COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 05 MARS 2019
A.D
N° 2019/
Rôle N° RG 17/07724 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BANBS
DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES
C/
B... R... X... BAS
Société SEMIRAMIS INVESTMENTS S.A
Copie exécutoire délivrée
le :
à :Me ROSENFELD
Me KRIEGER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 13 Mars 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/196.
APPELANTE
DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES
poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du Département des Bouches-du-Rhône qui élit domicile en ses bureaux situé [...] , [...],
représentée par Me Virginie ROSENFELD de la SCP F. ROSENFELD- G. ROSENFELD & V. ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Damien WAMBERGUE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur B... R... X... BAS
es qualité de liquidateur de la société SEMIRAMIS INVESTMENTS S.A, demeurant [...] / [...]
Société SEMIRAMIS INVESTMENTS
S.A Société étrangère immatriculée au RCS de Luxembourg sous le numéro B 90.320, demeurant [...] - L2132 LUXEMBOURG
représentés par Me Kriss KRIEGER, avocat au barreau de GRASSE
assistés par Me Solange FAU, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Janvier 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame DAMPFHOFFER, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller, faisant fonction de Président
Madame Danielle DEMONT, Conseiller
Madame Laetitia VIGNON, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2019.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Mars 2019,
Signé par Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller , faisant fonction de Président et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE :
La société Sémiramis Investments, de droit luxembourgeois, s'est vu refuser par l'administration fiscale le bénéfice de la dispense de la taxe de 3% tel que prévu aux articles 990 E et suivants du code général des impôts.
Elle a contesté cette décision par devant le Tribunal de Grande Instance de Grasse qui a rendu la décision suivante en date du 13 mars 2017 :
- écarte le moyen tiré de la prescription,
- accorde le dégrèvement de l'imposition au titre de la taxe de 3 % pour les années 2007 à 2013 et les pénalités y afférentes,
- condamne l'administration fiscale à régler la somme de 2500 € à M. H... en qualité de liquidateur de la société Semiramis Investments par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- laisse à l'administration fiscale les dépens limités à ceux prévus par l'article R207-1 du livre des procédures fiscales.
Le directeur régional des finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône a relevé appel de cette décision.
Au terme de ses conclusions du 17 octobre 2017, il demande à la cour de :
- infirmer le jugement qui a retenu que la société Semiramis Investments pouvait prétendre à ne pas être assujettie à la taxe de 3 %,
- confirmer la régularité de la procédure de rectification et la décision implicite de rejet,
- confirmer infondée (sic)la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeter les demandes des intimés,
- condamner tout succombant au paiement de la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
La société Semiramis Investments, représentée par M H... en sa qualité de liquidateur, a conclu le 12 septembre 2017 en demandant de :
- déclarer l'appel irrecevable,
- rejeter les demandes de l'appelant et confirmer le jugement,
- en conséquence, accorder le dégrèvement sollicité,
- y ajoutant :
- condamner l'appelant à leur payer la somme de 5000€ par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'à supporter les dépens.
L'ordonnance de clôture a été prise le 11 décembre 2018.
Motifs
Attendu que le litige est relatif à l'exonération de la taxe de 3% sus visée incombant selon l'administration fiscale à la société Semiramis Investments relativement à un appartement, une chambre de bonne, une cave, et un emplacement de parking sis à Cannes.
Attendu que la lecture de ses statuts permet de retenir qu'à l'origine, son capital social est composé de 100 actions qui ont été souscrites par la société Venstar Investments pour 99 actions et la société multiples entreprises international pour 1 action, la sociétéVenstar Investments étant détenue par la société Athega finance dont le siège est dans les îles vierges et par la société multiples entreprise international pour respectivement 950 actions et 50 actions.
Attendu que la société Sémiramis a déposé, auprès de l'administration fiscale, chaque année les déclarations 2746 dans lesquelles elle a mentionné que son seul actionnaire était M H....
Que l'administrtation a considéré que ces déclarations et les éléments qu'elle a ensuite fournis dans le cadre du contrôle diligenté ne lui permettaient pas de bénéficier de la dispense prévue pour la taxe de 3%.
Attendu que le tribunal a écarté le moyen tiré de la prescription et a considéré que la preuve était rapportée que M H... détenait effectivement les actions au porteur de la société en retenant essentiellement qu'il était produit le contrat de domiciliation de celle-ci indiquant que les ' membres des organes' de la société agissaient pour le compte de M. H..., un 'fiduciary agreement' signé par celui-ci et par Me S..., avocat, indiquant que le premier est le bénéficiaire économique de la société, et qu'il la contrôle, les messages adressés ou reçus par M H... démontrant qu'il avait choisi le nom de la société, la date de réitération de la vente, que l'acte de vente le citait comme le représentant de la société, enfin des pièces démontrant qu'il était titulaire d'un compte bancaire sur lequel avait été prélevé le 23 avril 2003 une somme de 2'050'918 € correspondant à celle versée aux notaires pour la vente de l'immeuble; que de surcroît, l'administration avait considéré qu'il était redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune sur la base de ses déclarations mentionnant sa propriété des actions sur la période 2012 et 2013.
