COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-3
ARRET SUR RENVOI DE CASSATION
DU 07 MARS 2019
N°2019/133
Rôle N° RG 18/12013 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCZN2
J... C...
C/
La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DES PROFESSIONS DE SANTÉ DE PROVENCE -
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me SIDER
Me ERMENEUX-CHAMPLY
Arrêt en date du 07 Mars 2019 prononcé sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 17 mai 2018, qui a cassé et annulé l'arrêt n° 2017/66 rendu le 26 Janvier 2017 par la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence (8ème Chambre C ).
DEMANDEUR SUR RENVOI DE CASSATION
Monsieur J... C...
né le [...] à MARSEILLE,
demeurant [...]
représenté par Me Philippe- Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté de Me Christian SALORD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
DEFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DES PROFESSIONS DE SANTÉ DE PROVENCE CMPS PROVENCE, prise en la personne de son représentant légal,
dont le siège social est sis [...]
représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Mathieu BAFFERT, avocat au barreau de MARSEILLE, substituant Me Edouard BAFFERT de la SARL BAFFERT-MALY, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 08 Janvier 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme GERARD, président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries devant la cour composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de Chambre
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Anne DUBOIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2019
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La SARL SOMES, dont O... C... était le gérant, et J... C... associé, a ouvert dans les livres de la Caisse de Crédit Mutuel des Professions de Santé ( le CMPS) un compte courant professionnel et souscrit, le 24 juillet 1990, une ouverture de crédit d'un montant de 300000 francs, soit 45734,70 euros, dont O... C... et J... C... se sont portés cautions solidaires.
La SARL SOMES a également souscrit trois prêts professionnels :
- n° [...] d'un montant de 200 000 francs, au taux de 13,5 %, d'une durée de 60 mois ;
- n° [...] d'un montant de 1 029 000 francs, au taux de 11,5 %, d'une durée de 60 mois ;
- n° [...] d'un montant de 104 500 francs, au taux de 11,4 %, d'une durée de 36 mois.
Ces prêts ont été garantis par les cautionnements solidaires des consorts C....
La SARL SOMES a été placée en redressement judiciaire le 1er juillet 1994 et a fait l'objet d'un plan de cession le 15 mars 1996.
Le CMPS a déclaré ses créances et fait assigner les cautions en paiement.
Par arrêt irrévocable du 5 février 2002, la cour d'appel d'Aix en Provence a condamné solidairement O... C... et J... C... à payer à la Caisse de Crédit Mutuel des Professions de Santé :
- la somme de 43510,44 euros avec intérêts au taux conventionnel de 13,50 % à compter du 21 juillet 1994,
- la somme de 8131,68 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 1994,
- la somme totale de 760 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Parallèlement, les consorts C... ont déposé une plainte avec constitution de partie civile à l'encontre du CMPS pour des faits d'escroquerie, d'abus de confiance, de faux et d'usage de faux.
O... C... est décédé le [...] .
Par arrêt du 16 mars 2010, la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix en Provence a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendu par le juge d'instruction du tribunal de grande instance d'Aix en Provence. Le pourvoi formé à l'encontre de cet arrêt a été rejeté par arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 15 décembre 2010.
J... C... a fait assigner la CMPS devant le tribunal de grande instance de Marseille par acte du 8 novembre 2010 pour la voir condamner à lui payer la somme de 35000 euros à titre de dommages et intérêts à raison des man'uvres commises par la banque qui a produit en cause d'appel des pièces falsifiées pour aboutir à une escroquerie au jugement.
Par jugement du 16 octobre 2014, le tribunal de grande instance de Marseille a statué en ces termes :
- déboute la CMPS de sa demande en nullité de l'assignation,
- dit que l'action engagée par J... C... est irrecevable,
- déboute la CMPS de sa demande de dommages et intérêts,
- condamne J... C... à payer à la CMPS la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne J... C... aux dépens,
- ordonne l'exécution provisoire.
