COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 28 MARS 2019
N° 2019/105
Rôle N° RG 17/00180 - N° Portalis DBVB-V-B7B-7Z5X
[R] [N]
C/
SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me VELEVA-REINAUD
Me CABAYE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 28 Novembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/09033.
APPELANT
Monsieur [R] [N]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1] (Italie)
Demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Radost VELEVA-REINAUD, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT,
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Victoria CABAYE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 12 Février 2019 en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Dominique PONSOT, Président
Mme Anne FARSSAC, Conseiller
Madame Isabelle DEMARBAIX, Vice-président placé auprès du Premier Président
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Rime GHORZI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2019,
Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Mme Rime GHORZI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 28 novembre 2016 ayant, notamment :
- débouté M. [R] [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamné M. [R] [N] à verser à la SA Société marseillaise de Crédit la somme de 96.068,02 euros, avec intérêts capitalisés calculés au taux conventionnel de 4,80 % l'an à compter du 19 juillet 2016,
- condamné M. [R] [N] à verser à la SA Société marseillaise de Crédit la somme de 8.309,16 euros au titre de l'indemnité d'exigibilité anticipée,
- condamné M. [R] [N] à verser à la SA Société marseillaise de Crédit la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute autre demande,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
- condamné M. [R] [N] aux dépens ;
Vu la déclaration du 4 janvier 2017 par laquelle M. [R] [N] a relevé appel de cette décision ;
Vu les uniques conclusions notifiées le 30 mars 2017 aux termes desquelles M. [R] [N] demande à la cour de :
- avant dire droit, sommer la Société marseillaise de Crédit de communiquer les éléments suivants :
- la fiche d'évaluation d'insolvabilité et, le cas échéant, la copie des pièces justificatives,
- le justificatif de la consultation du F.I.C.P,
- la notice d'assurances,
- la preuve de l'exécution de l'obligation d'information,
- l'information sur les conséquences d'une modification du taux débiteur,
- l'information annuelle sur le montant du capital restant dû,
- la fiche d'information précontractuelle,
- le justificatif d'un courrier d'alerte, ainsi que le contrat de crédit proprement dit, le tableau
d'amortissement et le décompte,
- les relevés bancaires de l'année 2013 de janvier à décembre 2014,
- tout justificatif de l'affectation de la somme de 12.750 euros qu'il a versée en 2014,
- tout justificatif de décompte de calcul des intérêts.
- toutes attestations de la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique sur les modalités de calcul des intérêts annuels, sur une base de 360 jours armuels ou sur une base de 365-366 jours annuels,
- tout justificatif de compétence du tribunal de grande instance de Marseille,
- à titre principal :
- dire et juger que le tribunal de grande instance de Marseille est incompétent,
- constater que la déchéance du terme prononcée 18 décembre 2013 est non conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation, et plus particulièrement celle du 3 juin 2015,
- prononcer l'inopposabilité de la déchéance du terme, de la clause litigieuse devant être déclarée une clause abusive, qui doit être réputée non écrite, et à tout le moins inopposable,
- constater le non-respect des dispositions du code des assurances concernant la déchéance des
primes d'assurances,
- dire et juger irrecevables les demandes la Société marseillaise de Crédit,
- débouter la Société marseillaise de Crédit de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- ordonner la reprise de l'échéancier à compter de la décision à intervenir sur la seule base des intérêts légaux, à compter du mois d'aout 2013, avec réimputation sur le nouvel échéancier de l'ensemble des règlements effectués depuis la date de l'acte de prêt à ce jour,
- dire et juger que la banque ne peut réclamer et solliciter les intérêts intercalaires entre
la prétendue déchéance du terme de décembre 2013 et la reprise de l'échéancier à compter de
la décision à intervenir,
- condamner, en tant que de besoin, la Société marseillaise de Crédit à lui payer des dommages et intérêts ne pouvant être inférieurs aux intérêts générés pendant la période en litige, et fixés forfaitairement à 50.000 euros,
- débouter la Société marseillaise de Crédit de sa demande de paiement de toute indemnité de
résiliation anticipée du contrat,
- ordonner par voie de conséquence, la reprise de l'échéancier à compter de la décision à
intervenir sur la seule base des intérêts légaux, à compter d'aout 2013, avec réimputation sur
le nouvel échéancier de l'ensemble des règlements effectués depuis la date de l'acte de prêt à ce jour,
- prendre acte des paiements qu'il a effectués,
- prendre acte de la reprise des paiements,
- à titre « deuxièment principal » :
- constater le caractère erroné du taux effectif global et des modalités du calcul du taux des intérêts,
- constater l'irrégularité du taux d'intérêt, de l'assiette de calcul, et du calcul de l'ensemble des
intérêts, intérêts de retard, intérêts sur découvert et clause pénale,
- dire et juger que le calcul des intérêts doit être effectué au taux légal sur le prêt litigieux, et
ce, depuis la signature de l'acte,
- ordonner par voie de conséquence la délivrance d'un nouveau tableau d'amortissement,
- ordonner l'imputation sur ce nouveau tableau d'amortissement de l'ensemble des versements et paiements effectués depuis la signature de l'acte,
- rejeter l'ensemble des intérêts « mémoire » sollicités,
- à titre deuxièment subsidiaire :
- constater que la Société marseillaise de Crédit ne justifie pas avoir rempli l'ensemble de ses
obligations d'information précontractuelle et contractuelle,
- condamner par voie de conséquence, la Société marseillaise de Crédit à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- ordonner la déchéance du droit a intérêts depuis l'origine du prêt jusqu'à ce jour, la Société marseillaise de Crédit devant établir un nouveau tableau d'amortissement sur la seule base des intérêts légaux, en affectant l'ensemble des prélèvements effectués sur la base des intérêts contractuels sur le capital,
- à titre troisièmement subsidiaire, prendre acte de la procédure de suspension judiciaire des échéances devant le tribunal d'instance de Marseille,
- en tout état de cause, condamner la Société marseillaise de Crédit à la déchéance du droit à intérêts et frais courant de juillet 2013 jusqu'à juillet 2015,
- la condamner à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2019, aux termes dequelles la la SA Société marseillaise de Crédit demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- condamner M. [R] [N] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
SUR CE, LA COUR
Attendu que par acte sous seing privé du 7 janvier 2008, la Société marseillaise de Crédit a consenti à M. [R] [N] un prêt personnel d'un montant de 200.000 euros, d'une durée de 120 mois, au taux conventionnel de 4,80 % l'an ;
Que M. [R] [N] a cessé de rembourser ce prêt à compter du 9 août 2013 ;
Que par courrier recommandé avec avis de réception du 18 décembre 2013, la banque a prononcé la déchéance du terme ;
Que M. [R] [N] a versé les sommes de 12.750 euros le 24 février 2014, de 2.101,81 euros le 24 juin 2014, de 4.203,62 euros le 9 septembre 2014, de 2.101,81 euros le 1er octobre 2014 et de 4.203,62 euros le 18 novembre 2014 ;
Que par acte du 9 juillet 2015, la banque a fait assigner M. [R] [N] devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins d'obtenir notamment sa condamnation au paiement de la somme de 93.748,16 euros, avec intérêts au taux conventionnel à compter du 26 juin 2015, outre celle de 8.309,16 euros au titre de l'indemnité d'exigibilité anticipée ;
Que par jugement du 28 novembre 2016, objet du présent appel, le tribunal a fait droit aux demandes de la banque et débouté le débiteur de ses prétentions ; que les premiers juges ont relevé que le juge de la mise en état avait déjà statué sur sa demande de communication de pièces ainsi que sur l'exception d'incompétence par ordonnance du 18 avril 2016 ; qu'ils ont considéré que le prononcé de la déchéance du terme était régulier et rejeté le surplus des demandes formées par M. [N] ;
Sur l'exception d'incompétence territoriale
Attendu que dans le dispositif de ses dernières écritures, M. [N] demande à la cour de dire et juger que le tribunal de grande instance de Marseille est incompétent ;
Que la Société marseillaise de Crédit sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté ce moyen ;
Qu'elle relève que M. [N] ne motive pas sa demande et qu'il ne désigne pas la juridiction territorialement compétente, conformément aux dispositions de l'article 75 du code de procédure civile ;
Qu'elle soutient que le prêt querellé n'est pas un crédit à la consommation au regard de son montant et qu'il est exclu du champ d'application des dispositions du code de la consommation ;
Que si l'acte a été signé en [Localité 2] où M. [N] avait son domicile, elle soutient, au visa de l'article 48 du code de procédure civile, que la clause attributive de compétence insérée dans le contrat doit être réputée non écrite dans la mesure où l'emprunteur n'a pas la qualité de commerçant ;
Que se référant aux dispositions de l'article 14 du code civil, elle rappelle que « l'étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français ; il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français » ;
Qu'elle fait observer que M. [N] est un étranger résidant à l'étranger, en l'occurrence en [Localité 2], et qu'il a contracté un prêt avec une banque française ayant son siège social à [Localité 3] et soumise au droit français ;
Qu'elle en déduit que la juridiction territorialement compétente est celle de [Localité 3], lieu de son siège social, en application de l'article 42, 3ème alinéa 3 du code de procédure civile ;
Attendu qu'est inséré dans le contrat de prêt personnel souscrit par M. [N] le 7 janvier 2008, au paragraphe intitulé « contentieux », la clause suivante :
« Dans les rapports entre la banque et l'emprunteur, il est fait expressément attribution de compétence au tribunal de grande instance dans le ressort duquel le défendeur a élu domicile, ou, dans la limite de son taux de compétence, au tribunal d'instance territorialement compétent. Si le litige est du ressort d'une juridiction commerciale, il sera fait atribution de compétence au tribunal de commerce du lieu de situation de l'agence bancaire.»
Que la clause d'attribution de compétence au profit du tribunal de grande instance dans le ressort duquel le défendeur a élu domicile ne déroge pas aux règles de compétence territoriale, de sorte que la Société marseillaise de Crédit soutient en vain qu'elle doit être réputée non écrite sur le fondement de l'article 48 du code de procédure civile ;
Que M. [N] ayant, dans l'acte de prêt susvisé, élu domicile en [Adresse 3], et étant toujours domicilié en territoire monégasque au jour où il a été assigné par la banque, il y a lieu de déclarer le tribunal de grande instance de Marseille incompétent au profit de la juridiction monégasque ;
Qu'il s'ensuit que le jugement de première instance sera réformé en toutes ses dispositions ;
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Attendu que chaque partie supportera la charge des dépens de première instance et d'appel ;
Que l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Et, statuant à nouveau :
DECLARE le tribunal de grande instance de Marseille territorialement incompétent au profit de la juridiction monégasque ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que chaque partie supportera la charge des dépens de première instance et d'appel ;
LE GREFFIERLE PRESIDENT