Attendu qu'au soutien de son appel, l'administration expose en substance que les éléments produits sont univoques et de surcroit, contraires entre eux; que la preuve de ce que M H... est l'unique détenteur des parts ou l'unique bénéficiaire économique n'étant pas rapportée, il convient de réformer le jugement.
Attendu qu'il lui est opposé, en premier lieu, l'irrecevabilité de l'appel .
Qu'il sera, à cet égard, rappelé que la société Sémiramis Investments a introduit le litige par un exploit du 29 décembre 2014; que par suite de sa liquidation en cours d'instance, elle a certes comparu devant le tribunal représentée par son liquidateur, M H..., mais que c'est bien cette société, représentée par son liquidateur qui était partie aux débats;
Que le fait que la déclaration initiale d'appel ne soit faite que contre la société Sémiramis sans mention de son représentant en la personne de son liquidateur amiable n'est pas de nature à affecter l'acte d'appel en ce que la question ainsi soulevée constitue non pas une irrecevabilité, mais une nullité de forme et qu'aucun grief n'est démontré, la société ayant pu régulièrement se défendre devant la cour.
Attendu que la demande tendant à voir déclarer l'appel irrecevable sera donc rejetée.
Attendu sur le bien fondé de la décision de rejet de la contestation du contribuable et le refus d'exonération de la taxe de 3% en litige, qu'il y a lieu de prélablement de rappeler :
- qu'en application du régime déclaratif prévu à l'article sus visé du code général des impôts l'entité concernée doit déposer, chaque année, une déclaration contenant les renseignements relatifs à la situation, la consistance et la valeur des immeubles possédés au 1er janvier, l'identité et l'adresse des associés à la même date ainsi que le nombre des actions qu'ils détiennent, cette déclaration devant être faite avant le 15 mai ;
- que pour les sociétés interposées dans une chaîne de participations, chacune doit souscrire une déclaration pour bénéficier de l'exonération prévue;
- qu'il s'agit d'un régime dérogatoire permettant de bénéficier d'une exonération de droits et qu'il est donc d'interprétation stricte quant à ses dispositions.
Attendu que la cour se doit donc d'examiner si cette société démontre répondre aux exigences du texte de l'article 990 E du code général des impôts, la procédure menée de ce chef par l'administration concernant son imposition au titre des années 2007 à 2013.
Attendu en premier lieu qu'avec la production de la copie des titres au porteur de la société Venstar, et de la société Sémiramis, celle ci ne fait pas la preuve de l'identification du ou des titulaires de ses actions, étant observé que la lecture des pièces produites permet de retenir en ce qui concerne la société Sémiramis qu'il existe deux titres dits titres représentatifs au porteur, l'un donnant droit à une action et l'autre donnante droit à 99 actions de la société, ceux ci pouvant être fractionnés ou échangés avec l'accord de 2 administrateurs.
Attendu également que la production de la copie des contrats de fiducie de ces deux sociétés ne répond pas aux exigences probatoires requises dans la mesure où d'une part, ils ne sont pas traduits et où d'autre part, ils ne sont pas enregistrés.
Attendu que sont des documents univoques et donc insusceptibles de force probante les extraits du registre des actions des deux sociétés qui ne font pas la preuve de la propriété des actions par M H... tels qu'ils sont versés, les procès-verbaux des assemblées générales ou conseil d'administration dont il n'est pas démontré qu'ils ont été régulièrement publiés au registre des sociétés luxembourgeoises ainsi que les contrats de domiciliation des sociétés en ce qu'ils sont dressés sur la seule déclaration du conseil d'administration.
Attendu en ce qui concerne les autres documents qu'ils consistent
- en des attestations non datées et non signées de la banque HSBC et de la banque générale du Luxembourg, (pièces 8)qui font état de ce que M H... serait le bénéficiaire économique des deux société alors qu'aucun document objectif ne vient corroborer cette situation,
- en un courrier d'avocat qui n'est pas traduite et qui relaterait un virement au profit de la société Venstar du 31 octobre 2002, virement dont M H... serait aussi le bénéficiaire, mais attendu que l'on ignore la cause exacte de ce virement ainsi que l'identité du donneur d'ordre,(pièce 10), aucun élément ne permettant de relier avec certitude cette pièce à la pièce 26 ainsi que le fait l'intimée, et les pièces comptables également invoquées à ce propos n'étant pas certifiées ;
Que de même, la cause du virement de 260 000€ du 5 décembre 2002, évoquée en pièce 17 par le même avocat, est imputée à un prêt nécessaire à l'opération immobilière ( page 11 des conclusions de la société) mais que ce prêt n'est cependant corroboré par aucun élément sauf les dires de la société et que l'origine du flux financier, objet de ce virement, n'est pas non plus déterminée, la pièce 17 exposant que les fonds proviennent d'une société Umilport Universal corp dont le bénéficiaire serait également M H... n'étant corroborée par aucun élément objectif;
- en un mail qui évoque la question du choix du nom de la société mais dont rien ne démontre qu'il puisse apporter quelqu'élément utile et sérieux sur la question de l'identification des titulaires des actions,
- dans la promesse unilatérale de vente du 12 février 2003 d'un bien immeuble au profit de la société Semiramis et dans l'acte de la vente du 30 avril 2003, le fait que la société y soit mentionnée comme représentée par M H... agissant sur procuration de ses 3 administrateurs et qu'il ait, de ce fait, été chargé des étapes de la signature n'étant, dans ces conditions, pas opérant;
- en un autre document de la banque générale du Luxembourg ( pièce 24 ) produit en photocopie, qui désigne M H... comme bénéficiaire économique de la société Sémiramis et qui, pour celui-là, est bien daté et signé, mais qui n'est établi que sur la déclaration de ses 3 mêmes administrateurs et dont on relève en outre qu'elle porte en haut à gauche une date de fax du 4 novembre 2000 alors qu'à cette époque la société n'était pas encore constituée.