Sur l'appel formé par J... C..., la cour d'appel d'Aix en Provence a, par arrêt du 26 janvier 2017 :
- confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- y ajoutant,
- condamné J... C... à verser à la CMPS la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné J... C... aux dépens.
J... C... a formé un pourvoi et, par arrêt du 17 mai 2018, la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 26 janvier 2017 et renvoyé la cause et les parties, dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, devant la cour d'appel d'Aix en Provence autrement composée.
J... C... a saisi la cour de renvoi le 17 juillet 2018.
Par conclusions du 11 décembre 2018, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, J... C... demande à la cour de :
- infirmer le jugement dont appel, ce avec toutes ses conséquences de droit.
- constater, dire et juger le fait que le cautionnement falsifié est nul, et ce, avec toutes ses conséquences de droit ;
- constater, dire et juger d'ailleurs et à cet effet que le CMPS avait cessé de se prévaloir (et pour cause) des dits actes,
- constater, dire et juger que le concluant a subi un préjudice moral, matériel et financier en l'état des procédures judiciaires engagées par le CMPS y compris celles d'exécution forcée initiées sur le base de documents falsifiés,
- dire que le concluant est fondé dans son action en réparation du préjudice direct moral, matériel et financier,
- dire et juger que le CMPS est totalement responsable des malversations et falsifications inhérentes à son fonctionnement et à son personnel et des conséquences civiles engendrées par cette situation qui en découlent et de l'acte nul utilisé,
- condamner le CMPS à de justes et réparateurs dommages et intérêts pour les procédures abusives engagées à l'encontre du concluant et à raison de l'utilisation d'actes falsifiés et nuls devant les différentes instances notamment la Cour de Cassation et encore à ce jour, dont le détail est le suivant :
- en principal des frais, factures et honoraires '''''.. 38 592,19 €
- préjudice moral lié notamment au harcèlement et procédure vexatoire du CMPS et au travers des procédures dans lesquelles cet organisme a mandaté ses huissiers de justice, ce depuis 1994 usant de documents falsifiés, soit depuis plus de 24 ans aujourd'hui : 60000,00 €
- condamner le CMPS aux entiers dépens, de première instance et d'appel, y compris ceux de l'instance cassée, ainsi qu'aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, soit la somme de 15 000,00 €.
Par conclusions du 6 novembre 2018, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la Caisse de Crédit Mutuel des Professions de Santé Provence (CMPS Provence) demande à la cour de :
- débouter M. J... C... de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- faire droit à l'appel incident du CMPS et, réformant le jugement entrepris de ce chef, condamner M. J... C... au paiement de la somme de 10.000,00 € à titre reconventionnel en application des dispositions de l'article 1240 du code civil,
- le condamner au paiement de 2.000,00 € au titre de 1'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Agnès Ermeneux.
MOTIFS DE LA DÉCISION
J... C... soutient que la pièce n°4, que le CMPS n'a jamais produite en original dans toutes les instances les ayant opposés, est falsifiée, a été reconnue comme telle par le rapport d'expertise judiciaire de M. H... ainsi que dans l'ordonnance de non-lieu du 14 janvier 2010, que le cautionnement est donc nul et que le CMPS avait d'ailleurs cessé de s'en prévaloir. Il fait valoir que la production de cette pièce a été faite en toute connaissance de cause par le CMPS qui ne pouvait ignorer l'existence des faux puisqu'elle a elle-même engagé des poursuites à l'encontre de son préposé pour des faits similaires.
Le CMPS rappelle que les faux allégués sont prescrits, et que J... C... ne fait pas la preuve de ce que le CMPS aurait utilisé les documents argués de faux en sachant qu'ils auraient été falsifiés, qu'au contraire, l'arrêt de la chambre de l'instruction d'Aix en Provence énonce clairement d'une part que J... C... a eu connaissance des documents litigieux dès l'assignation délivrée en 1994 et qu'il n'est nullement établi qu'elle aurait agi en connaissance de la falsification de l'engagement de caution.
Il est soutenu vainement par J... C... que la banque a dissimulé les documents litigieux, alors qu'il en avait connaissance depuis au moins 1999 puisque la chambre de l'instruction rappelle que la pièce arguée de faux avait été communiquée, sous bordereau, au moins le 10 septembre 1999, soit dans le cadre de l'instance devant la cour d'appel et qu'il résulte des pièces produites aux débats que tant le tribunal de grande instance d'Aix en Provence, (page 4 du jugement) que la cour, le 5 février 2002 (page 3 de l'arrêt), devant lesquels J... C... était représenté, ont examiné le document pour conclure à sa validité au regard des mentions obligatoires du cautionnement, étant observé que devant ces deux juridictions, J... C... n'avait pas contesté sa signature ou son écriture.
Il est tout aussi vainement soutenu que le «service juridique interne» de la banque connaissait parfaitement son écriture et sa signature et que le rôle de ce service était de contrôler et vérifier l'exactitude des documents. En effet, l'expert, qui a rappelé que l'écrit de comparaison pour J... C... ne lui a été produit qu'en copie et a été tracé 3 années après l'écrit de question, n'a pu conclure à la falsification qu'à la suite d'un examen comparé minutieux et multicritères de la signature figurant sur le document et celle de J... C... sur le document de comparaison, sans qu'il puisse en être déduit que les différences ainsi relevées par l'expert auraient pu être perceptibles par la banque.
Il ne peut davantage être déduit de l'existence de pratiques contestables au sein de la banque, reconnues par S... E..., consistant pour les préposés à compléter des mentions nominatives ou apposer des paraphes oubliés, la connaissance par la banque, dès l'origine, de ce que ces pratiques ont été utilisées lors de l'établissement du document du 20 juillet 1990, étant rappelé que tant S... E... que S... R... ont formellement exclu avoir signé à la place des clients.
De même, il n'est pas établi que la banque connaissait nécessairement le caractère frauduleux de ces documents à raison des poursuites engagées à l'encontre de M. R... dès lors, d'une part, que les écrits ne peuvent être imputés à M. R..., l'expert ayant seulement suggéré qu'ils puissent l'être (pourraient être de la main de M. R...) et, d'autre part, que les poursuites ainsi engagées par la banque concernaient des faits différents et postérieurs à l'acte litigieux.
J... C..., qui n'a contesté la validité de l'acte que le 20 octobre 2003 lors du dépôt de sa plainte pour escroquerie à l'arrêt de la cour d'appel, abus de confiance et falsifications, n'est pas plus fondé à se plaindre de ce que la banque a utilisé l'acte et tenté de faire exécuter l'arrêt du 5 février 2002 antérieurement à ce dépôt de plainte.
Enfin, il ne peut être sérieusement reproché au CMPS d'avoir produit l'acte litigieux, notamment au cours de la présente instance ou devant la Cour de cassation, dès lors que son caractère frauduleux ne résulte d'aucune décision définitive et surtout qu'il appartient à la cour de l'examiner pour déterminer du bien fondé des demandes de J... C....
Les demandes de J... C... doivent être rejetées.
Il n'est justifié par la CMPS d'aucun abus ou harcèlement de J... C... dans la conduite de son action et elle est également déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 17 mai 2018,
Infirme le jugement du tribunal de grande instance d'Aix en Provence du 16 octobre 2014 en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action engagée par J... C...,
Statuant à nouveau,
Déclare l'action recevable,
Déboute J... C... de toutes ses demandes,
Déboute la Caisse de Crédit Mutuel des Professions de Santé de sa demande de dommages et intérêts,
Confirme pour le surplus la décision déférée
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne J... C... à payer à la Caisse de Crédit Mutuel des Professions de Santé la somme de deux mille euros,
Condamne J... C... aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT