COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 28 FEVRIER 2019
N° 2019/73
Rôle N° RG 16/19156 - N° Portalis DBVB-V-B7A-[Immatriculation 1]
Société THON DU LEVANT
C/
[Y] [R]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me JUSTON
Me MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE en date du 22 Septembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/02454.
APPELANTE
Société THON DU LEVANT,
prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Dont le siège est sis [Adresse 1]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assitée de Me Sébastien GOULET, avocat au barreau de MARSEILLE substituant Me Béatrice FAVAREL avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [Y] [R]
né le [Date naissance 1] 1980 à MARTIGUES (13500),
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et assisté de Me Ambroise ARNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Janvier 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure Monsieur Dominique PONSOT, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Dominique PONSOT, Président
Mme Anne FARSSAC, Conseiller
Madame Isabelle DEMARBAIX, Vice-président placé auprès du Premier Président
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Rime GHORZI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Février 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Février 2019,
Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Mme Rime GHORZI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******
Vu le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 18 décembre 2014 ayant, notamment:
- condamné l'Eurl Thon du Levant à payer à M. [R] la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- ordonné pour le tout l'exécution provisoire
- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions ;
Vu la déclaration du 18 février 2015 par laquelle M. [Y] [R] a relevé appel de cette décision ;
Vu l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 22 septembre 2016 ayant, notamment :
- rejeté comme étant irrecevable la demande nouvelle présentée en appel par M. [Y] [R] aux fins de condamnation de la société Thon du Levant au paiement de la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la rupture de son contrat de patron de pêche embarqué,
- réformé le jugement attaqué,
- statuant à nouveau :
- dit que l'Eurl Thon du Levant a résilié irrégulièrement et abusivement, le 30 novembre 2012, avec préavis d'un mois la convention de gérance conclue avec M. [Y] [R] pour une durée de quatorze ans,
- condamné l'Eurl Thon du Levant à payer à M. [Y] [R] la somme de 546.743,25 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de percevoir sa rémunération de gestion sur la part d'armement jusqu'en 2022 ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 4 janvier 2019 aux termes desquelles l'Eurl Thon du Levant demande à la cour de :
- à titre liminaire, sur la recevabilité de l'opposition :
- constater qu'elle n'a jamais été assignée à personne devant la cour,
- constater que l'arrêt du 22 septembre 2016 a été qualifié par erreur de réputé contradictoire alors qu'il s'agissait d'un arrêt par défaut,
- rejeter la fin de non-recevoir soulevé par M. [R],
- déclarer son opposition recevable,
- sur le fond, rétracter l'arrêt frappé d'opposition,
- statuant à nouveau, réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 décembre 2014 par le tribunal de commerce de Marseille,
- à titre principal :
- déclarer nulle la clause de la convention de gérance qui limite la révocation au seul cas de faute grave,
- constater que la révocation est intervenue de manière régulière et pour un juste motif,
- dire et juger que M. [R] ne peut prétendre à aucune indemnisation du fait de sa révocation,
- le débouter de ses demandes,
- à titre subsidiaire :
- constater que les fautes graves commises par M. [R] justifiaient sa révocation sans indemnité,
- dire et juger que M. [R] ne peut prétendre à aucune indemnisation au titre de sa révocation,
- le débouter de ses demandes, fins et conclusions,
- à titre plus subsidiaire :
- constater que les parties avaient convenu qu'aucune indemnisation ne serait due en cas de révocation,
- dire et juger que M. [R] ne peut prétendre à aucune indemnisation du fait de sa révocation,
- le débouter de ses demandes,
-à titre encore plus subsidiaire :
- constater que la date d'échéance de la convention de gérance était fixée au 29 octobre 2014,
- constater que depuis la révocation de la charte avec effet au 31 décembre 2012, elle ne perçoit plus que 49 % des produits de la pêche du navire Ville d'Arzew II,
- constater que la moyenne des rémunérations annuelles qu'aurait pu percevoir M. [R] pour les exercices 2012 à 2014 était de 13.792,79 euros,
- constater l'absence de préjudice de M. [R] du fait de ses autres mandats,
- constater l'absence de révocation abusive, et en tout état de cause l'absence de préjudice de ce chef,
- ramener la condamnation à de plus justes proportions en la réduisant à un 1 euro symbolique, et en tout état de cause, à une somme qui ne saurait excéder 25% de la rémunération restant à courir sur 1 an et 10 mois, soit au maximum la somme de 6.321,70 euros,
- à titre infiniment plus subsidiaire, si par extraordinaire, la cour devait dire et juger que la convention de gérance devait se terminer le 31 décembre 2022 :
- constater que depuis la révocation de la charte avec effet au 31 décembre 2012, elle ne perçoit plus que 49 % des produits de la pêche du navire Ville d'Arzew II,
- constater que la moyenne des rémunérations annuelles qu'aurait pu percevoir M. [R] pour les exercices 2012 à 2017 était de 21.944,77 euros,
- constater l'absence de préjudice de M. [R] du fait de ses autres mandats,
- constater l'absence de révocation abusive, et en tout état de cause, l'absence de préjudice de ce chef,
- ramener la condamnation à de plus justes proportions en la réduisant à 1 euro symbolique et en tout état de cause à une somme qui ne saurait excéder 25% de la rémunération restant à courir sur 9 ans, soit au maximum la somme de 49.375,73 euros,
- débouter M. [R] du surplus de ses demandes, fins et conclusions,
- désigner tel expert judiciaire qu'il plaira à la cour afin de lui permettre de déterminer l'indemnisation à laquelle M. [R] aurait pu prétendre suite à sa révocation en application de la convention de gérance et des résultats de la copropriété du navire Ville d'Arzew II,
- condamner l'appelant au paiement d'une indemnité de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civle, outre les entiers dépens de l'instance;
Vu les dernières conclusions notifiées le 31 décembre 2018, aux termes desquelles M. [Y] [R] demande à la cour de :
- déclarer irrecevable l'opposition formée par l'Eurl Thon du Levant à l'encontre de l'arrêt du 22 septembre 2016,
- à défaut, la déclarer infondée,
- constater la rupture fautive de la convention de gérance du 15 févier 2008 le liant à l'Eurl Thon du Levant,
- condamner l'Eurl Thon du Levant à lui payer la somme de 546.743,25 euros à titre de dommages et intérêts du fait de cette rupture et celle de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'Eurl Thon du Levant aux dépens ;
SUR CE, LA COUR
Attendu que l'Eurl de droit français Thon du Levant, dont l'unique associé est la société de droit maltais Thon du Levant Holding Ltd, créée le 7 avril 2007, est propriétaire du navire de pêche Ville d'Arzew II spécialisé dans la pêche au thon, acquis de la SNC Armement Ville d'Arzew II au prix de 1.800.000 euros ;
Que la société de droit maltais Thon du Levant a pour associés MM. [X] et [N], citoyens maltais domiciliés à Malte ;
Qu'aux termes d'une convention signée le 7 avril 2007, la gérance de cette personne morale a été confiée à un tiers, M. [Y] [R], pour une durée égale au premier exercice ;
Qu'aux termes d'un second contrat régularisé le 15 février 2008, M. [R] a été maintenu dans ses fonctions pour une durée de 14 ans « égale au financement de la part de copropriété du gérant » prévoyant la perception d'une rémunération annuelle égale à 15 % des 60 % de la part armateur ;
Que la convention précisait qu'en cas de faute grave du gérant la société Thon du Levant pourrait lui notifier par lettre recommandée avec avis de réception la résiliation immédiate de son contrat ;
Que par courrier du 27 novembre 2012, la société Thon du Levant a informé M. [R] qu'il était envisagé de mettre un terme à ses fonctions, compte tenu de la situation financière de la société et d'une éventuelle cession ;
Que par décision du 30 novembre 2012, l'actionnaire unique de ladite société a mis fin aux fonctions de M. [R] avec effet au 30 décembre 2012 ;
Que M. [X] a été désigné en qualité de gérant ;
Que considérant avoir été victime d'une rupture abusive, M. [R] a fait assigner, par exploit d'huissier du 8 novembre 2013, la société Thon du Levant devant le tribunal de commerce de Marseille en paiement de la somme de 900.000 euros de dommages et intérêts ;
Que le tribunal a indemnisé le préjudice sur la base de deux années de salaire tel qu'approuvé par l'associé unique et condamné la société Thon du Levant à payer à M. [R] la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Que par déclaration au greffe du 18 février 2015, M. [R] a interjeté appel de cette décision ;
Qu'assignée par remise de l'acte à étude d'huissier le 25 avril 2016, la société Thon du Levant n'a pas constitué avocat ; que l'arrêt du 22 septembre 2016 a été qualifié de réputé contradictoire ;
Que le 21 octobre 2016, la société Thon du Levant a formé opposition, considérant que la cour avait commis une erreur de qualification de son arrêt, qui aurait dû être rendu par défaut ;
Sur la recevabilité de l'opposition
Attendu que le représentant légal de l'Eurl Thon du Levant soutient que la qualification donnée par la cour à sa décision du 22 septembre 2016 est erronée dès lors que l'assignation du
25 avril 2016 a été délivrée par dépôt de l'acte à l'étude d'huissier, et non à personne ;
Que n'ayant pas constitué avocat, il en déduit que la cour aurait dû rendre un arrêt par défaut en application de l'article 473 du code de procédure civile ;
Qu'il ajoute que la cour aurait dû retenir la première assignation qui a été délivrée le 19 mai 2015 par procès-verbal de recherches infructueuses ;
Qu'il rappelle, au visa de l'article 536 du code de procédure civile, que la qualification donnée par le juge dans sa décision est indifférente pour exercer la voie de recours correspondant à la véritable qualification ;
Qu'il conclut au rejet de la fin de non-recevoir invoqué par M. [R] ;
Qu'en réponse, M. [R] relève que la société Thon du Levant a été assignée à trois reprises les 19 mai 2015, 19 janvier 2016 et 25 avril 2016, et que le dernier acte a été délivré à la bonne adresse et retiré par un mandataire spécial du gérant ;
Qu'il en déduit que la société Thon du Levant a été touchée à personne, de sorte que c'est à bon droit que la cour a qualifié son arrêt de réputé contradictoire ;
Attendu que l'article 536 du code de procédure civile dispose :
« La qualification inexacte d'un jugement par les juges qui l'ont rendu est sans effet sur le droit d'exercer un recours. Si le recours est déclaré irrecevable en raison d'une telle inexactitude, la décision d'irrecevabilité est notifiée par le greffe à toutes les parties à l'instance du jugement. Cette notification fait courir à nouveau le délai prévu pour l'exercice du recours approprié.»
Que selon l'article 473 alinéa 2 du même code, le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d'appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur ;
Qu'il est acquis que la dernière assignation du 25 avril 2016 a été délivrée à la bonne adresse ;
Que la lecture du procès-verbal de signification de cet acte révèle que la signification à personne s'est avérée impossible en raison de l'absence du représentant légal de la société Thon du Levant et du refus de l'employé présent de recevoir l'acte ;
Qu'en l'état de ce refus, une copie de l'assignation a été déposée en l'étude d'huissier, comme la cour l'a précisé dans l'arrêt, frappé d'opposition ; qu'un avis de passage a été laissé au domicile de l'intéressé ;
Que toutefois, il résulte des mentions de l'arrêt que, dès le lendemain, l'acte a été retiré par un mandataire spécial, de sorte que la citation a été remise à la personne du défendeur et que, l'Eurl Thon du Levant n'ayant pas constitué avocat, la décision a été à juste titre qualifiée de réputée contradictoire ;
Qu'il s'ensuit que cet arrêt était insusceptible d'opposition, cette voie de recours n'étant ouverte que pour rétracter une décision rendue par défaut conformément aux dispositions de l'article 571 du code de procédure civile ;
Qu'il y a lieu de déclarer la société Thon du Levant irrecevable en son opposition ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu que les dépens de la présente procédure seront mis à la charge de l'Eurl Thon du Levant, partie succombante ;
Attendu que l'équité commande d'allouer à M. [R] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
DECLARE irrecevable l'opposition formée par l'Eurl Thon du Levant à l'encontre de l'arrêt du 22 septembre 2016 ;
CONDAMNE l'Eurl Thon du Levant à payer à M. [Y] [R] la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande des parties,
CONDAMNE l'Eurl Thon du Levant aux dépens de la présente instance qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
LE GREFFIERLE PRESIDENT