COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 2-4
(anciennement dénommée 6e Chambre D)
ARRÊT AU FOND
DU 27 FEVRIER 2019
J-B.C.
N° 2019/78
Rôle N° 16/17731 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7KPE
[D] [L] [E] [M]
[Z] [E] [L] [M]
C/
[T] [X] veuve [M]
[J] [M]
[X] [M]
[S] [M]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Jorge MENDES CONSTANTE
Me Pierre-yves IMPERATORE
Me Valérie GERSON-SAVARESE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 20 Septembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/07273.
APPELANTS
Monsieur [D] [L] [E] [M]
né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
représenté et assisté par Me Jorge MENDES CONSTANTE de l'AARPI MCL AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.
Monsieur [Z] [E] [L] [M]
né le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 1]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
représenté et assisté par Me Jorge MENDES CONSTANTE de l'AARPI MCL AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.
INTIMES
Madame [T] [X] veuve [M]
née le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 2],
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Michel PEZET, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.
Monsieur [J] [M]
né le [Date naissance 4] 1972 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 4]
représenté et assisté par Me Valérie GERSON-SAVARESE, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [X] [M]
né le [Date naissance 2] 2000 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 5]
représenté par ses administrateurs légaux [J] [M] et [F] [S], ses parents
représenté et assistée par Me Valérie GERSON-SAVARESE, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [S] [M]
né le [Date naissance 4] 2002 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 5]
représenté par ses administrateurs légaux [J] [M] et [F] [S], ses parents.
représenté et assistée par Me Valérie GERSON-SAVARESE, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 21 Novembre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre
Mme Annie RENOU, Conseiller
Mme Annaick LE GOFF, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Février 2019 et qu'à cette date le délibéré par mise à disposition était prorogé au 27 Février 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Février 2019,
Signé par M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [L] [M] a eu trois enfants, nés de deux unions différentes : Messieurs [J], [D] et [Z] [M]. Il a exercé 1a profession d'expert comptable au sein de la société comptabilité méridionale (SCM), dont il était actionnaire majoritaire,
Monsieur [L] [M] et Madame [T] [X] ont contracté mariage le [Date mariage 1]2004 par-devant l'officier d'état civil de la mairie [Localité 3].
Le 14 mars 2008 était diagnostiqué chez Monsieur [L] [M] une lésion cancéreuse du rein. Courant novembre de la même année, une lésion tumorale était également diagnostiquée sur son foie. A cette même date, il était placé en congé maladie.
Le 13 mars 2011 Monsieur [M] a fait valoir ses droits à pension de retraite.
Le 7 mai 2012, il a cessé ses fonctions de Président de la SCM pour être remplacé par Monsieur [Z] [M]. Il a été hospitalisé pour une intervention chirurgicale en juin 2012.
Par testament olographe du 2 novembre 2012, Monsieur [L] [M] a souhaité répartir la quotité disponible des ses biens entre ses fils [D] et [Z] et ses petits fils nés ou à naître, à l'exclusion de [J] [M]. Par ce même acte il a révoqué ses testaments antérieurs.
De nouveau hospitalisé le 15 novembre 2012 pour récidive de l'hépatocarcinome, Monsieur [L] [M] est décédé à [Localité 1] le [Date décès 1] 2013 des suites d'une complication de la chimio-embolisation.
Par exploit d'huissier en date des 15 et 26 mai 2014, Madame [T] [X] veuve [M] a fait citer devant le tribunal de grande instance de Marseille Messieurs [J], [D] et [Z] [M] outre Monsieur [J] [M] es qualité de représentant légal d'[X] et [S], ses enfants mineurs, pour obtenir l'annulation du testament olographe de feu [L] [M], aux fins de retrouver ses droits d'héritière es qualité de conjoint survivant, à hauteur du quart en pleine propriété.
Outre l'exécution provisoire, elle sollicitait la condamnation in solidum des défendeurs aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Maître PEZET sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à une indemnisation au titre de ses frais irrépétibles.
Dans ses dernières conclusions de première instance, Madame [X] veuve [M] expliquait solliciter l'annulation du dit testament sur le fondement de l'erreur de Monsieur [L] [M] qui pensait qu'elle pourrait bénéficier de divers contrats d'assurance et ou de prévoyance lors de son décès. Elle indiquait que cette erreur avait déterminé son époux à rédiger le testament querellé.
Elle expliquait en effet que son défunt époux était titulaire de contrat auprès du GAN, de la CAVEC, du Crédit Lyonnais et d'Américan Express et qu'elle avait été désignée comme bénéficiaire d'assurances décès. Que cependant après la mort de son époux il était apparu qu'elle ne percevrait rien, certains contrats étant devenus caducs du fait que Monsieur [M] avait fait valoir ses droits à retraite et que les autres ne couvraient que le risque décès par accident et non par maladie.
Madame [X] veuve [M] faisait valoir que son époux était persuadé que grâce aux assurances décès elle serait à l'abri financièrement et que le testament de novembre 2012 avait pour seul objectif de tirer les conséquences d'un conflit qui l'opposait à son fils [J] [M] et privant celui-ci de la quotité disponible.
Concluant au débouté des défendeurs en toutes leurs demandes fins et conclusions, elle demandait que le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de liquidation et partage de la succession de feu [L] [M] et actualisait sa demande de condamnation in solidum au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 10 000,00 euros.
Dans leurs dernières conclusions du 18 janvier 2016 Messieurs [D] et [Z] [M] concluaient au rejet de l'ensemble des demandes de Madame [X] veuve [M]. Ils demandaient au tribunal de dire et juger que feu leur père était capable, n'avait commis aucune erreur sur le motif déterminant du testament du 2 décembre 2012 et partant, le déclarer valable. Ils sollicitaient la condamnation de la demanderesse aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 2 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs prétentions, ils précisaient que la communauté de vie entre feu leur père et la demanderesse avait cessé depuis 2006 et que les époux géraient leurs finances de manière indépendante. Concernant l'erreur invoquée par la demanderesse, ils indiquaient que leur père avait conservé sa lucidité et ses facultés mentales, alors qu'il était examiné quelques jours avant son décès. Ils soulignaient que compte tenu des qualités de rigueur imposées par ses fonctions professionnelles, leur père ne pouvait ignorer les conditions de couverture des contrats d'assurance et de prévoyance. Au demeurant, les défendeurs précisaient que Mme [X] ne rapportait pas la preuve qu'il ignorait les conditions générales des contrats.
Dans ses dernières conclusions, Monsieur [J] [M] agissant tant en son nom personnel qu'es qualité de représentant légal de ses fils mineurs [X] et [S] [M], concluait également au débouté en indiquant que Madame [X] veuve [M] ne rapportait pas la preuve de l'erreur déterminante que feu son père aurait commise lors de la rédaction du testament de 2012. Il précisait que le couple ne résidait plus ensemble et que son père était souvent seul selon son ami d'enfance et associé Monsieur [H]. Il sollicitait la condamnation de la demanderesse à lui payer 2 500,00 € au titre de ses frais irrépétibles.
Par jugement en date du 20 septembre 2016 le tribunal de grande instance de Marseille a :
Annulé le testament olographe rédigé le 2 novembre 2012 par Monsieur [L]
[M] ;
Ordonné le partage judiciaire de la succession de feu Monsieur [L] [M] ;
Désigné pour y procéder, Monsieur le président de la chambre des notaires des Bouches du Rhône, avec faculté de déléguer tout membre de sa compagnie et de pourvoir son remplacement;
DIT que les parties devront communiquer au greffe du tribunal (1er chambre, cabinet 1) le nom du notaire commis par la chambre des notaires ;
Rappelé que les parties devront remettre au notaire commis toutes les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission ;
Rappelé que le notaire commis devra dresser un projet d'état liquidatif dans le délai d'un an à compter de sa désignation ;
Rappelé que le notaire commis pourra s'adjoindre, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, un expert choisi d'un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis ;
Rappelé qu'à défaut pour les parties de signer cet état liquidatif, le notaire devra transmettre, au greffe de la 1er chambre (cabinet 1) un procès-verbal de dires et son projet de partage ;
Prononcé l'exécution provisoire ;
Rappelé que les copartageants peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l'amiable ;
Ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage ;
DIT qu'ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l'indivision ;
Condamné solidairement Messieurs [D], [Z] [M] et Monsieur [J] [M] tant en son nom personnel qu1es qualité de représentant légal d'[X] et [S], ses enfants mineurs à payer à Madame [T] [X] veuve [M] la somme de 3 500,00 euros au titre de ses frais irrépétibles non compris dans les dépens.
Le tribunal a considéré qu'il ressortait des témoignages produits précis et concordants que Monsieur [L] [M] pensait sincèrement avoir souscrit des contrats indemnisant substantiellement son épouse en cas de décès, et que le testament du 2 novembre 2012 avait été pris sur la base d'une cause erronée. Que ce testament avait pour objectif manifeste d'exclure son fils [J] [M] de sa part de quotité disponible et non d'exclure sa conjointe de sa succession.
M. [J] [M] a formé appel de cette décision le 4 novembre 2016 en son nom personnel et au nom de ses deux fils.
Messieurs [D] et [Z] [M] ont formé appel de cette décision le 3 octobre 2016 .
Au terme de leurs dernières écritures du 09 octobre 2018 auxquelles il est renvoyé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un complet exposé de leurs moyens et prétentions, MM. [Z] et [D] [M] demandent à la cour de :
A TITRE PRINCIPAL
DIRE ET JUGER que Monsieur [L] [M] était capable et n'a commis aucune erreur sur le motif déterminant lors de la rédaction de son testament ;
DIRE ET JUGER que le testament olographe de Monsieur [L] [M] en date du 2 novembre 2012 est valable ;
Par conséquent,
REFORMER EN TOUTES CES DISPOSITIONS le jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille du 20 septembre 2016
DÉBOUTER Madame [T] [X] de toutes ses demandes.
A TITRE SUBSIDIAIRE
DIRE que le notaire en charge de la succession devra tenir compte du testament du 12 janvier 1990, testament remis en vigueur par l'effet de la nullité du testament du 2 novembre 2012.
EN TOUT ETAT DE CAUSE
CONDAMNER Madame [T] [X] à payer à [D] [M] et à [Z] [M] la somme de 5.000 € chacun au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER Madame [T] [X] aux entiers dépens de la présente instance
Ils font valoir que pendant ses différentes unions, même avec les mères de ses enfants, Monsieur [L] [M] n'a jamais varié sur sa volonté testamentaire : celle de laisser pour seuls héritiers ses enfants ou ses petits enfants. Qu'il n'a jamais souscrit de contrat d'assurance vie ou de capital décès spécifique pour Madame [X] pendant leur union.
Qu'il s'est marié sous le régime de la séparation de biens
Que moins de 2 ans après leur mariage les époux ont habité séparément et ont cessé toute communauté de vie.
Que Mme [X] qui gagnait bien sa vie disposait d'une parfaite autonomie financière.
Qu'un courrier signé de sa main et daté de 15 jours avant la rédaction du testament contesté avisant son épouse de ce que la société qu'il dirigeait n'assurerait plus le suivi de sa comptabilité démontre qu'il existait une distance affective et financière dans le couple.
Qu'une amie avocate en atteste également.
Ils soulignent que leur père n'a jamais fait une démarche volontaire pour offrir un contrat d'assurance à Madame [X]
Que s'agissant des allégations de Mme [X] selon lesquelles leur père [L] [M] n'était pas au courant du contenu des contrats d'assurance du fait de sa maladie et que c'est seulement pour cette raison qu'il a tout légué à ses enfants et petits-enfants elles sont infondées.
Que [L] [M] avait dirigé un cabinet d'expertise comptable, qu'il avait été membre du tribunal de commerce et avait jusqu'à la fin de sa vie conservé toutes ses capacités intellectuelles et qu'il ne pouvait ignorer l'économie des contrats souscrits auprès du GAN " Prévoyance modulable Cadre ", de la CAVEC au titre du régime de retraite et prévoyance Expert-Comptable, de la carte AMERICAN EXPRESS et auprès du CREDIT LYONNAIS.
S'agissant du contrat Gan ils soulignent qu'il s'agit d'un contrat groupe dont bénéficiaient tous les salariés du cabinet d'expertise comptable et qui prenait fin dès la rupture du contrat de travail quel qu'en soit le motif.
Que l'un des salariés de la société confirme M. [L] [M] savait au moment de prendre sa retraite qu'il ne bénéficierait plus des garanties puisque s'étant radié par lui-même et ne cotisant plus audit contrat.
Que leur père n'ignorait pas qu'après avoir informé le Gan de son départ à la retraite la garantie décès ne pouvait plus être mise en oeuvre.
Qu'il a fait le choix de ne pas solliciter la souscription d'un contrat Gan capital décès mais de solliciter la poursuite du contrat Prévoyance Reunica Mutuelle qui ne comporte pas de garantie décès ainsi que cela résulte d'un courrier du Gan.
Qu'il a simplement sollicité la poursuite de ses garanties santé auprès de Réunica.
Que s'agissant de la CAVEC son affiliation est liée à son inscription à l'ordre des experts comptables. Qu'il s'en est fait radier en mars 2012 au moment où son fils a pris sa suite et qu'il a cessé en 2012 de régler les cotisations .Que c'est par erreur que la caisse a indiqué dans un courrier que les garanties s'étaient poursuivies jusqu'à la fin de l'année 2012 une modification réglementaire ayant fait disparaître cette garantie à compter du 1er janvier 2012.
Qu'il a fait le choix de ne pas souscrire une extension de garantie «facultative de conjoint» améliorant la pension de réversion en cas de décès.
Que s'agissant du contrat Crédit Lyonnais il ne peut y avoir d'erreur tous les documents afférents mentionnant qu'il s'agit d'une garant décès et invalidité accidentels.
Qu'il en est de même pour la garantie assurance décès liée à la possession de la carte de crédit American Express qui ne concerne que les décès résultant d'un accident
Ils estiment que la seule cause du testament contesté est la volonté de M. [M] de répartir la quotité disponible entre ses fils et petits fils à l'exception de M. [J] [M] avec lequel il était fâché.
Ils font valoir que même s'il y avait erreur il faudrait démontrer que le testateur aurait disposé autrement.
Ils contestent la force probante des attestations produites par Mme [X] estimant qu'elles émanent d'amis et de proches de cette dernière qui ne connaissaient pas l'intimité du couple et dont les témoignages sont en contradiction avec divers éléments du dossier lorsqu'il ne s'agit pas de témoignages de complaisance.
Ils soulignent que leur père n'est pas décédé des suite de l'hépatocarcinome mais de la décompensation de la cirrhose du foie et que leur père était au moment ou il a rédigé le testament contesté capable aussi bien physiquement que mentalement.
Ils contestent que Mme [X] se soit trouvée dans une situation financière précaire au moment de la rédaction du testament.
Ils font valoir qu'à cette même époque les relations entre Mme [X] et leur père étaient tendues
A titre subsidiaire ils estiment que si le testament du 2 novembre 2012 était annulé le précédent testament établi par leur père le 12 janvier 1990 , dans lequel feu [L] [M] avait légué à ses trois fils, à part égales la totalité de ses biens meubles et immeubles devraient être considéré comme valable.
Au terme de ses dernières écritures du 04 février 2017 auxquelles il est renvoyé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un complet exposé de ses moyens et prétentions, M. [J] [M] demande à la cour de :
DIRE ET JUGER que Monsieur [L] [M] n'a commis aucune erreur excusable lors de la rédaction de son testament ;
DIRE ET JUGER que le testament olographe de Monsieur [L] [M] en date du 2 novembre 2012 est pleinement valable et que ses dispositions produiront tous leurs effets ;
Par conséquent,
REFORMER EN TOUTES SES DISPOSITIONS le jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE intervenu le 20 septembre 2016 ;
DÉBOUTER Madame [T] [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Condamner Madame [T] [X] veuve [M] à payer aux concluants la somme de 3.500 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il fait valoir :
Que Madame [T] [X] échoue à apporter la preuve certaine que Monsieur [L] [M] n'avait pas connaissance, au moment de la rédaction du testament, de l'inefficacité des assurances qu'il avait souscrites.
Qu'à supposer même que Monsieur [L] [M] ignorait ces circonstances, Madame [T] [X] n'apporte en aucune manière la preuve que le défunt aurait modifié la répartition prévue dans ses dispositions testamentaires au profit de sa femme s'il avait su qu'elle ne bénéficierait pas des garanties financières qu'il avait souscrites.
Qu'il ne résulte pas des attestations produites par Mme [X] que ce sont les dispositions qu'il avait prises pour protéger sa femme qui ont constitué le motif déterminant qui a conduit Monsieur [L] [M] à l'exclure de sa part de quotité disponible.
