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19/02/2019 | FRANCE | N°17/06005

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 19 février 2019, 17/06005


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 19 FEVRIER 2019

L.V

N° 2019/













Rôle N° RG 17/06005 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAIXA







SA EDF

SA ENEDIS





C/



[S] [R]

[R] [R]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :SCP BADIE

Me ALIAS
















>Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 02 Mars 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 14/02892.





APPELANTES



SA EDF

dont le siège social est sis [Adresse 1], pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège s...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 19 FEVRIER 2019

L.V

N° 2019/

Rôle N° RG 17/06005 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAIXA

SA EDF

SA ENEDIS

C/

[S] [R]

[R] [R]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :SCP BADIE

Me ALIAS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 02 Mars 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 14/02892.

APPELANTES

SA EDF

dont le siège social est sis [Adresse 1], pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège social et faisant élection de domicile à EDF DCPP Méditerranée, Direction Commerciale Particuliers Professionnels Méditerranée, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Martine RUBIN, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Cécile BAESA, avocat au barreau de MARSEILLE

SA ENEDIS

anciennement dénommée ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE , prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Martine RUBIN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Cécile BAESA, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Madame [S] [R]

née le à [Localité 1], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Vanessa BORG, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [R] [R]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 1], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Vanessa BORG, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 08 Janvier 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame VIGNON, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Février 2019.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Février 2019,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [R] [X][P] et Mme [S] [X] [P] sont propriétaires d'une villa sise [Adresse 5].

Dans la nuit du 1er au 02 juin 2011, un incendie s'est déclaré à l'intérieur du garage qui a été totalement sinistré et le contenu détruit. M. et Mme [R] ont été entièrement dédommagés par leur compagnie d'assurance, la GMF, des dommages subis.

Au motif qu'en dépit du rétablissement du courant le 20 septembre 2011, les problèmes de surtension ou de sous tension qui existaient depuis un certain nombre d'années persistaient à ce jour, les époux [R] ont obtenu, par ordonnance de référé en date du 12 juin 2012, la désignation de M. [M] [E] en qualité d'expert judiciaire.

Celui-c-i a déposé son rapport définitif le 15 juillet 2013.

Par acte d'huissier en date des 11 et 14 avril 2014, M. et Mme [R] ont fait assigner la SA ELECTRICITE DE FRANCE ( EDF) et la SA ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE ( ERDF) devant le tribunal de grande instance de d'Aix-en-Provence afin d'obtenir leur condamnation in solidum à effectuer, sous astreinte, les travaux et réparations qui s'imposent pour faire cesser les variations de tension et livrer une installation électrique conforme, ainsi qu'à leur verser des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance.

Par jugement contradictoire en date du 2 mars 2017, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a:

- rejeté la demande de mise hors de cause de la SA EDF,

- condamné in solidum la SA EDF et la SA ERDF à réaliser les travaux et réparations nécessaires pour faire cesser les variations de tension et livrer à M. et Mme [R] une installation électrique conforme et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai de soixante jours à compter de la signification de la présente décision,

- condamné in solidum la SA EDF et la SA ERDF à payer à M. et Mme [R] la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance,

- condamné M. et Mme [R] à payer à la SA ERDF la somme de 12.402,74 € au titre de l'énergie consommée non réglée suivant détail du calcul figurant sur le bordereau de consommation du 03 juin 2011 au 13 avril 2016,

- débouté M. et Mme [R] du surplus des chefs de leur demande principale,

- débouté la SA EDF et la SA ERDF du surplus des chefs de leur demande reconventionnelle,

- laissé à chacune des parties la charge de ses dépens.

La SA EDF et la SA ENEDIS (anciennement dénommée ERDF) ont interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 28 mars 2017.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et signifiées le 27 octobre 2017, les sociétés EDF et ENEDIS demandent à la cour de :

Sur l'appel principal,

- dire recevable et bien fondé l'appel limité interjeté par EDF SA et ENEDIS SA du jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 02 mars 2017 concernant la condamnation in solidum de la SA EDF et de la SA ERDF devenus ENEDIS à réaliser les travaux et réparations nécessaires pour faire cesser les variations de tension et livrer à M. et Mme [R] une installation électrique conforme et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai de soixante jours à compter de la signification de la présente décision,

Y faisant droit,

- réformer le jugement dont appel sur ce point et statuant à nouveau,

- prononcer la mise hors de cause d'EDF SA,

- constater que l'origine de l'incendie n'a pu en aucun cas être déterminée, l'expert n'ayant pu examiner les vestiges, et les réparations ayant été intégralement réalisées,

- constater que la compagnie d'assurance des époux [R] a intégralement indemnisé les requérants, sans qu'aucune action récursoire n'ait été engagée à l'encontre d'ENEDIS anciennement dénommée ERDF,

- constater que M. [E] procède par affirmations de manière péremptoire et sans aucun fondement technique,

- constater que M. [E] n'a fait réaliser aucune mesure de tension selon les dispositions réglementaires et normatives applicables en la matière,

- dire et juger que M. [E] n'a procédé à aucune investigation tant sur l'installation privative que sur le réseau de distribution d'énergie électrique public,

- dire et juger que ni M. [E], ni les requérants n'établissent de variations de tensions contraires aux normes et règlements applicables et imputables à ERDF, aujourd'hui ENEDIS,

- débouter M. et Mme [R] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions tant au titre de la réalisation de travaux sous astreinte qu'au titre du préjudice de jouissance qu'ils invoquent,

Sur l'appel incident,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 02 mars 2017 en ce qu'il a condamné M. et Mme [R] à payer à la SA ERDF devenue ENEDIS la somme de 12.402,74 € au titre de l'énergie consommée non réglée suivant détail du calcul figurant sur le bordereau de consommation du 03 juin 2011 au 13 avril 2016,

En tout état de cause,

- condamner M. et Mme [R] à payer à la SA EDF et à la SA ENEDIS la somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise.

Elles sollicitent en premier lieu la mise hors de cause de la SA EDF, dès lors qu'il ressort clairement de l'assignation introductive d'instance que les époux [R] se prévalent d'un problème qu'ils imputent à la distribution d'énergie électrique, que depuis le 1er janvier 2008, ERDF devenue ENEDIS est la société compétente pour connaître des activités du gestionnaire du réseau de distribution publique d'énergie électrique dans les litiges le concernant, avec pour conséquence qu'ENEDIS gère entièrement le réseau public de distribution et que désormais le distributeur ( ERDF devenue ENEDIS ) et le fournisseur ( EDF) sont deux entités juridiques distinctes. Elles relèvent que l'ensemble des manquements invoqués par l'expert relèvent bien de l'activité de gestionnaire de réseau, de sorte que EDF SA, en sa qualité de simple fournisseur, doit être mise hors de cause, d'autant que les intimés ne sont plus liés contractuellement à EDF SA au titre de leur consommation d'électricité depuis le 09 juin 2011, celle-ci ne pouvant dès lors être condamnée à réaliser des travaux sous astreinte sur le réseau public de distribution d'énergie électrique qui ne relève pas de son domaine d'activité, ni de sa compétence.

Elles concluent en outre à l'absence de toute preuve de variation de tension aux motifs que:

- le rapport d'expertise de M. [E] ne peut être homologué sur ce point, les conclusions de l'expert n'étant corroborées par aucune investigation personnelle réalisée par ce dernier, ni par aucun élément du dossier,

- M. [E] n'a réalisé qu'un seul accédit et a annulé le second qui avait pour but de mettre en place un enregistreur de tension au contradictoire de toutes les parties, de sorte qu'il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir déféré à la demande en ce sens de l'expert, qui s'il estimait qu'ERDF faisait obstruction, aurait dû saisir le juge chargé du contrôle des expertises,

- il ne peut reproché à ERDF de ne pas avoir produit les enregistrements de tension pour les mois de mai et juin 2011, puisqu'à défaut d'incident avant l'incendie, aucune donnée n'a pu être enregistrée,

- les intimés n'ont jamais produit le rapport de leur assureur suite à l'incendie en dépit des demandes de M. [E] en ce sens,

- l'expert n'a mené aucune investigation concrète:

* il n'existait lors de l'expertise aucun vestige du sinistre qui avait été conservé par les époux [R], de sorte qu'il a travaillé à partir des seuls éléments communiqués par ces derniers et sans le rapport de l'expert mandaté par la GMF,

* M. [E] n'a pas effectué de meures de tension afin de constater qu'il existait des variations d'autant que la mesure de la tension délivrée par ENEDIS s'effectue selon une procédure particulière strictement encadrée, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, l'APAVE n'ayant en outre jamais été consultée,

* l'expert n' a tiré aucune conséquence de l'existence des variations de tension engendrées par les 2 climatiseurs irréversibles, alors que M. [G], expert mandaté par ENEDIS a alerté l'attention de M. [E] sur ce point dans un dire du 29 mars 2013 et que l'existence de surtensions liée à la présence de ces deux appareils est incontestable,

- les conclusions de l'expert sont en outre erronées et plus particulièrement:

* sur l'existence de prétendues manipulations effectuées par ERDF sur le poste source, affirmation qui est dénuée de tout fondement,

* la prétendue faiblesse du réseau n'est nullement établie et ne repose sur aucune investigation concrète, aucun sinistre ou plainte de la part de riverains n'ayant été enregistré,

* l'hypothèse de la survenance d'un échauffement n'est pas crédible,

- la GMF ne s'est pas retournée contre ERDF, alors qu'il est établi qu'elle a totalement indemnisé ses sociétaires, ce qui permet de conclure que son expert a estimé que l'incendie ne relevait pas de la responsabilité d'ERDF.

Elles considèrent que les époux [R] les ont assignées au titre de variations de tension dont il n'est pas démontré l'existence, l'expert judiciaire n'ayant à aucun moment effectué un tel constat, étant précisé qu'entre 2007 et 2011, contrairement à leurs allégations, les intimés n'ont jamais fait part de quelconque problème de tension affectant leur habitation.

Elles s'opposent donc à toute condamnation à la réalisation de travaux sous astreinte, lesdits travaux n'ayant pas été déterminés par M. [E] qui ne les chiffre d'ailleurs pas, puisqu'il apparaît que les remèdes aux désordres ont déjà été mis en oeuvre.

Elles rejettent également l'existence de tout préjudice de jouissance en soulignant que les époux [R] ont refusé de régler les frais de déplacement du compteur et se sont débrouillés pour s'alimenter eux-mêmes, sans payer l'énergie distribuée et consommée et ne se sont jamais prévalus dans le cadre de l'expertise, d'un tel préjudice.

Elles sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a fait droit à la demande reconventionnelle d'ERDF devenue ENEDIS laquelle se trouve fondée à réclamer le paiement de l'énergie consommée par les intimés mais non payée, dès lors qu'il est établi qu'elle a alimenté en électricité leur habitation sans que ceux-ci ne se voient facturés à défaut de conclusion de contrats de fourniture d'énergie électrique. Elles contestent l'affirmation des époux [R] qui prétendent qu'ils avaient souscrit un contrat de fourniture d'énergie auprès d'un fournisseur de la société EDF puisqu'il ressort des pièces du dossier qu'ils ne sont plus liés depuis le 09 juin 2011 par aucun contrat avec un fournisseur. Elles estiment qu'ENEDIS est lésée par le non paiement des factures d'électricité et a donc intérêt à agir puisqu'elle est rémunérée par ce que paie le consommateur. Elles exposent que les intimés se sont branchés de façon illicite et ont consommé de l'énergie, de sorte que les conditions de l'enrichissement sans cause sont parfaitement réunies, puisqu'ENEDIS a acheminé et financé l'électricité consommée par les consorts [R]. Elles contestent enfin toute faute commise de la part d'ENEDIS qui n'avait aucune obligation de relève annuelle des compteurs du fait de l'absence de contrat de fourniture.

M. [R] [R] et Mme [S] [R], dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 28 août 2017, demandent à la cour de:

- déclarer les consorts [R] recevables et bien fondés en leurs demandes,

- débouter les sociétés ENEDIS et EDF de leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement rendu le 02 mars 2017 en ce qu'il a:

* constaté que l'incendie dont ont été victimes les consorts [R] dans la nuit du 1er au 2 juin 2011 a pour origine les variations de tension qui ont provoqué des échauffements des raccordements,

* constaté que les variations de tension ont pour origine la livraison d'énergie électrique par ERDF et EDF,

* condamné in solidum la SA EDF et la SA ERDF à réaliser les travaux et réparations nécessaires pour faire cesser les variations de tension et livrer à M. et Mme [R] une installation électrique conforme et ce sous astreinte,

- condamné in solidum la SA EDF et la SA ERDF à payer à M. et Mme [R] une indemnité en réparation de leur préjudice de jouissance,

- réformer le jugement rendu le 02 mars 2017 en ce qu'il a:

* limité le montant de l'astreinte à la somme de 100 € par jour de retard,

* limité le montant de l'indemnité au titre de leur préjudice de jouissance à la somme de 3.000 €,

- infirmer le jugement rendu le 02 mars 2017 en ce qu'il a condamné M. et Mme [R] à payer à la SA ERDF la somme de 12.402,74 € au titre de l'énergie consommée non réglée suivant détail du calcul figurant sur le bordereau de consommation du 03 juin 2011 au 13 avril 2016,

Statuant à nouveau,

- condamner in solidum la SA EDF et la SA ENEDIS à réaliser les travaux et réparations nécessaires pour faire cesser les variations de tension et livrer à M. et Mme [R] une installation électrique conforme et ce sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, commençant à courir quinze jours après la signification de la décision à intervenir,

- condamner in solidum la SA EDF et la SA ENEDIS à payer à M. et Mme [R] une indemnité de 500 € par mois depuis juin 2011 jusqu'à la réalisation complète et définitive des travaux, à titre de dommages et intérêts, en réparation de leur préjudice de jouissance,

- condamner in solidum la SA EDF et la SA ENEDIS à payer à M. et Mme [R] la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils s'opposent à la mise hors de cause de la SA EDF, le présent litige concernant des variations de tension dans la distribution et par suite, la fourniture d'énergie . Ils ajoutent que, suite au sinistre, a été mis en place un contrat de fourniture d'électricité au tarif réglementé, dont ils n'ont jamais eu communication, alors qu'ils bénéficient d'un numéro de client EDF et que leurs factures sont réglées par prélèvement automatique, de sorte que la présence d'EDF, seule à détenir lesdits documents, est nécessaire.

S'agissant des critiques formulées par les sociétés appelantes à l'encontre des conclusions de l'expert judiciaire, ils font observer que:

- M. [E] a sollicité de leur part la communication d'un certain nombre de pièces et a demandé que des mesures de tension soient pratiquées par ERDF, mais elles se sont refusées à toute communication en ce sens,

- dans le cadre de la présente instance, elles ne produisent pas davantage les résultats de ces mesures ou toute autre pièce susceptible d'éclairer le débat,

- elles ne peuvent donc soutenir que l'expert s'est fondé sur les seules pièces des demandeurs, alors qu'elles ont refusé toute communication, ni davantage que M. [E] n'a pas effectué les mesures de tension, alors qu'elles refusent également de produire les mesures qu'elles ont elles-même effectuées à la demande de l'expert,

- il ne peut être fait grief à l'expert d'avoir établi son rapport au vu des seules pièces dont il disposait d'autant que dans le cadre de leurs écritures, les parties appelantes se contentent de procéder par allégations,

- il ne peut être tiré aucune conséquence du fait que la GMF, après avoir indemnisé ses assurés des conséquences de l'incendie, n'ait pas intenté d'action à l'encontre d'ERDF, qui ne concerne en rien le présent débat.

Sur le fond, ils soutiennent que:

- si suite à l'incendie, une nouvelle installation électrique a été mise en place, les problèmes de variations de tension existent toujours,

- les variations de tension qui persistent sont toujours susceptibles de provoquer un nouvel incendie,

- ENEDIS est garant du bon fonctionnement du réseau électrique qu'elle gère et est donc parfaitement à même de déterminer les travaux nécessaires à entreprendre pour endiguer les problèmes de surtension sur le réseau électrique,

- de tels problèmes qu'ENEDIS refuse d'endiguer leur causent un préjudice de jouissance incontestable (nombreux désordres électriques aux appareils ménagers, réflexion et gestion permanente du nombre d'appareils branchés).

Ils estiment, en revanche, que le montant de l'astreinte allouée par le tribunal est insuffisant puisqu'à ce jour les travaux n'ont toujours pas été effectués, en l'absence d'exécution provisoire prononcée, de même que les dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance, qui doivent être évalués à 500 € par mois depuis la survenance du sinistre en juin 2011.

Ils contestent être redevables d'une quelconque somme au titre de l'énergie consommée et non réglée en faisant valoir que:

- ils ont souscrit, suite à l'incendie, un nouveau contrat de fourniture d'énergie auprès d'un fournisseur, la SA EDF, mais prévoyant un tarif réglementé, de sorte que le branchement au réseau n'est pas illicite,

- ENEDIS, parfaitement informée de la situation par son propre expert, aurait pu les mettre en demeure ou les aviser d'une coupure imminente, voir procéder à une telle coupure,

- son appauvrissement n'est donc dû qu'à une faute de sa part et surtout de la part d'EDF qui, malgré la souscription par eux d'un contrat de fourniture, n'a pas daigné communiquer ce contrat, ni les factures de consommation d'électricité,

- le bordereau de consommation dont ERDF se prévaut a manifestement été établi pour les besoins de la cause, alors qu'elle n'a jamais fait procéder au moindre relevé des compteurs.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 novembre 2018.

MOTIFS

Sur la mise hors de cause de la SA EDF

En l'espèce, il ressort clairement de l'acte introductif d'instance des époux [R] ainsi que de leurs conclusions notamment devant la cour que ces derniers déplorent des problèmes de tension qui ne concernent ni la production, ni la commercialisation de l'électricité mais sa distribution.

Il résulte de l'article 14 de la loi du 09 août 2004, dans sa rédaction issue de la loi du 07 décembre 2006, que la séparation juridique entre l'entité assurant la gestion du réseau de distribution d'électricité et celles exerçant des activités de production ou de fourniture de celle-ci a entraîné, à compter de son entrée en vigueur le 1er janvier 2008, le transfert à ERDF (devenue ENEDIS) , des obligations relatives à l'activité de gestionnaire du réseau, sans modification des contrats en cours. Ce texte a donc opéré une substitution de ERDF à EDF pour la gestion du réseau de distribution, les obligations précédemment contractées à ce titre par EDF ayant été légalement transférées à ERDF à compter du 1er janvier 2008, cette substitution s'imposant à l'abonné sans modification de son contrat.

Il en résulte, l'instance ayant été introduite postérieurement au 1er janvier 2008, que ERDF ( devenue ENEDIS) est la seule société compétente pour connaître des activités du gestionnaire du réseau de distribution d'énergie électrique dans les litiges le concernant et que la SA EDF, en sa qualité de fournisseur, doit être mise hors de cause.

Sur les demandes de M. et Mme [R]

Les époux [R] recherchent la responsabilité de la société ENEDIS aux motifs que:

- le sinistre survenu dans la nuit du 1er au 2 juin 2011 a pour origine des variations de tension qui ont provoqué des échauffement des raccordements,

- en dépit de la nouvelle installation électrique qui a été mise en place, les phénomènes de surtensions sur leur ligne persistent, justifiant leur demande de condamnation sous astreinte à effectuer les travaux de réparations nécessaires ainsi que de mise en conformité de leur installation électrique.

Aux termes de son rapport, M. [E] conclut que ' Les causes du sinistre résultent des effets de variation de tension qui sont survenues et en particulier des surtensions provoquant des échauffements de raccordement, car la villa se trouve en extrémité de ligne aérienne. Lorsque le distributeur rencontre des besoins importants en bout de ligne et alors que les aménagements de réseaux tardent à suivre, il élève la tension au poste source. Nous avons demandé des informations sur les tensions pratiquées et nous ne les avons pas obtenues. Ces effets ont pour origine la livraison d'énergie électrique par ERDF et EDF et non la distribution intérieure de la villa. Les remèdes aux désordres et travaux nécessaires ont déjà été mis en oeuvre et les travaux de reprise électrique ont été effectués par la société SGE MEDITERRANEE selon facture du 30 juin 2011 pour les travaux de reprise des installations électriques (...)'.

La société ENEDIS conteste les conclusions de l'expert s'agissant plus particulièrement de l'origine de l'incendie aux motifs que lesdites conclusions ne sont corroborées par aucune investigation personnelle réalisée par M. [E] lui-même, lequel s'est contenté de procéder par voie d'affirmation sans élément de preuve ( il ne subsistait aucun vestige de sinistre) et sans expliquer son raisonnement, au demeurant erroné.

Il convient toutefois de relever que:

- il ne peut être reproché à M. [E] d'avoir effectué ses constatations à partir des dossiers et planches photographiques fournies par les propriétaires de la villa, puisqu'il n'est pas contesté que les travaux de reprise avaient été effectués, étant souligné que tant l'incendie, sa localisation ainsi que son ampleur ne sont l'objet d'aucune contestation,

- ERDF a refusé la communication des pièces réclamées par l'expert judiciaire et notamment les enregistrements de tension au poste source à l'époque des faits et ne peut utilement soutenir ne pas être en mesure de les produire au seul motif, précisément non démontré, qu'aucune variation de tension n'avait été enregistrée en mai-juin 2011,

- M. [E] lui a demandé de pratiquer des mesures de tension à laquelle elle n'a pas davantage procédé ou, en tout état de cause, n'a pas produit lesdites mesures si elle les a effectivement réalisées,

- de même, ENEDIS ne peut pas reprocher à l'expert de ne pas avoir consulté l'APAVE ou d'avoir sollicité la production du consuel, alors qu'elle n'a déposé aucun dire, ni aucune demande en ce sens lors des opérations expertales, ni davantage détailler, selon elle, la seule méthode de mesure de tension qui aurait dû être pratiquée, alors que précisément elle s'est délibérément abstenue de communiquer les éléments de preuve qu'elle avait pourtant nécessairement en sa possession.

Devant la cour, ENEDIS se contente de procéder par voie d'allégations sans fournir cependant le moindre élément nouveau, le seul rapport de synthèse adressé pour le compte et dans les intérêts d'ERDF par l'intermédiaire d'un dire à M. [E] ayant fait l'objet d'une réponse précise et circonstanciée de la part de l'expert judiciaire qui a maintenu sa position en l'étayant d'un point de vue technique.

Enfin , il ne peut être tiré aucune conséquence du fait que l'assureur des époux [R], après avoir indemnisé ses assurés des conséquences de l'incendie, n'aurait pas intenté d'action à l'encontre d'ERDF, ce qui ne concerne en rien le débat et n'est d'ailleurs pas établi.

Au regard de ces éléments, les conclusions de M. [E] seront entérinées et il y a lieu de dire que l'incendie a pour origine les phénomènes de surtension provoquant des échauffements des raccordements.

En revanche, à aucun moment, M. [E] n'a constaté l'existence de variations de tension actuelles puisqu'au contraire:

- il a clairement indiqué que les remèdes aux désordres et travaux ont déjà été mis en oeuvre et les travaux de reprise électrique effectués, en mentionnant notamment que ' à ce jour, le sinistre a été indemnisé et l'installation électrique a été reconstituée (y.c dans les réseaux basse tension internes à la ville) par la société SGE MEDITERRANEE '

- il n'a donc préconisé aucun remède, ni travaux nécessaires pour mettre fin à des désordres qui n'existent plus.

Or, M. et Mme [R] n'apportent strictement aucun élément qui démontrerait à la fois que les phénomènes à l'origine de l'incendie survenu en juin 2011 persistent depuis la réalisation des travaux, ni que lesdits travaux et que l'installation électrique qui ont été livrés aux intimés ne sont pas conformes. Ils ne produisent aucune réclamation relative à un problème de surtension survenu postérieurement au sinistre, ni déclaration auprès de leur assureur concernant des appareils endommagés, ni davantage de factures de réparations de leur électroménager.

Ils ne peuvent donc réclamer la condamnation de la société ENEDIS, sous astreinte, à ' réaliser tous les travaux et réparations qui s'imposent pour faire cesser les variations de tension et à livrer aux concluants une installation électrique conforme' sans indiquer, ni déterminer la nature exacte des travaux qui seraient à réaliser, alors que l'expert judiciaire ne fait état d'aucun travaux à réaliser, les remèdes aux causes du sinistre ayant été apportés.

Ils seront donc déboutés de leur demande à ce titre.

En revanche, la société ENEDIS étant responsable du sinistre survenu dans la nuit du 1er au 2 juin 2011, les époux [R] sont fondés à réclamer l'allocation de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance jusqu'au 30 juin 2011, date de réalisation des travaux de reprise d'électricité, période durant laquelle leur villa n'était plus alimentée en électricité.

Il leur sera octroyé une somme de 500 € en réparation de ce chef de préjudice.

Sur la demande reconventionnelle de la société ENEDIS

Il ressort des pièces produites que le 09 juin 2011, M. et Mme [R] se sont vus adresser une facture de résiliation par la société EDF concernant leur point de livraison.

Si effectivement le 27 juin 2011, la SA EDF leur a adressé un courrier, concernant toujours le même point de livraison, pour la souscription d'un contrat de fourniture d'électricité au tarif réglementé, ce contrat n'a cependant n'a jamais été mis en place, les intimés n'ayant retourné ni le contrat signé, ni l'autorisation de prélèvement.

Il en résulte que contrairement à leurs affirmations, ils ne sont pas liés par un contrat au tarif réglementé avec la SA EDF, ni avec aucun autre fournisseur, étant précisé qu'ils sont dans l'incapacité de produire une quelconque pièce attestant d'un tel contrat et encore moins du règlement par leurs soins de factures au titre de leur consommation d'électricité.

Il ressort surtout des constatations de M. [E] qu'en réalité, les consorts [R] ont procédé eux-mêmes dès le 07 juillet 2011 à un branchement illicite à l'électricité sans passer par l'intermédiaire d'un fournisseur quel qu'il soit.

Depuis cette date, les consommations en l'électricité n'ont pas été facturées, ce qui est constitutif d'un appauvrissement par manque à gagner pour la société ENEDIS, puisque lorsque le client consomme sans fournisseur la perte du distributeur en est majorée, puisque celui-ci non seulement finance de fait l'électricité consommée par les intimés mais également ne perçoit pas la rémunération résultant de l'acheminement.

Corrélativement, les dépenses évitées par les époux [R] constituent un enrichissement pour eux.

La société ENEDIS est donc fondée, au titre de l'action de in rem verso, à solliciter le paiement de cette énergie consommée mais non payée, les intimés ne pouvant reprocher au distributeur de s'être fautivement abstenu de relever les compteurs alors qu'un tel grief ne peut lui être fait en l'absence de souscription d'un contrat de fourniture.

C'est également en vain que ces derniers prétendent qu'alors qu'elle était informée de la situation, la société ENEDIS aurait dû les alerter ou procéder à une coupure, alors qu'ils ne pouvaient ignorer qu'ils consommaient de l'électricité sans recevoir de facture et sans la payer et qu'ils ne peuvent invoquer leur propre turpitude.

La société ENEDIS produit un détail de calcul de la consommation d'énergie pour un montant de 12.402,76 € sur une période de près de cinq ans ( juin 2011- avril 2016), lequel est corroboré par la facture du 30 mars 2011 de la SA EDF concernant les intimés qui démontre que ces derniers consommaient de l'électricité à hauteur de 2.523,87 € pour un an, outre les autres prestations d'un montant de 401,94 € .

En conséquence, ils seront condamnés à payer à la société ENEDIS la somme de 12.402,76 € au titre de l'énergie consommée et non réglée.

En définitive, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné M. [R] et Mme [S] [R] à payer à la SA ERDF ( devenue ENEDIS) la somme de 12.402,74 € au titre de l'énergie consommée non réglée.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en ce qu'il a condamné M. [R] et Mme [S] [R] à payer à la SA ERDF ( devenue ENEDIS) la somme de 12.402,74 € au titre de l'énergie consommée non réglée,

Le réforme pour le surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Met hors de cause la société ELECTRICITE DE FRANCE ( EDF),

Déboute M. [R] et Mme [S] [R] de leur demande de condamnation de la société ENEDIS à réaliser les travaux et réparations nécessaires pour faire cesser les variations de tension et livrer à M. et Mme [R] une installation électrique conforme et ce sous astreinte,

Condamne la société ERDF à payer à M. [R] et Mme [S] [R] la somme de 500 € en réparation de leur préjudice de jouissance,

Condamne M. [R] et Mme [S] [R] à payer à la société ENEDIS et à la société EDF la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [R] et Mme [S] [R] aux dépens de première instance et de la procédure d'appel, qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 17/06005
Date de la décision : 19/02/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°17/06005 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-19;17.06005 ?
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