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux sociétés en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou qui bénéficient d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire. » ;

 

Attendu qu'aux termes de l'exercice clos le 31 décembre 2009, la SARL ADVANCE CONSTRUCTION présente un solde de capitaux propres égal à - 340 109 € tandis que le capital social est de 7 000 € et que, pour l'exercice suivant achevé au 31 décembre 2010, les capitaux propres sont de -336 020 € alors que le capital social se situe à 7 000 € ;

Attendu que par application de l'article L.223-42 alinéa 1er du code de commerce, les capitaux propres de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION ayant été inférieurs de plus de la moitié du capital social en 2009 et en 2010, il appartenait à [Z] [F] épouse [H] dans les quatre mois suivant l'approbation des comptes de réunir une assemblée générale d'associés ;

Attendu que les comptes de l'exercice 2009 ayant été normalement établis au 30 juin 2010 au plus tard, [Z] [F] devait réunir une assemblée générale avant le 30 octobre 2010 ;

Attendu qu'il est acquis qu'une assemblée générale de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION a été convoquée et s'est tenue le 28 octobre 2010 et que, par une décision n°1, l'associée unique a décidé de ne pas dissoudre la société et de continuer son exploitation (pièce n°4 de l'appelante) ;

Attendu cependant que [Z] [F] n'a réalisé ultérieurement à cette délibération aucune recapitalisation en 2010 alors même que les résultats pour cet exercice ont conduit à un résultat d'exploitation certes positif mais à hauteur de + 5 119 €, ce qui constitue un bénéfice beaucoup trop faible pour résorber un report à nouveau de ' 347 109 € ;

Que d'ailleurs, pour les six premiers mois de l'exercice 2011, les capitaux propres ont atteint la valeur de -418 057 € alors que le capital social est demeuré à 7 000 € ;

Attendu qu'ainsi, pour permettre le fonctionnement fructueux de la SARL AZUR CONCEPT, [Z] [F] épouse [H] ne s'est pas préoccupée de la bonne marche de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION bien qu'en acceptant ses fonctions de gérante, elle était tenue de la surveillance et d'un contrôle sérieux de la gestion de la société ;

Que dans ces conditions, [Z] [F] s'est abstenue de prendre des mesures de réorganisation commerciale ou de restructuration afin de réduire les déficits et d'autonomiser l'activité de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION de celle de la SARL AZUR CONCEPT ;

Sur la commission des fautes de gestion imputées à [Z] [F] épouse [H] et la notion de négligence

Attendu que l'article L.651-2 du code de commerce exonère de sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif le dirigeant dont la faute de gestion s'analyserait comme une simple négligence dans la gestion de la société ;

Attendu que la notion de négligence, qui doit ici se distinguer de l'abstention ou de l'impéritie, n'est pas exclusive d'une faute conduisant à la participation à l'insuffisance d'actif pour le dirigeant si l'agissement de ce dernier constitue une atteinte au pacte social, peu important l'absence de mauvaise foi du dirigeant ou la fraude elle-même ;

Attendu que le pacte social coïncide avec l'intérêt social de la société. Or, en l'espèce en poursuivant une activité déficitaire qui a inéluctablement conduit à l'état de cessation des paiements et qui a eu pour unique objectif de servir les intérêts de l'associée unique, la SARL AZUR CONCEPT, [Z] [F] épouse [H] a sciemment agi en écartant de ses préoccupations l'intérêt social de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION ;

Attendu qu'en usant du crédit de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION dans le seul intérêt de la SARL AZUR CONCEPT parce qu'elle y était associée et que son mari en était le dirigeant, [Z] [F] épouse [H] qui, à aucun moment, ne prétend avoir pris de décision sous la pression de [I] [H], ne peut soutenir avoir agi ou s'être abstenue d'agir par simple légèreté ;

Qu'en réalité, l'enchevêtrement consenti et recherché des deux sociétés répond au souci de faire prévaloir son intérêt personnel à celui de la société dont elle est la gérante, étant rappelé à cet égard que c'est la SARL AZUR CONCEPT qui lui verse son salaire dont le montant est équivalent à celui acquitté par la SARL ADVANCE CONSTRUCTION à [I] [H] lequel se fait rétribuer à nouveau par la SARL AZUR CONCEPT ;

Attendu enfin que le laxisme dont a fait preuve [Z] [F] épouse [H] compte tenu des mauvais résultats de l'entreprise, notamment dans l'absence de prise de mesures adaptées pour y remédier, est totalement étranger au concept de négligence puisque, à défaut de décider de restructurations ou de prendre d'autres dispositions visant à dynamiser l'activité de la société, l'appelante a au moins convoqué l'assemblée générale des associés lorsque les capitaux propres se sont révélés être inférieurs de moitié au capital social, ce qui témoigne de sa lucidité sur les dysfonctionnements de l'entreprise ;

Qu'ainsi sont démontrées à la fois, la conscience qu'avait [Z] [F] de la situation de la société qu'elle dirigeait mais aussi l'incurie dont elle fait preuve pour tirer toutes les conséquences utiles et, en premier lieu, de démissionner de ses fonctions si elle ne partageait pas la décision prise par l'associée unique de poursuivre l'exploitation ;

Qu'en conséquence, il ne pourra être considéré que les fautes de gestion imputées à [Z] [F] ont été commises par simple négligence ;

Sur l'existence d'un lien de causalité entre les fautes de gestion commises et l'insuffisance d'actif

Attendu que la poursuite abusive de l'activité déficitaire de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION entre 2009 et jusqu'au 28 juillet 2011 a fait passer le total des dettes de la société de 369 025 € sur seize mois au 31 décembre 2009 à 339 003 € au 31 décembre 2010 et à 427 667 € six mois plus tard, soit au 30 juin 2011 ;

Attendu qu'en poursuivant une activité qui aurait dû être arrêtée dès 2009, [Z] [F] épouse [H] a laissé s'amplifier des créances sociales et fiscales pour lesquelles elle n'a pas obtenu de moratoires et qui ont généré des intérêts de retard et des majorations qui ont aggravé d'autant l'insuffisance d'actif ;

Attendu que de même, en faisant bénéficier la SARL AZUR CONCEPT de recettes censées lui revenir et en supportant à la place de cette dernière des charges de personnel indues, l'appelante a contribué à l'appauvrissement de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION avec, en corollaire, un accroissement de l'insuffisance d'actif ;

Enfin, en s'abstenant d'effectuer les investissements nécessaires à recapitaliser la société et en ne prenant pas les mesures de restructuration et d'autonomisation de celle-ci par rapport à la SARL AZUR CONCEPT, [Z] [F] épouse [H] a directement contribué à l'accroissement de l'insuffisance d'actif de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION qui s'est vu progressivement dévitalisée au profit de la SARL AZUR CONCEPT et ce, au détriment de ses propres créanciers ;

Attendu qu'il s'évince des divers éléments soumis à la Cour que [Z] [F] épouse [H] a sciemment commis trois fautes de gestion qui ont directement contribué à l'insuffisance d'actif de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION en conséquence de quoi, le jugement entrepris sera confirmé sauf en ce qu'il a limité la participation de l'appelante à 148 667 € de l'insuffisance d'actif, somme qu'il convient de porter à 200 000 € au regard de l'importance des fautes commises, de l'absence de tout élément inférant une situation personnelle difficile de [Z] [F] épouse [H] et de ce que l'abandon de créance effectuée par la SARL AZUR CONCEPT n'impacte pas le montant tel que résultant de l'état des créances établi par le mandataire liquidateur  ;

Sur les autres demandes

Attendu que [Z] [F] épouse [H], succombant en son appel ; n'est pas éligible aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de la demande qu'elle fonde sur ce chef ;

Qu'en revanche il serait inéquitable de laisser à la charge de Me [P] [Q], ès-qualités, les frais irrépétibles par lui exposés et non compris dans les dépens, moyennant quoi [Z] [F] épouse [H] sera condamnée à lui verser une somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu qu'en vertu de l'article 696 du code de procédure civile, [Z] [F] épouse [H] sera condamnée aux dépens de l'appel ;

PAR CES MOTIFS

Le Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et contradictoirement,

Donne acte à Me [P] [Q], ès-qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION, de ce qu'il renonce à soutenir que [Z] [F] épouse [H] a commis une faute de gestion consistant en une déclaration tardive de l'état de cessation des paiements ;

Donne acte à Me [P] [Q], ès-qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION de l'existence d'un passif certain à hauteur de 220 000 € au minimum et d'une insuffisance d'actif d'un montant de 220 000 € au minimum ;

Confirme par motifs ajoutés le jugement rendu le 7 mars 2017par le tribunal de commerce de DRAGUIGNAN en ce qu'il déclare [Z] [F] épouse [H] auteur de fautes de gestion s'analysant en la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu'à l'état de cessation des paiements de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION, en l'usage des biens ou du crédit de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION contraire à ses intérêts et favorisant la SARL AZUR CONCEPT, société dans laquelle elle est directement ou indirectement intéressée et en l'absence de prise de décisions révélant son laxisme, ensemble de fautes ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION ;

Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a limité la contribution de [Z] [F] à la somme de 148 667 € ;

Statuant à nouveau sur ce seul point,

Condamne [Z] [F] épouse [H] à participer à l'insuffisance d'actif de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION à hauteur de 200 000 €, somme qu'elle devra verser entre les mains de Me [P] [Q], mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION ;

Y ajoutant,

Déboute [Z] [F] épouse [H] de ses demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens ;

Condamne [Z] [F] épouse [H] à payer à Me [P] [Q], mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL ADVANCE CONSTRUCTION, la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles ;

Condamne [Z] [F] épouse [H] aux dépens de l'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 17/07097
Date de la décision : 28/03/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°17/07097 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-28;17.07097 ?
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