Que par ailleurs, la preuve de la détention des titres composant le capital de la société Venstra n'est pas non plus faite et que des statuts actualisés la concernant et concernant la société Semiramis au vu des allégations relatives aux modifications faites depuis sa création ne sont pas versés;
Que les pièces relatives à la liquidation de la société Sémiramis datent de décembre 2015 et contiennent la mention, également univoque, de ce que M H... est alors son unique actionnaire; que la publication de cette liquidation au recueil des sociétés n'affectant pas le caractère univoque de la déclaration ainsi faite à ce sujet, alors de surcroît qu'aucun document comptable n'est versé sur les modalités de cette liquidation, de même au demeurant qu'aucun document sur la vie sociale, tel un rapport fait par notamment un commissaire aux comptes, relativement aux exercices comptables des années 2007 à 2013 et susceptible de donner tout élément objectif sur la situation invoquée relativement à la qualité de M H....
Attendu encore, s'agisssant des informations relatées en pièces 9 et 15, de l' attestation de la banque HSBC, signée et datée du 31 octobre 2013, et de tous autres éléments relatifs au transfert de la somme de 2 050 918€ :
- que l'attestation HSBC et la pièce 9 font état de ce que M H... est ayant droit économique d'un compte ouvert au nom de la société Venstar et de la société Sémiramis, mais que le fait d'être bénéficiaire de tels comptes n'en fait pas forcément l'unique actionnaire de la société Sémiramis de surcroît aux dates requises par les années concernées par le présent litige vu les observations ci-dessus sur les titres de la société et vu la complexité et l'opacité des opérations de financement du projet immobilier de la société Sémiramis ;
- que si la pièce 15, non datée, et la pièce 34 relatent un transfert en avril 2003 au profit d'un compte Venstar à partir d'un compte ayant pour bénéficiaire économique M H... pour une somme correspondant au prix de la vente, elle ne fait pas plus la démonstration requise de la preuve de la détention des actions au 1er janvier de chacune des années concernées par le refus d'exonération.
Qu'en outre, les attestations bancaires et celles de l'avocat ne sont corroborées par aucun élément objectif extérieur aux sociétés concernées, notamment des éléments émanant d'un commissaire aux comptes;
Attendu que la société Sémiramis n'invoque pas plus être dans l'impossibilité de fournir la preuve requise par des documents non univoques;
Or, attendu que dans la mesure où les autorités fiscales nationales sont en droit d'exiger du contribuable les preuves qu'elles jugent nécessaires pour l'établissement des impôts et pour refuser le cas échéant les exonérations demandées lorsque ces preuves ne sont pas fournies, il lui appartenait de se donner les moyens de remplir complètement la déclaration prévue au texte du code général des impôts.
Attendu, enfin, sur le moyen tiré de ce que l'administration a imposé M H... au titre de l'ISF pour deux des années concernées par le litige à raison de sa détention personnelle des titres de la société, qu'il doit être considéré que l'assujetissement à l'ISF procède également du seul régime déclaratif et que l'administration peut donc taxer les titres d'une personne physique qui les a spontanément déclarés comme soumis à l'ISF et considérer, indépendamment au titre du régime de l'exonération de la taxe de 3%, que la preuve des exigences propres à ce texte en ce qui concerne la propriété des actions par cette même personne physique n'est pas faite pour refuser en conséquence à la société le bénéfice de ladite exonération sans que dans ces conditions, elle puisse utilement se voir opposer l'existence d'une incohérence ou contradiction de ces chefs.
Attendu, en conséquence,
- vu l'ensemble des observations ci dessus et notamment la complexité des relations ayant existé entre les différentes entités concernées par l'investissement immobilier de la société Sémiramis telles que relatées par les documents produits,
- et en l'absence de démonstration de ce que M H... serait l'unique bénéficiaire de la société ou son seul porteur d'actions par une pluralité d'éléments concordants et non univoques compte tenu des conditions d'établissement et de l'origine des pièces versées à cet égard, que le jugement sera infirmé.
Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Infirme le jugement et statuant à nouveau :
Rejette les demandes de la société Semiramis Investments,
Condamne la société Semiramis Investments à verser à l'appelante la somme de 2500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Semiramis Investments aux entiers dépens et en ordonne la distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT