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21/02/2019 | FRANCE | N°18/06835

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 21 février 2019, 18/06835


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

(anciennement dénommée 3ème Chambre B)



ARRÊT AU FOND

SUR RENVOI APRES CASSATION

DU 21 FÉVRIER 2019



N° 2019/065













Rôle N° 18/06835

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCKBR







SA LA MONDIALE PARTENAIRE





C/



[B] [G]

[F] [Q] épouse [G]

[D] [G]







Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me A. ERMENEUX




Me C. TROLLIET-MALINCONI









Décision déférée à la Cour :



sur déclaration de saisine de la Cour suite à un arrêt de la Cour de Cassation en date du 29 Mars 2018 enregistré au répertoire général sous le n° X17-21.708, ayant partiellement cassé un arrêt rendu par l...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

(anciennement dénommée 3ème Chambre B)

ARRÊT AU FOND

SUR RENVOI APRES CASSATION

DU 21 FÉVRIER 2019

N° 2019/065

Rôle N° 18/06835

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCKBR

SA LA MONDIALE PARTENAIRE

C/

[B] [G]

[F] [Q] épouse [G]

[D] [G]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me A. ERMENEUX

Me C. TROLLIET-MALINCONI

Décision déférée à la Cour :

sur déclaration de saisine de la Cour suite à un arrêt de la Cour de Cassation en date du 29 Mars 2018 enregistré au répertoire général sous le n° X17-21.708, ayant partiellement cassé un arrêt rendu par la Cour d'appel d'Aix en Provence en date du 18 mai 2017lequel avait statué sur appel d'un jugement du 09 février 2015 et d'un jugement du 05 octobre 2015 du tribunal de grande instance de Marseille

APPELANTE - DEMANDERESSE A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

SA LA MONDIALE PARTENAIRE

immatriculée au R.C.S. de PARIS sous le numéro 313 689 713

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Julia BRAUNSTEIN de la SCP SCP BRAUNSTEIN & ASSOCIES, avocate au barreau de MARSEILLE

INTIMES - DEFENDEURS A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

Monsieur [B] [G]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 2]

Madame [F] [Q] épouse [G]

née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 2]

Monsieur [D] [G]

né le [Date naissance 3] 1982 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 3]

Tous représentés et plaidant par Me Charles TROLLIET-MALINCONI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Décembre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Sophie LEYDIER, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-François BANCAL, Président

Mme Patricia TOURNIER, Conseillère

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère (rédactrice)

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Février 2019.

Le 14 Février 2019, les parties ont été avisées que le délibéré était prorogé et que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Février 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Février 2019,

Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige :

Le 26 novembre 2009 et le 29 juillet 2010 Monsieur [R] [G], exerçant la profession d'infirmier libéral a contracté deux prêts : le premier auprès du CREDIT LYONNAIS pour un montant de 180 000 euros, et le deuxième auprès de la LYONNAISE DE BANQUE pour un montant de 400 000 euros.

Ces deux prêts étaient assortis d'un contrat d'assurance « protection emprunteur » souscrit auprès de la compagnie d'assurances LA MONDIALE PARTENAIRE.

Monsieur [R] [G] est décédé le [Date décès 1] 2012 à son domicile.

La société LA MONDIALE PARTENAIRE a opposé à ses ayants droit une exclusion de garantie au motif que les différentes investigations (autopsie et expertise toxicologique) avaient révélé la présence d'un usage de drogues, de stupéfiants ou de produits médicamenteux non prescrits par une autorité médicale.

Par acte du 30 janvier 2014, Monsieur [B] [G], Madame [F] [Q] épouse [G] et Monsieur [D] [G], ont, en qualité d'héritiers, assigné la société LA MONDIALE PARTENAIRE devant le Tribunal de grande instance de MARSEILLE aux fins d'obtenir sa garantie.

Par jugement du 09 février 2015, le Tribunal de grande instance de MARSEILLE a :

- prononcé la réouverture des débats,

- renvoyé la cause et les parties à l'audience de mise en état du 23 mars 2015 à 14h00,

- enjoint à [B] [G], à [F] [Q] épouse [G] et à [D] [G] de produire :

le tableau d'amortissement du prêt de 180 000 euros souscrit auprès de la SA LE CREDIT LYONNAIS le 26 novembre 2009,

le tableau d'amortissement du prêt de 400 000 euros souscrit auprès de la SA LYONNAISE DE BANQUE le 29 juillet 2010,

l'acte de notoriété,

l'acte de partage ou la justification de l'indivision successorale,

- enjoint à [B] [G], à [F] [Q] épouse [G] et à [D] [G] de conclure en refaisant le calcul de l'indemnisation en se référant au capital restant réellement dû au 04 février 2012 précisément,

- avisé [B] [G], [F] [Q] épouse [G] et [D] [G] qu'à défaut de production des documents réclamés et de conclusions sur ces points avant le 23 mars 2015 à 14h00, l'affaire ferait l'objet d'une radiation,

- réservé toute autre demande,

- ordonné l'exécution provisoire,

- réservé les dépens.

Par jugement du 05 octobre 2015, le Tribunal de grande instance de MARSEILLE a :

- débouté la SA LA MONDIALE PARTENAIRE de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- déclaré recevable l'action introduite par [B] [G], par [F] [Q] épouse [G] et par [D] [G] à l'encontre de la SA LA MONDIALE PARTENAIRE,

- 'rappelé que l'application de l'exclusion de garantie a été écartée par le jugement en date du 09 février 2015",

- condamné la SA LA MONDIALE PARTENAIRE à verser au titre de l'application des contrats d'assurance :

à [B] [G] la somme de 128 816,83 euros,

à [F] [Q] épouse [G] la somme de 128 816,83 euros,

à [D] [G] la somme de 257 633,66 euros,

- condamné la SA LA MONDIALE PARTENAIRE à verser à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive :

à [B] [G] la somme de 9 500 euros,

à [F] [Q] épouse [G] la somme de 9 500 euros,

à [D] [G] la somme de 19 000 euros,

- condamné la SA LA MONDIALE PARTENAIRE à verser à [B] [G], à [F] [Q] épouse [G] et à [D] [G] ensemble la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la SA LA MONDIALE PARTENAIRE aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société LA MONDIALE PARTENAIRE a interjeté appel de ce jugement le 5 novembre 2015.

Par arrêt rendu le 18 mai 2017, la cour d'appel de ce siège (anciennement dénommée troisième chambre section A et actuellement chambre 1-3) a :

- déclaré les consorts [G] recevables en leur action formée contre la société La Mondiale Partenaire,

- infirmé les jugements entrepris et statuant à nouveau,

- débouté les consorts [G] de toutes leurs demandes,

- débouté la société la Mondiale Partenaire de sa demande tendant au remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement de première instance et de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement les consorts [G] aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Monsieur [B] [G], Madame [F] [Q] épouse [G] et Monsieur [D] [G] ont formé un pourvoi contre cet arrêt.

Par arrêt du 29 mars 2018, la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation, au visa de l'article 1315 devenu 1353 du code civil, a :

- cassé et annulé, sauf en ce qu'il déclare les consorts [G] recevables en leur action formée contre la société La Mondiale partenaire, l'arrêt rendu le 18 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence et remis, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée,

- condamné la société La Mondiale Partenaire aux dépens,

- rejeté la demande de la société la Mondiale Partenaire au titre des frais irrépétibles,

- la condamne à payer à MM. [B] et [D] [G] et à Mme [F] [G] la somme globale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Après avoir écarté les deux premières branches du moyen unique de cassation soulevé par les consorts [G], relativement au caractère formel et limité de la clause d'exclusion de garantie invoquée par l'assureur, en indiquant 'qu'ayant exactement relevé que la clause d'exclusion s'appliquait au décès causé par des médicaments pris en l'absence de toute prescription médicale, fût-ce dans des quantités raisonnables et compatibles avec un usage thérapeutique, la cour d'appel, qui ne s'est livrée à aucune interprétation de cette clause, a décidé à bon droit qu'elle était formelle et limitée', la Cour de Cassation a relevé, s'agissant de la troisième branche du moyen, 'que les juges d'appel avaient énoncé (...) que les consorts [G] ne justifient pas que ces produits anxiolytiques et antalgiques aient été prescrits à [R] [G], exerçant la profession d'infirmier, par une autorité médicale ; qu'en l'absence de toute prescription, il apparaît sans contestation que [R] [G], en prenant ces médicaments, même dans des quantités raisonnables et compatibles avec un usage thérapeutique, a nécessairement absorbé une dose non prescrite, au sens de la clause contractuelle précitée' et en a déduit 'qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait à l'assureur opposant aux ayants droits de l'assuré une clause d'exclusion de garantie, de rapporter la preuve de la réunion des conditions de fait de celle-ci, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil'.

Par une déclaration enregistrée au greffe le 19 avril 2018, la SA LA MONDIALE PARTENAIRE a saisi la cour de renvoi.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 22 novembre 2018, la SA LA MONDIALE PARTENAIRE, appelante, demande à la cour :

Vu les pièces versées au débat,

Vu l'article L 113-1 du Code des Assurances,

Vu l'article L 112-4 du Code des Assurances,

Vu l'article R 5132-6 du Code de la santé publique,

Vu l'article R 5132-5 du Code de la santé publique,

Vu l'article R 1326-30 du Code de la santé publique,

Vu l'article 1135 du Code civil,

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

- de REFORMER dans toutes leurs dispositions les jugements rendus par le Tribunal de grande instance de MARSEILLE le 9 février 2015 et le 5 octobre 2015,

Statuant de nouveau :

- de CONSTATER que le décès de Monsieur [G] résulte de « l'usage de drogues, stupéfiants, produits médicamenteux ou tranquillisants à dose non prescrite par autorité médicale» ce dont la société LA MONDIALE PARTENAIRE rapporte valablement la preuve,

- de DIRE ET JUGER que l'exclusion de garantie stipulée aux contrats d'assurances pour le décès résultant de « l'usage de drogues, stupéfiants, produits médicamenteux ou tranquillisants à dose non prescrite par autorité médicale » a un caractère formel et limité et doit recevoir application,

En conséquence,

- de DEBOUTER les consorts [G] sommés de communiquer toutes prescriptions médicales de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- de LES CONDAMNER, à payer à LA MONDIALE PARTENAIRE la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 13 juillet 2018, complétée de la note en délibéré sollicitée par la cour notifiée au RPVA le 19 décembre 2018, les intimés, Monsieur [B] [G], Madame [F] [Q] épouse [G] et Monsieur [D] [G], demandent à la cour :

Vu les dispositions des articles 1134 et suivants, 1315 & suivants, 1250 et 1251 du code civil, 113-1 et suivants du code des assurances,

699 et 700 du code de procédure civile,

- 'de confirmer le jugement de première instance',

A titre principal,

- de Dire et juger que la clause d'exclusion de garantie prévue en cas « d'usage de drogues, stupéfiants, produits médicamenteux ou tranquillisants à dose non prescrite par une autorité médicale » est dépourvue de caractère formel et limité.

En conséquence,

- de déclarer nulle la clause d'exclusion de garantie et la voir réputée non écrite,

A titre subsidiaire,

- de Dire et juger que la clause d'exclusion de garantie n'a pas vocation à s'appliquer et que les conditions de mise en 'uvre de la garantie décès souscrite par Monsieur [R] [G] aux contrats n° 01- 19 582 et n° 01-16 090 sont acquises,

En tout état de cause,

- de condamner la SA AG2R la Mondiale à payer aux requérants la somme de 564 355,28€ à proportion de leur vocations successorales respectives, au titre de la garantie décès des contrats d'assurances souscrits par Monsieur [R] [G],

Soit :

Pour Monsieur [B] [G] : ¿ x 564.355,28€ = 141 088,82 €

Pour Madame [F] [G] : ¿ x 564.355,28€ = 141 088,82 €

Pour Monsieur [D] [G] : ¿ x 564.355,28€ = 282 177,64 €

- de condamner la SA AG2R la Mondiale à payer aux requérants la somme de 42 000 € à proportion de leur vocations successorales respectives, à titre de dommages-intérêts pour 'réticence abusive',

Soit :

Pour Monsieur [B] [G] : ¿ x 42 000€ = 10 500 €

Pour Madame [F] [G] : ¿ x 42 000€ = 10 500 €

Pour Monsieur [D] [G] : ¿ x 42 000€ = 21 000 €

- de condamner la SA AG2R La Mondiale à payer aux consorts [G] la somme de 7 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- de condamner la SA AG2R La Mondiale aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Charles TROLLIET-MALINCONI avocat, sous son affirmation de droit, sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la validité de la clause d'exclusion de garantie invoquée par l'assureur

Le contrat d'assurance souscrit par [R] [G] contient au point 5 'GARANTIE DECES' un paragraphe intitulé 'Exclusions' figurant en caractères très apparents (en gras), comprenant notamment la clause ainsi libellée 'tous les risques décès sont garantis par l'assureur quelle qu'en soit la cause, sous réserve des exclusions prévues par le code des assurances et celles énumérées ci-dessous (....) l'usage de drogues, stupéfiants, produits médicamenteux ou tranquillisants à dose non prescrite par une autorité médicale'.

Contrairement à ce que soutiennent les intimés, cette clause n'est pas 'particulièrement vague' et elle n'implique pas 'une interprétation indispensable' (page 5 de leurs conclusions), puisqu'elle est rédigée en des termes clairs et précis, dépourvus d'ambiguïté.

Par ailleurs, s'il est exact que pour être valable, une clause d'exclusion de garantie doit être limitée afin de ne pas vider le contrat de sa substance, il se déduit de la clause litigieuse que la garantie décès demeure acquise en cas de décès non causé par l'absorption des produits visés dans la clause.

En conséquence, cette clause est bien limitée.

Alors que le premier juge :

- a considéré à tort que l'assureur dénaturait la clause litigieuse et qu'il n'était pas fondé à l'opposer aux consorts [G], de sorte qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur une éventuelle nullité de la clause prévoyant les exclusions de garantie dans les motifs du jugement du 09/02/2015,

- n'a pas statué sur les prétentions des parties relatives à la validité de cette clause dans le dispositif du jugement précité du 09/02/2015,

- a indiqué à tort dans le dispositif du jugement rendu le 05/10/2015 'rappelle que l'application de l'exclusion de garantie a été écartée par le jugement du 09/02/2015",

il convient de réformer les jugements déférés et de dire que la clause litigieuse invoquée par l'assureur est valable.

Sur l'application de la clause d'exclusion de garantie

En vertu de l'article 1315 alinéa 1er, devenu 1353, du code civil : 'celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver'.

Il s'ensuit qu'il appartient à l'assuré, réclamant l'exécution du contrat d'assurance, d'établir l'existence du sinistre, tandis qu'il incombe à l'assureur, qui invoque une exclusion de garantie, de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion.

En l'espèce, il résulte des pièces régulièrement communiquées et des écritures des parties :

- que le corps de [R] [G] a été découvert à son domicile, par son amie Melle [T] [H], le 04/02/2012 dans l'après-midi,

- que les services de police ont fait les constatations d'usage sur les lieux, retranscrites dans un procès-verbal n°2012/312 du 04/02/2012 comme suit :

'dans la salle à manger les policiers ont trouvé sur une table des boites de DAFALGAN à la codéine, une plaquette vide de TRANXENE et des tubes de GURONSAN et de SARVIT son équivalent générique, (...)

Dans la bibliothèque, les policiers ont trouvé deux plaquettes d'ampoules dont deux sont usagées, il s'agit de deux ampoules de RIVOTRIL injectable à laquelle s'ajoute une ampoule usagée, plus trois ampoules de CONTRAMAL injectable plus une usagée, (...)

la chambre est en ordre, elle est meublée d'un lit sur lequel se trouve le corps du défunt couvert d'une couette, d'un chevet sur lequel se trouve 2 paquets de cigarettes MALBORO, un verre contenant des mégots de cigarettes, un rouleau de papier essuie tout entamé et un flacon de spray nasal de FENTANYL,

(.....)

le cadavre du défunt est vêtu d'un slip noir de marque CALVIN KLEIN et d'un tee-shirt gris porté à la façon d'un bandana,

les lividités sont fixées et installées, cohérentes avec la position de découverte du corps, les extrémités sont cyanosées et la bouche est emplie de sécrétions, l'absence de faune nécrophage indique que le décès est récent,

constatons l'arrivée du docteur [C], médecin légiste de permanence, l'informons de nos découvertes concernant les différentes substances, selon le docteur [C], le décès serait dû à l'absoption massive et régulière de substances classées stupéfiants comme le FENTANYL et toxiques comme le RIVOTRIL ou le CONTRAMAL, ajouté à cela la consommation de TRANXENE associée à l'alcool ont dû causer le décès (suite à) un oedème pulmonaire massif caractérisé par la cyanose des extrémités et l'abondance des lividités

qu'ont été placés sous scellé n°1 deux tubes de GURONSAN dont un tube entamé dans leur carton, deux tubes de SARVIT pleins, une boîte de 16 comprimés d'EFFERALGAN CODEINE ne contenant qu'un tube de 8 comprimés, deux boites de 16 comprimés effervescents d'EFFERALGAN CODEINE neuves et une plaquette de 7 comprimés de TRANXENE vide,

qu'ont été placés sous scellé n°2 une boîte de 5 ampoules de CONTRAMAL 100mg/2ml solution injectable n'en contenant plus que trois intactes et une usagée et trois ampoules de RIVOTRIL 1mg/1ml solution injectable dont une usagée ainsi que leur notice dépliée,

qu'ont été placés sous scellé n°3 un flacon de FENTANYL spray nasal 100 micro grammes, 1.8ml dix doses vide' ,

- que le rapport de levée de corps du 04/02/2012 rédigé par le Docteur [Z] [C], médecin légiste à l'UML et expert, mentionne en conclusion 'l'examen externe du corps de M. [G] [R], âgé de 32 ans, ne met en évidence aucune lésion évocatrice de violence.

Présence de signes de cyanose périphérique en faveur d'un syndrome asphyxique majeur de cause inconnue.

Au vu des premiers éléments de l'enquête, une origine toxique à ce décès est à éliminer' (pièce 1 de l'appelante),

- que dans leurs conclusions du rapport d'autopsie daté du 06/02/2012, le Docteur [Z] [C] et le Docteur [Y] [F], médecins légistes, mentionnent 'l'examen et l'autopsie du corps de M. [G] [R] mettent en évidence: l'absence de trace évocatrice de violence,

un état de lyse rapide des viscères par rapport à la date du décès,

un syndrome asphyxique majeur avec oedème pulmonaire et oedème cérébral important.

Les données autopsiques n'ont pas mis en évidence de signe évocateur de pathologie aigue ou chronique susceptible d'expliquer le décès. Dans ce contexte de toxicomanie supposée, une origine toxique à ce décès est à éliminer en première intention' (pièce 7 des intimés),

- que le Docteur [Y] [F], médecin légiste à l'UML du CHU [Établissement 1] à [Localité 4], a rédigé un document daté du 27/11/2012, dans lequel elle 'certifie que le décès de [G] [R] survenu le 04/02/2012 est en rapport avec un surdosage médicamenteux' (pièce 3 de l'appelante),

- que les analyses toxicologiques réalisées sur les prélèvements autopsiques de M. [G] [R] révèlent notamment :

'une éthanolémie à 0,05 g/l, très probablement en relation avec un phénomène de néoformation post-mortem,

la présence de morphine, principe actif du SKENAN et du MOSCONTIN, à une concentration compatible avec un usage thérapeutique,

la présence de FENTANYL, principe actif du DUROGESIC, à une concentration compatible avec un usage thérapeutique,

la présence de NORDAZEPAM, principe actif du NORDAZ, et le métabolite du VALIUM, du LYSANXIA ou du TRANXENE à une concentration très faible, inférieure à la limite de quantification de la technique analytique,

la présence de KETOPROFENE, principe actif du BI-PROFENID, à une concentration compatible avec un usage thérapeutique,

la présence dans l'urine de codéine et de paracétamol, en faveur d'un usage ancien de DAFALGAN CODEINE, de TRAMADOL et de son métabolite, en faveur d'un usage ancien de CONTRAMAL, et de l'OXAZEPAM, métabolite du NORDAZEPAM'

le professeur [W] [I] indiquant 'l'association de la morphine et du fantanyl a très probablement engendré des troubles de la conscience sévères ainsi qu'une dépression respiratoire à l'origine du décès. Seul un dosage segmentaire dans les cheveux aurait pu permettre de documenter un usage chronique, mais la victime étant rasée, il demeurera impossible d'effectuer cette analyse et de déterminer avec précision l'évolution des consommations de la victime au cours des derniers mois ' (pièce 2 de l'appelante),

- que dans une attestation datée du 11/09/2014, le Docteur [A] [B], médecin-conseil d'AG2R LA MONDIALE précise notamment que 'la prescription de fentanyl associée à la morphine ne se fait qu'en cas de situation de douleur extrème de type cancéreuse, (...) que l'association d'anxiolytique, de morphine et de fentanyl n'a de cohérence médicale qu'en situation thérapeutique dépassée (personne en fin de vie)' (pièce 6 de l'appelante),

- que lors de son audition par les services de police, Melle [T] [H] déclarait notamment 'avoir une relation avec [R] [G] depuis le 1er janvier 2012 et le connaître depuis 4 ans environ, (...) que [R] avait des douleurs à l'épaule gauche assez importantes et lui disait qu'il avait accès à des médicaments et qu'en quelque sorte, il s'auto-médicalisait, qu'il est possible que ses médecins lui délivraient des ordonnances, soit il passait par l'intermédiaire des patients pour se fournir, qu'il ne lui parlait que très peu de son traitement' et elle précisait 'avant d'être avec lui, une amie commune à [R] et moi m'avait dit qu'il avait une addiction à certains médicaments. J'en avais parlé avec [R] et lui avait dit que cela ne me plaisait pas. Il m'avait dit qu'il essayait d'arrêter. Je sais que lorsqu'il était seul il consommait de l'alcool pour arriver à dormir. Je sais qu'il prenait du tranxène pour dormir, mais je n'en connais pas le dosage' (PV 2012/312/3),

- que lors de son audition par les services de police, le père du défunt, [B] [G] déclarait notamment 'je ne pense pas que mon fils ait fait une surdose de médicaments. Il prenait en effet des médicaments anti-douleurs pour des problèmes de dos mais il connaissait les risques à leur prise. Il y a peut-être eu un problème d'interactions entre ces médicaments comme vous me l'avez indiqué' (PV 2012/312/12).

Alors que les conclusions des médecins légistes sont contradictoires puisque d'une part, les docteurs [F] et [C] précisent que l'origine toxique du décès est à éliminer en première intention (rapport d'autopsie du 06/02/2012), tandis que d'autre part, le docteur [F] certifie le 27/11/2012 que le décès de [G] [R] survenu le 04/02/2012 est en rapport avec un surdosage médicamenteux, que les analyses toxicologiques n'ont pas confirmé cette dernière conclusion mais ont révélé la prise de plusieurs substances et de médicaments à une concentration compatible avec un usage thérapeutique, l'expert en toxicologie concluant que 'l'association de la morphine et du fantanyl a très probablement engendré des troubles de la conscience sévères ainsi qu'une dépression respiratoire à l'origine du décès', l'assureur n'établit pas que le décès de l'assuré a été causé de manière certaine par une interaction entre ces substances comme il le prétend en page 16 de ses écritures, la conclusion de l'expert en toxicologie faisant référence à une probabilité.

S'il résulte des constatations faites par les policiers au domicile de [R] [G] et des investigations diligentées sur réquisitions des enquêteurs que [R] [G] avait absorbé des médicaments et des substances classées dans la catégorie des stupéfiants et des anxiolitiques, il est seulement établi qu'il a présenté 'un syndrome asphyxique majeur avec oedème pulmonaire et oedème cérébral important' dont la cause exacte n'est pas déterminée avec certitude, étant observé que l'assureur n'établit nullement que les traces des produits retrouvées dans les analyses toxicologiques de l'assuré correspondent à des médicaments absorbés par lui en dehors de toute prescription médicale.

Contrairement à ce que soutient l'assureur, le fait qu'aucune prescription médicale n'a été retrouvée au domicile du défunt et que les ayants-droits de l'assuré n'aient pas déféré à sa sommation de communiquer toutes prescriptions médicales relatives aux produits retrouvés dans le sang de [R] [G] ne permettent pas de dire que ce dernier se livrait à l'auto-médication, les déclarations de Melle [T] [H] et d'[B] [G] n'excluant pas que l'assuré a pu se voir prescrire par un médecin les médicaments retrouvés chez lui.

Il n'est pas davantage établi 'qu'aucun médecin n'aurait prescrit ensemble les substances dont les traces ont été retrouvées dans les analyses toxicologiques de [R] [G] présentant des douleurs à l'épaule' comme le soutient l'assureur en se référant à l'attestation susvisée du Docteur [B], ce médecin faisant état d'une cohérence médicale de manière générale, de sorte qu'une telle prescription à l'assuré ne peut être totalement exclue.

Il s'ensuit que l'assureur, ne démontrant pas la réunion des conditions d'application de la clause d'exclusion susvisée, doit sa garantie.

La cour constate que l'assureur n'articule aucun moyen de contestation s'agissant des demandes formées par les intimés tendant à sa condamnation à leur payer la somme totale de 564 355,28 euros se décomposant, proportionnellement à leur vocation successorale conformément à l'acte de notoriété établi, comme suit :

141 088,82 euros pour [B] [G], héritier pour le quart en pleine propriété des biens composant la succession,

141 088,82 euros pour [F] [G], héritière pour le quart en pleine propriété des biens composant la succession,

282 177,64 euros pour [D] [G], héritier pour la moitié en pleine propriété des biens composant la succession.

Alors que les intimés justifient avoir réglé en qualité d'héritiers de [R] [G]:

- la somme de 385 747,77 euros selon quittance subrogative de LA LYONNAISE DE BANQUE du 04/05/2015 (pièce 15),

- la somme de 188 873,24 euros incluant des pénalités de retard, selon quittance subrogative du CREDIT LOGEMENT du 21/02/2017, lui-même subrogé dans les droits et actions du crédit Lyonnais LCL (pièce 15), étant précisé que le tableau d'amortissement de ce prêt mentionne un capital restant dû de 178 607,51 euros au 20/02/2012 (mois du décès de l'assuré),

ils sont fondés à réclamer la condamnation de l'assureur à leur payer les sommes qu'ils réclament.

En conséquence, les jugements déférés doivent être infirmés.

Sur les dommages et intérêts pour réticence abusive

Contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, il n'est nullement établi que l'assureur a fait preuve de 'résistance abusive' (page 10 du jugement rendu le 05/10/2015) ayant donné lieu à une condamnation à dommages et intérêts pour 'procédure abusive' selon le dispositif de ce jugement (page 11), les moyens de défense developpés par l'assureur suite à son assignation en justice par les consorts [G], puis lors de la réouverture des débats prononcée par le premier jugement déféré du 09/02/2015, n'étant pas de nature à caractériser un quelconque abus de droit entraînant pour les consorts [G] un préjudice spécifique.

Les consorts [G] ne démontrent pas davantage en appel que l'assureur a retenu abusivement les sommes réclamées en justice, intégralement payées lorsque le jugement du 05/10/2015 assorti de l'exécution provisoire a été signifié, étant observé qu'aucune mise en demeure préalable à l'assignation en justice n'a été adressée à l'assureur.

En conséquence, le jugement du 05/10/2015 déféré doit être ici infirmé et les consorts [G] doivent être déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour 'réticence abusive'.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement du 05/10/2015 déféré doit être ici confirmé.

Succombant, la SA LA MONDIALE PARTENAIRE supportera les dépens d'appel et devra régler à M. [B] [G], Mme [F] [G] et M. [D] [G] ensemble une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS :

La cour d'appel, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Sur renvoi après cassation partielle,

Vu les jugements déférés rendus le 09/02/2015 et le 05/10/2015,

CONFIRME partiellement le jugement déféré rendu le 05/10/2015, en ce que le premier juge a condamné la SA LA MONDIALE PARTENAIRE à verser à M. [B] [G], Mme [F] [G] et M. [D] [G] ensemble une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens,

L'INFIRME pour le surplus,

STATUANT des chefs infirmés et Y AJOUTANT,

Dit que la clause d'exclusion de garantie ainsi libellée 'tous les risques décès sont garantis par l'assureur quelle qu'en soit la cause, sous réserve des exclusions prévues par le code des assurances et celles énumérées ci-dessous (....) l'usage de drogues, stupéfiants, produits médicamenteux ou tranquillisants à dose non prescrite par une autorité médicale' est valable,

Dit que les conditions d'application de cette clause d'exclusion ne sont pas réunies et que l'assureur doit sa garantie pour le sinistre déclaré par [B] [G], [F] [G] et [D] [G] relatif au décès de [R] [G] survenu le 04/02/2012,

En conséquence,

Condamne la SA LA MONDIALE PARTENAIRE à payer :

141 088,82 euros à [B] [G], héritier pour le quart en pleine propriété des biens composant la succession,

141 088,82 euros à [F] [G], héritière pour le quart en pleine propriété des biens composant la succession,

282 177,64 euros à [D] [G], héritier pour la moitié en pleine propriété des biens composant la succession,

soit la somme totale de 564 355,28 euros se décomposant, proportionnellement à leur vocation successorale conformément à l'acte de notoriété du 10/05/2012 établi par Maître [G] [P], Notaire à [Localité 4],

Déboute [B] [G], [F] [G] et [D] [G] de leurs demandes de dommages et intérêts pour réticence abusive,

Condamne la SA LA MONDIALE PARTENAIRE à payer à [B] [G], [F] [G] et [D] [G] ensemble une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA LA MONDIALE PARTENAIRE aux dépens d'appel et en ordonne la distraction.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-4
Numéro d'arrêt : 18/06835
Date de la décision : 21/02/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3B, arrêt n°18/06835 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-21;18.06835 ?
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