Que si [L] [M] avait comme le prétend sa veuve, cru que cette dernière bénéficierait d'une protection financière du fait de la souscription de ces différents contrats d'assurance , l'erreur devrait être considérée comme inexcusable des vérifications sommaires permettant de constater que sa veuve n'était en rien couverte.
Au terme de ses dernières écritures du 19 octobre 2018 auxquelles il est renvoyé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un complet exposé de ses moyens et prétentions Mme [X] demande à la cour de :
Liminairement, sur l'attestation de Maître [H] [F], Avocat
Vu les articles 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, 4 du décret du 12 juillet 2005 et 2 du règlement intérieur national CNB ensemble,
Constater que l'attestation de Maître [H] [F], Avocat, rédigée sur papier en-tête de son Cabinet d'Avocat, établissant ainsi que les confidences reçues de Monsieur [L] [M], que ce soit au sein de son Cabinet ou à l'extérieur, sont de nature professionnelle et viole le secret professionnel auquel sont tenus tous les Avocats, ce secret professionnel étant absolu ;
Dire et juger que le décès du client ne délie pas le dépositaire du secret professionnel de cette obligation ;
I - Dire et juger que les héritiers ne peuvent non plus l'en délier ;
I En conséquence,
Ecarter des débats l'attestation de Maître [H] [F], communiquée sous le numéro de pièce 53 et dire que les extraits des conclusions faisant référence à cette pièce, en pages 9, 39 et 46 des conclusions d'Appel n° 3 seront supprimés ;
' Sur les attestations de Monsieur [W] [H] (pièce adverse n° 51), de Monsieur [L] [I] (pièce adverse n° 32), [N] [V] (pièce adverse n° 31), [F] [W] (pièce adverse n° 45), [K] [J] (pièce adverse n° 46), [M] [A] (pièce adverse n° 47), de Madame [R] [U] (pièce adverse n° 30), de Monsieur [Y] [Z] (pièce adverse n° 30) et de Monsieur [A] [Z] (pièce adverse n° 29)
Dire et juger que ces attestations sont dénuées de force probante ou en tout état de cause, qu'elles ne sont pas pertinentes ;
En conséquence,
- Les écarter des débats ;
AU PRINCIPAL
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE le 20 septembre 2016 ;
En conséquence,
Sur le testament du 2 novembre 2012
' Sur les moyens développés par Messieurs [D] et [Z] [M]
Dire et juger que deux mobiles déterminants ont animé Monsieur [L] [M] au moment de la rédaction de son testament du 2 novembre 2012, le premier relatif à sa volonté d'exclure son fils [J] [M] avec lequel il était fâché, le second étant la croyance erronée d'avoir protégé sa femme par des assurances de protection, choix fait pour éviter qu'elle ne se heurte, dans le cadre de la succession, à un conflit avec ses enfants qui ne s'entendaient pas entre eux;
Dire et juger que ces motifs sont clairement entrés dans le champ contractuel, ce qui est établi par les pièces versées aux débats ;
En conséquence,
Dire et juger que Monsieur [L] [M] a commis une erreur sur les motifs déterminants au moment de la rédaction de son testament, croyant avoir protégé Madame [T] [O] par des assurances ;
Dire que Monsieur [L] [M] n'a pas été capable, au sens de « n'a pas été en mesure de », de réparer cette erreur qu'il n'a pas connue jusqu'à son décès ;
SUR LES MOYENS SOULEVÉS PAR MONSIEUR [J] [M]
Dire et juger que Monsieur [L] [M] n'a commis aucune erreur inexcusable qui ferait obstacle à la demande en annulation de testament,
Et en tout état de cause,
Dire et juger que l'erreur sur l'existence de la cause peut être utilement invoquée même si elle est inexcusable ;
En conséquence,
Annuler le testament olographe de Monsieur [L] [M] en date du 2 novembre 2013 ;
Dire que Madame [T] [X] veuve [M] retrouvera ses droits d'héritière, ès-qualités de conjoint survivant, à hauteur du quart en pleine propriété de la succession de Monsieur [L] [M] ;
' Sur la liquidation partage
Dire que Madame [T] [X] veuve [M] concourra aux opérations de compte liquidation partage ;
Confirmer la décision du Tribunal en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de Monsieur [L] [M],
| II. Sur le testament du 12 janvier 1990
Vu les articles 1035, 1036 et 1037 du Code civil,
Constater que Monsieur [L] [M] a expressément révoqué, dans son testament du 2 novembre 2012 ses dispositions antérieures et donc le testament du 12 janvier 1990 déposé par les appelants ;
Dire et juger que la clause révocatoire est détachable, nonobstant l'annulation du testament du 2 novembre 2012 ;
Dire et juger que le testament révoqué du 12 janvier 1990, ou tout autre testament antérieur révoqué, ne peut revivre, sauf volonté contraire du testateur, inexistante en l'espèce ;
En conséquence,
Dire que l'annulation du testament du 2 novembre 2012 ne fait pas revivre le testament du 12 janvier 1990, non plus qu'aucun autre testament antérieur ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE
Condamner in solidum Monsieur [J] [M], à titre personnel et ès qualités de représentant de ses enfants mineurs [X] et [S] [M], Monsieur [D] [M] et Monsieur [Z] [M] à payer à Madame [T] [X] veuve [M] la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la Selarl LEXAVOUE, Avocats aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Mme [X] fait valoir principalement :
Que les Cours et Tribunaux admettent que l'erreur peut enlever toute valeur à la manifestation de volonté d'un disposant, dès lors dépourvue de cause, et rendre ainsi une libéralité inopérante, sous réserve qu'il soit bien certain que le donateur n'aurait pas disposé de ses biens comme il l'a fait s'il avait connu la vérité.
Que doit être pris en considération l'élément déterminant ayant motivé la libéralité et qu'il peut exister plusieurs motifs déterminants, l'un n'était pas exclusif de l'autre.
Qu'il existait une communauté de vie entre les époux même si ils avaient des domiciles distincts en raison des difficultés rencontrées par M. [M] avec les filles de Mme [X] et en particulier avec [Q], ainsi qu'en attestent diverses personnes.
Qu'ils ont d'ailleurs jusqu'en 2012 effectué plusieurs voyages ensemble dont l'un à [Localité 4] en mai 2012.
Que plusieures attestations établissent la réalité des relations sentimentales qui ont persisté entre les époux jusqu'au décès de M. [M].
Que M. [M] s'est toujours préoccupé d'assister financièrement son épouse qu'il avait désignée comme bénéficiaire sur ses contrats de prévoyance et qui était couverte par sa mutuelle jusqu'à sa mort.
Qu'elle a assisté son mari jusqu'à son décès ainsi que cela résulte de plusieurs pièces et notamment des mails échangés avec [Z] [M].
Que si des incidents sont intervenus ils étaient liés au caractère difficile de M. [M] que les appelants ne contestent pas.
Que les attestations produites par les appelants et tendant à démontrer que le défunt souhaitait divorcer , était attiré par une autre femme ou savait que les assurance décès n'étaient pas opérantes ne sont pas probantes et sont contredites par les attestations qu'elle produit.
Que doit être écartée des débats l'attestation établie par Me [H] [F] avocat au mépris du secret professionnel.
Que le testament du 2 novembre 2012 avait été pris sur la base d'une cause erronée, Monsieur [L] [M] croyant son épouse à l'abri du besoin du fait de contrats d'assurances et/ou de prévoyance qu'il avait souscrit, ce qui expliquait qu'il ne l'ait pas intégrée dans son testament.
Que cette ignorance a persisté jusqu'au décès de Monsieur [L] [M] qui n'a pas été, au sens jurisprudentiel du terme, « capable » de rectifier son erreur étant resté dans l'ignorance de la disparition de la cause du testament
Que deux mobiles ont déterminé M. [M] à rédiger le testament contesté , le premier étant sa volonté de priver son fils [J] de sa quotité disponible du fait du différend qui les opposait depuis 10 ans et le second étant la croyance erronée que son épouse était protégée par des assurances et qu'il craignait en l'intégrant dans son testament dans son testament, qu'elle ne soit confrontée à ses enfants.
Que l'ignorance par M. [M] de l'inefficacité des contrats d'assurance souscrits résulte en premier lieu de documents établis par ce dernier :
Qu'il a moins de deux mois avant sa retraite fait une déclaration au GAN désignant son épouse comme bénéficiaire.
Que ni le GAN, ni la SOCIÉTÉ DE COMPTABILITÉ MÉRIDIONALE n'ont indiqué à Monsieur [M] que la rupture de son contrat de travail pour retraite entraînerait la cessation de son contrat d'assurance « prévoyance »
Que même si Monsieur [L] [M] a su que le contrat GAN se terminait avec sa prise de retraite, il a pu croire que ce contrat avait été repris en continuation par REUNICA qu'il avait contactée pour lui demander la poursuite du contrat de prévoyance qui le couvrait précédemment par l'intermédiaire du GAN. ( Mais réunica lui répond lui répond en lui indiquant «qu'elle a eu le plaisir de gérer sa protection sociale depuis le 01/01/99, qu'elle continue à l'accompagner dans le domaine essentiel de la santé pour son bien-être et celui de sa famille et dans un courrier du 9 septembre 2011 (pièce adverse n° 55), REUNICA de mutuelle, son courrier ayant pour objet « adhésion de [L] [M] à la mutuelle de votre organisme
Que s'agissant des contrats Crédit Lyonnais et American, Express M. [M] a pu légitimement ignorer qu'ils ne couvraient le décès qu'en cas d'accident , qu'il avait pris soin de vérifier qu'ils étaient à jour , qu'il avait désigné son épouse comme bénéficiaire et le lui avait confirmé.
Que s'agissant du contrat CAVEC que celle-ci a indiqué que M. [M] était garanti jusqu'au 31 décembre 2012 et que si tel n'est pas en réalité le cas M. [M] a pu légitimement le croire.
Qu'elle n'a jamais évoqué une quelconque insanité d'esprit de son mari mais maintient qu'il était épuisé, l'épuisement ayant nécessairement une influence sur la vie de tous les jours et évidemment sur les affaires administratives.
Que les multiples attestations qu'elle produit démontrent que son époux pensait qu'elle était, grâce aux assurances qu'il avait souscrites, à l'abri du besoin.
Qu'il en est ainsi notamment de l'attestation de Monsieur [U] [C] : ami de Monsieur [L] [M] depuis 1986, devenu son collaborateur-fondé de pouvoir
qui déclare qu'il a vu Monsieur [L] [M] chez qui il a été reçu fin janvier 2013 lequel lui a fait part des assurances à hauteur d'environ 500 000 euros, qu'il avait prises pour son épouse.
Que l'erreur sur l'existence de la cause peut être utilement invoquée, même si elle est inexcusable.
Que s'agissant de la demande des appelants tendant à faire revivre un testament antérieur du 12 janvier 1990 elle se heure à la révocation expresse figurant dans le testament du 2 novembre 2012.
Que l'annulation du testament ne fait pas disparaître la révocation la clause révocatoire étant détachable des autres dispositions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 octobre 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LA VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL
Par application des dispositions combinées de la loi du 31 décembre 1971, du décret du 27 novembre 1991 et du décret du 12 juillet 2015 les avocats sont tenus au secret professionnel.
Les consorts [M] produisent à l'appui de leurs demandes une attestation établie par une avocate du barreau de Marseille Me [H] [F] qui relate des confidences que lui a faites M. [L] [M] concernant notamment sa situation conjugale. Si rien n'interdit à un avocat d'attester de ce dont il a été témoin encore faut-il qu'il ne s'agisse pas d'éléments recueillis dans le cadre de ses relations avec un client qui doivent rester totalement confidentiels. En l'espèce il est difficile de distinguer ce qui dans l'attestation de Me [F] résulte de confidences amicales et ce qui résulte des déclarations de son client alors qu'elle confirmé qu'il l'a rencontrée pour des motifs professionnels et qu'elle a rédigé son attestation sur papier à en-tête de son cabinet. Il convient dans ces conditions de considérer que c'est l'ensemble de l'attestation qui porte atteinte au secret professionnel et d'écarter des débats cette pièce.
SUR LA DEMANDE TENDANT À ÉCARTER DES DÉBATS DIVERSES ATTESTATIONS:
Mme [X] demande que soient écartées des débats les attestations adverses qui relatent selon elle des faits erronés ou non pertinents. Il s'agit cependant d'attestations qui ne violent aucun principe juridique et dont la pertinence doit être appréciée au regard des documents produits et des attestations adverses et qui doivent bien évidemment demeurer dans les débats.
SUR LE FOND
Au terme de l'article 901 du Code civil : « Pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence ».
L'erreur sur la cause qui a déterminé un testateur à prendre des dispositions à cause de mort constitue un vice du consentement de nature à entraîner la nullité du testament.
Il appartient à Mme [X] qui se prévaut d'une erreur sur la cause viciant le testament établi par son époux le 2 novembre 2012 de démontrer en premier lieu que la cause ou tout au moins l'une des causes du testament est liée à sa situation personnelle, que M. [M] ignorait qu'aucune assurance n'était susceptible de verser un capital à sa veuve et que si il en avait eu conscience il aurait testé autrement.
SUR LA CAUSE DU TESTAMENT DU 2 NOVEMBRE 2012
S'agissant en premier lieu de la notion de cause du testament elle doit être selon madame [X] recherchée à la fois dans la volonté du défunt de priver son fils [J] de sa part de quotité disponible et dans la décision de la priver de ses droits de conjoint survivant à la suite d'une analyse erronée de sa situation.
Force est de constater, même si l'intéressé le conteste, que la cause première de ce testament est effectivement la volonté, en l'état du conflit qui les opposait, de priver son fils [J] de sa part de quotité disponible et ce au profit de ses enfants . Le fait que cet élément ait joué un rôle causal résulte du fait que la seule conséquence directe de ce testament est la modification des droits de M. [J] [M] et de ses fils.
La situation est largement différente en ce qui concerne Mme [X]. En effet même si M. [M] n'avait pas établi le testament du 2 novembre 2012 la situation de cette dernière n'en aurait pas pour autant changé puisque le précédent testament de M. [M] accordait déjà à ses fils la totalité de ses biens. Dès lors on peut douter que la volonté de priver sa femme de ses droits de conjoint survivant ou tout au moins celle de ne pas la préserver constitue une des cause du testament. Pour constituer la cause qui a déterminé un individu à rédiger un acte il faut que des conséquences en lien avec la cause en résultent ou au moins soient attendues par son auteur ce qui n'était pas le cas en l'espèce.
Il serait au surplus singulier alors que la cause principale du testament est la volonté de M. [M] de priver son fils [J] d'une partie de la quotité disponible que l'erreur sur une cause secondaire conduise à annuler le testament au mépris de la volonté indiscutable du défunt.
Il pourrait cependant être considéré, se référant à une conception plus extensive de la notion de cause que celle-ci ne réside pas simplement dans ce qui a conduit M. [M] à rédiger un testament mais également dans ce qui, lors de la rédaction de celui-ci, l'a déterminé à prendre ou à ne pas prendre certaines dispositions favorables à son épouse.
Il convient dès lors d'envisager l'existence d'une erreur commise par M. [M]
SUR L'EXISTENCE D'UNE ERREUR
Selon Mme [X] son époux croyait qu'elle était, en cas de décès, couverte par quatre contrats d'assurances souscrits auprès du GAN dans le cadre d'une assurance de groupe " Prévoyance modulable Cadre ", de la CAVEC au titre de son inscription à l'ordre des experts comptables, de la société AMERICAN EXPRESS et de la société CREDIT LYONNAIS.
Ces quatre assurances seront examinées successivement:
En ce qui concerne l'assurance Gan il s'agit d'un contrat collectif souscrit par la société SCM pour ses cadres, contrat bien évidemment lié à la qualité de salarié et qui cesse de produire effet au moment du départ de la société notamment du fait de la retraite.
M. [M] en avait parfaitement conscience puisqu'il a noté sur son bordereau de cotisation en avril 2011 « sortie au 31 mars 2011, retraite prise le 13 mars 2011.»
Il ne peut être sérieusement prétendu que M. [M] pensait malgré l'arrêt des cotisations le concernant, qu'il était toujours couvert auprès du Gan par une garantie prévoyance décès
Il ne peut être tiré aucun élément du fait qu'il ait, en janvier 2011, actualisé son dossier mentionnant son épouse comme bénéficiaire dès lors qu'il s'agissait d'une démarche collective concernant les cadres de l'entreprise intervenue à l'initiative de la compagnie d'assurances.
M. [M] a d'ailleurs dans un courrier du 23 mai 2011, conscient de ce qu'il n'était plus couvert par le Gan et en application de la Loi [P], sollicité de la société Réunica d'adhérer à cet organisme, précisant qu'il n'était plus pris en charge par son employeur à compter de son départ à la retraite.
En aucun cas, et contrairement à ce qu'affirme Mme [X] il n'existe d'ambiguïté quant à la nature des garanties dont M. [M] demandait la souscription. En effet la loi [P] à laquelle il fait référence prévoit en son article 4 :
Lorsque des salariés sont garantis collectivement, dans les conditions prévues à l'article 2 de la présente loi, en vue d'obtenir le remboursement ou l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, le contrat ou la convention doit prévoir, sans condition de période probatoire ni d'examen ou de questionnaire médicaux, les modalités et les conditions tarifaires des nouveaux contrats ou conventions par lesquels l'organisme maintient cette couverture :.
En aucun cas la loi invoquée par M. [M] dans son courrier précité ne prévoit la possibilité pour un salarié de solliciter le maintient d'une garantie prévoyance décès
Par ailleurs les termes des courriers échangés avec Reunica sont sans ambiguïté sur le fait qu'il s'agit d'une mutuelle garantissant le risque santé. C'est ainsi notamment que la société REUNICA MUTUELLE a adressé à M. [M] un courrier le 9 octobre 2011 qui constitue son certificat d'adhésion lequel mentionne sous l'intitulé «Régime complémentaire de santé», les garanties couvertes au nombre desquelles ne figure pas la garantie décès. Ce document ne mentionne pas plus le nom d'un bénéficiaire ou un montant en capital versé à celui-ci.
Mme [X] fait valoir que son mari avait demandé par courrier du 15 avril 2011 la poursuite de la «prévoyance» dont il bénéficiait. Il ne peut être considéré que l'emploi de ce terme couvrait dans l'esprit de M. [M] à la fois la garantie santé et la garantie décès alors qu'il a clairement adressé son courrier à Reunica laquelle ne couvrait pas antérieurement la garantie décès.
D'ailleurs écrivant à Reunica le 16 avril 2012 au sujet d'une difficulté liée à des remboursements de soins il écrivait «j'ai pris ma retraite le 31 mars 2011 et j'ai demandé à continuer à cotiser chez vous au titre de ma mutuelle»
Il ne peut être sérieusement soutenu que M. [M] aurait dû être informé par son employeur de la cessation de la garantie décès dont il bénéficiait alors qu'il était le dirgeant de l'entreprise et que plusieurs éléments du dossier indiquent qu'il s'occupait activement de la couverture santé et prévoyance.
Il ne peut être en conséquence prétendu que M. [M] ignorait que son épouse n'était à compter de son départ à la retraite plus bénéficiaire d'une assurance décès que ce soit auprès du Gan ou de Reunica.
S'agissant de la CAVEC il s'agit d'un régime de retraite complémentaire lié à l'inscription de M. [L] [M] à l'ordre des experts comptables. Ce contrat comportait une assurance invalidité décès qui cessait au moment de sa radiation de l'ordre laquelle est intervenue en ce qui concerne M. [M] en mars 2012 .
Il ne peut être considéré alors que M. [M] écrivait à cet organisme au moment du règlement de la cotisation du 1er trimestre 2012, « cette cotisation représente la dernière payée pour le compte de [L] [M].» , que l'intéressé ait pu penser qu'une assurance décès persistait alors qu'aucune cotisation n'était plus réglée.
D'ailleurs, recevant un courrier du 11 juin 2012 indiquant qu'il était radié des registres avec effet au 31 mars 2012 il notait « à classer dossier SCM»
Mme [X] produit un courrier du 30 novembre 2013 de la caisse qui indique « votre époux ayant été radié des instances professionnelles à effet du 31 mars 2012 la cotisation du régime invalidité décès le garantissait jusqu'au 31 décembre 2012"
Si dans un courrier ultérieur adressé à M. [Z] [M] la CAVEC soutient une position différente affirmant que du fait d'un changement législatif les experts comptables salariés ne bénéficiaient plus du régime prévoyance depuis le 1er janvier 2012 cette incohérence n'a pas d'incidence sur le litige dans la mesure où ce qui est recherché ce n'est pas la réalité de la couverture de M. [M] mais ce qu'il pensait être sa situation. Dès lors à supposer que la garantie décès se soit effectivement poursuivie jusqu'à la fin de l'année 2012 on ne peut en tirer aucune conclusion concernant l'erreur sur la cause invoquée par Mme [X]. D'une part il n'est nullement établi que M. [M] avait connaissance de la poursuite du contrat après la radiation qui lui avait été confirmée en juin 2012 avec effet au 31 mars 2012, avis de radiation qui ne comportait aucune réserve. D'autre part, même si M. [L] [M] avait su qu'il était garanti jusqu'à la fin de l'année 2012 il eu fallu pour qu'il ait cru que son épouse percevrait un capital décès qu'il ait eu la certitude qu'il serait décédé avant la fin de l'année, ce qui n'est nullement démontré et s'est de fait avéré inexact.
Le fait que sur un courrier du 7 août 2007 à la Cavec M. [M] ait mentionné à destination de son épouse « J'ai laissé à ton bénéfice» ne remet nullement en cause les observations précédentes dès lors qu'en 2007 Mme [X] était effectivement couverte par la garantie décès souscrite auprès de cet organisme.
Il ne peut en conséquence y avoir eu de la part de M. [M] erreur sur l'existence d'une assurance décès liée au contrat Cavec.
S'agissant du contrat Crédit Lyonnais pour lequel M. [M] cotisait une somme modique
( 91,56 euros par trimestre) tous les documents émanant de l'organisme soulignent qu'il s'agit d'une garantie décès et invalidité accidentels.
Il ne peut être considéré qu'un homme habitué aux contrats et manifestement soucieux de ses droits ait pu se tromper totalement sur la nature des garanties souscrites et ne pas se rendre compte que seul les décès accidentels étaient couverts alors que cette précision est sans cesse rappelée dans le courriers du Crédit Lyonnais.
Il est au demeurant difficile d'imaginer que M. [M] ait pu penser qu'il était couvert à tout âge pour un capital de 120.000 euros même s'il décédait de maladie, l'économie d'un tel contrat étant totalement disproportionnée au bénéfice du souscripteur dont les risques de décès par maladie deviennent de plus en plus importants avec l'âge.
Il ne peut en conséquence être considéré que M. [M] croyait au moment où il a rédigé son testament que son épouse était couverte en cas de décès par maladie par le contrat souscrit auprès du Crédit Lyonnais.
S'agissant du contrat American Express les mêmes observations peuvent être formulées, M. [M] qui cotisait apparemment à hauteur de 25 euros environ par mois ne peut avoir pensé que cette cotisation couvrait un risque de décès par maladie. Le fait que sur un relevé du 25 novembre 2008 il ait mentionné à destination de son épouse, visant le contrats Crédit Lyonnais et American Express, « c'est toi la bénéficiaire des contrats» ne remet pas en cause cette analyse dès lors que cette mention est exacte puisque Mme [X] était effectivement couverte en cas de décès accidentel de son époux à hauteur des sommes indiquées.
Il résulte de ce qui précède que les documents produits ne permettent pas de penser que M. [L] [M] a pu se méprendre sur la nature des garanties dont bénéficiait son épouse au moment où il a rédigé le testament litigieux.
Certes Madame [X] produit de nombreuses attestations de personnes plus ou moins proches du défunt qui affirment que M. [M] leur avait confié qu'en cas de décès il avait fait en sorte que son épouse ne reste pas démunie. Sans remettre en cause la sincérité de ces attestations il convient de constater qu'elles ne sont pas en contradiction avec les éléments développés plus haut. En effet avant 2011 madame [X] était garantie par deux contrats assurance décès et deux contrats assurance décès accidentel lui garantissant un capital plus ou moins important suivant la cause du décès de sorte que M. [M] a pu de bonne fois tenir de tels propos. On peut tout au plus noter qu'il est contradictoire de lire que M. [M] avait pu indiquer à l'un des attestants le montant total des capitaux que percevrait son épouse ce qui suppose qu'il avait étudié en détail les contrats et qu'il ait pu dans ces conditions ne pas constater les limitations évidentes qu'ils comportaient.
SUR LES CONSÉQUENCES D'UNE ÉVENTUELLE ERREUR
A supposer, malgré les éléments développés plus haut que pour quatre contrats différents, M. [M] ait pu commettre des erreurs quant aux sommes dont pourrait bénéficier son épouse en cas de décès par maladie il appartient à Mme [X] pour obtenir la nullité du testament de démontrer que s'il avait connu la réalité de la situation de son épouse M. [M] aurait testé autrement et ne l'aurait pas privée de ses droits de conjoint survivant.
Non seulement aucun élément du dossier ne permet de l'affirmer mais divers éléments permettent d'en douter.
En premier lieu M. [M] n'a jamais testé en faveur de l'une de ses épouses ou compagne réservant toujours l'intégralité de son patrimoine à ses enfants . C'est le cas des testaments établis en 1984 et 1990 comme du projet de donation partage de juin 2012. Que sa motivation soit liée à sa conception de la transmission du patrimoine ou à sa volonté d'éviter des conflits entre ses enfants et son épouse il s'agit d'un élément constant.
Par ailleurs les relations entre M. [L] [M] et Mme [X] étaient difficiles depuis plusieurs mois au moment où le testament a été rédigé. En font foi le courrier par lequel M. [M] indiquait à son épouse en octobre 2012que sa société ne s'occuperait plus de sa comptabilité mais également les couriels échangés entre M. [Z] [M] et Mme [X] notamment un courrier du 21 novembre 2012 dans lequel cette dernière se plaint d'avoir été mise dehors par M. [M] alors hospitalisé.
Enfin le fait que Mme [M] soit propriétaire de son appartement et gagne correctement sa vie a pu déterminer M. [M] a ne pas déroger à la règle qu'il s'était imposée dans ses testaments précédents.
En conséquence même s'il était établi que M. [M] a commis une erreur il n'est pas démontré qu'elle a vicié son consentement lorsqu'il a établi le 2 novembre 2012 le testament qui privait indirectement Mme [X] de ses droits.
La décision entreprise sera en conséquence infirmée.
SUR L'OUVERTURE DES OPÉRATIONS DE COMPTE LIQUIDATION ET PARTAGE :
Dès lors que Mme [M] n'a pas la qualité d'héritière de M. [M] elle n'a pas qualité pour solliciter l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de l'indivision successorale.
SUR DES DEMANDES ANNEXES:
L'équité et la situation économique des parties justifient que Mme [X] soit condamnée à payer la somme de 2.000 euros chacun à MM. [Z], [D] et [J] [M].
Succombant en sa demande elle sera condamnée au dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
Ecarte des débats l'attestation établie par Me [H] [F] constituant la pièce N° 53 produite par MM. [Z] et [D] [M].
Dit n'y avoir lieu à écarter des débats d'autres pièces.
Réforme en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
Dit qu'il n'est pas démontré que le testament établi par M. [L] [M] le 2 novembre 2012 est entaché d'un vice du consentement lié à une erreur du disposant sur la cause de l'acte.
Dit que le testament n'est en conséquence affecté d'aucune nullité.
Déboute Mme [X] de toutes ses demandes.
La condamne au titre de l'article 700 du code de procédure civile à payer la somme de 2.000 euros chacun à MM. [Z], [D] et [J] [M].
La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel et en ordonne la distraction au profit des avocats qui en ont fait l'avance sur leurs affirmations de droits.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT